Recensions

Étienne Fouilloux, Marie-Dominique Chenu 1895-1990. Paris, Éditions Salvator, 2022, 276 p.[Notice]

  • Louis Roy

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  • Louis Roy
    Collège universitaire dominicain, Ottawa

Après la biographie d’Yves Congar que Fouilloux avait faite et que nous avons recensée dans Science et Esprit (74 [2022], p. 449-451), beaucoup se réjouiront de voir paraître ce volume sur la vie d’un autre dominicain français, Marie-Dominique Chenu. Il s’agit d’une vie de Chenu écrite par un éminent historien qui avait auparavant publié plusieurs études pointues sur des aspects de sa pensée. Fouilloux nous offre un exposé tout à fait fascinant des épisodes de la vie de Chenu — épisodes bien situés dans leurs contextes, en tenant compte des influences exercées sur les divers protagonistes ainsi que de leurs intentions. Ses analyses des contenus des positions prises par Chenu, notamment dans Une école de théologie. Le Saulchoir, sont très éclairantes. À la lecture du livre mentionné au paragraphe précédent, ainsi que de bien des écrits de Chenu et de Congar, il semblera évident à plusieurs que ce dernier était plus nuancé que le premier. D’ailleurs, Congar n’écrivait-il pas à son mentor, le 1er février 1938, au sujet d’Une école de théologie : « Il ne s’agit pas de savoir si j’aurais écrit tout ce que vous avez écrit, et si je l’aurais écrit ainsi. Sans doute certains passages de votre livre manquent-ils un peu de sérénité, et il y a quelques points que j’eusse présentés autrement » (cité par Fouilloux, p. 71). Le manque d’« un peu de sérénité » ne serait-il pas un euphémisme ? Ainsi, juste avant la condamnation de ce livre, Martin-Stanislas Gilet, le Maître de l’Ordre dominicain, n’avait pas complètement tort d’écrire ceci à Chenu : « Je crois personnellement que ce sont moins les idées que vous défendez qui vous ont nui, que le ton tranchant, dogmatique, avec lequel vous les défendez et l’espèce de mépris, d’ironie, de persiflage dont vous accablez les “opposants” qui se disent traditionnalistes » (lettre du 27 janvier 1942, cité par Fouilloux, p. 98). On peut pourtant se demander si ce jugement de Gilet était bien fondé. Certes les adjectifs employés par Chenu pour caractériser ses « opposants » étaient forts ; il reste que pour un jeune étudiant comme moi qui, au début des années 1960, donc avant de devenir dominicain, fut soumis à un enseignement de scolastique décadente, ces adjectifs étaient mérités. D’ailleurs, Chenu distinguait clairement la scolastique médiévale de Thomas d’Aquin et la scolastique que Christian Wolff élabora au xviiie siècle. Pour en revenir à Fouilloux, le nombre de documents, publiés et non publiés, auxquels il se réfère est impressionnant. Qu’on me permette cependant de noter une erreur et deux obscurités. D’abord, il est inexact d’écrire que « Chenu a vécu presque aussi longtemps que lui [Congar] » (p. 12-13) ; Chenu est mort à l’âge de 95 ans, tandis que Congar est mort un peu moins vieux, à l’âge de 91. Ensuite, Fouilloux signale « un petit livre qui fait quelque bruit » (p. 15), sans nous en donner le titre et l’année de publication. Enfin, l’adjectif « salicétain » (p. 13 et 55) est difficile à comprendre ; il semble que ce soit un adjectif qui signifie « du Saulchoir ». Heureusement ces petites lacunes sont rares dans son ouvrage. Les critiques mineures que Fouilloux adresse à Chenu et les jugements laudatifs qu’il pose sur lui sont objectifs. Quant à ses évaluations des événements d’Église auxquels Chenu fut associé et sur lesquels il se prononça, elles sont également pertinentes, équilibrées et dignes d’un historien de métier. Notons la section intitulée « Pris sur le vif », si informative et si humoristique, sur le Chenu que Fouilloux avait connu « d’assez …