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Passer d’une civilisation du livre à une « civilisation de l’image » : voilà l’ambitieux programme autour duquel s’est organisé le champ photographique français dans les année 1950[1]. Sur fond d’universalisme et d’humanisme, les « gens d’images », comme on peut les appeler à partir de 1955 avec la fondation d’une association éponyme par Albert Plécy (1914- 1977), parient sur la production d’une communauté mondiale pacifiée, dont la photographie serait le liant. Ils font ainsi écho au désir de Raymond Lécuyer qui, au terme de son Histoire de la photographie, lançait un appel :

Il n’est […] pas excessif d’imaginer que les conséquences de l’invention d’un songeur chalonnais seront pour l’univers de demain aussi considérables que pour le monde d’hier l’ont été les conséquences de l’invention de l’imprimerie ou de la poudre à canon. Une chose est incontestable : la photographie est un langage universel, le seul langage universel que l’humanité ait trouvé depuis l’échec de la conférence de Babel. Comment un tel mode de communication internationale ne serait-il pas toujours davantage mis en oeuvre et, à diverses fins, exploité [2]

La photographie pourrait remédier aux péripéties introduites par les langues naturelles et leur différenciation qui, depuis Babel, ont semé la discorde dans le monde, empêchant la communauté humaine divisée de se comprendre. L’enfant des années d’après-guerre, garant d’un monde de paix à venir et désiré par ceux qui ont vécu le fracas du conflit mondial, s’impose comme un relais de choix pour les générations adultes qui estiment devoir inculquer aux plus jeunes comment produire ce monde qu’elles imaginent : l’enfant, encore libre des filets que la culture livresque, la lettre et le texte jettent sur l’Homme, bénéficierait de toutes les capacités nécessaires pour faire de l’image, et de la photographie au premier chef, un moyen culturel dominant. Son rapport à l’image, apparemment dénué des idéologies qui sous-tendraient toujours le texte, regorge de promesses d’innocence et d’entente. Albert Plécy l’affirmera au début des années 1960 : le plus jeune âge est plus sensible à l’image qu’à la lettre, et cela se vérifie par des études qui confirment qu’une « grande culture livresque semble un handicap sérieux[3] » pour comprendre les images et les employer à bon escient. Autrement dit, la lettre et le livre filtrent la simplicité et l’immédiateté d’un monde sensible dont la photographie exprimerait toute la spontanéité ; ils le complexifient, tentent de le réguler, en faisant un espace où la rationalité génère des conflits.

Les promoteurs de la « civilisation de l’image » font ainsi résistance face au monde du livre, de l’écrit, du roman, de la littérature, qui quant à lui considère les images comme toujours un peu douteuses, dignes seulement de méfiance, voire de défiance, elles qui seraient du côté du pathos plutôt que du logos, des basses émotions plutôt que de la raison. Et ils s’en donnent les moyens : dans les années 1950, les acteurs du champ photographique, des industriels aux commentateurs en passant par les commissaires, les iconographes, les éditeurs et les photographes eux mêmes, se mettent en ordre de bataille pour mener une croisade d’un nouveau genre : celle de l’image contre la lettre. Le livre est tout naturellement l’espace à conquérir : il faut en évacuer le mot pour le remplacer par des photos.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie photographique française, dont les intérêts sont directement liés à l’émergence d’une potentielle « civilisation de l’image », a entrepris un intense travail de reconstruction, bien sûr, mais aussi de refondation : le désir d’une corporation moderne s’est fait sentir et a été surtout distillé puis satisfait par une importante stratégie adressée à toute la branche. Il s’agit d’affirmer le rôle culturel et social de la photographie, d’en faire une promotion suffisamment efficace pour assurer l’expansion du marché et l’écoulement constant et croissant de la marchandise. Due essentiellement à Alfred Landucci (1897‑1962), président‑directeur général de Kodak-Pathé, cette refondation permet de convertir la traditionnelle corporation photographique en une profession résolument moderne, propre à la sortir de ses réflexes économiques malthusiens, de ses méthodes commerciales et son image surannées. C’est un véritable plan de modernisation qui, engagé en 1950, permet d’assainir l’économie des métiers de la photographie en la réorganisant et en lui donnant de nouvelles ambitions : il s’agit tout d’abord de consolider et souder durablement la profession au moyen d’organisations représentatives, surtout avec la création du Conseil national de la photographie et du cinéma substandard (CNPC), qui chapeaute toute l’activité de la profession ; de rétablir la balance commerciale en tenant tête à une concurrence rude (notamment celle de l’Allemagne et des États-Unis) et en étendant les marchés extérieurs ; de s’accorder le soutien des pouvoirs publics en faisant vibrer la fibre patriotique, la photographie étant, dit-on, une invention française[4].

Ces premières étapes accomplies, le grand public constitue alors le dernier bastion à conquérir pour assurer une expansion durable de la photographie, à une époque où les consommateurs se montrent encore timides, considérant la photographie comme une pratique coûteuse et difficile, c’est-à-dire élitaire et, partant, inaccessible aux plus jeunes. Une « propagande collective » est pour ce faire mise en oeuvre : chaque facture émise entre professionnels de la photographie comprend dès lors un prélèvement mineur, visant à abonder une caisse centrale devant servir elle-même à financer de larges opérations publicitaires. Conçue comme une « publicité sans marque », la « propagande collective » doit permettre de lever les doutes qui subsistent chez les consommateurs et de les conduire à l’achat d’un appareil et de tous les consommables et services afférents. La rencontre de l’enfant et de la photographie, si elle n’est pas radicalement nouvelle dans les années 1950, prend un tour nouveau, sur la base d’une impulsion industrielle.

Relire la période 1950-1955 avec la figure de l’enfant en ligne de mire permet en effet de thématiser une préoccupation constante de la profession photographique : façonner un monde à venir qui soit favorable à ses intérêts et qui aura pour effet non seulement de garantir des bénéfices économiques, mais aussi une culture et une morale permettant d’ancrer solidement et durablement le désir de photographie chez les plus jeunes qui seront les adultes de demain. À partir des événements organisés par l’industrie photographique et des publications qui les soutiennent, en particulier un numéro de la revue Photo-Monde — qui se fait l’écho de la stratégie globale de la profession photographique telle qu’elle est dessinée par le CNPC —, l’on peut mieux saisir les modalités de cette rencontre organisée entre la photographie et l’enfant. D’abord affirmée comme un instrument cognitif ludique, la photographie est ensuite présentée comme un moyen de formation du futur citoyen qu’est l’enfant. En définitive, ce glissement laisse comprendre que les adultes signataires de ce projet de développement de la pratique photographique chez l’enfant cherchent tout bonnement à lui transférer une responsabilité éthique, celle d’une paix mondiale que le désastre de la Seconde Guerre mondiale ne leur a pas permis d’honorer.

La photographie entre jeu et découverte

Le salon annuel des industries photographiques, fondé au début du xxe siècle et renommé « Franciphot » pour l’année 1954, constitue un moment pivot de cette stratégie au long cours. La situation commerciale de la profession est ainsi décrite, à ce moment-là, par un commentateur :

C’est une grande partie du public — une fraction beaucoup trop importante — qui ne s’intéresse pas à la photographie parce qu’elle croit à l’obligation d’en passer par des procédés compliqués et de rechercher difficilement des sujets originaux. Il faut prouver, par l’action, à cette grande masse encore amorphe, que la photographie lui est un moyen commode et une distraction amusante. Une grande partie de la clientèle française est en sommeil. Il faut l’éveiller, mais ce ne peut être que l’oeuvre de tous[5].

On le comprend, les organisateurs de Franciphot aspirent à oeuvrer dans d’autres sphères que celle du pur commerce : il s’agit désormais d’inculquer un imaginaire de la photographie, plutôt que de vanter les mérites spécifiques d’un produit ou d’une gamme de produits. À Franciphot, on entend redéfinir la stratégie publicitaire de telle sorte qu’une idée, et non plus un bien, soit au coeur de la transaction. Il s’agit en effet de « conquérir la grande masse du public à la photographie[6] », de l’informer de « tout ce qui fait la photographie[7] ». Il est moins question, alors, d’amener le consommateur potentiel directement au matériel que de lui inspirer la nécessité de la photographie, car, « par son universalité, par sa puissance attractive, sa multitude d’utilisations, [elle est] un objet d’intérêt pour tous[8] ». Et cela engage directement deux nouvelles cibles de consommateurs : les femmes et les enfants. À ces derniers — qui nous occupent ici —, il est avant tout question de présenter le médium comme une promesse de divertissement et, plus indirectement, comme un moyen d’émerveillement, permettant de découvrir autrement ce que les livres sont censés leur apprendre. La publicité, convertie en affaire ludique et pédagogique, exonère ainsi l’industriel d’être directement rentable en visant l’achat immédiat d’un appareil ou de consommables, pour privilégier un travail de fond et former une cohorte générationnelle bercée à la photo, pour qui il sera normal, le temps venu de vivre sur ses revenus propres, d’en faire un poste de dépenses régulier. C’est donc toute une nouvelle couche d’utilisateurs qu’il s’agit de préparer, en parlant le langage qui est le sien à son âge et en 1954 : celui du jeu et de la découverte, caractéristiques des activités que l’on adresse aux enfants, comme la « chasse au trésor ».

Le CNPC en fait en effet une priorité. Le salon annuel était jusqu’alors réservé d’abord aux fabricants et aux négociants — ceux-ci s’informant des nouveautés de ceux-là pour passer leurs commandes —, tolérant un public passif, invité à y assouvir sa curiosité et, éventuellement, à pressentir de futurs achats une fois les produits de l’industrie disponibles en magasins. Le salon de 1954 laisse cette fois une place inédite au grand public — une place pour ainsi dire réservée, avec des propositions dédiées aux spectateurs plutôt qu’uniquement aux acteurs. À Franciphot, le public est désormais directement sollicité pour oeuvrer à l’expansion du marché. Le CNPC édite ainsi une brochure (figure 1) distribuée gratuitement aux plus jeunes et engage des activités qui doivent permettre d’instiller le goût de la photographie aux enfants. C’est sur l’émulation, autrement dit la compétition et une forme d’accomplissement personnel d’exception, que table le CNPC : les enfants à qui il s’adresse sont appelés « Chasseurs d’images » et la brochure, au moyen de bandes dessinées, de petites histoires ou encore de questionnaires, déploie une gamme de récits valeureux qui sous-entendent que la photographie est l’instrument idéal de la construction du mérite et de la reconnaissance sociale. On peut s’étonner que le CNPC, dont la tâche est de défendre la photographie et sa profession, ne mobilise pas la forme du roman-photo qui s’épanouit alors, notamment depuis l’immédiat après-guerre en Italie avec des éditeurs spécialisés, et un écho rapide en France qui voit aussi le développement du genre dès la fin des années 1940, notamment avec des magazines comme Nous Deux[9]. Peut-être faut-il plutôt considérer que le CNPC, bien conscient de l’état de fait qu’il tente de combattre, cherche à employer des moyens éprouvés et en vogue chez les enfants comme un marchepied pour les conduire à l’appareil. Tel est le sens des premières lignes de la brochure, pleines d’une bienveillance toute stratégique à l’égard de ses jeunes lecteurs :

les quelques aventures que vous allez lire leur ont fait comprendre que la photo était un jeu passionnant et que grâce à leur appareil photo la vie leur ouvrait un monde nouveau et plein de joie. Comme eux, vous pouvez devenir des Chasseurs d’Images[10]

Sur les quatre pages suivantes s’étend une bande dessinée narrant l’affaire d’un certain « A. Nonhyme », recherché car il fait passer régulièrement et frauduleusement de l’or par les frontières et échappe aux douanes depuis quelque temps. La plaque d’immatriculation de sa somptueuse berline, qui a attiré l’oeil d’enfants-photographes avides d’images mémorables, est désormais consignée — péripétie qui consolide l’idée de l’appareil comme instrument de découverte, permettant de voir et de mémoriser ce qui peut se dérober à l’oeil par inattention ou incapacité. De fil en aiguille, les photographes en herbe sont convertis en informateurs au service de la police et des journalistes et les accompagnent dans leur filature, jusqu’au moment d’acmé où Bernard, l’un des trois enfants participant à l’enquête, immortalise, comme on dit, l’arrestation (figure 2). Puisqu’une histoire pour enfants ne va jamais sans morale, un texte abonde et poursuit le propos de la bande dessinée pour prendre fait et cause pour les enfants férus de photographie. Lorsqu’ils s’affairent dans le grenier d’une maison, ils ne se livrent pas à quelque puérile bêtise comme on peut le penser, mais au développement de leur intelligence pratique pour remettre en marche un vieil appareil et l’utiliser. À leurs parents qui doutent de l’utilité de la photographie, ils prêchent la bonne parole de l’industrie, inversant ainsi les rapports traditionnels d’instruction, des plus âgés vers les plus jeunes.

C’est encore là le sens d’un tournoi proposé par la brochure — le tournoi des « Chasseurs d’images » — et pour la réalisation duquel le CNPC a organisé un prêt d’appareil. Il comporte notamment un questionnaire, accompagné d’indications qui ne dérogent pas à la logique de l’autoapprentissage : « Pour répondre aux questions qui vous sont posées, dit-on aux participants, vous pouvez vous faire aider par vos parents ou par vos amis, mais n’oubliez pas que c’est vous qui êtes Chasseur d’images[11]. » Ce questionnaire est avant tout, en réalité, un test de connaissance qui suppose une véritable initiation, y compris à l’histoire du médium — il est par exemple demandé de souligner les noms de « deux pionniers français de la photographie » parmi des propositions. La date d’invention de la photographie est elle-même sujette à caution, fautive en tout cas : aucune des dates n’est la bonne si l’on a quelque souci d’exactitude, qui retiendrait plutôt celle de 1826, date de la première vue de Nicéphore Niépce. Or, on le sait parfaitement depuis la publication deux ans plus tôt, en 1952, de ladite photographie, acquise par le couple Helmut et Alison Gernsheim qui l’a retrouvée la même année. Le récit historique que nourrit le concours est tout simplement celui de l’invention officielle, républicaine, qui situe l’apparition de la photographie à la date de sa divulgation au public, en 1839[12] — une affaire parfaitement française dont un couple d’Allemands et un inventeur anglais comme Talbot sont évacués, alignée sur la renationalisation du médium que tente d’opérer Kodak-Pathé sur tous les plans.

Enfin, les trois dernières pages de la brochure portent ses intentions à leur comble : grâce à leur efficacité dans l’affaire A. Nonhyme, les trois enfants sont emmenés en avion par le journaliste qu’ils accompagnaient ; ils observent alors, de leurs propres yeux, une « grande ligne droite qui semble couper la plaine en deux[13] », ce dont doute le journaliste-pilote ; pour pallier le doute, Isabelle dit : « Je veux en avoir le coeur net, je fais une photo… » Ainsi redécouvre-t-elle le tracé d’une voie romaine que l’on ne peut percevoir clairement depuis le sol, image vue d’avion et qu’elle peut partager avec ses camarades de classe en cours d’histoire, suscitant l’admiration de l’enseignante, de ses camarades, et, bien sûr, un désir de photographie chez chacun d’entre eux.

Dans l’esprit des organisateurs et de ceux qui ont calibré les opérations de propagande à Franciphot, s’adresser d’abord aux enfants et les mettre à contribution, c’est prouver que la photographie est chose facile et divertissante, qu’elle est en somme une technique sans technique, qui n’exige de qualité que la spontanéité. L’on parle bien d’« attractions », que l’on souhaite « amusantes » ou encore « distrayantes », à propos des activités préparées à l’intention du public au salon[14]. Exit le sérieux qui entoure la photographie, dont on sommait déjà les photographes professionnels de faire leur deuil dans les semaines précédentes, en les invitant à adopter une nouvelle attitude, disponible et ouverte, plutôt que de faire persister la figure d’un photographe reclus dans les mystères chimiques de son laboratoire. Landucci l’a dit, ce sérieux-là, celui du photographe solitaire gardant les secrets de sa technique et de son art, est « désuet[15] », ancré dans un passé début-de-siècle. Du point de vue de l’industrie, cette stratégie publicitaire a aussi l’avantage d’anticiper les besoins de personnel que réserve l’avenir proche : avec l’expansion prévue du marché photographique et que tente de garantir la « propagande collective », l’industrie doit recruter massivement pour répondre à la demande en produisant une offre suffisante. D’où la nécessité de créer un goût public pour le médium, d’orienter positivement sa perception sociale et de donner envie de prendre part à son histoire : autrement dit, l’industrie souhaite que les enfants se rêvent en industriel de la photographie comme ils peuvent se rêver en pilote d’avion, en pompier ou, de façon anachronique, en cosmonaute. Ainsi contribueraient-ils au « rajeunissement », au sens propre comme au figuré, de la profession photographique.

L’éducation est en effet une priorité de Kodak-Pathé, dans laquelle elle engage toute la profession via Franciphot. Dès la parution du premier numéro de sa revue institutionnelle en mars 1949[16], la compagnie invitait ses lecteurs à considérer un « métier pour [leurs] enfants ». Elle reviendra régulièrement sur la question de l’« orientation professionnelle[17] » et, plus généralement, sur celle de l’éducation, avec une idée semble-t-il bien précise de ce qu’elle doit être : un article de juillet 1949[18] fustige par exemple le goût pour la violence repérable dans certains journaux d’enfants jusqu’à remettre en cause leur utilité d’un point de vue pédagogique, dans le contexte de la promulgation de la loi du 16 juillet 1949 qui engage une surveillance et un contrôle de la presse destinée aux enfants et aux adolescents ; un autre, de décembre 1953[19], détaille les mérites de la méthode Montessori au travers d’un texte sur la « pédagogie du jouet », qui pourrait bien être un appareil photographique. Car, en effet, Kodak-Pathé mise non seulement sur l’éducation pour pourvoir l’industrie qu’elle représente en personnel, pour s’assurer de faire commerce avec une société suffisamment informée, moderne et au fait des possibilités du médium, mais, dans une boucle vertueuse, elle thématise aussi la photographie comme moyen d’éducation, en digne héritière de George Eastman, fondateur de la maison mère américaine, dont l’objectif assumé était que l’appareil remplace le stylo[20].

Kodak-Pathé, maître d’oeuvre du salon Franciphot, du CNPC, de la propagande collective, et de tout ce que la profession peut faire pour se mettre sur la voie de la modernisation, est de son temps, et ce temps-là organise franchement la rencontre de l’enfant et de la société de consommation : publicité agressive, spécifique et tablant sur les formes ludiques, la plus pernicieuse qui soit selon le sociologue américain Vance Packard [21]; concomitante du développement d’une « civilisation des loisirs » que décrira plus tard Joffre Dumazedier[22] et dont le salon Franciphot en 1954, avec ses activités, jeux et autres concours destinés aux plus jeunes, est une expression manifeste ; responsabilisation sociale et citoyenne qui se joue désormais en dehors de l’école, la firme photographique internationale ayant à coeur de protéger les valeurs qui protègent son marché et ses intérêts : une société saine pour une industrie saine et vice-versa. L’année suivante, en 1955, elle l’affirme avec des moyens jusqu’alors inconnus dans l’histoire de la photographie : en investissant l’intégralité du Grand Palais à Paris, et un panel d’autres institutions reconnues pour leur rôle culturel, à l’occasion de la première Biennale Photo-Cinéma-Optique.

La photographie comme accomplissement de soi

Organisée du 6 au 16 mai 1955, la Biennale[23] incarne un véritable saut qualitatif pour la profession photographique : elle est désormais accueillie là où logent le salon de l’automobile, celui des arts ménagers, ou encore de l’aviation. Comme ses nouvelles consoeurs, la Biennale est une exposition industrielle. Mais Landucci, instigateur et organisateur de l’événement, qui voit plus loin et plus grand, développe les méthodes engagées les années précédentes, conforté par le succès de Franciphot en 1954. Il s’agit de faire courir l’idée, auprès d’un public le plus large possible – 205 000 visiteurs ici[24] –, que s’il est vrai qu’on connaît mal la photographie[25], qu’on envisage encore à peine la foule d’applications auxquelles elle peut se prêter, celle-ci ne cesse de nous apprendre des choses nouvelles et constitue un formidable instrument de découverte, dans des domaines qui excèdent très largement l’enquête policière, la fouille archéologique ou la course cycliste, pour ne citer que trois exemples que mobilisait le CNPC avec sa brochure destinée aux enfants.

Alors que Franciphot tablait sur une forme de pragmatisme heuristique, en mettant l’appareil dans les mains des enfants pour leur faire comprendre par les joies de la découverte ce que le médium peut leur apporter, cette fois, ce sont des expositions — donc des images — qui doivent affirmer le potentiel cognitif de la photographie et l’imposer comme un moyen d’élévation intellectuelle, culturelle et sociale. La Biennale est en effet accompagnée d’expositions satellites à la Bibliothèque nationale[26], au Musée de l’homme, au Palais de la découverte, au Musée du Louvre, ainsi qu’au Musée pédagogique. En ce dernier lieu, c’est bien sûr la question de l’éducation qui est mise en jeu.

Avec l’exposition du Musée pédagogique dans le cadre de la Biennale, la photographie est présentée comme un support de connaissance qui ne suppose pas de connaissances préalables, là où le texte, permettant l’accès à la connaissance, exige d’abord un fastidieux enseignement. Louis Cros, directeur du Musée pédagogique dont il fera ensuite l’Institut pédagogique national à partir de 1956[27], reconnaît ainsi à la photographie des « vertus pédagogiques […] pour de jeunes esprits chez qui le “visuel” prédomine[28] ». Divisée en deux salles, l’exposition rassemble dans un premier temps des « documents visuels » qui « démontrent la souplesse de l’art photographique », autrement dit la multiplicité de ses applications ; puis, dans la deuxième salle, le matériel pédagogique d’exploitation de l’image — principalement des appareils et des instruments de projection —, « méthodiquement classé [et] agréé par le ministère de l’Éducation nationale », assorti d’explications techniques[29]. À en croire les rares vues dont on dispose, la première salle rassemble des planches photographiques sur un thème donné, par exemple, pour une « leçon d’histoire » sur Richelieu (figure 4), mais aussi sur l’éducation et l’école en général (figure 5), dans un curieux rapport qui inverse les termes du sujet de l’exposition : la photographie devient un support pour informer sur l’éducation et plus un support d’information pour éduquer.

Toujours est-il qu’on incite à une photographie participative, dans une sorte d’éducation citoyenne, l’élève devant contribuer à illustrer la leçon du maître. Et cela suppose un autre renversement : l’instruction par la photographie est présentée comme exigeant une instruction photographique, d’où les panneaux de l’exposition rassemblant des vues où un enfant charge un appareil (figure 6). La machine photographique remplace en effet son stylo en classe, de même qu’elle remplace les livres. L’univers de la lettre est en quelque sorte étayé, relayé par la photographie, pour faire place à la « civilisation de l’image » à laquelle il ne permet pas d’accéder et qui est à l’ordre du jour. C’est en effet le sens vertueux qu’André Jacquet, industriel proche d’Alfred Landucci et président de la Commission de la propagande collective du CNPC, donne à la photographie lorsqu’on l’introduit à l’école :

Ainsi [la photographie] parachève-t-elle l’éducation générale, en se dépassant comme simple technique, et en se constituant comme un langage universel à qui sait s’en servir, expression bien plus d’un esprit attentif, d’un moi esthétique que de l’appareil mécanique qui en est l’instrument. Voilà comment elle contribue au développement de ce nouvel humanisme, élargi aux limites du monde qui est en train de devenir le fondement de l’éducation de demain[30].

Ce propos n’est pas sans importance, loin de là. Il dépasse le discours officiel de 1954 et de Franciphot, qui se limitait à une adresse publicitaire aux instincts et aux désirs, comme celui du chasseur ou de l’enquêteur qui sommeille apparemment en chaque enfant. Ce propos-là gagne un terrain bien plus large, celui d’une forme de spiritualité sociale, gouvernée par les axes moraux humanistes et universalistes. Il pose finalement le fondement éthique de toute cette démarche de promotion culturelle et commerciale. Il pose aussi des questions : comment et pourquoi l’adulte, parasité par sa propre histoire et les contraintes sociales qu’il s’est imposées au fil des siècles, compte-t-il sur l’enfant pour la rédemption du genre humain ? Pourquoi, du haut de son savoir livresque, fait-il la promotion de l’image à cet effet ?

L’enfant serait la figure de la pureté affective et de l’innocence, par opposition aux prétentions coupables de l’adulte, source de malentendus et de querelles, de conflits, de guerres. Il donnerait corps au fantasme rousseauiste d’une communication transparente entre les hommes, allégée de l’écran que l’esprit formé de l’adulte interpose entre lui et les autres[31]. C’est bien d’innocence, de spontanéité, de pureté qu’il est question chez un Paul Sonthonnax (1926- 2007), rédacteur en chef de la revue Photo-Monde, la seule, en France à son époque, à échafauder une esthétique de la photographie et à ne pas se limiter à la question de la technique ou à de l’information corporative. Dès mars 1954, date à laquelle s’ouvre Franciphot, Sonthonnax publie un éditorial dans lequel il défend sa position. Le mois précédent[32], il a demandé à ses lecteurs de lui transmettre des photographies réalisées par des enfants, quels que soient le sujet abordé ou la compétence technique engagée. Ayant ainsi soulevé une vague de réactions négatives, étant accusé de décrédibiliser la pratique, il s’interroge : « Pourquoi la difficulté, ou la facilité de la photographie soulève-t-elle des tempêtes aussitôt que l’on s’en pose la question [33]? » Il se défend vertement face à la polémique : « J’avoue que je me sentirais quelques remords si les nombreuses photos reçues n’étaient excellentes, bien meilleures parfois que les épreuves de concours obtenues par de prétentieuses grandes personnes. Mais oui, la photo est tout ce qu’il y a de plus facile et la preuve… » Selon lui, les images reçues démontrent qu’une photographie réussie peut tout à fait se passer de « complications […] futiles », d’une « encombrante connaissance d’inutiles données techniques », de même qu’elle ne nécessite pas d’aborder de quelconques « problèmes esthétiques artificiels[34] ».

Mais qu’est-ce qu’une photographie réussie, aux yeux de Sonthonnax ? En dépit du ton catégorique qu’il peut employer, celui-ci développe en fait une position nuancée, au fil de ses éditoriaux dans Photo-Monde comme dans les articles qu’il y publie. « L’acte photographique est d’une facilité enfantine », insiste-t-il dans la lignée d’un Plécy qui maintenait qu’une heure suffit à maîtriser l’appareil et les principes fondamentaux de la prise de vue [35]; en revanche, pour Sonthonnax, « ce qui est difficile, c’est d’exprimer quelque chose à l’aide de photographies », d’atteindre à la « fraîcheur » qu’il espérait trouver et a obtenue en sollicitant des photographies d’enfants. Voilà l’une des pierres angulaires de toutes les idées que ne cessera de développer Sonthonnax par la suite, et surtout à partir de l’année suivante : « la photographie est un instrument simple destiné à une expression simple ». Elle serait un langage au code limité, un langage sans grammaire, sans conjugaison ni subtilités rhétoriques qui en infléchissent le sens ; un langage qui permettrait à celle ou celui qui s’exprime de livrer son ressenti sans courir le risque d’être incompris. Sonthonnax invite à l’« oubli de la technique[36] » : ce qu’il appelle « l’expression » est ainsi un mélange de spontanéité et de sincérité. L’on comprend donc aisément pourquoi son modèle privilégié est l’enfant, figure adéquate à ses démonstrations provocatrices.

Sa sentence, en effet : « L’enfant n’a pas pris d’habitudes, il jette encore sur le monde un regard tout neuf. Peut-être a-t-il des leçons de photographie à nous donner[37]. » Le regard de l’enfant, encore exempt de toute acculturation au monde des images, à ses canons et à ses archétypes, serait ainsi un moyen de renouveler la photographie et la perception qu’elle nous offre du monde, donc de renouveler in fine tout ce qui fait la culture ou la civilisation. L’ethos de la photographie ne se situerait alors plus dans le dispositif, dans sa nature mécanique et industrielle, pas plus que dans les exigences formelles des beaux- arts. Il est plutôt à chercher du côté de son usage quotidien, sur le terrain des sentiments, de la perception affectée, en bref, du regard et de son partage :

Ce qui donne de l’importance [à la photographie], c’est la valeur humaine de celui qui la manie, ce ne sont pas des secrets de mystérieuse alchimie. La photographie, c’est le moyen pour chacun de nous d’exprimer ce qu’il a à dire d’utile, d’important, d’intéressant, suivant sa spécialité, son métier ou son caractère. Elle est à notre disposition pour le dire, comme l’est l’écriture ou comme le sont les mots[38].

Sous ce rapport, l’on comprend mieux pourquoi et comment George Eastman pouvait se permettre, au 50e anniversaire de son entreprise en 1929, d’offrir à 500 000 enfants états-uniens nés en 1918 un appareil produit par sa compagnie[39]. 500 000 appareils offerts revenaient potentiellement à 500 000 pellicules vendues, sinon beaucoup plus, dans la mesure où, pour obtenir les photographies réalisées avec l’appareil chargé d’une bobine de 100 vues, il était nécessaire de le renvoyer à Kodak, qui développait les photographies de la première bobine avant de la remplacer par une autre, impliquant l’enfant (et ses parents) dans une potentielle relation de dépendance avec la compagnie — si tant est qu’il ait effectivement pris goût à la photographie avec un tel cadeau.

L’enfant s’impose ainsi pour sa capacité de ressourcement du médium, de sa perception sociale et donc de son expansion. Il est au coeur d’une nouvelle foi dans la photographie que l’on tente de cultiver et doit en être un prosélyte. Une photographie sincère, qui parle à tout un chacun et qui lui permette de pacifier son rapport aux autres, voilà ce que cherche l’industriel humaniste de la photographie ; voilà qui la légitime en tant que langage universel, ce langage qui serait l’apanage de l’enfant plutôt que de l’écrivain ou l’essayiste : un langage du bon sens qui ne peut porter que de bons fruits.

La responsabilité éthique des enfants

Un autre numéro spécial de Photo-Monde corrobore la méthode en vigueur : former les enfants d’aujourd’hui, les mettre à l’étude du langage universel que peut constituer la photographie, permettra qu’ils en découvrent un jour la logique, et qu’un effet papillon répande la paix dans le monde. Tel est l’ambitieux programme d’un plaidoyer en images, intitulé « Enfants d’aujourd’hui… hommes de demain[40] » (figure 7).

Il clôture une série de numéros spéciaux de Photo-Monde successivement et respectivement consacrés à l’universalité sémantique de la photographie avec un album intitulé « Cent photos sans paroles[41] » et dirigé par le graphiste, typographe et éditeur Maximilien Vox ; à la photographie comme instrument de connaissance, reprenant les contenus des expositions de la Biennale (« À la recherche de l’inconnu[42] ») ; à la communauté humaine[43], dans le sillage de la célèbre exposition The Family of Man et avec des images tirées des fonds de l’ONU ; et enfin, donc, à l’enfance, acmé d’un propos étendu sur deux années et qui programmait, de façon testamentaire, la fin de Photo-Monde. Il s’agit, en effet, du numéro conclusif d’une séquence morale, téléologique et bien orchestrée par une revue qui a entièrement repensé sa forme pour ses quatre dernières publications[44].

L’album qui fait office de numéro spécial est entièrement réalisé avec des « images de l’Enfance […] rassemblées par l’Unesco[45] ». On en confie le texte  — une préface — à Jean Piaget, scientifique aux multiples casquettes reconnu pour ses travaux sur les structures mentales de l’enfant publiés dans l’entre- deux-guerres[46] et à ce moment directeur du Bureau international d’éducation. Pour l’occasion, Piaget se déleste du raisonnement scientifique auquel il est habitué pour livrer ce qui s’avère être un chant dédié à l’enfance tout autant qu’un appel à sa propre génération :

Nous vous présentons dans les pages qui suivent les quelque six cent millions d’enfants du monde entier : enfants de toutes races, enfants de toutes croyances, vivant sur tous les continents et sous tous les climats : patrimoine de l’humanité future. C’est d’eux que dépendent la paix et le bonheur du monde : de la manière dont ils grandissent et s’instruisent ; de leur comportement et de la mise en oeuvre de leur intelligence ; de leur désir de contribuer non seulement au bien-être de leur communauté nationale, mais aussi à la fraternité entre les nations. Il se peut que, par inadvertance, nous émoussions ou détruisions ces possibilités ; mais si nous connaissons bien cette enfance, nous pouvons la former de façon à lui construire un avenir heureux. Où qu’ils se trouvent, les enfants ont les mêmes besoins et grandissent de la même manière. Ils puisent dans leur entourage la substance nécessaire à leur développement spirituel, psychologique et physique. Mais ils ne sont pas semblables. Leur développement est le produit de l’expérience ; et les expériences de l’enfant varient pour de nombreuses raisons. D’où la riche variété de l’espèce humaine et les contributions multiples des différentes cultures. Le devoir des parents, des maîtres et des autres adultes dont dépend l’enfant est de l’amener à la plénitude de sa propre culture, de lui ouvrir les yeux sur ce que d’autres ont réalisé et surtout de lui donner entièrement conscience de la responsabilité de la vie d’adulte : responsabilité envers les autres, quels qu’ils soient, et responsabilité envers soi-même[47].

Voilà un texte ambivalent, voire dialectique. Il table sur une essentialisation de l’enfance, puisqu’il prétend, en une trentaine de doubles pages illustrées de photographies sous-titrées par un texte filant tout au long de l’album, nous présenter tous les enfants du monde ; dans le même temps, il affirme l’individualité singulière de chaque enfant, dont la reconnaissance serait une garantie pour la paix, en tant que reconnaissance et acceptation de l’altérité. L’expression « patrimoine de l’humanité future », dans un registre cette fois temporel, porte elle aussi la marque de cette ambivalence : le patrimoine n’est plus ce qui est de l’ordre du passé, ce qui a déjà passé et qu’il faut conserver, comme la mémoire, les traditions et les coutumes des ancêtres ; c’est au contraire ce qui promet d’évoluer encore et qui, à ce titre, constitue une réserve pour un potentiel développement. L’histoire mondiale récente et les cicatrices de la guerre sont ainsi interprétées à la lumière d’une faute antérieure, primitive : la paix et l’entente entre les peuples et les cultures supposent une éducation, qui n’a pas été administrée jusque-là. La photographie intervient comme l’instrument de la rédemption et passe ainsi pour un vecteur de la paix, au terme d’une séquence que l’on peut résumer ainsi : alors que l’enfant n’était initialement — et ce, depuis les campagnes publicitaires Kodak du xixe siècle — qu’une justification de la pratique, comprise comme rite mémoriel, il en devient ensuite un acteur central. Il le devient d’abord pour lui-même, la photographie étant alors présentée, comme ce fut le cas lors du salon Franciphot ou dans l’exposition du Musée pédagogique, en tant qu’instrument de découverte et d’accomplissement individuel, du reste capable d’instaurer un nouveau mode de communication. Elle se double ensuite d’une capacité de socialisation, les images de l’enfance étant considérées comme propres à créer le sentiment d’une communauté humaine mondiale — tâche confiée à celles présentées dans l’album « Enfants d’aujourd’hui… hommes de demain ». Mettre ainsi entre les mains d’un enfant un appareil lui permettrait non seulement de prendre acte de cette communauté et de contribuer à son affirmation, mais aussi d’établir un langage assurant une communication saine et pacifique : d’exaucer les désirs des adultes.

Ainsi, la paix dépend des enfants, mais eux dépendent de ce que l’on fait d’eux. La promesse d’une « civilisation de l’image », amenuisée pour les générations qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale mais toujours palpable pour celle qui doit construire le monde à venir, prend alors tout son sens : elle est pour les adultes qui en font la promotion une manière de se rappeler à l’innocence après s’être rendus collectivement coupables du pire ; ou, plutôt, d’oeuvrer à la rédemption future de ceux qui n’y sont pour rien, en leur apprenant à faire et à savoir faire ce que leurs prédécesseurs n’ont pas su faire  — s’entendre en paix.

À titre d’ouverture, car cela pose de nombreuses questions qui appellent une nouvelle recherche, remarquons que c’est ainsi une sorte d’eugénisme photographique qui se met en place, selon un récit salutaire où le médium permet d’atteindre à l’Homme bon qu’attend le monde et qui adviendra grâce à la « civilisation de l’image ». Dans ce contexte, cela n’a rien d’anodin : il faut rappeler en effet que Julian Huxley, premier directeur général de l’Unesco  —  institution de référence pour ceux qui s’interrogent sur la place de l’enfant dans la « civilisation de l’image » —, était aussi le premier théoricien du « transhumanisme ». Son livre sur la question[48], qui visait à expurger les thèses eugénistes de toutes sortes de dérives que la guerre avait révélées, paraissait, de façon tout à fait contemporaine, quelques mois après le dernier album de Photo-Monde affirmant la pureté morale de l’enfant. En 1941, alors même que les nazis « euthanasiaient » les handicapés et les malades, Huxley expliquait déjà la nécessité de l’eugénisme par des raisons très similaires à celles qui animaient les promoteurs de la « civilisation de l’image » : l’eugénisme, photographique ou non, est un moyen de faire advenir « la religion de l’avenir, ou [le] complexe de sentiments, quel qu’il soit, qui pourra, dans l’avenir, prendre la place de la religion organisée[49] ».