L’hybridité du vaudeville lors de son passage de l’Ancien Régime au xixe siècle[Notice]

  • Johanna Danciu

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  • Johanna Danciu
    Université York

Généralement, lorsqu’on pense au vaudeville français, deux périodes et deux formes viennent à l’esprit. Soit ce terme nous renvoie à la chanson populaire satirique, datant du quinzième siècle dont l’origine fut attribuée à Olivier Basselin, soit il nous fait penser à la pièce bien faite du dix-neuvième siècle, ce genre théâtral que l’on associe immédiatement à Scribe, Labiche ou Feydeau principalement, et qui faisait fureur dans de nombreuses salles de spectacle parisiennes et de province. Pourtant, le vaudeville dramatique existe déjà au siècle précédent en tant que pièces en vaudevilles où des airs populaires, dans les deux sens du terme, servaient de support musical — autrement dit de timbre — à de nouvelles paroles, afin de créer le dialogue des pièces. Cette structure se distingue du vaudeville final, que l’on retrouve à la fin de maintes comédies de l’époque, et qui a une fonction plutôt paratextuelle en se détachant le plus souvent de l’intrigue. En effet, la forme des pièces en vaudevilles est suffisamment répandue au siècle des Lumières pour qu’elle ait, à partir de 1792, un théâtre qui lui soit dédié, appelé justement le Théâtre du Vaudeville. D’ailleurs, l’ouverture de cette salle a eu lieu quelques mois à peine après qu’ait été signé le traité portant sur la liberté des théâtres qui permettait à tout un chacun d’ouvrir une salle de spectacle, abolissant de ce fait le privilège et le monopole que certains théâtres avaient sous l’Ancien Régime. Pourtant, contrairement à d’autres scènes, celle du Vaudeville maintiendra son statut et deviendra à son tour un théâtre privilégié lorsqu’en 1807, un décret napoléonien mettait fin à la liberté des théâtres accordée en 1791, réduisant le nombre de salles de trente-cinq à huit. Il est donc évident que l’époque révolutionnaire constitue une période charnière et primordiale pour ce théâtre et le genre éponyme qui s’y épanouira et qui, de toute évidence, profite d’une grande popularité à l’époque qui nous intéresse. Il est alors important de regarder de plus près la forme que les pièces en vaudevilles avaient acquise entre les deux périodes mentionnées ci-dessus, c’est-à-dire entre la naissance de la chanson satirique et la mise en place du vaudeville en tant que genre théâtral, ayant une structure fixe et dont la musique est complètement éliminée dans la seconde moitié du xixe siècle. L’examen de la forme des pièces en questions fait notamment ressortir la qualité hybride de ce corpus : une hybridité matérielle, créée par le mélange de la prose et de la musique qui se retrouve encore dans les pièces du xviiie siècle, ainsi qu’une certaine hybridité générique, issue d’un emploi transtextuel d’oeuvres savantes au sein de ces petites comédies dites légères. Tout d’abord, quelques précisions sont nécessaires en rapport avec les pièces ayant servi de support aux analyses du présent article. Il s’agit d’ouvrages composés principalement en collaboration par un groupe d’hommes de théâtre connus comme le quatuor de vaudevillistes : ils sont Pierre-Yvon Barré, Pierre-Antoine-Augustin de Piis, François-Georges Fouques Deshayes dit Desfontaines et Jean-Baptiste Radet. Notons que Barré fut un des co-fondateurs du théâtre et également son premier directeur, de 1792 à 1814. Malgré ce rôle administratif il a tout de même contribué à la création d’une grande partie du répertoire joué dans son établissement ayant écrit, entre autres, des comédies-parades en vaudevilles, des comédies-vaudevilles, des opéras-comiques en vaudevilles, des pièces patriotiques et des divertissements. Ces termes provenant des pages de titre des ouvrages publiés à l’époque illustrent justement la variété générique des pièces en vaudevilles qui ne doit pourtant pas surprendre étant donné qu’au xviiie siècle, les genres mineurs étaient en constante évolution et …

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