Il est de ces parties du corps qui impliquent bien davantage que leur réalité matérielle. De la culture du selfie, qui caractérise toute une nouvelle génération, aux contestations qui ont marqué le port du masque lors de la pandémie, force est de constater que cette « partie antérieure de la tête de l’homme » (Petit Robert) cristallise des enjeux fondamentaux. C’est dans ce contexte qu’il a paru opportun à la Société canadienne de théologie (SCT) et à l’Association catholique d’études bibliques au Canada (ACÉBAC) de se lancer dans une exploration des représentations du visage, en ajoutant cette interrogation fondamentale : et qu’en est-il du visage du divin ? « Dès qu’on le considère dans sa portée symbolique, éthique, politique ou culturelle, le visage révèle non seulement une richesse d’approches possibles, mais aussi l’étendue des processus sociaux qui passent par lui ». À la croisée de ce qui fait nos différences et notre ressemblance, c’est à travers un visage que la personne se présente au monde et communique avec l’autre, dans le face-à-face. C’est aussi à travers lui que passent des assignations d’identités et de positions sociales, assumées ou imposées. Les textes bibliques n’échappent pas à cette polysémie du visage. Dans les rapports entre les humains et Dieu, la « face » est un point de rencontre crucial. Plus spécifiquement le visage permet — ou non — d’accéder à l’identité de l’autre, comme Joseph qui « reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent pas » (Gn 42,8) ; c’est aussi un moyen d’accéder aux émotions, aux sentiments, à une certaine vérité de l’être. Même si elle est loin de la culture de l’égoportrait, la Bible se réfère très souvent au visage ( פָּנִים/ πρόσωπον) dès qu’il est question de l’autre. À commencer par le visage de Dieu, dont les « coeurs droits contempleront [l]a face » (Ps 11,7). Outre cette promesse eschatologique, le lecteur s’étonne d’un Dieu qui tantôt « découvre sa face » (Nb 6,25), tantôt « cache sa face » (Is 45,15). Mais à quoi ressemble-t-elle, cette « face » ? Même quand il s’agit d’humains, il est bien difficile d’établir un portrait des personnages qui parcourent les textes. Au fond, le thème du visage semble se décliner selon deux modalités : il y a le visage de la présence et il y a celui de l’absence. Sans oublier une forme particulière : le visage transfiguré. Il s’agit d’une spécificité qui fait toute la force théologique et parfois poétique de certains textes, comme celui où le visage de Moïse « rayonne » lorsqu’il redescend du Sinaï (Ex 34,29-35). Du côté de la théologie, le visage a une part non négligeable dans une réflexion sur l’éthique, l’anthropologie théologique, la théologie trinitaire, la christologie, le dialogue interreligieux, les théologies féministes ou encore la théologie de l’accompagnement spirituel. Il revêt parfois des enjeux très sensibles. En effet, dans la pensée chrétienne, Dieu n’a pas seulement pris corps, il a aussi un visage, une face. La question du visage divin est un élément qui distingue le christianisme du judaïsme et de l’islam. Sans compter les enjeux de la représentation du divin dans les icônes. Ce numéro de la revue Laval théologique et philosophique propose un exercice de réflexion qui est simultanément une contemplation d’une multitude de visages : visages du divin, visages du cosmos, visages des gens et des villes, visages qui parcourent les textes bibliques, théologiques et philosophiques. Réfléchir sur le visage constitue un premier pas nécessaire pour rencontrer l’autre qui ne nous ressemble pas. Et, pourquoi pas, mieux le connaître, et mieux se connaître aussi. C’est pourquoi les …
Liminaire
…plus d’informations
Martha Milagros Acosta Valle
Department of Religious Studies, Niagara University, New YorkMounia Ait Kaboura
Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), Cégep Édouard-Montpetit, LongueuilRachel de Villeneuve
Département de littérature, Collège Stanislas, Campus de Montréal, Outremont
L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.
Options d’accès :
via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.
via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.
Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.
Options d’accès