Dossier

IntroductionLe collège classique au Canada français : formation, sociabilité et constructions identitaires[Notice]

  • Marianne Arseneau,
  • François Bonnet et
  • Michel Bock

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  • Marianne Arseneau
    Université d’Ottawa

  • François Bonnet
    Université d’Ottawa

  • Michel Bock
    Université d’Ottawa et Université de Sudbury

À partir du xixe siècle, les États occidentaux s’intéressent de plus en plus à la question de l’éducation, devenue un outil de construction nationale de première importance. Cette préoccupation devient vite prépondérante au Canada français, où l’éducation est considérée comme un des piliers fondamentaux de la « survivance » du fait français et du catholicisme en Amérique du Nord. Les collèges classiques s’inscrivent ainsi parmi les institutions les plus importantes et, à plusieurs égards, emblématiques de l’histoire du Canada français. S’imposant dans le temps comme lieux de formation pour l’élite canadienne-française, comme terreaux de transmission et de renouvellement de la tradition, mais aussi comme foyers d’une vie intellectuelle, culturelle et artistique particulièrement riche, les collèges classiques ont joué un rôle considérable dans le cheminement de la collectivité, en raison de leur longévité et de leur évolution. Leur histoire débute par la fondation par les Jésuites du premier collège à Québec en 1635. Pour sa part, le premier collège féminin, oeuvre de la Congrégation de Notre-Dame, ouvre ses portes à Montréal en 1908. À partir des années 1960, on assiste toutefois à la disparition graduelle de cette institution qui, loin de demeurer figée dans un modèle particulier d’enseignement, s’était adaptée aux transformations de la société et aux réalités des différentes régions. Cette évolution témoigne d’ailleurs du parcours et des mutations de la collectivité franco-canadienne elle-même : la dissolution des collèges classiques lors de la Révolution tranquille correspond à la laïcisation massive de l’organisation sociale du Canada français et à ce qui est conçu, à l’époque, comme son éclatement idéologique et identitaire. Les collèges classiques, par-delà leur vocation éducative, constituent également des lieux d’expression créative et de précieux milieux de rencontre, d’échange, de sociabilité et d’engagement. Parmi les pensionnaires, surtout, la vie collégiale est synonyme de camaraderie, de fraternité ou de sororité, grâce notamment aux nombreux mouvements et aux nombreuses activités parascolaires qui s’y déploient. Ces profonds liens d’amitié, noués à un jeune âge, transcendent fréquemment le passage à l’âge adulte. Les groupes formés au cours des études sont parfois entretenus sous la forme de réseaux divers et prolifiques, dont certains sont à l’origine de la création d’organisations politiques, artistiques et culturelles d’importance au Canada français. Nombre d’actrices et d’acteurs majeurs de la vie francophone en Amérique ont ainsi fait leurs premières armes dans des collèges classiques. Malgré sa disparition dans les années 1960, le cours classique n’a pas tout à fait évacué la mémoire collective québécoise et franco-canadienne, et sa référence reste prégnante dans l’espace public. En effet, comme l’affirme Louise Bienvenue, le cours classique « et les institutions qui l’ont dispensé au fil des ans travaillent toujours l’inconscient scolaire québécois d’une manière discrète, certes, et néanmoins persistante ». En témoignent, notamment, les débats pédagogiques des dernières décennies, dans lesquels affleure régulièrement la référence au collège classique, ou, du moins, une certaine représentation idéalisée de celui-ci qui en fait, selon les mots de l'historienne Denyse Baillargeon, « une institution quasi mythique au Québec ». C’est sans surprise, donc, que l’on constate que les collèges classiques font l’objet de célébrations dans l’espace public et d’études de plus en plus nombreuses. En matière de célébrations et de récits de vie, on pense à divers événements comme les anniversaires de collèges classiques devenus des cégeps ou des collèges privés, aux réunions d’anciens étudiants ou d’anciennes étudiantes, à la parution d’ouvrages commémoratifs consacrés à des établissements particuliers ou à la publication des mémoires d’anciens collégiens. Les travaux de Louise Bienvenue sur le collège classique en tant que lieu de mémoire s’intéressent d’ailleurs à la persistance de la place qu’occupent les collèges classiques dans l’imaginaire …

Parties annexes