Cette chronique sera vraisemblablement la dernière dans laquelle paraîtront des comptes rendus de Paul-Hubert Poirier, décédé de manière aussi soudaine qu’inattendue le 15 mai 2024. Nous tenions à souligner, à cette occasion, son extraordinaire contribution en la matière : s’échelonnant sur plus de 50 ans (le premier compte rendu de Paul-Hubert Poirier pour le Laval théologique et philosophique ayant paru en 1972), c’est près de 550 — 539 si notre compte est bon — comptes rendus et notes critiques qu’il a fait paraître dans les pages du LTP, la plupart dans cette chronique (d’abord connue sous le nom d’« Ancienne littérature chrétienne et histoire de l’Église »). Rien de moins qu’exceptionnel, on peut penser que ce nombre ne sera jamais à nouveau atteint à titre individuel. Cette tâche titanesque, Paul-Hubert Poirier l’a toujours acquittée avec zèle et diligence, mû par un indéfectible sens du devoir, celui de rendre compte de la recherche et des publications récentes dans les domaines du christianisme ancien. Pour ce faire, il a mis, au profit des lecteurs de ces pages, sa perspicacité, ses talents de communicateur ainsi que son vaste savoir encyclopédique, nul doute nourri par ses nombreuses lectures. Son décès laissera un vide, autant scientifique qu’humain, qui sera difficile, voire impossible, à combler. Dans cette version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue en 2017, l’auteur se propose d’étudier la pragmatique du geste épistolaire de Paul de Tarse et la manière dont, à travers ses épîtres, ce dernier a construit son autorité d’apôtre de l’Église chrétienne. En tant que branche de la linguistique, la pragmatique s’intéresse aux moyens techniques (cf. schéma de Jokobson, p. 56) grâce auxquels toute action de communication produit ses effets. L’objectif pragmatique étant ce qui commande dans les pratiques épistolaires d’autorité, le but pour l’auteur consiste à repérer les différents niveaux de l’action de communication afin de mettre en évidence les mécanismes pragmatiques à l’oeuvre et bien mesurer comment ils fonctionnent dans les processus de construction de l’autorité de l’épistolier. Les épîtres que Paul adresse aux Églises chrétiennes qu’il a fondées durant ses voyages missionnaires sont destinées à maintenir à distance leur unité, a fortiori lorsque celle-ci est menacée de ruine par la prédication de prophètes rivaux. Ce dernier aspect est particulièrement important dans cette étude, puisque l’analyse pragmatique au coeur de cette thèse, s’inscrit, comme on le verra, dans le cadre d’une polémique opposant Paul à des prophètes concurrents. Après une étude préliminaire consacrée aux questions méthodologique, historiographique, et terminologique sur l’art épistolaire (chap. 1 et 2), la thèse prend son véritable essor au chapitre 3 avec l’analyse d’une série de lettres dites lettres de la diaspora, dont la fameuse Lettre de Jérémie aux exilés de Babylone, insérée narrativement dans le Livre de Jérémie (Jérémie 29,1-23) et qui, du fait des multiples éléments d’une pragmatique qui y sont mis en oeuvre, représente un précédent historique de premier plan dans la pratique épistolaire d’autorité. En effet, lors de la déportation à Babylone, Jérémie, prophète de la Diaspora, avait adressé aux exilés une lettre destinée à maintenir son autorité auprès de cette communauté. Certains indicateurs (la posture d’autorité symbolique) mettent en évidence la manière dont le prophète, à travers sa communication, essaie de régler la vie de la communauté par toutes sortes de recommandations comme la mise en garde contre les dangers de l’adoration de faux dieux. Cette lettre représente un modèle de communication censé éclairer une tradition séculaire, celle de la pratique épistolaire d’autorité, et dans le cas présent, la manière dont Paul, dans le sillage des grands prophètes bibliques, rend opérante son autorité d’épistolier au travers de sa …
Littérature et histoire du christianisme ancien
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Chronique rédigée par
Eric CrégheurEn collaboration
Jonathan Bourgel
Lucian Dîncă
Louis Painchaud
George Simons Pardo
Dominic Perron
Paul-Hubert Poirier †
Gaëlle Rioual
Simon St-Arnaud-Chiasson
Eric P. Tchamdja
Philippe Therrien
Yann Vadnais
Jonathan I. von Kodar
Précédentes chroniques : Laval théologique et philosophique, 45 (1989), 303-318 ; 46 (1990), 246-268 ; 48 (1992), 447-476 ; 49 (1993), 533-571 ; 51 (1995), 421-461 ; 52 (1996), 863-909 ; 55 (1999), 499-530 ; 57 (2001), 121-182, 337-365, 563-604 ; 58 (2002), 357-394, 613-639 ; 59 (2003), 369-388, 541-582 ; 60 (2004), 163-177, 363-378 ; 61 (2005), 175-205, 363-393 ; 62 (2006), 133-169 ; 63 (2007), 121-162 ; 64 (2008), 169-207 ; 65 (2009), 121-167 ; 66 (2010), 183-226 ; 67 (2011), 155-190 ; 68 (2012), 435-497 ; 69 (2013), 327-402, 70 (2014), 579-630 ; 71 (2015), 503-553 ; 72 (2016), 319-355 ; 74 (2018), 277-319 ; 75 (2019), 289-335 ; 78 (2022), 117-184 et 79 (2023), 275-306.
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