Résumés
Résumé
Si le sens commun n’imagine guère d’écrivain sans livre, rien n’est moins évident dans la fiction. Ce constat, effectué à partir des recherches menées sur les romans de la vie littéraire publiés en France entre 1800 et 1940, nous a amenés à nous interroger sur cet étrange statut du livre dans les fictions. Quand et pourquoi le livre est-il montré? Quand et pourquoi ne l’est-il pas, dans un corpus où l’on s’attend pourtant à l’y trouver? Pour esquisser des réponses à ces questions, nous avons étudié les textes de Madame de Genlis, de Madame de Staël, de Balzac, de Gide et de Duhamel. Nous avons ainsi pu voir que la littérature est souvent fictionnalisée comme pure parole, sans matérialité, comme « texte » tout entier spiritualisé, manifestant ainsi une idéalisation de la présence et une hantise de la médiation ; la présence du livre comme objet matériel, comme imprimé, fait au contraire surgir quantité de médiateurs, souvent chargés de négativité, parce qu’ils manifestent la dimension économique de la création littéraire.
Abstract
If, in reality, the book is generally accepted as the symbolic attribute of a writer, it is not so in fiction. This significant though relative absence is at the heart of our analysis of novels published in France between 1800 and 1940. When and why is the book an important component of the story? When and why isn’t it in texts where literature is the central theme and one would expect to find it? To sketch out answers to these questions, we have studied novels by Madame de Genlis, Madame de Staël, Balzac, Gide and Duhamel. We have been able to show that literature is often fictionalized as the dream of a pure and dematerialized voice, as a completely spiritualized “text,” thus appearing as an idealization of the present and as an obsession with mediation; in contrast, the presence of the book as material object, as printed matter, brings about a sudden surge of mediators, most of whom are freighted with negativity because they reveal the economic dimension of literary creativity.
Parties annexes
Bibliographie
- Alphonse Daudet, Le Petit chose, Paris, Hetzel, 1868.
- Georges Duhamel, Le Désert de Bièvres, Paris, Mercure de France, 1933.
- Renée Dunan, Le Prix Lacombyne, Paris, Éditions de l’ÉPI, 1925.
- Louis Fréchette, Mémoires intimes, texte établi et annoté par Georges A. Klinck, préface de Michel Dassonville, Montréal, Fides, 1977.
- Madame de Genlis, « Le journaliste » et « La femme auteur », dans Nouveaux contes moraux, et nouvelles historiques, Paris, Madaran, 1802, t. 3, p. 1-47 et 49-150.
- André Gide, Paludes, texte établi, présenté et annoté par Jean-Michel Wittmann, dans Romans et récits. Oeuvres lyriques et dramatiques, Pierre Masson (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 257-326.
- Edmond et Jules Goncourt, Charles Demailly, Paris, Librairie internationale, 1868.
- Abbé Pinard, Gilbert, ou le poète malheureux, Paris, Mame, 1840.
- Rachilde, Le Mordu, Paris, Félix Brossier, 1889.
- Madame de Staël, Corinne, ou l’Italie, Paris, Firmin Didot Frères, 1846.
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- André Belleau, Le romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois, Québec, Nota Bene, 1999 [1980].
- Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967.
- Robert Dion, Le moment critique de la fiction. Les interprétations de la littérature que proposent les fictions québécoises contemporaines. Québec, Nuit blanche, 1997.
- Joëlle Gleize, Le Double miroir. Le livre dans les livres de Stendhal à Proust. Paris, Hachette, coll. « Hachette Supérieur », 1992.
- GREMLIN, « Fictions, figurations, configurations : introduction à un projet », Fictions du champ littéraire, Montréal, Discours social, 2010, p. 3-37.
- Louise Milot et Fernand Roy (éd.), Les Figures de l’écrit. Relecture de romans québécois des Habits rouges aux Filles de Caleb, Québec, Nuit blanche, 1993.
- Élisabeth Nardout-Lafarge, « La mise en scène de la référence textuelle chez Hertel et Lemelin », Études françaises, vol. 29, no 1, 1993, p. 77-95.
- Marie-Ève Riel, « De Rita Hayworth à l’être en détresse : le rôle de la photographie dans la construction de la figure de Gabrielle Roy », Mémoire de maîtrise, Université de Sherbrooke, 2008.