Résumés
Résumé
Bien que centrées sur le lien constitutif entre le nom d’auteur affiché sur le titre et le corps exhibé dans les images, les collections de monographies illustrées s’avèrent dans les faits abondamment peuplées d’autres noms propres, d’autres figures. Cet article se penche sur la part de l’autre dans la constitution de l’image d’auteur, en examinant les différentes scénographies du lien social fabriquées par les photographies et autres documents iconographiques. Cet examen, centré sur les « Écrivains de toujours » et les « Albums de la Pléiade » et inspiré des travaux récents sur les photographies d’écrivains, permet de mettre en lumière l’importance de la relation amicale dans l’imaginaire de la vie littéraire sous-tendant ces collections. L’iconographie tend ainsi à évacuer des portraits et biographies littéraires toute trace de conflit et de polémique.
Abstract
Although focussed on linking the name of the author announced in the title with the figure featured in the photographs, collections of illustrated monographies prove to be, in fact, peopled by an abundance of other personalities, other countenances. This article explores the role of others in the composition of an author’s image by examining the various representations of social relationships constructed by photographs and other iconographic documents. This study, focussed on the “Écrivains de toujours” and the “Albums de la Pléiade” and inspired by recent research into photographs of authors, sheds light on the importance of amicable relationships in the literary life imaginary underlying these collections. The iconography thus attempts to erase all traces of conflict or of polemics from the portraits and literary biographies.
Corps de l’article
Le culte de l’Auteur, bien que volontiers attaché à une incarnation particulière, n’est pas monothéïste. Sous l’abstraite figure du Créateur, affublée d’une majuscule marquant la sacralité, des dizaines d’hypostases sont jugées dignes d’appartenir au Panthéon[1]. L’inscription gravée sur ce monument signale d’ailleurs la dimension collective (et masculine) de cette patriotique reconnaissance. Production équivalente, sur le plan éditorial, au projet du Panthéon, par le rassemblement de grands noms à célébrer, les collections de monographies illustrées d’écrivain, des « Poètes d’aujourd’hui » aux « Albums de la Pléiade », poussent un cran plus loin la tension entre singularité exceptionnelle et multiplicité. Bien que tout entiers centrés sur le lien constitutif entre un nom propre et une figure, entre le nom d’auteur affiché sur le titre et le corps exhibé dans les illustrations, ces iconotextes s’avèrent dans les faits abondamment peuplés d’autres noms propres, d’autres figures (surtout d’écrivains, mais non exclusivement). L’Album Raymond Queneau[2] mentionne ainsi pas moins de 368 noms propres d’individus, au fil de ses 277 pages et en identifie jusqu’à 172 dans les légendes accompagnant l’iconographie. L’Album Montherlant[3], plus court et beaucoup plus étroitement attentif à son seul héros, contient pourtant 182 mentions textuelles et 47 mentions iconographiques. Paul Valéry, dans sa leçon inaugurale du cours de poétique au Collège de France, rêvait, on s’en souvient, d’une histoire de la littérature où ne figurerait aucun nom propre[4]. Manifestement, avec les monographies illustrées, on est loin du compte : la littérature, telle qu’elle s’y raconte, par le mot et par l’image, tend vers l’énumération de multiples noms propres. L’écrivain y est plongé dans une foule.
Mais qui sont ces autres noms, ces autres corps, qui hantent ce corpus? Pourquoi l’explication d’une vie, d’une oeuvre, celle de Raymond Queneau, par exemple, convoque-t-elle autant de personnages? Adeline Wrona, dans son étude sur le portrait, a cerné le noeud du problème quand elle souligne que, « pour qu’il y ait portrait, il faut qu’il y ait relation, d’individu à individu[5] ». Je retiens tout particulièrement, de son analyse, l’attention aux relations triangulaires entre le peintre, le modèle et le commanditaire (ou le public), lesquelles serviront de critère départageant quelques-uns des modes d’exposition du lien social dans les monographies illustrées. Cependant, je porterai aussi mon regard sur les relations entre individus telles que (re)configurées par l’iconographie. Ce sont en effet ces relations internes, sémiotisées, que je souhaite interroger, afin de voir ce qu’elles dévoilent quant à la dimension sociale du fait littéraire. En un mot : quel est, dans ces iconotextes, le sens du lien social entre l’écrivain et autrui, l’écrivain et ses pairs, surtout[6]? Pourquoi a-t-on choisi de figurer ces sociabilités pour « tirer le portrait » d’un écrivain, par le biais d’un album photographique, ou pour reconstituer sa biographie?
Précisons le cadre théorique et méthodologique de ces recherches, avant d’amorcer l’analyse. Sur le plan le plus concret, ce travail constitue le prolongement d’une étude antérieure, menée avec Pascal Brissette, sur les photographies des groupes littéraires québécois[7]; cet examen de la dimension iconographique de la vie littéraire m’a poussé à examiner la littérature française dans une perspective semblable, en me penchant sur le corpus des monographies illustrées, dans le sillage du projet de recherche dirigé par David Martens[8]. De manière plus générale, ce travail est issu de mes recherches des dernières années sur les sociabilités littéraires, que je cherche à théoriser, documenter et analyser, en portant une attention spécifique à leur mise en discours, en texte et, depuis peu, en images[9]. Les soubassements théoriques de cette entreprise sont multiples, mais tiennent principalement à la sociocritique de l’épistolaire, à la sociologie des sociabilités et à l’analyse du discours, lesquels permettent de repenser les relations concrètes entre écrivains comme phénomène sociohistorique et dans leur médiation discursive, mais aussi de remettre sur le métier la notion d’auteur, à partir de la mise en scène de soi et du travail sur la situation d’énonciation[10].
Pour ce qui est du corpus analysé dans le présent travail, il a essentiellement été constitué en me concentrant sur les ouvrages des collections de monographies illustrées de Seghers, du Seuil et de Gallimard, consacrées aux écrivains français du xxe siècle dont les trajectoires ont croisé trois « collectifs » importants : la NRF, les surréalistes et l’existentialisme. Puis, ce corpus a été élargi afin d’intégrer, aussi, des écrivains dont les images d’auteurs « canoniques » n’impliquent pas de référence forte à quelque groupe que ce soit (Aymé, Giraudoux, Montherlant, etc.). Il y a ainsi, au final, 40 ouvrages dans le corpus étudié, respectivement tirés des « Albums de la Pléiade », d’« Écrivains de toujours » du Seuil et de « Poètes d’aujourd’hui » de Seghers[11]. Cette dernière collection est peu représentée, du fait de la part relativement faible réservée à l’iconographie des sociabilités, car la part de celle-ci baisse drastiquement dès que le nombre total d'illustrations diminue. Quand il y a peu d’illustrations, l’écrivain biographé tend à être la seule figure représentée[12].
Jupons et rangs d’oignons : la famille et l’école
L’écrivain « en société », lié à autrui par des liens révélés par l’iconographie, c’est d’abord, dans la plupart des biographies, albums et essais critico-biographiques, un enfant dans les bras de sa mère. La famille, en effet, est constituée dans mon corpus comme la première, l’incontournable communauté, avec force photographies des parents, de la fratrie et, si possible, des aïeux. Ce constat, bien que d’une affligeante banalité, permet néanmoins de mettre en évidence d’éventuelles stratégies de déplacement, dont celle adoptée aux « Écrivains de toujours », où un chapitre synthétique précède souvent le véritable début du récit biographique, lancé par la généalogie familiale. Il y a, de ce fait, dévaluation relative du lien familial dans cette collection, en comparaison du foisonnement des « Albums de la Pléiade ». Il y aurait lieu de s’interroger, en passant, sur les déterminants sociaux de l’abondance iconographique familiale; les écrivains issus des fractions dominantes (Gide et Montherlant, par exemple) mettent à la disposition de leurs biographes un matériel iconographique plus riche, plus diversifié, aussi bien en ce qui concerne les aïeux et les moments d’intimité familiale que pour les éléments du patrimoine : intérieurs, résidences principales et secondaires, etc. Les iconobiographies[13] tendent de ce fait à accentuer l’importance du lien familial, dans le cas de ces écrivains, qui sont précisément issus de familles pour lesquelles l’ascendance, le patrimoine, le rang social de la famille comptaient particulièrement.
S’il est volontiers fils, fils de bonne famille de surcroît, l’écrivain est bien plus rarement père ou grand-père. La part de l’illustration biographique exemplifiant ces rôles est nettement plus restreinte et n’a pas de lieu spécifique, structurel, dans l’organisation en séries ou chapitres des images. Implicitement, cela ne saurait compter dans la vie d’un écrivain, dans son oeuvre[14], au contraire des relations amoureuses, amants et maîtresses comprises[15]. On voit ainsi certains de ces parcours biographiques s’infléchir dans la direction des « périodes créatrices » des Castex et Surer ou Lagarde et Michard, qui divisaient l’oeuvre en sous-corpus attribuables à des inspiratrices spécifiques. Par-là, on fait la part belle à Éros, dans les relations sociales des écrivains en question (Baudelaire et Apollinaire, entre autres, mais aussi Aragon, Cocteau, Gide, Queneau et Sartre). Ces femmes (et quelques hommes), présentées comme des Muses, contribuent à engendrer l’oeuvre, comme la famille a engendré l’Auteur, voilà pourquoi on les retrouve dans ces vies d’écrivains, contrairement aux êtres de chair qu’a engendrés ce même Auteur.
Après la Famille, l’École. Ce parcours apparemment obligatoire n’est pourtant pas structurellement constitutif de toutes les iconobiographies. Les portraits du futur écrivain parmi ses condisciples ou aux côtés de ses professeurs sont très inégalement répartis. Les « Écrivains de toujours » et les « Albums de la Pléiade » adoptent des pratiques opposées, à cet égard, les seconds reproduisant quasi systématiquement des portraits de classe, là où les premiers ne le font qu’accidentellement. Cela tient peut-être à l’abondance iconographique nettement supérieure des « Albums de la Pléiade[16] », permettant ainsi l’inclusion de photographies du « non-encore écrivain », bien qu’estimées d’importance secondaire; cela tient peut-être aussi au public partiellement scolaire de la collection du Seuil : pour ces étudiants, lycéens ou universitaires, contraints d’étudier la vie de tel ou tel écrivain, dans le cadre même de l’école, l’intérêt pour la scolarité de leurs sujets est probablement plus faible que pour les lecteurs bourgeois des albums, lesquels peuvent aborder l’École avec nostalgie.
Mais revenons à la représentation iconographique de la sociabilité scolaire : en plus d’être inégalement valorisée, comme élément biographique, donc inégalement reproduite dans les ouvrages, elle mène à des procédés d’identification encore plus différenciés. Là où, pour les photos de famille, les légendes visent à nommer tous les personnages, l’anonymat règne en maître, quand elles concernent l’école. On ne nommera, parfois même on ne montrera, parmi les condisciples, que ceux qui se seront eux aussi fait un nom dans l’histoire littéraire ou artistique, quelque faible que puisse être cette renommée[17]. Cette tendance est plus forte encore, opère une sélection plus restreinte, dans le cas des sociabilités amicales de l’âge adulte. Cela réduit à une portion congrue, voire à la disparition complète, les éventuels collègues de travail; lors même qu’ils ont droit à une rarissime photo, ils demeurent le plus souvent d’anonymes figurants[18]. Ces photographies ne cherchent pas à rendre visibles les anciens collègues, ni à préciser la nature de leurs liens avec l’écrivain biographé; elles témoignent plutôt d’une héroïque phase de petits boulots non littéraires, précédant le moment crucial où le futur grand écrivain a décidé de consacrer sa vie à la littérature. En d’autres termes, ces liens sociaux ont surtout une valeur morale et ne méritent pas d’être nommés, détaillés, racontés. Peut-être cela tient-il à la dimension « hexagonale » de mon corpus; on peut du moins faire l’hypothèse que, dans le cas d’écrivains américains, par exemple, on trouverait davantage d’images de l’écrivain au turbin. Quoi qu’il en soit, ce sont presque toutes les relations « non littéraires », presque toutes les relations de sociabilité avec des acteurs étrangers à la vie littéraire qui passent à la trappe. D’où l’importance d’examiner de plus près celles qu’on met ainsi en avant (en réduisant l’importance des autres liens) : les sociabilités « littéraires ».
Afin de mieux analyser la reconstitution par l’image des relations entre écrivains, telle qu’accomplie dans mon corpus, je m’attaquerai dans un premier temps aux formes de sociabilité exhibées, avant de me pencher, plus rapidement, sur le type de document iconographique utilisé pour ce faire, bien qu’il y ait d’étroites correspondances entre formes de sociabilité et type de document. Cela fait d’ailleurs surgir un questionnement méthodologique de portée plus globale : quelles sont, sémiotiquement et historiquement, les sociabilités que les photographies, tableaux, caricatures, montages peuvent respectivement illustrer? Inversement, quels seraient les documents iconographiques susceptibles de nous éclairer sur la bohème, les cénacles, les avant-gardes, les comités de lecture, les salons mondains, les fêtes amicales, etc.? Quel degré d’abondance ou de rareté pour ces documents? Ce sont là des questions que je ne peux que lancer, sans espoir de trouver des réponses, dans l’état actuel des recherches.
Il faut dire que les repères manquent dès lors qu’il s’agit de distinguer clairement entre les formes historiques de sociabilité littéraire, malgré les efforts récents pour y remédier[19]. Ces lacunes sont presque totales, en ce qui concerne le versant iconographique de l’histoire des sociabilités, d’où le danger de plaquer sur l’iconographie des critères historiques ou sociologiques. En guise de premier quadrillage de ce corpus, je distinguerai dans les pages suivantes entre les scénographies de l’intimité, les sociabilités de café, les photographies de groupe et les scénographies impliquant le public[20]. Je laisserai ainsi dans l’ombre d’autres catégories éventuelles, parmi lesquelles les scènes mondaines ou de cénacles, les séances de travail et les photographies des coulisses théâtrales, tout en soulignant l’abondance de ces dernières, qui se révèlent dans les ouvrages consacrés à Camus, Claudel, Giraudoux et Montherlant les plus abondantes et parfois les seules manifestations de sociabilité[21]. Il ne s’agit pas tant, ici, de construire une typologie à forte visée théorique, que de mettre en lumière quelques-uns des principaux facteurs structurant la mise en scène iconographique du lien social dans les collections examinées, ceci de manière heuristique. Parmi ces facteurs, qui serviront de critères pour distinguer entre les scénographies énumérées ci-dessus, je retiens, en premier lieu, le caractère privé, public ou semi-public des sociabilités photographiées. Creusant un peu ce rapport, on peut au surplus tenter de voir si les sociabilités en question instauraient, au moment même de leur déroulement, une opposition nette entre les « modèles », les « sujets » des portraits photographiques, et un « public » a priori inconnu des premiers. Dans ces photographies, les configurations opposent un lien social relativement fort (par exemple, entre les participants à une tribune) à une relation sociale relativement abstraite, qui ne préexiste pas à l’événement saisi par la photographie, à savoir la relation entre les modèles et les « spectateurs ». Enfin, en plus du type de sociabilité et de lien social, il faut aussi tenir compte des divers usages des « photographies de groupe » et autres « images d’intimité littéraire ». Dans quelle mesure la mise en scène des rapports sociaux est-elle destinée, d’emblée, à circuler dans des cercles intimes ou, au contraire, dans de larges circuits, y compris ceux des médias?
Écrivains au café
J’aborderai les sociabilités de café, en premier lieu, parce que la disposition des corps autour des tables impose une mise en scène évidente, immédiatement lisible, et parce que le regard sur cette scène, tel que canalisé par la photographie, chevauche précisément la frontière entre sphère intime et sphère publique, frontière qui me servira de principal critère analytique, en sus du rapport au champ littéraire. L’oeil du photographe, dans ces scènes de café[22], pourrait tout aussi bien être celui de l’ami, accoudé à ces tables quelques minutes plus tôt, que celui d’un tiers, étranger au cercle intime, celui d’un photojournaliste par exemple, ceci précisément parce que ce type de sociabilité se déroule en public mais sans public, sans exhibition publique de sociabilité. La photographie capte ainsi ce qui s’offrait au regard de tous, mais le transforme en spectacle du lien.
Que nous montrent ces portraits au café? En plaçant le biographé dans un cadre informel, amical, où il n’occupe pas de place privilégiée, où rien ne le distingue a priori des autres corps rassemblés, en donnant à voir, malgré la distance historique, ce qui pouvait être vu par tout client ou passant, ils ouvrent virtuellement le cercle au lecteur, tendent à défaire implicitement le stéréotype de l’écrivain inaccessible, élitiste, retranché dans sa mythique tour d’ivoire, associant plutôt l’image d’auteur à des sèmes de familiarité, de simplicité, voire d’égalité, construisant ainsi une posture littéraire de « copain ». En même temps, ils rejouent à fond l’imaginaire, tout aussi stéréotypé, de la joyeuse, pétillante et ô combien parisienne sociabilité de café[23]. Étrangement cependant, celle-ci paraît centrée dans mon corpus sur la période germanopratine et la figure de Sartre : pas de cafés dans les monographies illustrées d’Apollinaire, de Bataille ou des surréalistes[24]. Ceci ouvre d’intéressantes pistes de recherche quant aux représentations des sociabilités, et plus spécifiquement quant au hiatus entre l’iconographie des sociabilités de café, extrêmement rare dans les collections de monographies illustrées, et l’abondant discours sur les cafés littéraires qui figure dans les mêmes ouvrages. Le hiatus est-il le fait du corpus de collections biographiques, ou est-il dû à une rareté généralisée des photographies de café réalisées avant la Seconde Guerre mondiale ou à une fluctuation historique de la valeur symbolique associée à ces lieux? Des enquêtes plus poussées seraient nécessaires, pour répondre à ces questions.
Scénographie de l’intimité : l’entre-soi et l’oeil de l’Histoire
À cheval entre le privé et le public, dans leur scénographie même, les photographies de sociabilité de café se distinguent aisément, à première vue, de celles donnant à voir des relations se déroulant dans un cadre privé et échappant ainsi, a priori, au regard public. Ces scénographies de l’intimité constituent pourtant une catégorie paradoxale, car, précisément, la publication ultérieure de ces images semble briser le cadre intime. Ceci paraît même une des motivations majeures de ces collections : permettre au lecteur d’accéder, par la médiation de l’image, à une intimité qui lui est en temps normal interdite[25]. Les photos de famille sont placées à la même enseigne, d’ailleurs. Toutefois, à y regarder de plus près, on découvre que les rapports entre intimité et publication, sociabilité de l’entre-soi et regard extérieur, sont plus variés et complexes qu’il n’y paraît à première vue. Par ailleurs, les modalités d’articulation entre sphère intime et sphère littéraire, elles aussi fort diverses, distinguent les « scénographies de l’intimité » croquant l’écrivain à l’âge adulte, au milieu de ses pairs et amis, des photos de famille abordées plus haut.
Les images de Cocteau bronzant sur la plage aux côtés de Radiguet[26], d’Éluard s’adonnant au ski avec Gala et Ernst[27] ou de Queneau en maillot de bain en compagnie de Max Morise montrant ses fesses à l’objectif[28], reposent sur des scénographies originellement étrangères à l’image d’auteur, à la posture publique des écrivains. Bien qu’intégrées dans des ouvrages entièrement centrés sur l’image d’auteur, au sens littéral comme au sens théorique[29], contribuant à accentuer le capital symbolique de leurs sujets, l’espace social que ces images circonscrivent repose, me semble-t-il, sur d’autres codes, d’autres logiques que celles du champ littéraire, celles des vacances entre amis, moment d’exposition des corps dénudés, de détente. Ce sont bien des écrivains en vacances, comme dans la célèbre mythologie de Barthes, mais il n’y a pas de photo-reportage, et la photographie, prise par un des amis, est destinée à circuler entre amis ou parents, comme témoin d’une mémoire collective mais restreinte, sans incidences sur les collectivités englobantes, pas même la sphère littéraire. Plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, rassemblent des personnages n’ayant pas d’existence « littéraire », montrant ainsi l’imbrication des liens « littéraires », amicaux, amoureux, etc[30].
En revanche, les célèbres photographies de Gide avec Sartre, reproduites dans la plupart des monographies illustrées concernant ces écrivains[31], transforment dans leur composition même le cadre intime en événement littéraire, celui de la rencontre des grands esprits, sinon du relais symbolique de l’écrivain emblématique de l’entre-deux-guerres à celui symbolisant la littérature engagée de l’après-guerre. Cette transformation nécessite un usage spécifique de la photographie, c’est-à-dire sa publication; toutefois, la pose manifeste des deux écrivains signale la conscience, chez tous les participants, photographe compris, du fait que l’objectif fait surgir sur cette scène le regard de l’Histoire. C’est le cas, de manière aussi évidente, pour le trio d’académiciens du Barrès par lui-même, faussement surpris en séance « de travail[32] ». L’intimité prend alors un aspect « officiel », protocolaire et guindé, comme dans les tournées d’écrivains français en Union soviétique, croqués aux côtés de Gorki, Pasternak et autres[33]… La sociabilité amicale manifestée par la photographie paraît ainsi tournée d’avance vers une publication éventuelle, vers la manifestation publique d’amitié littéraire[34].
Il serait cependant vain de chercher des critères définitifs permettant de séparer sans ambiguïté ce qui serait mise en scène de l’intimité littéraire à destination publique et ce qui appartiendrait à une « pure » intimité échappant au monde littéraire, surtout si cela tend à opposer fabrication et authenticité. Les travaux sur l’ethos et les interactions ont en effet montré qu’on n’échappe pas à la mise en scène de soi[35]. Il me paraît plus intéressant d’examiner quelles sont les circulations ultérieures de l’image inscrites dans les scénographies, quels sont les déplacements ou ruptures suscités par les usages de ces photos et, plus encore, d’étudier les cas qui ébranlent l’artisanale typologie proposée. Le double portrait d’Aragon et Breton regardant intensément dans la même direction[36], le double portrait de Breton et Éluard, unis par un regard réciproque et le port décontracté de la chemise[37], les portraits de Gide avec Roger Martin du Gard[38] ou avec Malraux[39], l’image de Sartre avec Camus[40], paraissent en quelque sorte prédestinés à paraître dans des albums biographiques, dans la mesure où leur fabrication obéit à l’impératif d’immortaliser les liens entre les amis-écrivains, en les faisant circuler dans un cercle plus large. Il y a une disjonction, dans ces photos, entre deux formes de lien social : celui unissant les individus exposés sur la photographie, et celui qui unit ces modèles au photographe et au lecteur d’albums. La photographie ne vient pas, ici, saisir un moment de sociabilité, interrompre temporairement le déroulement des échanges amicaux, mais vient au contraire surdéterminer le rassemblement de ces corps comme « devenir-historique » de l’amitié littéraire. L’espace métonymique de la photographie, la temporalité sous-jacente, sont ceux du champ littéraire, pas ceux de l’intimité, du quotidien.
Dans d’autres photographies, celle montrant Éluard à Saint-Brice, entouré de sa fille Cécile, de Gala, sa femme, ainsi que de Lou, Max et Jimmy Ernst[41], et celle de Breton, aux côtés d’Éluard, de Karol Teige et de sa femme Jacqueline, dans une rue de Prague[42], la distinction ne va pas de soi entre la mémoire amicale, le souvenir de touristes, fussent-ils célèbres, et la pose destinée à montrer l’unité entre artistes et écrivains, si ce n’est de la présence des femmes ou des enfants. Les femmes sont nettement moins fréquentes, dans celles ayant un caractère officiel, comme si le dévoilement public de la sociabilité littéraire ne les concernait guère, comme si, du point de vue de l’histoire littéraire, au sens fort, elles ne comptaient pas (sauf exceptions notables, comme celle de Simone de Beauvoir).
La juxtaposition, dans l’Album Gide, de photogrammes distincts d’un même film, mais manifestant des scénographies nettement différentes, permet de voir l’importance du cadrage, du décor, des poses, mais surtout des relations doubles et constitutives entre acteurs du « portrait de groupe » : les relations exposées et la relation d’exposition. Dans un de ces photogrammes[43], Gide et Valéry sont réunis sans être vraiment unis par un autre lien que la pose, l’attente de l’exécution de la photographie. Ils ne se regardent pas et se tournent presque le dos, dans le mouvement de torsion du corps en direction de la caméra. Dans celui placé au-dessous, sur la même page[44], les deux hommes se font face et semblent esquisser le partage d’une cigarette ou d’une allumette. Les corps sont saisis dans le mouvement qui les rapproche, celui de Valéry étant au surplus légèrement penché vers Gide, geste qui ne correspond aucunement à une posture intériorisant l’attente de la capture par l’image. Le lecteur a ainsi étrangement droit, dans une juxtaposition paradoxale, à une image « officielle » de l’amitié, image où les amis posent pour la postérité, mais qui ne manifeste cette amitié qu’en fonction d’une lecture historique rétrospective, et à une image de la relation amicale en exercice, image n’étant pas censée être publiée, d’autant plus qu’elle est « tachée » par un éclat de surexposition lumineuse.
Que la diffusion médiatique ultérieure structure dès le départ la scénographie ou qu’elle survienne plus tardivement, par décision éditoriale externe, la « publicité » accordée aux relations amicales constitue un des traits dominants des iconobiographies; du moins, c’est très net dans les « Albums de la Pléiade », et plus variable dans les collections de Seghers et du Seuil. Dans ce corpus l’écrivain n’est pas un solitaire, un écrivain maudit[45], mais l’ami, plongé dans une sociabilité heureuse (il n’y a pas en effet d’images de rupture, d’hostilité manifeste, au point d’ailleurs où le passage consacré à la polémique Camus-Sartre, dans l’album de ce dernier, est accompagné d’une photographie les montrant ensemble, souriants). Tout se passe ainsi, à feuilleter les photographies, détachées des textes, comme si le monde littéraire était un univers parfaitement irénique. Il y a donc une constitutive attente de l’iconographie amicale, ou du moins, un déploiement systématique de celle-ci, ce qui laisse entrevoir que les éditeurs misent sur la force de cette attente. Je ne peux qu’en affleurer les raisons, sous peine de déséquilibrer le survol des diverses scénographies du lien littéraire; cependant les enjeux de légitimation me paraissent cruciaux et expliquent pourquoi les amis ayant le malheur d’être avocats, médecins, professeurs, scientifiques, etc., ne sont pas jugés dignes de figurer auprès de l’écrivain consacré. Il y a certes une justification historique, documentaire, à ces panoramas amicaux, néanmoins, la logique sous-jacente et prédominante est manifestée de façon exemplaire dans l’Album Simenon, pourtant un des plus dépourvus à cet égard, dans le passage qui fait du premier contact avec Gide « la rencontre peut-être la plus importante de l’existence de Simenon[46] », précisant : « Gide va lui apporter ce dont il avait le plus envie et le plus besoin : une véritable reconnaissance littéraire[47] ». L’amitié entre écrivains est ainsi vue comme le signe par excellence de la légitimité octroyée par les pairs. Le capital symbolique « de proximité », collectivement détenu par les amis du biographé, rejaillit ainsi sur ce dernier, par opération implicite du capital social[48].
Portraits de groupe
Les portraits de groupe ont été une variante majeure du genre du portrait, dans l’histoire de l’art comme dans l’histoire de la photographie. Cependant, cette pratique a été nettement moins théorisée ou balisée méthodologiquement[49]. Dans le cas des groupes littéraires, le domaine est presque totalement en friche, alors même que la théorie de l’avant-garde a généré un sous-champ théorique spécifique[50]. J’avancerai donc, pour donner des balises à la catégorie des photographies de groupes, que les traits caractéristiques de cette production sont l’anticipation du regard extérieur (regard du public, de l’Histoire) et de la circulation « externe », via la publication[51], la composition exclusivement littéraire (ou artistique) du collectif représenté, et enfin la réunion d’un nombre relativement élevé de participants. Ces distinctions ne visent pas à instituer des frontières étanches entre catégories, mais à mettre en lumière, d’un même souffle, des tendances majeures, ainsi que des zones grises.
Ainsi, poser comme critère d’inclusion à cet ensemble la poursuite d’une carrière littéraire ou artistique ne vise pas à « invisibiliser » les « non-littéraires » (dont les femmes), mais à souligner que les photographies de groupe, « portraits officiels » de collectifs oeuvrant publiquement sur la scène littéraire (ou artistique), tendent précisément à restreindre leurs figurants aux seuls vrais acteurs du champ. Les usages ultérieurs, dont ceux des iconobiographies, rassemblent pêle-mêle, dans leurs pages, les scénographies d’intimité amicale et les portraits de groupe, alors même que les usages premiers, contemporains des prises de vues, ont séparé les deux ensembles, les premières étant largement restreintes à la sphère privée, alors que les seconds sont conçus pour afficher publiquement l’image du groupe.
Le critère du nombre de participants à la scène exposée invite à explorer plus avant les nuances, capitales, entre des portraits de configurations minimales, duos ou trios par exemple, et les portraits de « grands groupes », à distinguer, par exemple, entre les photographies d’Aragon et Breton ou d’Éluard et Breton mentionnées ci-dessus, et celle du « groupe dada en 1921 », premier « portrait de groupe » à figurer dans l’Album Breton[52]. Il ne s’agit certes pas de restreindre les portraits de groupe à ceux exposant la liste complète des membres « officiels », mais de soulever la question des effets métonymiques. En fonction de quels traits scénographiques, de quels individus, de quels usages (en particulier les légendes), peut-on ou doit-on faire des corps rassemblés sur la photographie l’incarnation matérielle d’un « corps collectif » qui serait celui du groupe? Noémie Suisse a soulevé cette question, dans son analyse des portraits d’André Breton; elle y avance que : « plus qu’une partie du tout, le chef de file a ceci de particulier qu’il incarne le tout[53] ». Breton représenterait ainsi, par sa seule présence, le groupe dans son ensemble. Je distinguerais plutôt, dans de tels cas, deux types d’effets métonymiques, celui de monstration du lien au groupe[54] et celui de monstration du groupe lui-même[55]. Tous les cas où plusieurs acteurs d’un même groupe littéraire ou artistique donné se trouvent réunis sur une même photographie ne constituent pas, ipso facto, des « photographies de groupe ». La scène peut, en effet, être clairement « intime », et la photographie, destinée à une circulation restreinte, privée. Certains membres du groupe, jugés essentiels, peuvent manquer, alors que d’autres, qui n’ont jamais signalé publiquement leur appartenance au groupe, se trouvent présents, etc. Enfin, la « photographie de groupe » peut tout aussi bien être obtenue par reconstitution, par la réunion de portraits individuels : les « montages » des journaux comme les « pêle-mêle » surréalistes[56] l’ont bien montré.
Entre rassemblement réticulaire, plus ou moins informel, et affirmation combative (« portrait de troupe », pour reprendre l’expression de Didi-Huberman[57]), la force du rapport entre noms des figurants et « nom-de-groupe » est variable, tout autant que les scénographies qui les donnent à voir. Les surréalistes (phase dada comprise) ont abondamment pratiqué les portraits de groupe, en particulier sous leur forme photographique[58]. De la photographie « en rang d’oignons », où rien ne signale une quelconque disposition esthétique particulière, encore moins la radicalité avant-gardiste, comme celle prise à l’occasion de la manifestation à St-Julien-le-Pauvre[59], à celles du procès Barrès exhibant des figurants costumés[60], de l’Échiquier surréaliste ou du Rêve éveillé de Man Ray, pour ne mentionner que celles-ci, ils surent explorer les possibilités esthétiques et médiatiques de ce genre.
Toutefois, il ne faut pas restreindre à ce corpus les traits et variantes du portrait de groupe. Il est révélateur, à cet égard, d’explorer les usages de deux « albums » consacrés à des collectifs[61]. Celui consacré au Nouveau Roman, par exemple, élaboré par Jean Ricardou, dans une réflexivité aussi frontale mais moins humoristique que le Roland Barthes par Roland Barthes, offre un cas particulièrement intéressant, avec deux séries de photographies de groupe, lesquelles correspondent à deux séances distinctes : la première est celle, célèbre, du photoreportage de Mario Dondero[62], la seconde celle du colloque de Cerisy de 1971. Abordant, dès les premières pages, la question du vocable, de la « collection d’écrivains », Ricardou en vient à proposer de suivre l’autodétermination accomplie, à ses yeux, par ledit colloque : « à partir d’une hypothèse des organisateurs, les écrivains ont eux-mêmes fait le départ entre ceux qui ne se sont pas sentis impliqués, et ceux qui, s’agissant du Nouveau Roman, s’y sont estimés en nécessaire et suffisante compagnie[63] ». Il peut ainsi établir ce qui serait la véritable liste des écrivains s’identifiant au Nouveau Roman : « Michel Butor, Claude Ollier, Robert Pinget, Jean Ricardou, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Claude Simon[64] ». Ce faisant, Ricardou tend à présenter les deux clichés de la séance de Dondero repris dans son ouvrage comme non représentatifs de ce collectif, d’où sans doute la formule étrangement vague de la légende : « Quelques écrivains réunis (en 1959) pour la photographie. De gauche à droite : A. Robbe-Grillet, Cl. Simon, Cl. Mauriac, J. Lindon (éditeur), R. Pinget, S. Beckett, N. Sarraute, Cl. Ollier[65]. » En vertu même de son « autodéfinition[66] », Ricardou, absent des séances de 1959, se trouve désormais au centre des « photographies officielles » du rassemblement de 1971, et la scénographie de groupe littéraire prend l’aspect d’intellectuels discutant entre deux séances de colloque.
La très abondante iconographie rassemblée dans L’Album NRF[67] mériterait une analyse ciblée, mais je me contenterai de souligner ici quelques aspects importants, sur le plan méthodologique. La NRF, c’est bien sûr, en tout premier lieu, une revue. Aussi est-ce une reproduction de la première couverture qui constitue la première illustration de l’album[68]. Mais quel est le « véritable collectif », méritant d’être associé à la revue ou aux éditions qui en surgirent? Les difficultés sont d’autant plus grandes que l’histoire de la revue couvrait déjà presque 100 ans, au moment de la publication de l’album, que ses pages avaient rassemblé des centaines et centaines de collaborateurs, et que les éditions de la NRF/éditions Gallimard, de même, avaient accumulé, dans leur catalogue, une liste extrêmement longue d’auteurs. La solution évidente, dès lors, pourrait être de se tourner vers l’équipe de direction. La photographie d’Arland, Aury et Paulhan, prise en 1953, année de réapparition de la revue, sous le titre de La Nouvelle nouvelle revue française, va dans ce sens[69]. Il est cependant étonnant qu’il n’y ait aucune illustration équivalente pour les périodes 1908-1914 ou 1919-1940[70]. On ne trouve guère, pour ces périodes et les écrivains concernés, que des photographies de duos ou trios, à de très rares exceptions près. Or, parmi ces exceptions, on compte deux larges rassemblements, dont les illustrations sont stratégiquement placées au tout début de l’album, ceux des décades de Pontigny de 1910 et de 1923, lesquelles tiennent lieu de portrait des « fondateurs ». Le jeu des nominations est particulièrement révélateur, ici : pour la seconde, l’énumération est systématique et donne droit de cité à tous les figurants de la photographie[71]; pour la première, la légende de l’album ne mentionne que quelques-uns des figurants[72] (six), insistant sur le rôle de la NRF, alors que les annotations, sur la photographie, en identifient 15[73]. Ce ne sont là que des exemples rapides, mais ils indiquent l’importance des scénographies et des usages dans les « images de groupe », sous-ensemble foisonnant et complexe des images d’auteur.
Sur la tribune : l’écrivain et la politique
Dans les scénographies du lien social examinées jusqu’ici, aucune place n’est réservée à des figures incarnant le public, bien que les photographies de groupe et certaines des scènes d’amitié postulaient implicitement, dans le jeu des regards, celui d’un spectateur anonyme, inconnu, extérieur à la communauté de l’image. Dans les photographies amicales, comme on l’a vu, l’objectif épouse le regard d’un intime s’étant temporairement extrait du cercle d’amis, cercle à l’intérieur duquel la photographie est destinée à circuler. Pas de relations triangulaires, alors, entre sujet, photographe et public, mais circulaires, plutôt, jusqu’à ce que la publication brise cette sphère. Le jeu de relations est tout à fait distinct, dans le cas des scénographies mettant aux prises l’écrivain et un rassemblement de lecteurs ou de spectateurs venus le voir, l’écouter, lui parler. Dans ces photographies, le public est métonymiquement exposé, par le biais d’un ou plusieurs corps; de son côté, le photographe le saisit dans son image (ou du moins l’intègre dans l’espace, car quelques cadrages relèguent les spectateurs dans les marges, voire dans le hors-champ, tout en signalant sa présence, son lien avec l’écrivain ou les écrivains juchés sur la tribune[74]). Les événements, ici, ne sont plus à la frontière du public et du privé, comme pour les sociabilités de café, mais nettement d’ordre public. De plus, il y a une séparation claire entre l’écrivain et ses pairs, d’une part, et le public, d’autre part.
Le corpus étudié est étrangement révélateur en ce qui concerne ce type de photos : dans la plupart des monographies illustrées, le public est le grand absent, et quand l’écrivain, exceptionnellement, se confronte à lui, le contexte s’avère politique, bien plus que littéraire ou culturel. On ne trouve presque jamais de lancements, de séances de signature, de lectures ou récitals[75]. La littérature ne saurait être objet de rencontre, fondement d’une relation concrète, fut-elle temporaire, entre l’écrivain et ses lecteurs, mais la politique le peut.
Il n’y a donc de relation visible au public que sous les auspices de la politique, et encore, dans quelques ouvrages seulement, dont ceux sur Barrès, Gide, Malraux et Sartre[76]. On pourrait être tenté de distinguer les photographies mettant plus clairement en scène l’homme politique (député ou ministre) que l’écrivain, dans le cas de Barrès et Malraux, mais ce serait peine perdue, car le dispositif demeure le même, pour l’essentiel, opposant un petit nombre d’acteurs, centraux sur la photo, à un groupe nettement plus large, plus périphérique, à qui les premiers adressent la parole, comme le signale la distribution des places ainsi que les lutrins ou micros. Du nationaliste de droite du début du siècle au maoïste des années 70, en passant par les meetings antifascistes de l’entre-deux-guerres, il n’y a guère de variations que dans le cadrage, surtout dans l’échelle des plans, qui détermine en quelque sorte l’espace laissé au public.
Un exemple l’illustre particulièrement bien, quoiqu’a contrario, celui d’une photographie du Camus des « Écrivains de toujours »[77]. Focalisée sur ce dernier et dépourvue de légende, cette image ne met guère en évidence la prise de parole, puisque la pose de l’écrivain, les yeux tournés vers l’horizon, est méditative. De plus, les figures à l’arrière-plan (sans doute des membres du service de sécurité) regardent dans la même direction que l’écrivain. Ces figurants, placés dans l’ombre, ne tendent guère à donner corps à un éventuel public. Le microphone est bien visible, dans la main de Camus, mais comme par inadvertance. Le texte tire cette image dans une autre direction, celle de l’écrivain « cerné de regards avides[78] », de l’écrivain subitement placé en pleine lumière, rayonnant, objet d’adoration, en somme. C’est tout le contraire dans le cas de l’image montrant Sartre s’adressant aux étudiants, en mai 1968, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne[79]. Peu flatteuse pour l’écrivain saisi en pleine élocution, elle confère une force symbolique puissante à la relation au public, à cette foule compacte. La foule, alors, n’est plus simplement un public, le relais éventuel des idées de l’orateur, mais la manifestation d’un acteur collectif. Ce sont là les deux pôles extrêmes, sans doute, des scénographies de l’écrivain-intellectuel haranguant la foule : d’un côté, la réduction du public à un rôle accessoire, son effacement, de l’autre, la manifestation de son rôle politique, comme « collectivité » élargie. Quoi qu’il en soit, le lien social exhibé (ou neutralisé), celui entre l’écrivain et le public, comme celui entre les figures composant le public, n’est pas informé par un rapport à la littérature ni par une quelconque intimité. La configuration est celle du rassemblement « public », la scénographie transforme les lieux en « espace public », qu’il s’agisse de la rue, d’une salle de réunion ou d’un amphithéâtre.
Documenter les liens : lettres, revues, oeuvres
Les pages qui précèdent, centrées sur l’apport des photographies, ont implicitement restreint à celles-ci la mise en scène iconographique du lien social accomplie dans le corpus de monographies illustrées. Or, bien d’autres documents sont mobilisés, dans ces ouvrages, pour illustrer des liens sociaux. Mais avant de faire le saut, je soulignerais l’usage très particulier des portraits individuels d’autrui, dans le corpus. Une fois le chapitre consacré aux liens familiaux terminé, clos, ces portraits témoignent in absentia d’une relation littéraire ou artistique amicale[80]. Avant même de recourir aux légendes, dès qu’il remarque que le sujet de ces images n’est pas le sujet de la biographie, le lecteur peut en effet présumer qu’il s’agit d’un autre écrivain, lequel aurait été un ami relativement intime du biographé. Il est exceptionnel que ces portraits servent à préciser les traits d’un adversaire résolu[81]. Ici aussi, en somme, la bonne entente règne, dans le monde littéraire.
Mais pourquoi recourir à de tels portraits, plutôt qu’à des images de sociabilité amicale, s’il s’agit de documenter celle-ci? Pourquoi telle ou telle amitié a-t-elle engendré une abondante iconographie, au contraire de telle autre qui semble réfractaire à l’image? Outre les problèmes archivistiques, la propension relative à la photographie, dans les différents cercles littéraires, et le type de rapport à l’image d’auteur (discursive et iconographique), les lieux de résidence constituent une autre piste d’explication[82]. Un Giono, peu disposé à quitter sa chère Provence, un Claudel occupant des postes diplomatiques à l’étranger auront moins d’occasions de fréquenter les confrères établis à Paris, et par conséquent, auront de plus faibles chances de garder un souvenir photographique de telles fréquentations, quelle que soit par ailleurs leur disposition quant aux sociabilités littéraires ou mondaines.
Le cas de Claudel me permettra de passer à un premier type de document « non photographique », du moins à un premier degré, celui des lettres. L’iconographie relationnelle et littéraire est particulièrement faible, dans les monographies illustrées qui lui sont consacrées[83]. Cependant, dans le cas de l’« Album de la Pléiade », cette iconographie s’appuie volontiers sur des reproductions de lettres : 14 en tout, chiffre auquel il faut ajouter les pages de couverture des éditions de correspondance avec Jacques Rivière et avec André Gide. L’Album Giono, de même, ne reproduit pas moins de 19 lettres[84]. La part épistolaire de l’iconographie est hautement variable : moins d’une dizaine dans l’Album Queneau, contre plus de 50 dans celui d’Apollinaire.
L’emploi de la lettre pour documenter et surtout illustrer les liens entre écrivains obéit à une tout autre logique que celle des photographies. Ces dernières, sauf exception, matérialisent et mémorialisent une relation dont l’essentiel se situe ailleurs. On ne se réunit pas pour prendre une photo, on prend une photo parce que l’on est réuni. La lettre, elle, est le medium même de la relation, c’est par elle, par l’indissociable travail d’écriture et de sociabilité qu’elle accomplit, que se nouent et se dénouent, se resserrent ou se relâchent les liens entre destinateur et destinataire. Cependant, ce travail textuel, au centre des études sur l’épistolaire, n’intéresse que partiellement les éditeurs; nombre de lettres sont tronquées[85], ou peu lisibles d’ailleurs. Du point de vue sémiotique, on peut y voir le recours iconographique à l’indice; la lettre, alors, n’est plus un ensemble de signes écrits envoyés au destinataire, mais le signe visuel de la trace, du contact physique entre écrivains[86].
Il n’y a ainsi pas de différence, dans l’usage biographique, entre ces lettres et les envois dédicacés, qui ont pourtant, sur le plan générique comme sur le plan social, une tout autre portée. L’envoi, c’est un don de livre, une invitation à la lecture, à une relation passant par l’oeuvre, mais condensée en une phrase, souvent dans des formules figées. Pour quiconque a travaillé sur les sociabilités littéraires, le recours à ce type de document plutôt qu’à la lettre signale la faiblesse voire l’inexistence du lien, non pas la proximité. L’Album Aymé, qui en est friand, mais dépourvu de lettres et fort pauvre quant aux photographies de sociabilité littéraire, défait donc, iconographiquement, par le manque, la figure d’écrivain fréquentant avec tact de multiples cercles littéraires, sans se laisser happer par aucun d’eux[87]. L’interprétation est plus délicate, en ce qui concerne les envois de photos dédicacées : les recherches que j’ai pu mener jusqu’à présent sur les correspondances me conduiraient à voir dans l’offrande du portrait un geste de consolidation d’une relation déjà établie, voire un moment d’intensification émotive (comme chez Mme de Lafayette). Il y aurait lieu, d’ailleurs, de se pencher sur ces dons de photos entre écrivains.
En plus des lettres, on trouve fréquemment dans mon corpus des reproductions de pages couvertures de revues (plus rarement de tirés à part d’articles). Ces images, comme celles des alter-écrivains posés seuls, induisent une association automatique entre le biographé et la revue. Voir apparaître dans l’Album GionoLa Criée, les Cahiers de l’artisan, Commerce, puis Les Cahiers du Contadour, mène à postuler, sans même lire les légendes, que Giono a successivement collaboré à chacune d’elles[88]. La double page du Bataille des « Écrivains de toujours », affichant les couvertures de Contre-Attaque, de Critique et de la Nouvelle Revue française, associe Bataille à chacune d’elles[89]. Ces illustrations devraient d’une certaine manière être structurellement constitutives des iconobiographies et mettre fin aux photos de famille ou aux photos de classe, quand ces dernières sont présentes, si les récits élaborés par l’iconographie étaient vraiment ceux des carrières littéraires. Les débuts de carrière littéraire, pour la plupart des écrivains, les toutes premières publications, eurent en effet lieu dans des revues, souvent dans des revues étudiantes.
Plus encore que les photographies de groupe, celles des revues constituent d’une certaine manière les véritables images des groupes littéraires, des liens qui les fondent, dans la mesure où, selon la logique du champ, revues et groupes reposent sur le rassemblement de noms propres et de textes, sur le projet d’écrire ensemble. Cependant, la logique du champ n’est pas la seule à informer les sociabilités : pour les groupes animés par l’utopie avant-gardiste de la fusion communautaire, la dynamique fondamentale n’était pas celle du champ, et impliquait bel et bien les corps des écrivains, pas seulement leur corpus.
On trouve enfin un autre grand type de document visant à illustrer le lien social : le portrait illustré[90]. Pour quelques écrivains, en effet, les portraits que firent d’eux un ou plusieurs artistes servent de trace iconographique d’une relation artistico-littéraire[91]. Le texte, d’ailleurs, ne manque pas de signaler la relation unissant le portraitiste et son « modèle », sujet par ailleurs de la biographie illustrée. Ces oeuvres accomplissent ainsi plusieurs fonctions à la fois : en plus de documenter, visuellement, ces liens entre le biographé et le monde artistique, elles contribuent à renforcer le prestige « artistique » de l’écrivain en question, à le présenter comme un acteur impliqué dans le champ artistique, en même temps qu’à améliorer la facture visuelle de la biographie elle-même. On ne peut inférer de chaque « portrait » (au sens pictural) reproduit dans les monographies qu’il y avait un lien fort entre l’artiste et le modèle, mais, le plus souvent, l’amitié sera présumée, de la même manière que les photographies individuelles laissent supposer l’existence d’une relation amicale.
Ce tour d’horizon, basé sur une typologie à visée heuristique, exploratoire, met en évidence, en premier lieu, la pluralité des types de documents et de liens représentés, et de ce fait, la richesse herméneutique de cet objet d’étude. Cette incursion du côté de l’iconographie du lien social dans les collections de monographies illustrées, de nature schématique, n’a cependant exploré qu’une dimension de l’image d’auteur, celle de nature picturale, précisément; pour explorer les collections comme iconotextes, il faudra aussi examiner le pendant discursif de l’image d’auteur, et plus spécifiquement la mise en discours du lien social : lexique, topoï, emplois rhétoriques (dont l’énumération).
Le dépouillement accompli pour le présent travail a fait surgir, à ce sujet, l’hypothèse d’une absence quasi systématique du terme de groupe, de même qu’une rareté significative des étiquettes collectives (« surréaliste », « existentialiste », etc.), en regard d’un emploi abondant du registre de l’amitié. Des travaux ultérieurs seront nécessaires pour infirmer ou confirmer cette hypothèse et voir s’il s’agit là d’un biais interprétatif lié à une des conclusions majeures de l’examen de l’iconographie, à savoir la prédominance quasi généralisée des scénographies d’amitié sur les portraits de groupe (alors même que notre corpus a privilégié des écrivains fortement associés à des groupes ayant marqué l’histoire littéraire du xxe siècle).
Comment expliquer la surabondance de l’amitié et l’atténuation des relations au groupe, dans ce corpus? Un détour vers les Pays-Bas du xviie siècle offrira peut-être une piste d’explication : les commissaires d’une récente exposition sur les portraits de groupe de cette époque soulignaient le déplacement symbolique menant des portraits de monarque, portraits individuels censés illustrer le double « corps du roi » et la nature aristocratique du pouvoir, vers ces portraits de collectivités laïques, bourgeoises, assumant désormais le pouvoir dans une délicate combinaison d’élitisme et d’égalitarisme[92]. Dans cette perspective, l’iconographie du lien social, telle que travaillée par les collections de monographies illustrées, signalerait une nette réticence à faire passer « l’empire de l’auteur[93] » de sa sacralisation individuelle vers la logique communautaire, fortement associée à l’avant-garde[94], sans doute trop politique. Le portrait de l’écrivain en « ami » esquisse ainsi une image d’écrivain « familier », intime, mais reconduisant finalement son « élection ». Cet écrivain, en effet, évolue essentiellement dans un univers littéraire, aux côtés d’autres grands noms.
Je terminerai cet examen des diverses manifestations iconographiques des sociabilités littéraires avec trois remarques de portée plus générale. La première concerne le statut distinct des femmes et des hommes dans le sous-ensemble des scénographies de l’intimité. Dans l’intimité dévoilée par ces photos, on trouve deux types de noms, essentiellement : ceux des hommes sont des noms d’auteurs, des noms d’artistes, porteurs de renom, de capital symbolique, alors que ceux des femmes sont des noms d’état civil, des noms sans oeuvre, sans signature, dans l’écrasante majorité des cas. En même temps, comme on a vu, il n’y a pas d’autres acteurs non littéraires qu’elles, dans ces photographies. Sans le dire, cette iconographie montre qu’il n’y a pas de communauté littéraire amicale sans femmes, que ces corps féminins omniprésents peuvent inspirer l’écrivain, discuter avec lui, lancer des idées, mais ne peuvent devenir des corps de gloire, comme le dit Michon[95]. Les collections elles-mêmes, dans leur choix d’écrivain, confirment cette exclusion[96].
L’examen des différentes catégories de l’iconographie permet en second lieu de découvrir que l’image dominante (et nettement dominante) des microcommunautés littéraires est celle de l’amitié. Et pourtant, cette notion d’amitié littéraire, la diversité des pratiques qu’elle recouvre, l’importance des enjeux qui la traversent, tout cela est encore largement terra incognita des travaux en études littéraires, et en particulier des réflexions théoriques autour de la posture et de l’image d’auteur.
Mon ultime remarque concernera cette dernière notion. J’ai tenté de montrer, au long de cet article, l’importance des « tiers inclus », dont les écrivains autres que le sujet de ces iconobiographies. Mais qu’en est-il de leur image d’auteur hors de ces corpus? Quand, par quelles médiations, grâce à quels acteurs, l’image d’auteur d’un écrivain donné a-t-elle été associée à d’autres écrivains (et lesquels)? Y a-t-il des régularités, des spécificités, selon les époques, les positions dans le champ, de cette image alter-auctoriale? Découvre-t-on des décalages entre associations onomastiques et juxtapositions iconographiques[97]? À toutes ces questions, les recherches actuelles offrent bien peu de réponses; ce sont là, de ce fait, autant de domaines ouverts à des explorations futures.
Parties annexes
Note biographique
Michel Lacroix est professeur au Département d’études littéraires de l’UQAM et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). Ses recherches actuelles portent sur les sociabilités, les revues et les romans de la vie littéraire, en France et au Québec. Il est l’auteur de L’Invention du retour d’Europe et de La Beauté comme violence. L’esthétique du fascisme français 1919-1939.
Notes
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[1]
Jean-Claude Bonnet, « Naissance du Panthéon », Poétique, no 33, 1978, p. 46-65.
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[2]
Album Raymond Queneau, Anne-Isabelle Queneau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2002.
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[3]
Album Montherlant, Pierre Sipriot (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1979.
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[4]
Paul Valéry, « Leçon inaugurale du cours de poétique au Collège de France », Variété V, Paris, Gallimard, 1945, p. 292-322.
-
[5]
Adeline Wrona, Face au portrait : de Sainte-Beuve à Facebook, Préface d’Yves Jeanneret, Paris, Hemann, « Cultures numériques », 2012, p. 26.
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[6]
Mon analyse sera essentiellement synthétique. Je me suis intéressé aux traits sériels, récurrents, structurants, qu’ils soient riches ou pauvres, sur le plan symbolique ou esthétique. Je passerai rapidement sur les exemples donnés à voir, car ils servent d’exemplifications des tendances générales étudiées; je ne développerai donc pas d’interprétations tenant compte des singularités. De même, devant l’abondance de matière, sur le plan iconographique, et le faible nombre d’études consacrées aux figurations visuelles des sociabilités littéraires, j’ai dû laisser de côté les figurations textuelles de ces mêmes sociabilités, ainsi que les comparaisons qui auraient pu en résulter entre texte et iconographie.
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[7]
« Effets de corps et faits de groupes : photographies d’écrivains québécois “en collectivité” (1895-1980) », dans David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau (dir.), L’écrivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux (XIXe-XXIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître.
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[8]
« La Fabrique du patrimoine littéraire. Les collections de monographies de poche illustrées en France (1944-2014) », Programme de recherche du FWO (Fonds de la recherche scientifique – Flandre).
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[9]
Je suis redevable, à cet égard, des travaux récents sur l’iconographie des écrivains, parmi lesquels : David Martens et Nausicaa Dewez (dir.), « Iconographies de l'écrivain », Interférences littéraires, no 2, 2009, http://www.interferenceslitteraires.be/nr2; David Martens et Anne Reverseau (dir.), « Figurations iconographiques de l’écrivain », Image and narrative, vol. 13, no 4, 2012, http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/issue/view/26; et Jean-Pierre Bertrand, Pascal Durand et Martine Lavaud (dir.), « Le portrait photographique d’écrivain », COnTEXTES, no 14, 2014, https://contextes.revues.org/5904.
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[10]
Pour l’apport de la sociocritique de l’épistolaire, je renverrai aux travaux anciens mais cruciaux du CULSEC (Benoît Melançon et Pierre Popovic (dir.), Les Facultés des lettres : recherches récentes sur l’épistolaire français et québécois, Montréal, CULSEC, 1993; Benoît Melançon, Diderot épistolier : contributions à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996). Pour la sociologie des sociabilités, je me contenterai de mentionner le collectif sur les réseaux littéraires (Benoît Denis et Daphné de Marneffe, (dir.), Les Réseaux littéraires, Bruxelles, Le CRI, 2006) et la synthèse sur les cénacles, dont l’introduction offre une des rares propositions théoriques et méthodologiques sur l’histoire des sociabilités littéraires (Anthony Glinoer et Vincent Laisney, L’Âge des cénacles : confraternités littéraires et artistiques au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2013). Enfin, les travaux de Ruth Amossy sur l’ethos, de Dominique Maingueneau sur les scénographies et paratopies et de Jérôme Meizoz sur les postures sont largement connus, aussi vais-je me contenter de renvoyer à un numéro de revue qui les rassemble tous trois et croise les réflexions sur l’image d’auteur, les scénographies auctoriales et les postures : Michèle Bokobza Kahan et Ruth Amossy, « Ethos discursif et image d’auteur », Argumentation et analyse du discours, no 3, 2009, http://aad.revues.org/656.
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[11]
Les « Albums Pléiade » sont les suivants : Apollinaire, Aragon, Aymé, Baudelaire, Breton, Cendrars, Claudel, Cocteau, Éluard, Gide, Giono, Malraux, Montherlant, NRF, Prévert, Proust, Queneau et Sartre. Les « Écrivains de toujours » : ceux consacrés à Barrès, Bataille, Bernanos, Breton, Camus, Claudel, Cocteau, Éluard, Gide, Giono Giraudoux, Malraux, Montherlant, au Nouveau roman et aux Surréalistes. Les volumes tirés des « Poètes d’aujourd’hui » : ceux d’Apollinaire, Aragon, Breton, Claudel, Cocteau, Éluard et Queneau. Ont été privilégiés les écrivains ayant des biographies illustrées dans plus d’une collection, afin de faciliter les comparaisons. Par ailleurs, l’Album Baudelaire a été retenu comme échantillon « dix-neuvièmiste », afin de voir s’il y avait des variations significatives dans l’iconographie du lien social, d’un siècle à l’autre. J’y reviendrai plus loin. Les références bibliographiques complètes ne seront données que lorsque je réfèrerai, dans mon analyse, à des exemples précis.
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[12]
Ceci dévoile, implicitement, la valeur secondaire attribuée à l’iconographie des sociabilités.
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[13]
J’utiliserai ce terme, au cours de cet article, comme équivalent du syntagme « monographies illustrées », afin de souligner l’intermédialité textuelle et iconographique caractéristique de cette série génériquement hétéroclite, en même temps que la relation forte entre les illustrations et la structure narrative biographique, présente dans la plupart de ces ouvrages.
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[14]
Cela est plus net encore dans le texte de ces biographies, moins porté à aller plus loin qu’une simple mention. Pourtant, le rôle des enfants et petits-enfants est crucial dans la destinée posthume des images d’auteur, que ce soit par le biais des associations d’amis ou le contrôle des archives (photographies comprises). Qui plus est, on trouve régulièrement de ceux-ci dans le nombre des biographes, comme c’est le cas par exemple pour l’Album Queneau, édité par sa belle-fille.
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[15]
En ceci, ce corpus diffère de celui des « Écrivains canadiens d’aujourd’hui », où les enfants abondent, mais pas les relations amoureuses : la famille semble l’emporter sur Éros, dans l’imaginaire de la littérature proposé par Fides (maison d’édition aux positions catholiques, rappelons-le). Voir à ce sujet la contribution de Marie-Pier Luneau à ce numéro : « Universels, mais authentiquement canadiens. Représentations iconographiques de l’écrivain québécois dans la collection “Écrivains canadiens d’aujourd’hui” (1963-1975) ».
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[16]
Conformément à la logique inhérente aux albums, recueils structurés par l’image, plutôt que par le texte.
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[17]
La « photo de classe » de Giono reproduite dans l’album Pléiade entoure ainsi de médaillons Giono et trois condisciples, reléguant ainsi les 36 autres enfants à n’être que d’anonymes figurants du passé (Album Giono, Henri Godard (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 34). On souligne, pour celle de Gide : « En rhétorique, à l’École Alsacienne (1887-88). À l’extrême-gauche, Gide, les mains posées sur les épaules de Pierre Louis » (Claude Martin, André Gide par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1965, p. 47). Dans certains cas, le professeur seul sera nommé, quand il sera lui-même relativement connu : « Classe de philosophie (1888-1889). Professeur : A. Darlu. Proust est au deuxième rang, à gauche » (Album Proust, Pierre Clarac et André Ferré (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 74). Plus souvent, l’anonymat est total : « Photographie de classe de Jean Cocteau au Petit Condorcet, vers 1902-1903, avec mention autographe postérieure. Cocteau est au centre, en costume clair, au second rang en partant du haut » (Album Cocteau, Pierre Bergé (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 25); les iconographes adoptent ainsi, dans leur usage des photos de classe, un regard radicalement inverse de celui des écrivains eux-mêmes, qui les auront en général conservées afin de se rappeler leurs amis d’enfance. Un bon exemple de cette contradictoire approche est celui d’une photographie de classe de Gide : cette photographie est reproduite dans l’album Pléiade avec la seule mention « L’École alsacienne, année scolaire 1887-1888 », sans aucune reproduction des noms, apposés par Gide sur la photographie elle-même, mais parfois peu aisés à déchiffrer pour le lecteur : Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 44-45.
-
[18]
Les légendes des photographies d’Apollinaire et de Giono, tous deux croqués au moment où ils étaient employés de banque, avec leurs collègues, en sont révélatrices : « Apollinaire (second plan à gauche) et ses collègues de banque », Album Apollinaire, Pierre-Marcel Adéma et Michel Décaudin (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, p. 83.
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[19]
Voir à ce sujet l’introduction d’Anthony Glinoer et Vincent Laisney, L’Âge des cénacles. Confraternités littéraires et artistiques au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2013, p. 16-38.
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[20]
Je précise que, dans la suite de l’article mentionné plus haut, écrit avec Pascal Brissette, l’emploi que je fais ici de la notion de scénographie « iconographique » est celle d’une disposition des corps et des objets dans l’espace, laquelle produit des configurations sémiotiquement significatives; cet emploi se distingue donc des scénographies énonciatives, telles qu’étudiées et théorisées par Dominique Maingueneau, Le discours littéraire. Paratopie et scène d'énonciation, Paris, Armand Colin, « U-Lettres », 2004.
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[21]
Des configurations complexes, au demeurant, se manifestent dans ces photographies. L’écrivain y est tantôt placé aux côtés du seul metteur en scène, tantôt aux côtés du metteur en scène et des comédiens, parfois encore spectateur de sa propre oeuvre, assis dans la salle au milieu du public. Si la légitimation iconographique du dramaturge est l’élément constant, la monstration des liens varie grandement, insistant dans certains cas sur le travail de création collective (« Arthur Honegger, Paul Claudel et Jean-Louis Barrault préparant Le Soulier de satin, 1943 » fait voir ces derniers assemblés autour d’un bureau : Album Claudel, Guy Goffette (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, p. 232-232), alors que d’autres correspondent manifestement à une pose pour fins publicitaires (ou de reportage), laissant douter de l’existence véritable de liens entre comédiens et l’écrivain (c’est le cas, par exemple, pour « Paul Claudel entouré des acteurs du Pain dur, Jany Holt, Pierre Renoir, André Barsacq, Germaine Montero, 1949 […] », Album Claudel, op. cit. p. 276). Enfin, la scénographie insiste dans d’autres cas sur la capture d’un moment d’intimité, donc sur la force des liens entre les figures représentées (la grande proximité physique entre Claudel et Marie Bell, le sourire éclatant de cette dernière, leur regard réciproque tendent à présenter leurs rapports comme amicaux, dans « Marie Bell et Paul Claudel entre deux répétitions du Soulier de satin, 1945 […] », Album Claudel, op. cit., p. 235).
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[22]
Parmi celles-ci : « Au Lorientais vers 1946. De gauche à droite, Queneau, Mme Vian, Pontalis, Vian; assis à côté de Sartre; à droite, Ollivier, M. Savage et d'Halluin. », Album Sartre, Annie Cohen-Solal (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1991, p. 118-119; « Sartre avec Vian, Mme Vian et Simone de Beauvoir. », op. cit., p. 150.
-
[23]
Exemplifié par Gérard-Georges Lemaire dans Les Cafés littéraires. Vies, morts et miracles, La Différence, 1997.
-
[24]
On trouve bien, dans l’Album Breton, une image du café Cyrano, mais c’est la reproduction d’une carte postale montrant sa devanture, antérieure à la période surréaliste (« Le Café Cyrano de la place Blanche, vers 1900-1910. Carte postale », Album Breton, Robert Kopp (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 2008, p. 114). Le même album reproduit une autre photographie des surréalistes au café, mais, outre qu’elle date de 1953, donc correspond étrangement à la période germanopratine, la configuration ne correspond aucunement à la sociabilité de café, les individus étant tous rassemblés du même côté des tables, en quatre rangs serrés, le regard tourné du même côté, comme s’ils avaient été surpris en spectateurs d’une diffusion cinématographique ou d’un spectacle : « Le groupe surréaliste au Café de la Place Blanche, mars 1953 […] », Album Breton, op. cit., p. 294-295.
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[25]
C’est d’ailleurs, pour Antoine Lilti, le geste fondateur de la célébrité, celui de publiciser, de rendre publique la vie privée des figures d’envergure « nationale » : Antoine Lilti, Figures publiques : l’invention de la célébrité, 1750-1850, Paris, Fayard, 2014.
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[26]
Sans notice [Cocteau et Radiguet à la plage], dans André Fraigneau, Cocteau par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1969, p. 31. Notons en passant que l’album Cocteau insère une photographie de Radiguet nu sur la plage, le regard tourné vers l’objectif; il n’y a pas de relation mise en scène, cependant, bien que la configuration laisse supposer une forte intimité entre Radiguet et le photographe.
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[27]
« Max Ernst, Gala et Paul Éluard à Imst », Album Éluard, Roger-Jean Ségalat (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1968, p. 71.
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[28]
« Avec Max Morise (de dos) au Canadel, 1931 », Album Queneau, Anne-Isabelle Queneau (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 2002, p. 69.
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[29]
C’est-à-dire retravaillant la dimension iconographique de l’écrivain comme objet sémiotisé, objet de discours et d’images. L’élaboration de la notion d’image d’auteur, telle qu’effectuée dans le cadre de l’analyse du discours, a peut-être tendu à faire de l’image un terme métaphorique, plus ou moins équivalent à celui de figure, délaissant implicitement, dans les propositions théoriques, la dimension visuelle des phénomènes mis en cause.
-
[30]
Plus précisément : la scène de sport d’hiver et la présence de Gala, aux côtés d’Éluard et Ernst, signalent que ces deux derniers n’ont pas une relation « strictement » littéraire ou artistique mais ouverte, au contraire, à une « pluridimensionnalité », constitutive précisément du lien amical.
-
[31]
Il faut dire qu’il s’agirait de photogrammes d’un film de Marc Allégret sur Gide, destiné d’emblée à exhiber la relation entre ces acteurs, sinon à la susciter, pour les besoins du documentaire : « André Gide avec Jean-Paul Sartre en 1950 pendant le tournage du film de Marc Allégret », Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 226; « Avec Sartre (pendant le tournage, par Marc Allégret, d’Avec André Gide ». Le volume des « Écrivains de toujours » attribue au contraire cette image à un tout autre film : « À Cabris dans le jardin d’Élisabeth, avec Sartre, pendant le tournage de La Vie commence demain de Nicole Védrès (été 1949) » : Claude Martin, André Gide, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1995, p. 201.
-
[32]
« En 1910, Maurice Barrès avec Frédéric Masson et Paul Bourget (assis) », Jean-Marie Domenach, Barrès par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1954, p. 49.
-
[33]
Voir par exemple l’Album Malraux (Jean Lescure (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1986), qui en contient plusieurs. On n’en trouve au contraire aucune dans l’Album Gide (Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985).
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[34]
Ici, je ne puis que regretter l’absence quasi totale de remarques, dans les biographies illustrées, quant aux usages antérieurs de l’iconographie : savoir quelles photographies ont été ou non publiées, à quel moment et dans quels médias serait d’un apport extrêmement utile à la compréhension de l’histoire médiatique de l’auteur célébré.
-
[35]
Ruth Amossy, La Présentation de soi : ethos et identité verbale, Paris, Presses universitaires de France, 2010; Ervin Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Minuit, 1973.
-
[36]
« Aragon et Breton par Man Ray en 1929 », Album Aragon, Jean Ristat (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1997, p. 178. Cette photographie est également reproduite dans le Breton des « Poètes d’aujourd’hui » : Jean-Louis Bédouin, André Breton, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1970 [1955], p. 64.
-
[37]
« Éluard et Breton, 1928 », Jean Raymond, Éluard par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1968, p. 23.
-
[38]
« André Gide avec Roger Martin du Gard », Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 226.
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[39]
« André Malraux avec André Gide à Roquebrune en 1941, avec Magnès Sperber (absent sur la photo) », Album Malraux, Jean Lescure (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1986, p. 174.
-
[40]
« Sartre et Camus chez Picasso, juin 1944 », Album Sartre, Annie Cohen-Solal (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1991, p. 156-157. On peut noter ici, comme pour la précédente, l’importance accordée aux absents célèbres, dans les légendes.
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[41]
« Lou Ernst, Paul Éluard, Gala, Max Ernst, son fils Jimmy, et Cécile Éluard à Saint-Brice », Album Éluard, Roger-Jean Ségalat (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1968, p. 72.
-
[42]
« Paul Éluard, Karel Teige, Jacqueline et André Breton à Prague, mars-avril 1935 », Album Breton, Robert Kopp (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 2008, p. 209.
-
[43]
« Avec Paul Valéry dans un film tourné par Marc Allégret aux Buttes-Chaumont en 1925 », illustration no 234, Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 171.
-
[44]
« Avec Paul Valéry dans un film tourné par Marc Allégret aux Buttes-Chaumont en 1925 », illustration no 235, Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985, p. 171.
-
[45]
La sélection d’écrivains du xxe siècle oriente peut-être ce constat, mais l’analyse de l’Album Baudelaire, écrivain pourtant associé à ce mythe, donne à penser que pour ceux du xixe siècle aussi, l’iconographie insiste sur leur socialisation littéraire, multiplie les figures de « l’ami-écrivain ».
-
[46]
Album Simenon, Pierre Hebey (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003, p. 158.
-
[47]
Album Simenon, Pierre Hebey (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003, p. 163.
-
[48]
Cette logique est exemplifiée, dans les textes biographiques, par la manie de l’énumération. On peut remarquer à cet égard que, dans leur volonté de s’éloigner des contraintes propres au modèle dominant « vie-et-oeuvre », plusieurs des textes des « Écrivains de toujours » échappent à cette figure. C’est le cas, entre autres, pour les ouvrages consacrés à Camus (Morvan Lebesque, Camus par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1963), Giraudoux (Chris Marker, Giraudoux par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1952) et Montherlant (Pierre Sipriot, Montherlant par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1953). Les « Albums de la Pléiade », au contraire, dans le tropisme de la reconstitution chronologique qui est le leur, les multiplient.
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[49]
La principale exception, en ce qui concerne l’histoire de l’art, est la monographie de Riegl, fort ancienne (Le Portrait de groupe hollandais, Paris, Hazan, 2008 [1902]). On peut cependant trouver une stimulante lecture des portraits de groupe produits par la photographie, dont ceux d’August Sander, dans Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants, Paris, Minuit, 2012, en particulier dans le chapitre « Portraits de groupe », p. 49-90.
-
[50]
Je ne plongerai pas, ici, dans les distinctions, capitales, entre groupes littéraires et avant-gardes, me contenant d’indiquer que ces dernières constituent un cas particulier de groupe littéraire et qu’elles ont probablement généré un corpus iconographique beaucoup plus abondant que les autres formes de groupe littéraire.
-
[51]
Une photographie de groupe littéraire n’est pas destinée à la « consommation interne », à la circulation au sein des membres du groupe, comme c’est le cas pour les photographies d’intimité, de scènes amicales.
-
[52]
« Le groupe dada en 1921. Au premier rang, de gauche à droite : Tristan Tzara, Céline Arnauld, Philippe Soupault, Francis Picabia, André Breton; au second rang : Louis Aragon, Paul Dermée, Théodore Fraenkel, Paul Éluard, Georges Ribemont-Dessaignes, Emmanuel Faÿ », Album Breton, Robert Kopp (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 2008, p. 70-71. Il y a bien un portrait de groupe montrant « André Breton au centre neuropsychiatrique de Saint-Dizier, 1916 », quelques pages plus tôt (p. 50), mais il ne s’agit évidemment pas d’un portrait de groupe littéraire…
-
[53]
Noémie Suisse, « Qui se ressemble se rassemble-t-il? Lecture de quelques portraits d’André Breton, entre fragment et totalité », David Martens et Anne Reverseau (dir.), « Figurations iconographiques de l’écrivain », Image and narrative, vol. 13, no 4, 2012, http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/273.
-
[54]
Les biographies d’écrivains surréalistes tendent ainsi à montrer leur « sujet » posé aux côtés de Breton pour illustrer leur qualité de « surréaliste », documenter iconographiquement leur participation aux aventures du groupe.
-
[55]
Avec ces questions, sous-jacentes : quels sont les membres indispensables et ceux considérés comme accessoires? Quels sont les membres officiels de tel ou tel groupe qu’on ne voit guère, dans l’iconographie du mouvement? Crevel, par exemple, ne semble pas figurer fréquemment dans les portraits de groupe du surréalisme.
-
[56]
Anne Reverseau, Virginie Pouzet-Duzer et David Martens, « The Surrealist “Pêle-Mêle” : Picturing Literary History », dans MDRN, Modern Times. Literary Change, Leuven, Peeters, 2013, p. 81-100.
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[57]
Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants, Paris, Minuit, 2012, p. 65.
-
[58]
Voir Danielle Méaux, « Portraits de groupes d’avant-garde », dans David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau (dir.), L’écrivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux (XIXe-XXIe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître.
-
[59]
« La manifestation Dada à l’église Saint-Julien-le-Pauvre, le 14 avril 1921. De gauche à droite, Crotti, Asté d’Esparbès, Breton, Rigaut, Éluard, Ribemont-Dessaignes, Péret, Fraenkel, Aragon, Tzara et Soupault », Album Aragon, Jean Ristat (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1997, p. 96.
-
[60]
« Le “Procès Barrès”, le 13 mai 1921. De gauche à droite, [inconnu], Aragon, Breton, Tzara, Soupault, Fraenkel, un mannequin (Barrès), Ribemont-Dessaignes, Péret, Rigaut, Hilsum et Charcoune », Album Aragon, Jean Ristat (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1997, p. 102.
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[61]
Ce type d’album est par ailleurs très rare, dans les collections étudiées : il n’y a aucune occurrence, à notre connaissance, dans « Poètes d’aujourd’hui », et trois dans « Écrivains de toujours » (ceux sur le Nouveau Roman et les surréalistes, déjà mentionnés, et celui sur Les Romantiques allemands, par Daniel Wilhem Paris, Seuil, « Écrivains de toujours, 1980). Le cas des « Albums de la Pléiade » est plus complexe, et sans doute dans le prolongement de la logique anthologique et encyclopédique de la collection, car on y trouve des sujets collectifs ne correspondant guère à des « groupes » : les volumes sur Le théâtre classique (Sylvie Chevalley (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1970) et sur Les auteurs de la Révolution française (Pierre Gascar (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1989).
-
[62]
Anne Simonin, « La photo du Nouveau Roman. Tentative d’interprétation d’un instantané », Politix, vol. 3, no 10-11, 1990, p. 45-52. Voir également l’article de Michel Bertrand, « Présence d'une absence: la photographie du Nouveau Roman de Mario Dondero », David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau (dir.), L'écrivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux (XIXe - XXIe siècles), actes du Colloque de Cerisy 2014, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître; et celui de Fanny Lorent, « Portrait et imaginaire photographique. Cliché et anti-cliché du Nouveau Roman », COnTEXTES, no 14, 2014, https://contextes.revues.org/5904
-
[63]
Jean Ricardou, Le Nouveau Roman, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978, p. 13.
-
[64]
Jean Ricardou, Le Nouveau Roman, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978, p. 13.
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[65]
Jean Ricardou, Le Nouveau Roman, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978, p. 8.
-
[66]
Particulièrement « autoélaborée », dans son cas, dans la mesure où Ricardou était du comité organisateur ayant « offert » aux romanciers ce « test » de leur appartenance, et est celui qui, rédigeant l’ouvrage sur un collectif dont il se revendique membre, prend le parti d’attribuer à l’ensemble du collectif cette « autodéfinition ».
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[67]
Rare exemple, dois-je souligner, de monographie illustrée consacrée à un collectif : dans les « Albums de la Pléiade », c’est le seul exemplaire, ceux consacrés au théâtre classique (Sylvie Chevalley, 1970) ou aux auteurs de la Révolution française (Pierre Gascar, 1989) se penchent plutôt sur des « corpus » que sur des groupes littéraires proprement dits. Les « Écrivains de toujours », pour leur part, accueillent, en plus des ouvrages consacrés au Nouveau roman (Jean Ricardou, 1973) et aux surréalistes (Philippe Audoin, 1973), un volume sur les romantiques allemands (Daniel Wilhelm, 1980). Les « Poètes d’aujourd’hui », enfin, sont résolument individualistes…
-
[68]
« Le premier numéro un de La NRF sous la direction de Gide et de Montfort (15 novembre 1908) », Album NRF, François Nourrissier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, p. 8.
-
[69]
« Dominique Aury (secrétaire de rédaction) avec Jean Paulhan et Marcel Arland (corédacteur en chef) chez Paulhan, rue des Arènes, en 1953 », Album NRF, François Nourrissier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, p. 228. Marquant très fortement la pose (quoique en jouant vaguement la surprise, dans le cas de Paulhan), les trois acteurs de la photographie sont rassemblés autour d’une table chargée de documents, exhibant ainsi leur collectif travail d’élaboration de la revue.
-
[70]
Il y a d’ailleurs lieu de se demander si cette absence est révélatrice d’une disposition spécifique à l’endroit du « portrait de groupe », voire à l’endroit de l’idée même de « groupe littéraire ».
-
[71]
Au point de devoir indiquer « X » au sujet d’un des acteurs représentés, aux côtés des 32 autres noms, placés sans qualification, sinon pour les femmes, souvent affublées d’un « Miss », « Mme » ou « Mlle » (elles sont d’ailleurs nombreuses : 11 au total) : « La troisième Décade de Pontigny en 1923 […] », Album NRF, François Nourrissier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, p. 26-27.
-
[72]
« Cinquième Décade de Pontigny (« La Poésie contemporaine ») organisée par La NRF du 10 au 19 septembre 1910. Détail. De gauche à droite : le secrétaire de la revue, Pierre de Lanux; Jacques Raverat; et quatre des fondateurs : Gide, Ghéon, Schlumberger, Copeau », Album NRF, François Nourrissier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000, p. 21.
-
[73]
Il y a pourtant 27 personnes sur cette photographie, dont plusieurs femmes. Une seule d’entre elles a le bonheur d’être identifiée, « Mme Desjardins », la femme de l’organisateur des décades de Pontigny. Notons en passant que deux de ces femmes, placées devant Gide et Ghéon, sont penchées sur leur ouvrage de broderie, complètement indifférentes à la prise de photo. Leur présence, cependant, avec celle des autres femmes, jointe à la disposition, semblable à des photographies de mariage ou de « garden party », ne tend guère vers la scénographie intellectuelle propre aux colloques ou vers une scénographie susceptible d’être associée à la vie littéraire. Il s’agit ici d’un rassemblement mondain, non d’un événement littéraire; seul l’usage éditorial lui donne cette couleur.
-
[74]
Dans les scénographies de l’intimité, d’une certaine manière, il n’y a pas de hors-champ fortement construit par la scénographie, à l’exception du photographe, inclus dans l’espace « amical », intime.
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[75]
Deux exceptions significatives : l’Album NRF où l’on trouve plusieurs photographies de lancements, des « fameux » cocktails de la NRF, etc, et l’Album Queneau. Par ailleurs, dans les albums et biographies illustrées de Malraux, les scénographies convoquent dans plusieurs cas un rôle « officiel », qui excède ou se surajoute à la mise en scène de l’écrivain : c’est le « grand écrivain français », le « protecteur » de la Culture ou le représentant officiel de l’État français, alors, qui s’exhibe.
-
[76]
Outre l’Album Gide, l’Album Malraux et l’Album Sartre, déjà cités : Jean-Marie Domenach, Barrès par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1954.
-
[77]
Morvan Lebesque, Camus par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1963, p. 158.
-
[78]
Comme le désigne Lebesque, dans la page en regard de la photographie, Camus par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1963, p. 159.
-
[79]
« Sartre dans le Grand amphithéâtre de la Sorbonne, 20 mai 1968 », Album Sartre, Annie Cohen-Solal (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1991, p. 244.
-
[80]
Dans la section sur la famille, les portraits individuels sont au contraire susceptibles d’être ceux des ascendants.
-
[81]
Ici encore, l’Album NRF est un cas à part, dans la mesure où on y trouve des portraits d’adversaires de la revue ou d’écrivains avec qui les relations furent plus ou moins tendues : Henri Béraud, Aragon, Mauriac, etc.
-
[82]
On peut aussi avancer une autre explication, comme l’a fait avec justesse un des évaluateurs de cet article : la question de la qualité de la photo. Souvent les photos mondaines, de cocktail ou les photos d’actualité sont de qualité médiocre (tant techniquement que dans leur composition) par rapport aux portraits signés de photographes connus ou de studio.
-
[83]
Trois documents sur 31, dans les « Poètes d’aujourd’hui » (Louis Perche, Paul Claudel, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1958), deux documents sur 49 illustrations, dans les « Écrivains de toujours » (Paul-André Lesort, Paul Claudel par lui-même, Paris, Écrivains de toujours, 1963), 17 sur 322 dans l’« Album de la Pléiade », (Guy Goffette (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011).
-
[84]
Album Giono, Henri Godard (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980.
-
[85]
« Extrait d'une lettre de Paul Claudel à Jacques Madaule, 21 décembre 1930, à propos de ses années de jeunesse », Album Claudel, Guy Goffette (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, p. 48.
-
[86]
Il y a un même déplacement sémiotique, hautement significatif, dans le cas des portraits individuels de tierces personnes, qui en viennent à fonctionner comme des symboles de la relation, au sens peircéen du terme.
-
[87]
« [Q]uoiqu’il en ait dit, il n’a jamais été un solitaire dans le monde des lettres », « Marcel Aymé savait donc accepter les invitations et cultiver ses relations », « Marcel Aymé s’amuse à brouiller les cartes en fréquentant les gens les plus divers, voire les plus opposés », Album Aymé, Michel Lécureur (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2001, p. 101, 105 et 110.
-
[88]
Album Giono, Henri Godard (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980, p. 58, 66, 78 et 136.
-
[89]
Alors même que le texte ne parle à peu près aucunement des revues en question : Alain Arnaud, Bataille par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978, p. 16-17.
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[90]
Plus précisément : la peinture ou le dessin, pour distinguer ceux-ci, temporairement, du portrait photographique. Le cas de Man Ray, en ce qui concerne les surréalistes, est sans doute un cas à part, pour ce qui est des portraits photographiques, dans la mesure où ses photographies jouent sur le double plan artistique et documentaire. Il faudrait cependant examiner cela de plus près, en tenant compte des mentions des auteurs de photographie, selon les ouvrages et le degré relatif de légitimité des photographes, au moment de la production des monographies.
-
[91]
On en trouve de nombreux exemples dans les ouvrages consacrés à Apollinaire et Cocteau : « Portrait-charge d’Apollinaire par Picasso » et « Portrait d’Apollinaire par Giorgio De Chirico, 1914 », André Billy, Apollinaire, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1956, p. 8 et 129; « Portrait de Jean Cocteau par Marie Laurencin, 1921 », André Fraigneau, Cocteau par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1957, p. 40; « Jean Cocteau par Pablo Picasso », Roger Lannes, Jean Cocteau, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1958, p. 25.
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[92]
Maarten Hell, Emma Los et Norbert Middelkoop, Portrait Gallery of the Golden Age, Amsterdam, Museumshop Hermitage, 2015.
-
[93]
Expression utilisée par Barthes dans « La mort de l'auteur », Oeuvres complètes, vol. III, Éric Marty (éd.), Paris, Seuil, 2002 [1968], p. 41.
-
[94]
Vincent Kaufmann, Poétique des groupes littéraires, Paris, PUF, 1997.
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[95]
Pierre Michon, Corps du roi, Lagrasse, Verdier, 2002.
-
[96]
Trois femmes sur 48 écrivains, dans les « Albums de la Pléiade », quatre sur 103 aux « Écrivains de toujours ». Je souscris volontiers, à ce sujet, à une autre très pertinente remarque des évaluateurs : « Il faudrait peut-être dire que souvent, les femmes sont derrière la caméra : outre le grand nombre de femmes portraitistes (G. Krull, L. Jacobi, G. Freund, L. Albin-Guillot…), ce sont souvent les femmes qui photographient les grands hommes en vacances ou dans l’intimité (le cas de Valentine Hugo pour les surréalistes, ou des femmes de P. Albert-Birot). »
-
[97]
Je postulerai en effet que la conjonction textuelle de noms propres, sous le signe de l’amitié littéraire, s’opère plus rapidement et se diffuse plus aisément auprès de cercles qui leur sont étrangers que leur juxtaposition visuelle, via la photographie par exemple.
Bibliographie
- Album Apollinaire, Pierre-Marcel Adéma et Michel Décaudin (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971.
- Album Aragon, Jean Ristat (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», 1997.
- Album Aymé, Michel Lécureur (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2001.
- Album Breton, Robert Kopp (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2008.
- Album Claudel, Guy Goffette (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», 2011.
- Album Cocteau, Pierre Bergé (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», 2006.
- Album Éluard, Roger-Jean Ségalat (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1968.
- Album Gide, Maurice Nadeau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1985.
- Album Giono, Henri Godard (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980.
- Album Malraux, Jean Lescure (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986.
- Album Montherlant, Pierre Sipriot (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1979.
- Album NRF, François Nourrissier (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2000.
- Album Proust, Pierre Clarac et André Ferré (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965.
- Album Queneau, Anne-Isabelle Queneau (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2002.
- Album Sartre, Annie Cohen-Solal (éd.), Paris, Gallimard, « Album de la Pléiade », 1991.
- Album Simenon, Pierre Hebey (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2003.
- Les Auteurs de la Révolution française, Pierre Gascar (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade, 1989.
- Alain Arnaud, Bataille par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978.
- Philippe Audoin, Les surréalistes, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1995.
- Albert Béguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1954.
- André Billy, Apollinaire, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1956.
- Claudine Chonez, Giono par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1956.
- Jean-Marie Domenach, Barrès par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1954.
- André Fraigneau, Cocteau par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1969.
- Roger Lannes, Jean Cocteau, Paris, Seghers, « Poètes d’aujourd’hui », 1958.
- Morvan Lebesque, Camus par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1963.
- Paul-André Lesort, Paul Claudel par lui-même, Paris, Écrivains de toujours, 1963.
- Chris Marker, Giraudoux par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1952.
- Claude Martin, André Gide par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1965.
- Jean Raymond, Éluard par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1968.
- Jean Ricardou, Le Nouveau roman, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1978.
- Pierre Sipriot, Montherlant par lui-même, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours », 1953.
- Théâtre classique, Sylvie Chevalley (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1970.
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- Adeline Wrona, Face au portrait : de Sainte-Beuve à Facebook, Préface d’Yves Jeanneret, Paris, Hemann, « Cultures numériques », 2012, p. 26.