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Susam-Sarajeva, Sebnem (2006) : Theories on the Move. Translation’s Role in the Travels of Literary Theories, Amsterdam et New York, Rodopi, 241 p.[Notice]

  • Annie Brisset

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  • Annie Brisset
    Université d’Ottawa, Ottawa, Canada

Bien qu’il ne se réclame ouvertement d’aucun modèle parmi ceux qui dominent aujourd’hui l’étude des flux de traduction et des agents qui en sont les initiateurs ou les médiateurs, on peut considérer que cet ouvrage s’inscrit dans le courant sociologique de la traductologie. Avant tout, il est original par le choix de son objet et la nature de ses analyses. La critique occidentale des traductions s’est principalement édifiée sur l’observation de corpus littéraires ou assimilés. Susam-Sarajeva prend le parti de déplacer le regard vers la traduction de textes conceptuels. Son objectif est de mettre en relief le rôle de la traduction dans la circulation des idées. Qu’advient-il des théories de la littérature et de la culture une fois transférées hors du système qui les a produites ? En rappelant que la traduction est une condition nécessaire à la transmission des savoirs entre les cultures, l’auteure soutient que la nature transformatrice de cette opération s’oppose à l’idée que les théories seraient universelles, c’est-à-dire transparentes, identiques à elles-mêmes dans leurs migrations interculturelles, sans égard pour les asymétries linguistiques et les rapports de pouvoir. Au lieu de s’attacher aux problèmes de langue que pose le transfert d’une théorie et des concepts qui la sous-tendent, Susam-Sarajeva examine la traduction sous deux aspects. Comment la sélection des théories étrangères et de leurs auteurs agit-elle comme révélateur des besoins et des intérêts qui en conditionnent l’importation et le traitement dans le système récepteur ? Comment le système récepteur façonne-t-il la représentation des textes importés et de leurs auteurs suivant sa propre logique d’interprétation et d’autoconstruction ? Dans cet essai, la notion de système est définie comme un sous-ensemble de la culture constitué des individus et des institutions ayant réagi en quelque manière aux théories importées – ceux qui les ont utilisées, ceux qui les ont rejetées et ceux qui en ont d’abord eu connaissance (p. 5). Les analyses portent principalement sur le discours de ces individus et institutions. C’est donc un système de sens qui est examiné dans chacun des deux cas à l’étude : la critique littéraire turque des années 1960-1990 et la critique féministe anglo-saxonne des années 1970-1990. Ici, la notion de « système » provient du courant descriptif et polysystémique que Susam-Sarajeva choisit explicitement comme cadre de son étude (p. 15). Néanmoins, elle récuse la notion de « système cible » qui, précise-t-elle avec raison, masque le rôle d’initiative et certainement le rôle actif que joue, dans le processus de traduction, ce qu’elle préfère appeler le « système récepteur ». La nuance entre les deux étiquettes est ténue. Toutefois, le motif du changement d’appellation ouvre une perspective qui se rapproche de la théorie des systèmes sociaux telle qu’on la voit en partie chez Castoriadis mais surtout chez Luhmann. À ceci près que la définition du système y est bien différente puisque Luhmann considère que seule la communication est observable (« seule la communication communique »), contrairement aux « systèmes psychiques » de ses vecteurs humains. La plupart des analyses de Susam-Sarajeva sont pourtant proches de ce modèle dans la mesure où elles portent sur ce qui est communiqué, à savoir sur ce que le système sélectionne dans son environnement, puis transforme pour les besoins de sa survie et de son évolution. Les agents de la traduction occupent en revanche une place mineure (une douzaine de pages sur l’ensemble de l’ouvrage), contrairement à ce que la définition du système, centrée sur les personnes, pouvait laisser croire : « theory does not travel by itself. It travels through people […] these people form what is called “the receiving system” » (p. 206). La …