Introduction[Notice]

  • Michel Politis

La révolution cognitiviste des années 50, qui a donné naissance aux sciences cognitives, ne pouvait pas ne pas influencer l’évolution de la traductologie. Grâce à ce mouvement nous avons graduellement pris conscience que la traduction n’est pas seulement une forme particulière de communication, mais elle consiste également à un processus cognitif particulier auquel la cognition joue un rôle central. Si nous pouvons prétendre que le colloque sur La compréhension du langage, qui s’est tenu à Créteil en septembre 1980, constitue la première prise de conscience collective de la dimension cognitive de la traduction, il a fallu plusieurs années pour que cette dimension prenne sa place dans les courants de la traductologie. Ceci a été réalisé surtout grâce au développement spectaculaire des sciences cognitives ces dernières années et l’intensification des rapports entres traductologues et psychologues. Les fruits de ces rapports sont déjà palpables. Faisant partie de ce mouvement, des enseignants du Département de Langues Étrangères, de Traduction et d’Interprétation (DELTI) de l’Université ionienne ont établi des rapports étroits avec leurs homologues partageant les mêmes inquiétudes scientifiques. C’est ainsi que fut créé en 2003 le Master franco-hellénique « Sciences de la Traduction – Traductologie et Sciences cognitives » en collaboration avec l’Université de Caen. Ce master joue depuis un rôle moteur dans l’approche cognitiviste de la Traductologie en France et en Grèce. Lors des septièmes journées scientifiques du Réseau Lexicologie, terminologie, traduction (LTT) de l’AUF, qui ont eu lieu à Bruxelles en septembre 2005, le Directeur de la revue META Professeur André Clas nous a lancé un grand défi : si nous organisions à Corfou un colloque international ayant comme thème l’approche cognitiviste de la traductologie, il publierait volontiers les meilleures communications. Le département de langues étrangères, de traduction et d’interprétation de l’Université ionienne ayant accepté d’accueillir ce colloque, nous nous sommes mis sans tarder au travail. En très peu de temps, nous avons pu confirmer la participation de spécialistes en la matière de 8 pays différents et le soutien des ambassades de France et du Canada à Athènes ainsi que du réseau LTT de l’AUF. En effet, le 7 et 8 avril 2006 se sont réunis à Corfou des spécialistes venant du Canada, du Royaume Uni, de la France, de la Belgique, de Chypre, du Liban, de Jordanie et de la Grèce qui ont partagé leurs réflexions et leur savoir avec leurs homologues devant une assistance nombreuse qui y a assisté activement. Lors des préparatifs de ce colloque plusieurs personnes se sont posées la question à savoir s’il ne manquait pas un point d’interrogation au titre (« Traductologie, une science cognitive »). Une question à priori légitime dans la mesure où rares étaient en Grèce les personnes qui soutenaient cette idée ou qu’ils acceptaient une dimension cognitive de l’acte traductionnel. Donc, le défi était en fait double : organiser ce colloque et essayer de répondre à cette question. À notre avis, la qualité et la diversité des communications et de la discussion qui a suivi ont permis de confirmer que le point d’interrogation n’était pas nécessaire, car l’acte traductionnel en lui-même est en fait un processus par essence cognitif. La saisie du sens et son réexpression dans une autre langue implique des tâches relavant de plusieurs sciences que nous qualifions cognitives, à savoir les neurosciences, la psychologie cognitive, la psycholinguistique, l’anthropologie, l’intelligence artificielle, etc. Ainsi, au moins deux communications ont mis l’accent sur l’importance d’étudier les mécanismes neurophysiologiques impliqués dans l’activité traduisante. Dans l’une d’entre elles, l’intervenante a présenté les résultats de ses travaux concernant le fonctionnement mnésique du traducteur lors de l’opération traduisante en se servant d’un protocole expérimental basé …