Si les langues et les formes de traduction sont multiples, il en va de même des manifestations de la mondialisation. Les textes qui suivent ont tous, dans un premier temps, fait l’objet de communications lors du 16e Congrès de l’Association canadienne de traductologie sous le thème « Traduction et mondialisation » (Université Dalhousie, Halifax, 2003). Depuis le colloque d’Halifax, la mondialisation a poursuivi et multiplié ses transformations, et les langues et la traduction à travers elle, tout autant. Ce qui n’a pas changé, c’est la pertinence des articles qui composent ce numéro spécial intitulé Langue, traduction et mondialisation : interactions d’hier, interactions d’aujourd’hui. À observer de près ses multiples manifestations, on constate assez rapidement que le terme « mondialisation » et ses emplois recoupent une foule de phénomènes différents, qui vont parfois jusqu’à s’avérer incompatibles. La mondialisation, dans le domaine géopolitique, est souvent synonyme de « conflit » et d’« interdépendance ». Depuis une perspective davantage socioculturelle, elle a aussi été, combien de fois depuis maintenant plusieurs années, synonyme d’« hégémonie culturelle » (n’a-t-elle pas été, à tort ou à raison, associée au néologisme bien commode et incommode de mcdonalisation), mais aussi de « métissage ». Politiquement, on a associé et continue d’associer la mondialisation aux termes d’« intégration » et d’« autonomie », entre autres. Et quant au concept de mondialisation en tant que tel, l’on sait trop bien qu’il ne peut être réduit à l’un ou l’autre de ces termes génériques, ni à l’une ou l’autre de ses causes et de ses conséquences. Car il est évident que, parmi ses caractéristiques propres, il ne faut oublier sa nature contradictoire, qui est peut-être son trait distinctif premier. Comme ce fut longtemps le cas en contexte colonial, la traduction demeure aujourd’hui, à l’heure de ce qu’on appelle actuellement, et plus que jamais, la mondialisation, un instrument de maîtrise et de domination pour les uns, un outil de résistance pour les autres. Dans les articles qui suivent, la mondialisation est soumise à un rigoureux examen qu’on aborde depuis diverses pratiques et perspectives traductionnelles. Ce que nombre des articles permettent ici d’évaluer, ce sont les effets de la mondialisation dans des contextes bien précis et bien réels, notamment grâce à une description critique des textes, des approches et des rapports hiérarchiques qui sont en jeu. Ce que toute une autre série d’articles permet d’étudier, c’est si la traduction contribue au maintien et au renfort de ces rapports, ou alors s’annonce et prend effectivement forme dans le démantèlement ou l’affaiblissement de ces rapports. Mais comment présenter la traduction et la mondialisation en contexte ? Dans « Globalization and the Politics of Translation Studies », Anthony Pym veut resituer la traductologie eu égard à la mondialisation et aux nouvelles formes de traduction. Cette discipline doit se redéfinir ne serait-ce que parce qu’elle fonctionne toujours sur le mode original/traduction unique, ce modèle ayant depuis longtemps fait place à la réalité internationale/traductions multiples. Pour changer cette image, les traductologues doivent travailler à donner de la visibilité à leur discipline, en particulier dans les grands ensembles où elle est à peu près ignorée, aux États-Unis, par exemple. La modernisation exigée par la mondialisation passe sans doute aussi par la création de grands regroupements, mondiaux, de personnes s’intéressant à la traduction. Si la mondialisation est marquée par l’interculturel, il faudrait que la traductologie se donne des assises internationales englobant tous les chercheurs de la discipline. On l’a déjà dit, et en soi cela n’étonne pas, que l’un des domaines où les effets de la mondialisation sont les plus évidents est celui de la langue. Encore …