Comptes rendus

Louise Bienvenue et François-Olivier Dorais (dir.). Profession historienne ? Femmes et pratique de l’histoire au Canada français, xixe-xxe siècles, Québec, Presses de l’Université Laval, 2023, 518 p.

  • Marie-Eve Larivière

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  • Marie-Eve Larivière
    École d’études sociologiques et anthropologiques, Université d’Ottawa

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Couverture de La vie musicale dans les années 1920 au Québec, Volume 24, numéro 1, automne 2023, p. 5-198, Mens

Ouvrage ambitieux, dont Louise Bienvenue et François-Olivier Dorais se partagent la direction, Profession historienne? est une contribution à l’historiographique du Canada francophone qui arrive à point alors qu’on se presse de faire oeuvre de mémoire des intellectuelles ayant marqué les années 1970 et 1980. Devant le constat que les femmes demeurent encore aujourd’hui absentes de l’historiographie, le collectif se propose d’ouvrir un véritable chantier pour « exhumer […] des figures historiennes oubliées » (p. 2). À travers les dix-neuf chapitres de l’ouvrage, une vingtaine d’autrices et d’auteurs offrent une réflexion élargie sur la participation des femmes à ce que Bienvenue et Dorais nomment « l’écosystème de la production du savoir historique et sa dissémination dans le tissu social » (p. 2). Sans adopter une posture ouvertement féministe, l’orientation prise par le collectif s’inscrit néanmoins dans une réflexion inspirée par ce mouvement intellectuel : un regard critique sur l’expérience masculine dissimulée sous les prétentions de l’universalisme et de l’objectivité scientifique. Le collectif se propose ainsi de réfléchir aux « logiques d’exclusion » du travail des femmes à l’édifice de la science historique résultant de la division genrée du travail savant, mais aussi de la professionnalisation de la pratique historienne. C’est notamment l’adoption d’une posture « non héroïsante » pour rendre compte des parcours des premières historiennes qui permet de faire place à d’autres formes et à d’autres lieux de leur production savante (p. 10). Romancières, journalistes, archivistes, bibliothécaires, autrices de théâtre, biographes et universitaires s’y côtoient. Comme le soulignent Bienvenue et Dorais, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit ici de cas d’exception : des femmes issues d’une certaine élite canadienne-française ou francophone, éduquées et ayant réussi à accomplir ce que peu de femmes arriveront à faire jusqu’à la démocratisation de l’enseignement supérieur. Cela nous amène d’ailleurs à nous demander si l’on parvient effectivement à sortir d’un traitement héroïsant des figures féminines. L’ouvrage se divise en sept parties offrant à la fois une approche chronologique des figures étudiées depuis le xixe siècle et une organisation thématique nous invitant à explorer des espaces parfois insoupçonnés de la production historienne féminine. L’ouvrage s’ouvre en première partie sur une exploration de l’oeuvre de Laure Conan, écrivaine du xixe siècle, signée Sophie Imbeault, historienne et éditrice et Carolyne Ménard, bibliothécaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Près de ses sources, le texte expose les liens que Conan entretient avec les réseaux d’historiens de l’époque et les faits historiques qu’elle intègre dans son oeuvre littéraire. Avec le chapitre suivant, rédigé par Micheline Cambron, cette section nous propose une réflexion originale et éclairante sur les liens étroits entre la production littéraire romanesque et historiographique des femmes de lettres. Elle montre, chez Cohen, un souci pour la justesse des faits et la rigueur méthodologique par son recours aux sources et à l’expertise historienne. La section suivante investigue un autre lieu de la production et de la diffusion du travail historien des femmes de lettres : celui du travail journalistique. Le cas de la journaliste Madeleine (Anne-Marie Gleason) présenté par Adrien Rannaud et l’analyse de Chantal Savoie de la page féminine du Devoir soulignent les stratégies de mise en valeur des savoirs historiques employées par les femmes de lettres. À travers ses écrits dans divers périodiques, Madeleine se fait « mémorialiste nationale » voyant dans le journalisme un « maillon » de la transmission des connaissances historiques (p. 97). Constat similaire dans les pages du Devoir où une analyse de contenu dévoile un désir partagé chez les femmes de lettres : attiser l’intérêt du lectorat féminin pour les ouvrages « sérieux » et les figures …