Alessandra Riccardi, professeur associé d’interprétation simultanée à la Scuola Superiore di Lingue Moderne per Interpreti e Traduttori de l’Université de Trieste, est interprète de conférence et rassemble dans ce livre plusieurs études sur l’interprétation, et plus particulièrement la simultanée, fruit de son expérience professionnelle. Il s’agit en réalité d’une monographie qui tente de faire l’état de la question, en prenant en compte tant les aspects théoriques que pratiques ou historiques. Le lecteur se voit ainsi offrir un vaste panorama critique des recherches dans le domaine de l’interprétation, sans oublier le domaine professionnel. Le chapitre introductif intitulé Traduzione e interpretazione définit les rôles respectifs de la traduction et de l’interprétation par une plongée dans l’histoire. La dimension diachronique permet d’examiner l’évolution historique du sens attribué au vocable latin interpretari, lequel, aux yeux de l’auteur, a servi à désigner tantôt la traduction, tantôt l’interprétation, tantôt les deux, à partir de l’époque romaine. À la différence des traductions littéraire et philosophique, l’interprétation aurait joui dans le passé d’un prestige moindre, ce qui expliquerait qu’elle ait été négligée par les chercheurs. En réalité, nous n’avons pas de preuve de cette allégation et l’histoire semble plutôt montrer que la traduction utilitaire (la pierre de Rosette en est un bon exemple) a occupé pendant de nombreux siècles le devant de la scène. Quoi qu’il en soit, la perspective diachronique autorise un balisage des notions et une relativisation des acquis de notre époque. La multiplicité des points de vue qui ont jalonné les époques met en évidence la fragilité d’opinions en apparence définitives. L’auteur estime que, si l’interprétation a eu pour objectif et raison d’être la médiation linguistique à des fins militaires, politiques ou commerciales, la traduction a poursuivi des finalités diverses, comme la connaissance de la culture littéraire, philosophique et religieuse d’autres pays. De même, la traduction aurait été pendant longtemps un exercice d’érudition permettant de mettre à l’épreuve ses propres connaissances et aptitudes littéraires et linguistiques. Ici encore, l’affirmation me semble péremptoire et en tout cas inapplicable à l’histoire en général. On sait par exemple que Descartes écrivit d’abord ses Méditations métaphysiques en latin pour obtenir la reconnaissance de ses pairs, puis les donna en français pour s’assurer un public. Une auto-traduction à des fins spécifiques. Ce premier chapitre s’attarde aussi sur la distinction devenue classique entre traduction littérale et traduction libre, vue à la loupe de l’histoire. On peut y lire que la traduction des textes sacrés privilégiait l’option ad litteram, contrairement à la traduction considérée comme un exercice littéraire et par conséquent ad sensum ; qu’à l’époque romaine, la traduction libre était recommandée ; que le xvie siècle français (!) a donné naissance au courant des belles infidèles. Au risque de me répéter, outre les erreurs mentionnées, l’histoire de la traduction est beaucoup plus complexe et ne se laisse pas réduire à des considérations aussi génériques, pour des raisons de commodité articulatoire. L’opposition entre traduction littérale et traduction libre est ensuite illustrée de manière beaucoup plus approfondie par la position de Schleiermacher en la matière, ce qui s’explique par le fait que l’allemand est, aux côtés de l’italien, la langue de travail de l’auteur. Il y a ici un déséquilibre entre le développement consacré à l’histoire en général et la place accordée au seul philosophe allemand, même si bien entendu son rôle aux côtés de Von Humboldt dans la fondation de l’Université de Berlin en 1810 et dans la Bildung elle-même est essentiel. Le deuxième chapitre, Studi di traduzione e d’interpretazione, passe en revue les positions des théoriciens de la traduction à propos de l’interprétation, confinées il est …
Riccardi, A. (2003) : Dalla traduzione all’interpretazione, Studi d’interpretazione simultanea, Milan, Edizioni Universitarie di Lettere Economia Diritto, 302 p.[Notice]
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Christian Balliu
Haute École de Bruxelles, Bruxelles, Belgique