Mémoires du livre
Studies in Book Culture
Volume 2, numéro 1, 2010 Book Networks and Cultural Capital: Space, Society and the Nation Réseaux du livre et capital culturel : territoire, société et nation Sous la direction de Leslie Howsam et Jane McLeod
Sommaire (10 articles)
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Introducing Book Networks and Cultural Capital: Space, Society and the Nation
Leslie Howsam
RésuméEN :
The opening article,“Introducing Book Networks and Cultural Capital: Space, Society & the Nation,” has two purposes. The first is to explicate the theme of this third issue of Mémoires du Livre/Studies in Print Culture, co-edited by Leslie Howsam and Jane McLeod. That theme emerges from a conference where several of the papers originated, a meeting of the Canadian Association for the Study of Book Culture/Association canadienne pour l’étude de l’histoire du livre, held in 2009 in Ottawa at the Congress of the Humanities and Social Sciences. The second purpose is to contextualize and provide brief introductions to the eight articles, linking them in a tripartite analysis of networks – face-to-face societies, imagined communities where reading creates or reinforces identities, and the anachronistic networks that emerge when books are re-read and re-interpreted across a span of decades, or even centuries.
FR :
Le premier article, « Introducing Book Networks and Cultural Capital: Space, Society & the Nation » vise en premier lieu à expliquer le thème de ce troisième numéro de Mémoires du livre / Studies in Book Culture, codirigé par Leslie Howsam et Jane McLeod. Ce thème s’est dégagé d’un colloque de l’Association canadienne pour l’étude du livre / Canadian Association for the Study of Book Culture qui a eu lieu en 2009, à Ottawa, dans le cadre du Congrès des sciences humaines. En second lieu, on y trouve une mise en contexte des huit articles que compte le numéro et un bref aperçu de ceux-ci qui fait ressortir une analyse tripartite des réseaux : ceux des sociétés dont les membres sont en interaction directe, ceux des « communautés imaginées » dans lesquelles la lecture a une dimension identitaire et, enfin, ceux, anachroniques, qui surgissent lorsque les livres sont relus et réinterprétés sur une période de plusieurs décennies, voire de quelques siècles.
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A Society of Solitaries: An Anglophone Literary Circle in Montreal
Julie Frédette
RésuméEN :
Quebec has been home to a rich and vibrant English-language literary community since the nineteenth century. The rise of the Canadian small-press movement in the 1960s gave way to a revival of the English-language publishing industry in Montreal, which had considerably dwindled at the turn of the twentieth century. Poets benefited greatly from this phenomenon, and literary coteries of poets were formed as a result, in particular the Vehicule Poets, associated with the Véhicule Art Gallery and with Véhicule Press in the early 1970s, and a group of poets who were associated with New Delta and later with the Signal Editions poetry series. This paper focuses on the ways in which literary circles are formed and how they might be identified, and uses the Jubilate Circle, a group of poets revolving around Signal Editions and consisting of Michael Harris, David Solway, Carmine Starnino and Eric Ormsby, as a case study.
FR :
Depuis le dix-neuvième siècle, le Québec compte une importante communauté littéraire anglophone. Celle-ci souffre considérablement de la migration des producteurs et artisans du livre vers Toronto au tournant du vingtième siècle, mais la montée des petites maisons d’édition régionales, dans les années 1960, favorise la renaissance de l’industrie du livre anglais à Montréal, phénomène qui bénéficiera aux poètes anglophones de cette ville. De petits groupes littéraires se forment, notamment celui des Vehicule Poets, sept poètes associés à la galerie d’art Véhicule au début des années 1970, ainsi que celui des auteurs publiés dans la collection de poésie de New Delta puis de Signal Editions. Cet article se propose d’étudier la formation et la fonction de réseaux littéraires par l’entremise du cas du Jubilate Circle, cercle littéraire gravitant autour de Signal Editions et composé de Michael Harris, Carmine Starnino, David Solway et Eric Ormsby.
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Evolving Loyalties: A Provincial Printer in Revolutionary Bordeaux
Jane McLeod
RésuméEN :
The author examines the career of Simon Lacourt, a Bordeaux printer who was guillotined during the French Revolution, and explores the ways in which printers’ milieu and patrons determined their printing choices. Lacourt -- the last in a long line of King’s printers in Bordeaux -- was one of the most privileged and connected printers in the reign of Louis XVI when he made the move into revolutionary printing and became a newspaper printer and the official printer for the Department of the Gironde. His printing business prospered until the summer of 1793 when he became the official printer of the commission populaire, the body that led the federalist revolt in Bordeaux, a fateful decision dictated by his social, familial and political milieu and one that left him vulnerable after the revolt failed. During his trial he was accused of trying to destroy his country and his fate raises questions about printer responsibility during the Revolution.
FR :
L’auteure se penche sur la carrière de Simon Lacourt, imprimeur bordelais qui fut guillotiné pendant la Révolution française. Elle s’intéresse surtout au rôle joué par le milieu social dans la vie professionnelle des imprimeurs et dans leur production comme telle. Lacourt, dernier d’une longue lignée d’imprimeurs royaux de Bordeaux, fut l’un des imprimeurs les plus privilégiés du règne de Louis XVI. Il sut cependant s’adapter au nouvel ordre politique, devenant l’imprimeur officiel du département de la Gironde. Il fut très actif jusqu’à l’été 1793, moment où il se fit imprimeur de la commission populaire, organe officiel de la révolte fédéraliste à Bordeaux. Cette décision, influencée par son milieu social, familial et politique, fut lourde de conséquences. Rendu très vulnérable après l’échec du soulèvement, Lacourt fut accusé, durant son procès, d’avoir voulu « assassiner sa patrie ». Son sort soulève des questions à propos des enjeux auxquels durent faire face les imprimeurs durant la Révolution.
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Cultural Capital and Community in Contemporary City-wide Reading Programs
DeNel Rehberg Sedo
RésuméEN :
There are currently more than 500 city-wide reading projects in the US, and dozens in Canada and the UK. Through creative and traditional programming, such as canoe treks and book discussion groups, producers often use the One Book, One City model to “create community” through a selected text. This essay argues that instances of coming together to share reading experiences can be considered literary cultural fields as the French sociologist Pierre Bourdieu conceived them. Readers seek cultural capital by participating in events because participation in book culture is considered a commendable and valuable activity. However, in order to participate, one needs to already have a certain amount of cultural literacy and capital. The essay offers an analysis of readers’ articulations of why they do and do not participate in city-wide book programming to help us better understand the motivations, pleasures and obstacles of membership in ephemeral reading communities.
FR :
Il existe actuellement plus de 500 projets de lecture « urbains » aux États-Unis, et des dizaines au Canada et au Royaume-Uni. Par l’entremise d’une programmation tantôt traditionnelle, tantôt novatrice, s’articulant autour, par exemple, de sorties en canoë ou de groupes de discussion, les organisateurs se basent souvent sur le principe « un livre, une ville » pour créer une communauté autour d’un texte choisi. Cet article soutient que de se réunir pour partager des expériences de lecture appartient au champ culturel tel que le conçoit Bourdieu. Les lecteurs chercheraient en effet à acquérir du capital culturel en participant à diverses activités, puisque le fait de s’intéresser à la culture du livre est valorisé. Toutefois, avant de prendre part à celles-ci, il faut déjà posséder un certain bagage littéraire et culturel. L’article analyse les raisons pour lesquelles les lecteurs participent ou ne participent pas aux activités évoquées, afin de mieux saisir l’attrait et les obstacles liés au fait d’adhérer à une communauté de lecteurs éphémère.
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‘Smiley, you’re on candid camera’: Emoticons & Pre-Digital Networks
Sydney J. Shep
RésuméEN :
Emoticons are usually associated with the digital age, but they have numerous precursors in both manuscript and print. This article examines the circulation of emotional icons in nineteenth-century typographical journals as a springboard to understanding the relationship between emotion, materiality, and anthropomorphism as well the pre-digital networks of the “typographical press system.” It draws on literature from textual and typographical analysis, including the history of punctuation. It also demonstrates the ubiquity of emoticons in contemporary society and culture outside the world of computers, text messaging, and chat rooms.
FR :
On pourrait croire que les binettes ou frimousses (en anglais, emoticons) n’appartiennent qu’à l’ère du numérique. Or on en trouve dans des manuscrits et dans des imprimés bien antérieurs à cette dernière. L’article retrace la présence des frimousses dans les revues de typographie du dix-neuvième siècle afin de comprendre le lien entre émotion, matérialité et anthropomorphisme à l’époque de la presse typographique. Pour ce faire, il recourt à l’analyse textuelle et typographique et évoque l’histoire de la ponctuation. Il montre en outre l’omniprésence des frimousses dans la société et la culture contemporaines par-delà le monde de l’informatique, de la messagerie texto et du clavardage.
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Connected Readers: Reading Networks and Community in early twentieth-century New Zealand
Susann Liebich
RésuméEN :
Drawing on the archive of Fred Barkas (1854-1932), a middle-class New Zealand reader, the article explores how reading networks within local communities were established and how, where and when readers connected to other readers to form a local reading community. Barkas’ letters reveal an often unorganised and diffuse reading culture in Timaru, NZ, which was highly social and defined along such markers as social status and cultural capital. Readers connected in a variety of ways, interwoven into other activities within the local community and in spaces not traditionally associated with reading. The article concludes by asking how readers in New Zealand were also connected to other reading communities around the British World and formed part of a global reading community.
FR :
À partir des archives privées de Fred Barkas (1854-1932), néo-zélandais de la classe moyenne, cet article étudie la formation des réseaux de lecteurs à l’intérieur des collectivités. Les lettres de Barkas mettent en évidence la représentation de l’activité qu’est la lecture à Timaru, en Nouvelle-Zélande, ainsi que sa dimension plutôt diffuse et peu organisée, sinon autour de facteurs tels le rang social et le capital culturel. On y voit de quelle façon un réseau de lecteurs s’est formé à Timaru, notamment par l’entremise d’autres activités que la lecture et dans des espaces qui ne sont pas traditionnellement associés à cette dernière. L’article se conclut par des observations sur les liens tissés entre les lecteurs néo-zélandais et d’autres lecteurs de par l’Empire britannique.
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Denominational Publishing in Early Canada: Two Unitarian Periodicals
Mary Lu MacDonald
RésuméEN :
Religious denominations were responsible for a large percentage of early Canadian periodical publishing. In a study of two mid-nineteenth century Montreal Unitarian periodicals the author demonstrates that such periodicals conformed to the standard communications circuit but, owing to the emphasis on theology rather than on profit, provided variations at each point: authors were not paid, printers were members of the denomination, distribution was through a network of sympathizers, and, despite the circulation of free copies, readers were most often the already-converted. As do other religious periodicals, the two Montreal periodicals provide an insight into the life of their community, as well as into the personal and publication networks, both local and international, of their denomination.
FR :
Les premiers périodiques diffusés au Canada se voulaient en majorité l’organe de diverses confessions religieuses. L’auteure étudie deux publications produites au milieu du 19e siècle par l’Église unitarienne de Montréal pour montrer que ce type de périodique se distinguait à plusieurs égards, l’accent y étant mis sur la diffusion d’un contenu d’ordre théologique plutôt que sur la recherche du profit : les auteurs ne recevaient pas de salaire, les imprimeurs se trouvaient parmi les fidèles et les distributeurs, parmi des gens gagnés aux idées émises. Les lecteurs étaient eux aussi, pour la plupart, des convertis, et ce, même si les revues étaient le plus souvent gratuites. L’étude de publications du genre nous renseigne tant sur le milieu social dans lequel elles étaient diffusées que sur les réseaux, à l’échelle locale et internationale, sur lesquels pouvaient compter les diverses confessions religieuses.
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Translation and Re-translation: The Memoirs of Eugénie de Montijo, Ex-Empress of France
Shelley S. Beal
RésuméEN :
D. Appleton’s Memoirs of the Empress Eugénie, published in English in 1920 in New York and London and in translation in Denmark, Germany, The Netherlands and Sweden, took a circuitous path to publication since the completion of the manuscript in Paris in 1908. The widow of Napoléon iii had contributed via interviews with her godson, Comte Maurice Fleury, stipulating posthumous publication. To protect the work from copyright infringement in the interim, Fleury and co-editor Theodore Stanton translated the French manuscript material into English and added content. A clandestine, anonymous “pre-edition” produced in 1908 established D. Appleton’s claim in Great Britain and the United States. The European publishers, expecting a French manuscript, were dismayed at translating a translation, while re-translation of their versions into English posed the greatest threat to copyright. By 1920, the work’s autobiographical, first-person narration had been modified to the third person and Fleury’s name added as author, but not all European editions followed suit. A mismatched set of supposedly identical translations was the result.
FR :
Memoirs of the Empress Eugénie, publié en 1920 chez D. Appleton de New York et Londres (et, en traduction, au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède), connut un parcours pour le moins singulier depuis l’achèvement du manuscrit, à Paris, en 1908, jusqu’à sa parution « officielle ». L’impératrice Eugénie, veuve de Napoléon III, y avait apporté sa contribution par l’entremise de confidences faites à son filleul, le comte Maurice Fleury, à condition que la publication de ses mémoires soit posthume. Pour se prémunir contre toute violation du droit d’auteur dans l’intervalle, Fleury et Theodore Stanton traduisirent le manuscrit en anglais en plus d’y ajouter du contenu. Une sorte de pré-édition clandestine et anonyme commença donc à circuler en 1908 et permit par la suite à D. Appleton de se réserver les marchés américain et britannique. On imagine la consternation des éditeurs européens, réduits à publier la traduction d’une traduction. Leurs versions à eux, retraduites en anglais, constituèrent à leur tour une menace au droit d’auteur. À la mort de l’impératrice, en 1920, lorsque D. Appleton publia les mémoires, la narration était passée de la première à la troisième personne, et Fleury était désormais désigné comme l’auteur. La plupart des éditeurs européens n’ayant pas fait ces réaménagements, furent diffusées des traductions censées être identiques mais en réalité bien différentes.
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Recovering the Barbarians: Reprinting “Forgotten Fantasy” in the 1970s
Yuri Cowan
RésuméEN :
In the 1960s and 70s, a new interest in the prehistory of fantastic literature found its paperback and digest magazine form in projects of textual recovery like the Ballantine Adult Fantasy series, Forgotten Fantasy Magazine, and the Newcastle Forgotten Fantasy series. This article describes how the material form of these books speaks to their intended audience of fans of science fiction and fantasy, and compares the processes of editing and disseminating Victorian fantasy to the social practices of SF fandom. In the colourful covers and facsimile reprints of these reprints the exigencies of cheap dissemination and the desire to make the works accessible to a modern audience result in eclectic, modern paratexts under the guidance of editors such as Doug Menville, Robert Reginald, and Lin Carter, themselves active readers who form, collect, and print their own personalized bodies of essential fantasy literature, blurring the arbitrary boundaries between author, reader, editor, publisher, and fan.
FR :
Dans les années 1960 et 1970, on commence à redécouvrir des oeuvres antérieures appartenant au genre du fantasy et à les diffuser par l’entremise de collections telles que Ballantine Adult Fantasy et Newcastle Forgotten Fantasy, et de Forgotten Fantasy Magazine. L’article s’attarde à l’objet livre lui-même et à la mise en marché de cette littérature auprès d’un lectorat cible, à savoir les amateurs de fantasy et de science-fiction. On souhaite rendre celle-ci accessible, esthétiquement et économiquement, à un auditoire contemporain : la facture paratextuelle se veut donc résolument moderne et éclectique, sous la direction des Doug Menville, Robert Reginald et Lin Carter et autres. Parce qu’eux-mêmes sont à la fois d’avides lecteurs, anthologistes et éditeurs de fantasy, ils incarnent un exemple probant de l’impossibilité, parfois, de distinguer la posture d’auteur de celle de lecteur, de directeur de publication, d’éditeur ou d’amateur.
Varia
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Les débuts de l’édition de poche en France : entre l’industrie et le social (1953 – 1970)
Bertrand Legendre
RésuméFR :
L’édition de poche s’est développée en France à partir de 1953 avec la collection lancée par Hachette. L’étude des discours promotionnels qui ont accompagné le développement des séries affiche bien l’ambition des acteurs de l’époque : mettre à la portée du plus grand nombre les chefs-d’oeuvre de la littérature contemporaine, puis classique. Ainsi, en 1958, Roger Nimier, alors responsable de la « Série Classique », oppose–t-il les éditions de classiques conçues dans un « esprit scolaire » aux vertus du poche car, si « à bon droit, les Français veulent tout savoir », « on n’a pas cru pour autant qu’il fallait les punir, c’est–à-dire leur donner des morceaux choisis.»
Cette mise en cause de l’institution scolaire par la puissance du marché ouvre la voie à un débat qui connaîtra son apogée au milieu des années 1960, autour du Mercure de France et des Temps modernes. Si Hubert Damisch s’en prend au poche dans lequel il voit une « entreprise mystificatrice », Sartre et son équipe sont beaucoup plus tentés de décrire un vecteur de démocratisation culturelle, « le plus court chemin qui relie un homme à un autre ».
EN :
Paperback publishing began in France in 1953 with Hachette’s launch of the first collection. A study of the promotional discourse at that time by those who developed these series reveals a desire to make contemporary and classical literary masterpieces available to as many readers as possible. Thus, in 1958, Roger Nimier, who was, at the time, in charge of classics, contrasts the purpose of the paperback editions with that of digests put together in a scholarly fashion. “French people have a right to learn what they wish,” he explains, “but we did not think it right to punish them by offering digest editions.”
This challenge to the school system by the power of market forces led to debates that would come to a head in the mid-sixties in the Mercure de France and the Temps modernes. Hubert Damish describes paperback publishing as a “hoaxing business” while Sartre and his team are far more inclined to describe it as a way of democratizing culture: “the shortest path leading from one man to another.”