Le présent ouvrage s’inscrit dans la collection portant sur la littérature et la culture pour enfants dont l’objet est de promouvoir la recherche dans ce domaine et de tracer de nouvelles perspectives grâce à la collaboration de chercheurs du monde entier. Riitta Oittinen, professeur de traduction à l’Université de Tampere (Finlande), s’intéresse aux questions de sémiotique. Elle est également illustratrice et productrice de dessins animés pour la jeunesse. Comme elle le rappelle dans sa préface, la traduction a joué un rôle vital en Finlande dans l’affirmation culturelle et politique de cette petite nation isolée linguistiquement et coincée entre ses puissants voisins scandinaves et slaves. Cependant, malgré la riche tradition de traduction de la littérature enfantine dont jouit la Finlande, ce domaine avait fait l’objet de peu de recherches traductologiques jusqu’au début des années 1980. Avec son livre, Riitta Oittinen vient combler une lacune et démontrer la vigueur des recherches de traductologie en Finlande ainsi que l’intérêt croissant pour les recherches dans ce domaine. L’auteur propose ici une étude et une réflexion axées sur le rôle du traducteur, charnière essentielle de la communication translinguistique qui s’établit entre auteurs et enfants lecteurs. Elle fonde son analyse sur le concept du dialogisme, en référence aux travaux de Mikhaïl Bakhtine, auquel elle adjoint le principe de loyauté, élaboré par l’approche fonctionnaliste en traduction (Christiane Nord) et les théories sociologiques visant à réhabiliter le rôle du traducteur sur les plans social et littéraire (Robinson). Ainsi, elle se démarque nettement des approches traditionnelles basées sur les notions d’équivalence, de fidélité entre textes, du vouloir-dire de l’auteur, tel qu’il se manifeste dans le texte. Pour elle, ces approches relèguent le rôle du traducteur dans l’oubli : L’objectif de l’étude présentée dans l’ouvrage est double. L’auteur entend, d’une part, mettre en lumière le rôle du traducteur, particulièrement dans le cas de la traduction pour enfants, et, d’autre part, démontrer la primauté du contexte global (la situation historique, culturelle, idéologique en vigueur dans un état de société donné) sur la conception de la traduction comme recherche et reproduction des intentions de l’auteur telles qu’inscrites dans le texte. Posant le principe de la loyauté du traducteur comme seul garant de fidélité, elle s’insurge contre la conception de la traduction « transparente » qui ne ferait que restituer dans une autre langue l’exact pendant du texte source. C’est, en effet, en affirmant son rôle déterminant, en se rendant visible, en orientant son travail vers le lecteur récepteur, que le traducteur fera preuve de la plus grande fidélité envers l’oeuvre : La littérature pour enfants est ainsi définie : « I see children’s literature as literature read silently by children and aloud to children » (p. 4). L’auteur précise cette première définition, implicite, généralement acceptée par les auteurs et les éditeurs en relevant deux caractéristiques fondamentales de ce champ littéraire dont, selon elle, les chercheurs ont peu tenu compte. La première est constituée par les illustrations : La seconde relève du fait que ces oeuvres sont conçues pour être lues à voix haute : « Reading aloud, too, is characteristic of books for children » (p. 5). L’ouvrage prendra en compte et approfondira ces deux aspects fondamentaux de la traduction pour enfants : la lecture (à voix haute ou silencieuse) ainsi que la mise en relation des mots avec les illustrations. Le livre est organisé en six chapitres. L’auteur, après avoir défini ses objectifs ainsi que le choix de son approche, aborde les questions centrales de la situation contextuelle et de l’équivalence (chapitre 1). À l’instar des théoriciens des écoles fonctionnaliste (Nord, Reiss et Vermeer) et sociologique (« manipulative school », p. …
Parties annexes
Références
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- Peytard, J. (1995) : Mikhaïl Bakhtine. Dialogisme et analyse du discours, Paris, Bertrand-Lacoste.
- Reiss, K. and H. J. Vermeer (1984) : Grundlegung einer allgemeinen Translationstheorie, Tübingen, Max Niemeyer Verlag.
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