Recensions

Bruno Dumons, dir., Les congrégations féminines missionnaires. Éducation, santé et humanitaire : une histoire transnationale (xixe et xxe siècles). Roma, Viella s.r.l. (coll. « Il libri di Viella », 433), 2022, 498 p.[Notice]

  • Dominique Laperle

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  • Dominique Laperle
    Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie, Montréal

Bruno Dumons, directeur de recherche au CNRS et membre du Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes (LARHRA), propose un imposant ouvrage sur l’action missionnaire des congrégations religieuses féminines en éducation, en santé et sous l’angle humanitaire. Les dix-neuf chercheurs qu’il dirige posent ainsi leur regard sur une large palette de congrégations actives sur tous les continents, permettant ainsi un survol transnational bénéfique. L’ouvrage débute par un avant-propos de Sarah A. Curtis, « Invisible No More ! », qui rappelle avec justesse que les effectifs féminins déployés en terre de mission dépassaient largement ceux des communautés masculines actives sur les mêmes territoires et qu’elles ont souvent su — mieux que les hommes d’ailleurs — tisser des liens profonds avec les populations locales. Elizabeth A. Foster poursuit avec une introduction générale, intitulée « The Rich, Complex Histories of Catholic Missionary Women in the Modern World ». Elle souligne deux problèmes concrets ; d’abord, les difficultés récurrentes d’accès aux archives missionnaires pour les chercheurs, mais aussi leurs disséminations dans les fonds de nombreuses petites congrégations régionales. Cela a d’autant un impact sur l’analyse historique, que les chercheurs n’ont souvent pas facilement les moyens de parcourir de longues distances entre ces pôles archivistiques. Cela mène donc à des monographies congréganistes de grande valeur, mais qui ne permettent pas toujours de poser un regard global sur l’action missionnaire. Alors ne serait-ce que pour répondre à cette remarque, un tel ouvrage collectif permet justement de combler ce problème. Le livre est divisé en trois grandes sections qui regroupent successivement l’Europe, le Proche-Orient et l’Afrique septentrionale (première section), les Amériques (deuxième section) et l’Asie ainsi que l’Océanie (troisième section). Les six contributions de la première partie offrent un panorama qui donne le ton de l’ouvrage. Le texte de Christian Sorrel, « Une trajectoire transnationale. Les Soeurs de Saint-Joseph de Chambéry et l’éducation (1856-1939) », permet d’emblée de saisir « le processus de mondialisation et de romanisation du catholicisme contemporain » (p. 48-49) et « montre [la] belle capacité d’adaptation aux contextes locaux » (p. 49) de religieuses qui sont de véritables agentes autonomes de changement et de fines négociatrices, au sein de la sphère sociale, avec les clercs et les détenteurs du pouvoir civil. Le texte suivant, « Representing Catholic Missions in the English Press. Education, Professionalism and Internationality (1950-1970) », celui de Carmen M. Mangion, pointe avec justesse les stratégies médiatiques utilisées par une congrégation hospitalière afin de soutenir la plausibilité de sa mission auprès du public en général, de ses donateurs et des différents ordres professionnels qui ne voyaient pas toujours « les bonnes soeurs » comme des actrices de la modernité. On retrouve un peu de cette dynamique dans le texte de Norig Neveu, « Les soeurs de Nazareth et le développement de l’assistance aux réfugiés palestiniens en Jordanie (1948-1960) ». Ces religieuses européennes et palestiniennes se retrouvent à devoir constamment négocier leur place et leur identité, à tenir compte des rites pratiqués par les différentes dénominations chrétiennes et à maintenir les fondements de leur mission dans des contextes politiques et religieux explosifs. Un beau texte sur une réalité rarement présentée. On reste dans la sphère proche-orientale avec le texte « Éduquer et soigner à l’heure des rivalités impériales (1880-1940). Les Franciscaines missionnaires d’Égypte dans la vallée du Nil », d’Annalaura Turiano. L’historienne rappelle les nuances à retenir à propos du lien entre l’impérialisme, le colonialisme et le religieux. S’ils vont souvent de pair comme vecteurs de « civilisation », du moins, dans les premières décennies des missions, le processus d’intégration des religieuses allochtones dans les communautés locales transforme les rapports de domination en des …