Résumés
Résumé
L’Ubuntu est un concept issu des cultures africaines qui signifie « humanité » ou « bonté » en référence à la solidarité et à la fraternité. Il met l’accent sur l’importance de la communauté dans la vie des individus et sur la nécessité de prendre en compte les besoins des autres dans nos propres décisions et actions. Dans le récit de la guérison du paralytique en Marc 2,1-12, on peut voir comment les quatre porteurs et la foule montrent de l’Ubuntu en aidant le paralytique à accéder à Jésus pour recevoir son pardon et sa guérison. Jésus lui-même montre de l’Ubuntu en pardonnant au paralytique et en le guérissant, mettant ainsi ses besoins avant les règles et les préjugés de la société. L’application du concept d’Ubuntu en exégèse peut donc offrir une perspective non occidentale sur le texte biblique en mettant en lumière les valeurs de communauté et de compassion présentes dans le récit.
Abstract
Ubuntu is a concept from African cultures that means “humanity” or “kindness” in reference to solidarity and fraternity. It emphasizes the importance of community in the lives of individuals and the need to consider the needs of others in our own decisions and actions. In the account of the healing of the paralytic in Mark 2:1-12, we can see how the four bearers and the crowd show Ubuntu in helping the paralytic access Jesus to receive his forgiveness and healing. Jesus himself shows Ubuntu by forgiving the paralytic and healing him, thus putting his needs before the rules and prejudices of society. Applying the concept of Ubuntu in exegesis can therefore offer a non-Western perspective on the biblical text by highlighting the values of community and compassion present in the narrative.
Corps de l’article
Les approches classiques d’interprétation bibliques s’appuient principalement sur les méthodologies et épistémologies occidentales. Étant donné mes origines africaines, j’aborderai le texte biblique d’une manière non occidentale. Dans le courant du mouvement Black Lives Matter[1] je voudrais explorer un concept venu d’Afrique, l’Ubuntu, qui fait partie de l’héritage socioculturel d’une sagesse africaine, pour en faire une application exégétique. Cet article s’inscrit dans une dynamique heuristique qui tente des approches nouvelles dans l’analyse des textes bibliques. Mon cadre théorique reste synchronique et utilise les théories du trauma.
Il ne s’agira pas ici d’une exégèse typiquement africaine du passage à l’étude. Étant canadien d’origine rwandaise, ma posture épistémologique se veut biculturelle : j’utilise des méthodologies occidentales en conversation avec un concept africain. Il existe bien entendu d’autres approches, que je juge aussi valables et pour lesquelles j’ai de l’estime. Le théologien camerounais Jean-Marc Éla, entre autres, propose plusieurs pistes en théologie décoloniale. Il expose ses méthodes dans sa théologie de dissidence et sa « théologie sous l’arbre », où il prône la rupture avec les méthodes occidentales pour que les Africains puissent rencontrer le Dieu libérateur[2]. Je m’inscris plutôt dans une perspective de dialogue dans lequel je propose à la science exégétique de tourner son regard vers un concept africain pour bonifier sa pratique. En effet, le biais individualiste de la culture intellectuelle occidentale peut mener à des interprétations des textes bibliques qui en occultent l’importance des dynamiques communautaires[3].
Je propose une lecture de Marc 2,1-12 sous l’angle de l’Ubuntu en m’attardant tant au texte lui-même qu’à ses interprétations. Mon analyse portera sur la communauté lors de cette démarche de guérison du paralytique. Cette histoire revêt en effet un sens public, puisque la scène se déroule devant la communauté. Le développement de mon propos sur l’Ubuntu et ce récit s’articule en deux parties. D’une part, j’expliquerai le concept de l’Ubuntu : son aspect sémantique, son contexte socio-politique et sa dimension éthique. D’autre part, je proposerai l’étude de Marc 2,1-12 en observant la foule, les quatre porteurs et Jésus qui pardonne, pour relever les éléments relatifs au concept de l’Ubuntu et à l’utilité de son application en exégèse. Cette analyse pourra inspirer aux Africains comme aux autres un agir plus conforme à ce concept de l’Ubuntu, notamment par la solidarité et le respect mutuel.
I. Le concept d’Ubuntu
1. Aspect sémantique de l’Ubuntu
L’Ubuntu est un terme issu des langues africaines qui signifie « humanité » au sens de « bonté », « solidarité » et « fraternité ». Au niveau sémantique, dans plusieurs de ces langues, la racine « bantu » signifie « les gens » et dénote l’importance de la communauté[4]. Au Rwanda et au Burundi, ce mot signifie « générosité humaine ». Au Kenya, « utu » signifie une action pour le bien de la communauté[5]. En langue Xhosa et Zoulou d’Afrique du Sud, un proverbe exprime l’idée d’Ubuntu en ces termes « Umuntu, ngumuntu, ngabantu » ce qui signifie littéralement : « Toute personne n’est une personne qu’à travers d’autres personnes ».
Dans une région d’Afrique du Sud, en culture Xhosa, lorsqu’on veut faire un immense compliment à quelqu’un, on dit « Yhu, U nobuntu », c’est-à-dire : « Hé, untel a Ubuntu ». Cela veut dire qu’il est généreux et hospitalier, qu’il est amical, attentif et plein de compassion. Desmond Tutu[6] explique l’Ubuntu en ces termes :
Le concept d’Ubuntu est l’un des aspects les plus fondamentaux d’une vie de courage, de compassion et de connexion aux autres. L’enseignement d’Ubuntu se résume simplement par un proverbe qui existe dans presque toutes les langues africaines, et dont la traduction est : « Toute personne n’est une personne qu’à travers d’autres personnes ». Le sens fondamental de ce proverbe est que tout ce qu’on apprend et tout ce qu’on vit dans ce monde se fait à travers notre relation aux autres[7].
Le discours lié à l’éthique de l’Ubuntu a évolué avec l’esclavage et la colonisation. Deux auteurs — Stanlake J. Thompson Samkange et Tommie M. Samkange — définissent ce concept comme « l’attention que porte un être humain à un autre : la gentillesse, la courtoisie, la considération et la bienveillance dans les relations entre les gens ; un code de comportement, une attitude vis-à-vis des autres et de la vie, incarnés dans hunhu ou Ubuntu[8] ».
Deux aspects importants du concept de l’Ubuntu restent l’interdépendance et le sens de la communauté. En ce qui concerne l’interdépendance, d’après D. Tutu, « aucun de nous ne vient au monde pleinement formé. Nous ne saurions pas comment penser, marcher, parler ou nous comporter en tant qu’êtres humains si nous n’avions pas appris d’autres êtres humains[9] ». Cela implique que nous avons besoin des autres personnes pour être nous-mêmes humains. Quant au sens de la communauté, selon S. Kabuta, « l’ubuntu, c’est la qualité présente dans chaque acte humain ayant comme objectif la construction de la communauté[10] ».
Ainsi dans le contexte africain, l’Ubuntu est un concept dans lequel on peut placer des attitudes positives. D’un point de vue de la critique occidentale, ce concept manque de précision. Ce caractère vague de l’Ubuntu résulte d’une vision africaine qui opère par le consensus. La plupart des personnes en Afrique accordent leur confiance à des traditions qui véhiculent la sagesse séculaire. Celle-ci régit la bonne marche de la société, malgré les conflits qui ne manquent pas dans les communautés sur ce continent. Quoi qu’il en soit, l’Ubuntu s’enracine dans un contexte socio-historique et littéraire qui lui confère une certaine authenticité.
2. Contexte socio-historique de l’Ubuntu
Pour faire un bref exposé de l’usage et de la place de l’Ubuntu dans l’histoire récente, en 1994 l’Afrique du Sud connaît la fin du régime de l’apartheid, un système politique de ségrégation raciale des Blancs envers les Noirs et de violence contre ces derniers. Nelson Mandela[11], est élu président de la République après les premières élections démocratiques. Il prône la tolérance et la non-violence pour faire de ce pays divisé et meurtri une nation arc-en-ciel où vivraient ensemble les Blancs, les Noirs, et les Métis. Mandela instaure pour cela la Commission vérité et réconciliation sous la direction de Desmond Tutu[12]. Cette commission avait pour mission d’écouter les gens raconter les événements traumatiques qu’ils avaient vécus au temps de l’apartheid pour favoriser le pardon et la réconciliation. C’est de cette démarche qu’a émergé le concept d’Ubuntu comme écoute solidaire de la souffrance de l’autre en vue d’un vivre ensemble malgré les conflits.
Le roman Mother to Mother de Sindiwe Magona, écrivaine sud-africaine, est une réponse à la Commission vérité et réconciliation comme projet de rétablissement après un traumatisme[13]. Publié en 1998, ce récit raconte le meurtre d’Amy Biehl, tout en se référant aux différentes conceptions du trauma. Amy Elizabeth Biehl était une jeune Blanche américaine, originaire de Californie et diplômée de l’Université de Stanford. Activiste anti-apartheid, elle était venue en Afrique du Sud pour assister aux préparatifs de la première élection non raciale dans l’histoire du pays. Un jour, avant son retour aux États-Unis en 1993, sa voiture est attaquée au moment où elle ramenait ses amis à la maison en banlieue de Guguletu. Elle fut lapidée et poignardée à mort par quatre jeunes noirs qui venaient d’un rassemblement de l’organisation panafricaniste des étudiants. Ils chantaient les slogans violents comme « un colon, une balle ». Les quatre meurtriers, qui reçurent une sentence de dix-huit ans chacun, demandèrent l’amnistie à la Commission vérité et réconciliation. Les parents d’Amy ne se sont pas opposés à cette demande. Ils ont rencontré les parents des quatre jeunes et ils ont créé la fondation Amy Biehl dédiée au développement de la communauté dans les quartiers défavorisés de Cape Town[14].
Ainsi, le concept de l’Ubuntu reste associé au contexte du peuple sud-africain sortant des traumatismes de l’apartheid. Les efforts de réconciliation des groupes composant la nation, à savoir Noirs, Blancs et Métis, furent fondés sur son héritage. Le roman de Magona montre qu’il reflète la souffrance d’un peuple et la voie de guérison avant d’être un concept intellectuel pouvant être analysé. L’Ubuntu s’est avéré être le remède du trauma des Sud-Africains dans leur cheminement vers la réconciliation. Ce concept représente une certaine éthique dont les valeurs influencent le penser et l’agir des Africains.
3. Dimension éthique de l’Ubuntu
Martin Prozesky, professeur sud-africain, a écrit ce qui suit à propos de l’éthique africaine : « Il ne pourra y avoir de véritable éthique globale aussi longtemps que les non-Africains ne prendront pas au sérieux le riche héritage ancestral de l’Afrique noire en matière d’éthique. Il s’agit là d’une exigence fondamentale, non seulement pour être complet d’un simple point de vue géographique, mais, plus essentiellement encore, pour atteindre la profondeur éthique nécessaire[15] ». Certains chercheurs ont tendance à minimiser la valeur du concept d’Ubuntu. C’est le cas de l’anthropologue hollandais Wim van Binsbergen. Selon lui,
on a démontré que la philosophie de l’Ubuntu n’était pas le reflet émique direct d’une philosophie africaine préexistante, accessible depuis des temps immémoriaux dans les différentes langues de la famille bantoue, mais au contraire une vague reconstruction étique sous une forme importée et globalisée, d’un ensemble d’idées implicitement liées à certains aspects des relations villageoises et parentales dans de nombreux contextes de l’Afrique du Sud contemporaine[16].
La pensée de l’auteur comporte le préjugé occidental courant selon lequel l’Afrique n’a rien à offrir au monde en termes de valeurs.
Munyaradzi Félix Murove, quant à lui, souligne que l’efficacité de l’Ubuntu vient de la primauté qu’il accorde à la rationalité relationnelle[17]. Considérer qu’il est essentiellement relationnel remet en question la conception individualiste et égocentrique de l’être humain qui prévaut dans la culture occidentale. Il en déduit que la définition de l’Ubuntu comme facteur humanisant rejoint l’idée selon laquelle l’humanité, au sens d’être bienveillant, est la condition existentielle préalable de notre lien avec nos semblables. Munyaradzi montre que, « l’éthique africaine de l’Ubuntu peut contribuer de manière très importante à une nouvelle connaissance de l’homme. Parce que l’Ubuntu est fondé sur une vision du monde relationnelle, son apport principal consiste à affirmer qu’en tant qu’êtres humains, nous dépendons d’autrui pour atteindre un bien-être optimal[18] ». Plus récemment, Julien Muganga propose de traiter la question de la vulnérabilité à l’aide de la philosophie africaine dite d’Ubuntu dans l’approche de la psychologie positive et de la thérapie communautaire intégrative[19]. Quant à Henry S. Mova, il démontre que les peuples africains, traumatisés par des drames récurrents, firent appel aux forces enfouies dans une résilience arrimée au concept d’« Ubuntu[20] ».
Certains chercheurs de l’époque coloniale ont dénigré l’éthique de l’Ubuntu, n’y voyant que l’expression d’un comportement infantile et primitif ainsi que la manifestation d’un complexe de dépendance à la suite des vexations subies. À ce propos, Basil Davidson écrit : « […] la nature de la civilisation africaine consistait en un communautarisme catégoriquement opposé au changement dans certaines de ses orientations fondamentales[21] ». À cette époque, l’anthropologie coloniale, sous l’influence de la théorie évolutionniste de Charles Darwin, conduit à la banalisation du communautarisme africain tel qu’il était intégré dans l’éthique de l’Ubuntu. On lui reprochait de faire stagner la modernisation. Stephen Theron, par exemple, rejetait l’Ubuntu parce qu’il le considérait comme un gage du sous-développement[22].
Mungi Ngomane montre comment la pratique d’Ubuntu peut nous aider à devenir des bâtisseurs de ponts, des personnes qui voient dans chaque interaction une chance de créer un environnement plus positif [23]. Elle partage diverses histoires auxquelles les lecteurs et lectrices peuvent s’identifier pour ménager envers les autres un espace de bonté et de relation. D. Tutu décrivait l’essence d’Ubuntu ainsi : « Mon humanité est entremêlée, inextricablement liée, à la tienne[24] ».
Par ailleurs, la leçon principale d’Ubuntu est similaire à la règle d’or de multiples confessions de foi : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’on te fasse[25] ». Mais l’Ubuntu nous exige d’aller au-delà de nos actions pour surveiller notre existence dans ce monde. Il s’agit donc de notre manière d’être, plus que notre façon de nous comporter. L’exigence éthique de l’Ubuntu est que je suis un être humain par et pour les autres.
Cependant, le comportement éthique de certains groupes dans quelques sociétés africaines particulières va à l’encontre des valeurs propres au concept d’Ubuntu. En effet, le continent africain connaît depuis des années des conflits meurtriers qui s’éternisent. Les exemples comme le génocide au Rwanda, les massacres au Burundi, les guerres civiles en Somalie, les violences en Afrique du Sud, la guerre au Congo Kinshasa, et bien d’autres situations similaires remettent en question tout le bien qu’on puisse dire de l’Ubuntu[26].
Ainsi, la dimension éthique de l’Ubuntu concerne certaines des valeurs culturelles des Africains. Puisque ce continent connaît la présence des missionnaires chrétiens occidentaux, il est possible que cette éthique soit le fruit de l’influence de l’évangélisation et de la doctrine chrétienne[27]. Cependant, certains Africains qui n’ont pas adhéré à la religion chrétienne et sont restés attachés aux pratiques traditionnelles, gardent un comportement empathique et bienveillant, et prétendent le tenir de l’éthique de l’Ubuntu.
En somme, l’Ubuntu est un concept enraciné dans une longue tradition africaine. La dimension sémantique révèle que ce concept est présent sur une importante étendue du continent. La fin de l’apartheid en Afrique du Sud et les efforts de réconciliation de son peuple ont mis en lumière l’éthique de l’Ubuntu et surtout les valeurs morales qu’il implique. Le concept de l’Ubuntu, tout en respectant les interprétations des divers penseurs, pourrait aider à développer un rapport communautaire aux textes bibliques. L’étude du texte de Mc 2,1-12 qui suit emprunte cette voie. Il s’agira d’analyser ce passage sous l’angle interprétatif du concept d’Ubuntu en portant une attention particulière à l’implication de la communauté.
II. Pratique de l’Ubuntu à Capharnaüm dans le récit du paralytique en Mc 2,1-12
Parmi les évangélistes synoptiques, Marc est celui qui donne le plus d’attention aux récits de guérison, d’exorcisme et de miracles[28]. Comparé aux précédents, le récit de la guérison du paralytique en Mc 2,1-12, se fait remarquer par la variété des acteurs : « Jésus, la multitude qui afflue et forme foule, le paralysé et ses quatre porteurs, les scribes qui, sans rien dire, provoquent un débat[29] ». En Marc, les guérisons constituent un aspect déterminant de l’irruption du monde nouveau de Dieu parmi les humains.
Jésus de Nazareth, qui s’est manifesté comme un faiseur de miracles dont les guérisons, est une figure qui apparaît aux yeux des Africains comme pleine d’Ubuntu, au sens de bonté, gentillesse et grande humanité. Dans cette partie de l’analyse du texte de Mc 1,1-12, je développerai le sujet de la pratique de l’Ubuntu à Capharnaüm en articulant les quatre points suivants autour du thème de la communauté : 1) le rassemblement de la foule ; 2) la foi des quatre porteurs ; 3) le pardon des péchés ; 4) la guérison et le retour à la vie.
1. Rassemblement communautaire de la foule devant la maison
Une lecture de ce passage sous l’angle du concept d’Ubuntu s’arrête d’abord sur cette image du rassemblement. En effet, l’Ubuntu, « englobe toutes nos aspirations à bien vivre, et à vivre ensemble. Nous le sentons quand nous entrons en lien avec d’autres personnes et partageons un sentiment d’humanité ; quand nous écoutons profondément et ressentons un lien émotionnel ; quand nous traitons les autres et nous-mêmes avec la dignité qui sied à chacun[30] ». L’Ubuntu nous enseigne que nous sommes nous-mêmes grâce aux autres. Par l’Ubuntu, nous voyons le monde à travers un prisme d’égalité et de gratitude. Nous sommes tous interconnectés. Comme l’a écrit le poète John Donne : « Aucun homme n’est une île[31] ». Le rassemblement des gens autour de Jésus pour l’écouter relève du décor caractéristique d’Ubuntu.
Le récit de guérison du paralytique en Mc 2,1-12 est encadré par la mention de la foule (v. 2 et 12). La présence des gens et leur afflux devant la porte sont tels qu’il n’y avait pas de place devant la maison, ce qui souligne l’importance de ce rassemblement communautaire : « καὶ συνήχθησαν πολλοὶ », c’est-à-dire « et ils s’assemblèrent nombreux » (v. 2). Le verbe συνάγω signifie « se rassembler », « assembler », « accompagner », « venir ensemble » et même « habiter ensemble[32] ». Le texte de Marc souligne qu’il n’y avait plus d’espace. Malgré le grand nombre de personnes et le manque d’espace, il ne semble pas y avoir d’animosité.
Les termes grecs ἐν οἴκῳ (à la maison) et πάλιν (encore) au v. 1 suggèrent que Jésus a l’habitude de se servir de ce lieu, probablement la maison de Pierre, pour s’adresser aux gens de Galilée. Au temps de Jésus, les rabbins s’occupaient du service de la parole dans les synagogues et les prêtres officiaient dans le temple. Pour Daniel N. Aboagye, dans ce passage, Jésus prêche dans une maison qui n’était pas réservée aux fonctions religieuses[33]. Cela suggère que le pardon ne doit pas être limité aux seuls rituels cultuels dans le temple.
La foule écoutait Jésus qui leur annonçait la parole : « καὶ ἐλάλει αὐτοῖς τὸν λόγον », c’est-à-dire « il leur parlait la parole » (v. 2). Une insistance sur la parole montre l’importance et le motif de ce rassemblement. Cette scène de Jésus qui parle à une foule qui l’écoute assidûment rappelle les similitudes entre ce monde de Jésus dans l’Antiquité et certaines sociétés africaines d’aujourd’hui. En effet, autant dans le Capharnaüm du temps de Jésus que dans les milieux africains, la tradition orale tient une place centrale. L’unité et la solidarité communautaire se concrétisent autour de la parole.
Par ailleurs, la foule constitue un obstacle pour arriver à Jésus. Jacques Hervieux avance l’hypothèse suivante : « La foule qui se presse pour l’écouter est si nombreuse que la porte de la maison est obstruée. Le Maître est comme prisonnier de son public. Et ce dernier fait un sérieux obstacle à quiconque voudrait le rejoindre de l’extérieur[34] ».
Dans la version du texte de Matthieu (Mt 9,1-8), la présence d’une foule à l’écoute de Jésus devant la porte d’une maison n’est pas mentionnée. Jésus arrive dans la ville, quelques personnes lui amènent un homme paralysé et Jésus le guérit (v. 2). Il s’ensuit alors un débat entre Jésus et les scribes au sujet du geste posé par Jésus (v. 4-7). La présence des gens est mentionnée à la fin du récit en soulignant leur crainte et leur louange envers Dieu à la vue de ce miracle : « […] les foules furent effrayées et glorifièrent Dieu » (v. 8). Les mots au pluriel οἱ ὄχλοι signifiant « les foules » font comprendre que les gens présents étaient nombreux. Dans le texte de Marc, cette précision se trouve au tout début du récit (Mc 2,2).
En somme, le texte de Mc 2,1-2 offre des indices qui montrent que la communauté est très présente dans le récit de la guérison du paralytique. Le lieu de la scène, Capharnaüm, est déjà chargé de sens[35]. Il signifie « village de Nahum ». En contexte de l’Ubuntu, le village est un lieu d’habitation où se côtoient des communautés qui cohabitent pacifiquement. Il faut également souligner que dans cette logique d’Ubuntu, les termes « foules », « communautés » et « rassemblements » restent identiques et interchangeables. Ce blocage, occasionné par le rassemblement de la foule, est ensuite réglé par les porteurs.
2. La foi des quatre porteurs déclenche le miracle
Dans les versets suivants, les quatre porteurs du paralysé arrivent à l’endroit où se trouve Jésus. Le texte utilise trois verbes pour décrire la scène : « ἔρχονται παραλυτικὸν φέροντες αἰρόμενον ὑπὸ τεσσάρων », soit « ils viennent portant un paralytique soulevé par quatre personnes[36] » (v. 3). Ils éprouvent des difficultés à amener le paralytique près de Jésus en raison de la densité de la foule. La communauté prend la responsabilité d’emmener le paralytique à Jésus, puisque son handicap l’empêche de se déplacer seul.
L’action de découvrir le toit au-dessus de l’endroit où était Jésus pour faire une ouverture et descendre le brancard du paralytique (Mc 2,4) relève de l’inventivité[37]. Évidemment ce geste signifierait de nos jours un manque de respect de la propriété privée, concept important dans les cultures occidentales. Le texte n’indique pas si le propriétaire de la maison s’est plaint du fait que les porteurs du paralytique auraient endommagé quoi que ce soit à sa maison. Les gens qui entourent Jésus n’ont pas réagi à ce geste.
Après leur ouverture du toit et la descente du brancard, « Ἰδὼν δὲ ὁ Ἰησοῦς τὴν πίστιν αὐτῶν λέγει τῷ παραλυτικῷ », c’est-à-dire « Jésus voyant leur foi dit au paralysé… » (v. 5). Habituellement le terme πίστις se traduit par « foi », ou « la relation à Dieu ». Élian Cuvillier dans son analyse du récit de guérison en Mc 2,1-12 souligne que cette dernière est rendue possible grâce à la foi des amis du paralytique. Il affirme qu’il s’agit « du seul épisode de l’évangile où la foi des autres est explicitement reconnue comme étant au bénéfice de quelqu’un[38] ». Cependant, la foi d’une autre personne joue le rôle déterminant dans la guérison de la fille de la Syro-Phénicienne en Mc 7,24-30 ou bien dans le récit de guérison du jeune homme possédé d’un esprit muet en Mc 9,14-29. Dans la logique de l’Ubuntu, les amis ou aidants du paralysé sont les membres de sa communauté.
Du point de vue du lecteur ou de la lectrice de ce récit en contexte africain, l’image comporte un symbolisme de solidarité. Même aujourd’hui dans les villages d’Afrique, le brancard traditionnel est soutenu par quatre hommes[39]. Une dimension importante d’Ubuntu consiste à concourir au bien-être de l’autre. D’après Samkange, l’Ubuntu consiste en l’attention que porte un être humain à un autre ; la gentillesse, la courtoisie, la considération et la bienveillance dans les relations entre les gens, il s’agit d’un code de comportement, d’une attitude vis-à-vis des autres et de la vie[40].
Dans l’optique de l’Ubuntu, une autre attitude consiste à venir en aide à l’autre surtout quand ce dernier est en situation de besoin. Car, « lorsque nous sommes capables de nous voir dans autrui, notre expérience du monde en devient inévitablement riche, animée de bonté et de connexions aux autres. Lorsque nous regardons autrui et que nous savons y voir notre reflet, nous apprenons immanquablement à mieux traiter les gens[41] ». En ce sens, l’Ubuntu va plus loin que la gentillesse en reconnaissant la valeur intrinsèque de chaque être humain, à commencer par nous-mêmes.
Les porteurs ont fait preuve d’une solidarité propre à l’esprit d’Ubuntu. Ils ont été créatifs en cherchant à créer le lien entre Jésus et le paralytique. Effectivement, Ubuntu nous enseigne que nous sommes appelés à nous sentir connectés pour être plus humains[42]. Dans notre vie quotidienne, un sentiment d’unité nous aide à trouver le contentement et la satisfaction. Le fait de venir en aide à nos compagnons d’infortune nous fait appartenir à quelque chose de plus grand que nous-mêmes. Les porteurs ont fait passer les besoins du paralytique en priorité, sans que le texte précise qu’ils reçoivent un avantage direct pour ce service. Ils l’ont considéré comme un membre égal de la communauté qui avait besoin de l’aide. Cette action appartient à l’Ubuntu.
Depuis la Grèce antique, une expression a inspiré l’unité des peuples, à savoir « l’union fait la force[43] ». Un proverbe africain exprime le potentiel du collectif en ces termes : « si tu veux aller vite, va seul. Mais si tu veux aller loin, va ensemble[44] ». L’Ubuntu rejette l’idée qu’un être humain puisse se construire seul et dans l’isolement. Une communauté devient plus forte quand elle est unie. Puisque tout le monde est appelé à participer au bien de la communauté, chaque personne compte. En travaillant ensemble, la communauté peut réaliser de grandes choses[45]. Les porteurs ont secouru le paralytique pour que leur communauté reste forte.
Ainsi, dans l’optique du concept d’Ubuntu, la communauté jugea bon d’amener à Jésus son membre paralysé. En ayant un membre malade, la communauté était affaiblie. Une fois guéri, le potentiel du groupe augmentera et la communauté en profitera. Le geste des porteurs leur a valu l’attention de Jésus et l’admiration de leur foi. Ils rendent possible le miracle de la guérison précédée par une déclaration solennelle du pardon, que Jésus donne au paralytique toujours devant la communauté.
3. Le pardon des péchés devant la communauté
L’une des interprétations répandues de Mc 2,1-12 consiste à voir ce passage comme une démonstration de l’autorité de Jésus à pardonner les péchés et à guérir. Peter S. Williamson étudie cette péricope du point de vue de la relation entre le pardon et l’intégrité physique ou la guérison[46]. Il soutient que le centre du récit concerne le pardon de Dieu et l’autorité de Jésus. L’intervention de Dieu dans la condition humaine contient le pouvoir de pardonner et de guérir. Cependant, dans cette partie je voudrais montrer le rôle incontournable de la communauté dans la réalisation par Jésus du miracle de la guérison du paralytique qui survient après lui avoir pardonné.
Daniel N. Aboagye étudie la relation entre le pardon et la guérison dans le contexte de Mc 2,1-12 et tire des leçons pour le ministère contemporain de guérisons au Ghana[47]. Dans les Églises évangéliques de ce pays, les responsables religieux interprètent ce passage comme signifiant qu’ils détiennent l’autorité de pardonner les péchés pour arriver à la guérison. Ils invitent les gens à venir confesser publiquement leurs péchés pour obtenir le pardon et la guérison. Les cas d’infidélité causent plus de problèmes dans les couples quand l’un des conjoints retourne à la maison après avoir avoué publiquement l’infidélité. À mon avis, nous sommes devant une situation où l’implication de la communauté dans le processus de pardon et de guérison conduit à des effets non escomptés[48].
Le pardon constitue un autre aspect de la libération apportée par le monde nouveau de Dieu après la guérison. Jésus, « voyant leur foi », déclare que les péchés du paralytique sont pardonnés : « Τέκνον, ἀφέωνταί σοι αἱ ἁμαρτίαι σου », c’est-à-dire, « mon enfant, tes péchés sont pardonnés » (v. 5). Avec cette déclaration, le texte se situe au niveau individuel. Le péché, dans le Nouveau Testament, est bien entendu un concept multivalent. Le texte de Marc ne fait aucun lien entre la maladie du paralytique et un péché quelconque qu’il aurait commis. Jésus prononce une parole de pardon qui met debout le paralytique. À ce propos, É. Cuvillier affirme que « pour Marc, être pardonné, c’est être guéri. Dans ce récit, ce n’est pas le lien entre péché et maladie qui est souligné, mais bien celui qui existe entre pardon et guérison[49] ». Ce pardon va susciter une controverse entre Jésus et les maîtres de la loi (v. 6-8). Pour eux, Jésus blasphème, car seul Dieu peut pardonner les péchés (v. 7).
À ce moment du récit, Jésus apparaît comme celui qui a le pouvoir de pardonner, même si ce pouvoir lui vient de Dieu. La discussion avec les scribes suggère son pouvoir surhumain. B. Thurston propose trois significations du titre de fils de l’homme[50]. D’abord, Jésus l’utilise comme périphrase pour parler de lui-même. Ensuite, cette expression représente le genre humain en général. Enfin, il est utilisé comme un titre messianique reflétant la prophétie de Daniel (7,13-14). Il ajoute que Jésus utilise ce titre pour montrer qu’il a l’autorité de faire ce qu’il fait. La personne de Jésus, et de surcroît son identité, est au centre du débat. Le paralytique, de son côté, reçoit ce pardon également de façon individuelle. Le texte ne dit pas si les porteurs avaient besoin du pardon, alors que Jésus avait admiré leur foi.
En contexte de l’Ubuntu ce qui importe ce n’est pas ce que la personne humaine peut réaliser toute seule, si héroïque soit-elle. L’accent reste sur ce que les gens peuvent faire en communauté. Si Jésus a pu pardonner et guérir le paralytique, c’est grâce à la communauté qui lui en offre l’occasion et pour cette communauté. Les porteurs lui amènent le paralytique à guérir et la communauté lui fait confiance.
Je voudrais dégager trois dimensions de la compréhension du pardon, à savoir le pardon en lien avec Dieu, le Fils de l’homme et la communauté. D’une part, l’auteur du pardon est bien Dieu dont Jésus évite de prononcer le nom par fidélité à la tradition juive[51]. Avec la formule à la forme passive, le texte évite de nommer Dieu. C’est la position des scribes. Puisque seul Dieu est auteur du pardon, ils se demandent comment un homme peut prétendre pardonner les péchés. Ainsi ils lancent la forte accusation de blasphème à Jésus. Cette accusation reviendra dans le récit de la passion (Mc 14,63-64). D’autre part, Jésus proclame « ἐξουσίαν ἔχει ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου ἀφιέναι ἐπὶ τῆς γῆς ἁμαρτίας », c’est-à-dire « le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre » (v. 10)[52]. Cette figure énigmatique revêt au temps de Jésus une mission eschatologique. Il est investi des pouvoirs divins de Juge et de Sauveur universel de la fin des temps. C’est pourquoi Jésus dans son humanité a le pouvoir divin de pardonner les péchés.
En considération de ce qui précède, je voudrais souligner les implications du pardon en lien avec le concept d’Ubuntu. Celui-ci élargit l’étendue du pardon sous trois aspects. D’abord, l’Ubuntu enseigne que le pardon peut restaurer notre respect de soi et notre dignité. Ensuite, il conseille de tendre la main à autrui pour ne pas rester seul dans la douleur et l’amertume. Enfin il nous montre à quel point le pardon rend service non seulement aux individus, mais aussi à toute la communauté en redonnant la paix de l’esprit aux personnes rongées par la colère et l’apaisement à la vie de chacun[53]. Dans l’optique de l’Ubuntu, le vrai pardon relève davantage de la dimension communautaire qu’individuelle. En Afrique du Sud, après l’apartheid, la Commission vérité et réconciliation avait le pouvoir de pardonner aux bourreaux s’ils avouaient leurs crimes et demandaient pardon aux victimes en public et devant la communauté. De même, après la guerre et le génocide au Rwanda, le pouvoir en place a instauré les tribunaux communautaires appelés Gacaca. Les sages du village devaient écouter les témoignages des rescapés et les explications des accusés pour mener un jugement et même une condamnation sur la place publique[54]. Ils avaient le pouvoir de punir et de pardonner.
Il importe de souligner qu’en contexte d’Ubuntu, le pardon est considéré comme une dynamique qui reste au niveau horizontal : entre les individus et la communauté. Sa dimension verticale qui consisterait en un pardon reçu d’un Être Suprême ou une divinité quelconque n’est pas existante. Ngomane précise ce qui suit : « L’esprit d’Ubuntu conseille de tendre la main à autrui, car il n’est pas bon de rester seul dans la douleur et l’amertume. Il nous montre à quel point le pardon nous rend service — pas seulement en tant qu’individus, mais aussi à notre communauté — en redonnant la paix de l’esprit aux personnes rongées par la colère et l’apaisement à la vie de chacun[55] ».
Ainsi dans la controverse entre Jésus et les scribes à propos du pardon et surtout de l’instance habilitée à le procurer, l’Ubuntu met l’accent plus sur la communauté que sur l’individu. Comme la communauté est un corps uni, toute offense venant ou visant l’individu touche la communauté. C’est pourquoi celle-ci est l’instance habilitée à pardonner. Dans l’optique de l’Ubuntu, la communauté au sens large peut aider à faire le choix du pardon, et chaque individu le fait à son rythme[56]. En plus, donner le pardon et le demander font partie d’une même démarche qui contribue à la cohésion de la communauté.
4. La guérison et le retour à la vie de la communauté
Le terme que Jésus prononce est celui utilisé pour parler de la résurrection. En disant « ἔγειρε » (lève-toi), Jésus disait « ressuscite[57] ». En effet, le terme ἐγείρω qui signifie « se lever » ou « se mettre debout », est utilisé pour parler de la résurrection de Jésus. Pour C. Focant, « l’usage dans ce verset du verbe ἐγείρω pourrait annoncer discrètement le thème de la résurrection[58] ». L’homme qui gisait par terre comme un mort, se met debout et prend son brancard. Guérir revient alors à revenir à la vie. Dans le contexte qui nous concerne, cette vie consiste à partager le quotidien et à participer aux activités de la communauté. Ce rapprochement entre guérison et résurrection témoigne du fait que le texte de Marc relit ce récit de guérison à la lumière de l’événement pascal. De plus, la scène avait commencé avec Jésus qui enseignait devant la maison[59]. Celle-ci est devenue le lieu de rassemblement de la communauté chrétienne dans l’Église naissante (Ac 12,12).
Vers la fin du récit, le paralytique guéri se leva et sortit devant tout le monde : « ἐξῆλθεν ἐναντίον πάντων, il sortit en présence de tous » (v. 12). Il était venu porté par quatre personnes, mais il quitta portant son grabat. La foule qui l’avait vu venir le vit partir guéri. Ce spectacle mit la foule en stupéfaction et l’incita à rendre gloire à Dieu, et pour cause : « [ils n’avaient] jamais rien connu de pareil », « Οὐδέποτε οὕτως εἴδομεν » (v. 12). La fin du récit renoue avec la foi du début, les gens glorifient Dieu. La joie du paralytique guéri devient ainsi motif d’exultation de la communauté. L’expression πάντων, tout le monde ou la foule, est utilisée pour insister sur l’événement de guérison et pour montrer qu’un nombre appréciable de personnes présentes furent émerveillées[60]. La glorification de Dieu par la foule suggère qu’ils sont religieux et que cette guérison est une intervention de Dieu dans la maladie et la souffrance humaine. Le texte de Marc en 2,12 attire les lecteurs vers Dieu par la foi en Jésus qui est la voie par laquelle il pardonne les péchés et apporte la guérison aux malades de la société.
Il convient de souligner une certaine transformation ou progression de la foule. C. Focant précise que cette foule, « passe de l’état d’individus nombreux ou de la foule amorphe (v. 2.4) à l’état de “tous” unanimes dans la louange de Dieu (v. 12). Et cela explique l’unanimité de “toute la foule” qui vient vers Jésus au bord de la mer (v. 13)[61] ». La foule a connu un changement. Certes, le premier bénéficiaire reste le paralytique. Celui-ci, alors qu’il était condamné à la dépendance et à l’immobilité, se remet en marche. Mais, le miracle lui permettra de faire partie de la communauté en pouvant à son tour contribuer au bien commun. La suite du récit n’est pas explicitée, mais il sera maintenant possible pour les porteurs et le paralytique de former de nouveaux liens sans rapport de dépendance.
Dans l’optique d’Ubuntu, la guérison ou le rétablissement de la santé physique consiste en un retour à la vie normale personnelle et communautaire. Le changement dans le sens positif reste à la portée des gens, quelle que soit la gravité de la situation. D’après Ngomane, « l’Ubuntu reconnaît que la vie n’est pas toujours facile. Réaliste, il nous enseigne que, lorsque nous souffrons dans l’obscurité, nous restons humains et nous méritons de la lumière. Qui que nous soyons[62] ». Cette lumière symbolise la vie qui peut toujours revenir après la nuit des moments difficiles comme le deuil et la maladie. L’Ubuntu enseigne l’espoir au sens de l’attente et du désir qu’un événement particulier et heureux se produise ; toujours avancer et chercher à se sortir des situations difficiles sans abandonner.
En somme, la finale du récit de guérison du paralytique en Mc 2,1-12 rapporte la joie de la communauté à la vue du miracle que Jésus venait d’accomplir. Au prime abord, l’acteur principal de ce miracle reste Jésus de Nazareth. Mais à la lumière du concept de l’Ubuntu, ce récit est marqué par l’implication de la communauté tout au long de cette scène de guérison. Si le texte de Marc nous informe que la foule a louangé Dieu, dans les milieux où l’Ubuntu fait partie de la culture, la communauté aurait chanté, dansé et partagé un verre. Il y aurait eu une certaine célébration de la vie pour la bonne cohésion et le bien-être de la communauté.
Conclusion
La lecture du récit du paralytique en Mc 2,1-12 dans l’optique du concept de l’Ubuntu permet de dégager une autre manière de lire ce récit. La plupart des lectures se concentrent sur la dimension individuelle concernant la personne de Jésus, son pouvoir de pardonner et de guérir le paralytique. Dans cet article, j’ai porté une attention particulière à l’implication de la communauté dans la guérison du paralytique. Dans la logique d’Ubuntu, la foule et les divers personnages dans le récit du texte de Mc 2,1-12 tiennent un rôle actif et non figuratif.
J’ai tenté de faire une exégèse africaine du texte de Mc 2,1-12 à la lumière du concept de l’Ubuntu. Ce texte répond aux voeux d’Adèle Reinhartz dans son allocution présidentielle lors de la rencontre annuelle de la Society of Biblical Literature en 2020[63]. Elle proposait que les études bibliques se décentrent et s’ouvrent aux approches non occidentales en pointant spécifiquement vers les interprétations africaines et afrodescendantes. Ce type d’approche existe depuis déjà quelque temps, comme le montre un collectif dirigé par Mussa Dube, qui souligne l’approche unique, enracinée dans la riche tradition de narration de l’Afrique, que les femmes africaines apportent à la lecture et à l’interprétation de la Bible à partir de leurs divers contextes historiques et culturels[64].
La dimension communautaire qui inclut les valeurs de solidarité et de bonté prend le dessus sur l’aspect individualiste. L’Ubuntu n’est pas un concept biblique, mais un concept ancien africain. Cependant, son essence est compatible avec plusieurs éléments bibliques importants[65]. Si en contexte occidental le salut est présenté dans une approche personnelle et individuelle, dans la logique d’Ubuntu, la dynamique pour accéder au salut est plus communautaire. Les interprétations centrées sur l’individualité ne font pas l’affaire, lorsqu’il s’agit de textes bibliques qui montrent l’importance du tissu communautaire. Jésus, en guérissant le paralytique de son handicap devant une foule nombreuse, donne un cachet particulier à cette conception qui relève de l’Ubuntu. Ce que je propose donne une clé herméneutique importante et peut servir également comme piste éthique pour que les interprètes ne se limitent pas qu’à analyser les aspects de l’Ubuntu des Évangiles, mais répondent à cette invitation dans la pratique. L’herméneutique de l’Ubuntu peut nous éveiller à une lecture différente en reconnaissant l’Ubuntu dans le texte biblique et peut encourager la pratique de l’Ubuntu en communauté. Bien qu’ici, mon auditoire soit limité aux lecteurs et lectrices de cette revue, je souhaite discuter un jour de ce texte dans une communauté africaine. Avant d’être un concept intellectuel, l’Ubuntu est une sagesse de vie.
Parties annexes
Notes
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[1]
Black Lives Matter (la vie des Noirs compte) est un mouvement socio-politique apparu en 2013 aux États-Unis au sein de la communauté afro-américaine qui milite contre le racisme systémique envers les Noirs. Il est né avec un mot-clic sur les réseaux sociaux en réaction à l’acquittement de l’assassin du jeune Travon Martin. En 2020, ce mouvement a resurgi à la mort d’un autre afro-américain, Georges Floyd. Ce courant inspira diverses initiatives à travers le monde pour la défense des droits des minorités.
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[2]
Jean Marc Éla, Ma foi d’Africain, Paris, Karthala,1985 ; Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala, 2003 ; Ignace Ndongala Maduku, dir., « La théologie sous l’arbre de J.-M. Éla », Théologiques, 28, 2 (2020), p. 5-234.
-
[3]
Bertrand Badie, « Chapitre 5. Communauté, individualisme et culture », dans Pierre Birnbaum, éd., Sur l’individualisme. Théories et méthodes, Paris, Presses de Sciences Po, 1991, p. 107-131.
-
[4]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es. Leçons de sagesse africaine, Paris, Harper Collins, 2022, p. 23. L’auteure est la petite-fille de Desmond Tutu, qui a préfacé cet ouvrage. Dans celui-ci, l’auteure propose quatorze leçons pouvant aider à mettre en pratique l’Ubuntu dans la vie quotidienne tant au niveau individuel que communautaire.
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[5]
La racine de ce mot est présente dans la plupart des langues bantoues (du lingala au kikongo, du kiswahili au kinyarwanda et kirundi, du xhosa au zoulou) et son origine remonte à l’aube des temps.
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[6]
Desmond Tutu est un ancien archevêque anglican et militant des droits de l’homme sud-africain. Il reçut le prix Nobel de la paix en 1984 pour son combat pacifique contre l’apartheid. Il fut également le président de la Commission de la vérité et de la réconciliation, chargée de faire la lumière sur les crimes et les exactions politiques commis durant l’apartheid. Proche de Nelson Mandela, il est l’auteur d’une théologie de l’Ubuntu et de la réconciliation.
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[7]
Desmond Tutu, dans Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 14-15.
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[8]
Stanlake J. Thompson Samkange, Tommie M. Samkange, Hunhuism or Ubuntuism : A Zimbabwe Indigenous Political Philosophy, Salisbury, Graham Publishing, 1980, p. 39.
-
[9]
Desmond Tutu, God Has a Dream : A Vision of Hope for our Time, New York, Doubleday, 2004, p. 25. L’auteur partage un message spirituel qui l’a aidé à passer à travers les moments difficiles : de la souffrance individuelle et communautaire peuvent jaillir la joie et la rédemption. Faisant écho aux paroles de Martin Luther King Jr., « I have a dream », il nourrit le rêve que ses enfants sauront qu’ils sont membres d’une famille unique, une famille humaine et une famille de Dieu.
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[10]
Ngo Semzara Kabuta, Éloge de soi, éloge de l’autre, Bruxelles, Peter Lang, 2003, p. 68. L’auteur propose l’éloge ou l’autopanégyrique comme outil thérapeutique utile aussi bien pour les Occidentaux que pour les Africains, confrontés, pour des raisons diverses, à des problèmes d’identité et soucieux d’accéder au mieux-être.
-
[11]
Nelson Mandela a été l’un des dirigeants historiques de la lutte contre l’apartheid avant de devenir président de la République d’Afrique du Sud de 1994 à 1999. Il a passé 27 ans en prison à Robben Island.
-
[12]
André du Toit, « La commission Vérité et Réconciliation sud-africaine. Histoire locale et responsabilité face au monde », Politique africaine, 92, 4 (2003), p. 97-116.
-
[13]
Sindiwe Magona, Mother to Mother, Johannesburg, David Philip Publishers, 1998. Sous forme d’une lettre, ce roman explore l’héritage de l’apartheid à travers l’optique d’une femme noire dont le fils a tué une jeune femme blanche. Le livre tente de rapprocher deux mères, de deux races noire et blanche, par l’empathie et le récit.
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[14]
Stef Craps, Postcolonial Witnessing Trauma Out of Bound, New York, Palgrave Macmillan, 2015, p. 49-50. L’auteur rapporte ce récit dans son ouvrage, pour expliquer le lien entre les données des théories du trauma et les théories postcoloniales.
-
[15]
Martin Prozesky, « Cinderella, Survivor and Saviour : African Ethics and the Quest for a Global Ethic », dans M.F. Murove, dir., African Ethics : An Anthology of Comparative and Applied Ethics, Pietermaritz-burg, UKZN Press, 2009.
-
[16]
Wim van Binsbergen, « Challenges for the Sociology of Religion in the African Context : Prospects for the Next 50 Years », Social Compass, 51, 1 (2004), p. 85-98. Le linguiste Kenneth Pike établit une distinction entre le point de vue émique (celui des acteurs sociaux étudiés) et le point de vue étique (celui du chercheur et de sa propre culture).
-
[17]
Munyaradzi Félix Murove, « L’Ubuntu », Diogenes, 59, 3-4 (11/2012), p. 45. L’auteur est professeur d’éthique africaine et comparative à l’Université de Kwazulu-Natal en Afrique du Sud. Dans cet article, il situe l’Ubuntu parmi les concepts de l’éthique africaine dont les Occidentaux devraient reconnaître et l’existence et le fondement.
-
[18]
Ibid.
-
[19]
Julien Muganga, L’approche Ubuntu comme voie d’accompagnement : Itinéraire de formation au coeur de la vulnérabilité (Mémoire), Université du Québec à Rimouski, 2019. Le cadre méthodologique de l’auteur demeure psycho-social.
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[20]
Henry S. Mova, Ubuntu et résilience des peuples africains, Paris, L’Harmattan, 2022, 570 p. L’auteur tente d’objectiver le concept de l’Ubuntu : son origine, son éthique, ses domaines d’intervention.
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[21]
Basil Davidson, Africa in History : Themes and Outlines, New York, Macmillan, 1969, p. 69.
-
[22]
Stephen Theron, Africa, Philosophy, and the Western Tradition : An Essay in Self-Understanding, Frankfurt am Main, Peter Lang, 1995, p. 35. Pour l’auteur, le proverbe enseigne aux Africains à éluder la responsabilité, ou plutôt, à se cacher derrière la décision collective de la tribu.
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[23]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 22.
-
[24]
Ibid.
-
[25]
Cette maxime se trouve entre autres dans les textes du Nouveau Testament, comme en Mt 7,12 ; Lc 6,31.
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[26]
La critique contre la dimension positive de l’Ubuntu concerne le fait que l’Afrique est le continent qui connaît le plus de conflits entre ses peuples. Cette violence et les traumatismes qui en résultent constituent l’une des limites de ce concept. L’une des solutions pour l’entente des peuples africains passerait par le rétablissement des valeurs d’Ubuntu.
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[27]
Dominique Nothomb, Un humanisme africain : valeurs et pierres d’attente, Namur, Lumen Vitae, 1965, 283 p. L’auteur, un prêtre belge et membre de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) montre qu’à l’arrivée des missionnaires en Afrique, il y avait déjà des valeurs positives comme la solidarité et le respect qui ont permis un accueil favorable de l’Évangile. Cette hypothèse va à l’encontre du courant qui prétend qu’avant les missionnaires, les Africains étaient sauvages et sans bonnes manières.
-
[28]
Sur 16 chapitres du texte de l’Évangile de Marc (cf. Aland Kurt et al., The Greek New Testament. Third edition (corrected), Münster, Westphalia, United Bible Societies, 1983, p. 150-207), des récits de guérison se trouvent dans les chapitres 1-10 ; soit 198 versets sur 678. Les récits de guérison racontent les miracles du ministère public de Jésus.
-
[29]
Jean Delorme, L’heureuse annonce de Marc. Lecture intégrale du 2e évangile, Paris, Cerf ; Montréal, Médiaspaul, 2007, p. 165.
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[30]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 21.
-
[31]
Cité dans ibid., p. 37.
-
[32]
Jean-Claude Ingelaere et al., Dictionnaire Grec-Français du Nouveau Testament, Swindon, Alliance Biblique Universelle, 2000, p. 145.
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[33]
Daniel N. Aboagye, « An Exegetical Discussion of Mark 2:1-12 : Lessons for Forgiveness and Healing in Contemporary Christianity in Ghana », Conspectus : The Journal of the South African Theological Seminary (2018), p. 16. L’auteur emprunte des approches variées. Sous l’angle socio-historique, il explique la réception de ce texte de Marc dans le monde gréco-romain et juif au temps de Jésus avant de s’intéresser aux pratiques contemporaines de guérison dans les églises prophétiques au Ghana.
-
[34]
Jacques Hervieux, L’évangile de Marc : commentaire pastoral, Paris, Centurion ; Outremont, Novalis, 1991, p. 42.
-
[35]
Les mots araméens Kepar Nahum, signifient « le village de Nahum ». Aucune relation n’est établie entre Capharnaüm et le prophète Nahum. Matthieu ne mentionne pas ce nom, Lc 7,1 mentionne Capharnaüm probablement pour montrer que Jésus élargissait son audience.
-
[36]
L’identité des quatre porteurs n’est pas précisée. Le texte ne semble pas souligner leur humanité, ou leur valeur comme personnes. Candida Moss suggère de voir en eux des esclaves.
-
[37]
L’architecture des maisons résidentielles dans la région méditerranéenne permet d’accéder au-dessus de la maison en montant un escalier latéral (ou sur le côté). Au-dessus de la maison, on pouvait étaler le blé. Les quatre hommes n’ont donc pas détruit la toiture, mais enlevé quelques planches pour dégager une ouverture qu’ils pouvaient recouvrir ensuite.
-
[38]
Élian Cuvillier, L’Évangile de Marc, Genève, Labor et Fides, 2002, p. 53.
-
[39]
Il s’agit d’une pratique artisanale de fabriquer un brancard, avec deux grands bâtons et un tissu, comme ceux des secouristes de la Croix-Rouge.
-
[40]
Stanlake J. Thompson Samkange, Tommie M. Samkange, Hunhuism or Ubuntuism, p. 39.
-
[41]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 29.
-
[42]
Ibid., p. 167.
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[43]
Cf. Homère, L’Iliade, chant XIII, v. 237-238. Les mots suivants sortent de la bouche du dieu Poséidon : « Car l’union fait la force quand les hommes sont faibles : À nous deux, nous pourrions combattre même des braves ».
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[44]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 46.
-
[45]
Ibid., p. 48.
-
[46]
Healy Mary, Peter S Williamson, The Gospel of Mark, Michigan, Baker Academic, 2008, p. 65-66.
-
[47]
Daniel N. Aboagye, « An Exegetical Discussion of Mark 2:1-12 », p. 1-20.
-
[48]
L’auteur précise que la mauvaise interprétation de ce passage biblique est due à une herméneutique biblique insuffisante dans les ministères prophétiques au Ghana. Il prône le redressement de la situation par une formation théologique approfondie des leaders religieux et une éducation civile sur la prévention des maladies, car, dans ce pays, les gens recourent aux ministères de guérison des Églises puisque les soins médicaux sont trop dispendieux.
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[49]
É. Cuvillier, L’Évangile de Marc, p. 54.
-
[50]
B. Thurston, Preaching Mark, Fortress Press, Minneapolis, 2002, p. 29.
-
[51]
La tradition juive a Ex 20 qui limite le mauvais usage du nom de Dieu, mais la Bible est pleine de textes qui nomment Dieu. Avant la ruine du Temple, dans le judaïsme, la mission de prononcer de la part de Dieu le pardon des péchés est réservée aux prêtres (Lv 4,20-35 ; Nb 15,25-29).
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[52]
D’après Éz 2,1 ; 3,1-4, le « fils d’homme » signifie tout simplement un humain. Dans le livre de Daniel, on voit apparaître « comme un fils d’homme » mystérieux auquel Dieu confère toute souveraineté sur la terre (Dn 7,13-14).
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[53]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 176.
-
[54]
Samuel Hinton, Ubuntu and Gacaca in Rwanda, Burlington, Createspace Publishing, 2018 ; « The Connection Between Ubuntu Indigenous Philosophy and the Gacaca Traditional Judicial Process in Rwanda », US-China Education Review, 5, 1 (2015), p. 392-397. Le gacaca est une sorte de tribunal populaire. Les membres de la communauté se réunissent sur une place publique, écoutent les personnes en conflit et tranchent par un verdict. Cette assemblée a également le pouvoir de pardonner. Anna-Marie de Beer, « Ubuntu and the Journey of Listening to the Rwandan Genocide Story », Verbum Ecclesia, 36, 2 (2015).
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[55]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 175-176.
-
[56]
Ibid., p. 182.
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[57]
J. Hervieux, L’évangile de Marc : commentaire pastoral, p. 43.
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[58]
Camille Focant, L’Évangile selon Marc, Paris, Cerf, 2010, p. 110.
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[59]
La tradition identifie cette maison à celle de la belle-mère de Pierre.
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[60]
Daniel N. Aboagye, « An Exegetical Discussion of Mark 2:1-12 », p. 13.
-
[61]
Camille Focant, L’Évangile selon Marc, p. 108, citant Jean Delorme, Au risque de la parole. Lire les Évangiles, Paris, Seuil, 1991, p. 36.
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[62]
Mungi Ngomane, Chloé Royer, Ubuntu : je suis, car tu es, p. 143.
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[63]
Adele Reinhartz, « The Hermeneutics of Chutzpah : A Disquisition on the Value/s of ‘Critical Investigation of the Bible’ », Journal of Biblical Literature, 140, 1 (2021), p. 8-30. « Chutzpah » est un mot yiddish qui signifie « témérité », « audace », « culot ». L’herméneutique de Chutzpah sert de moyen pour s’engager en faveur de l’équité et de la justice, dans un esprit de collaboration et d’ouverture au changement.
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[64]
Mussa Dube Shomanah, dir., Other Ways of Reading : African Women and the Bible, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2001. Dube donne des exemples où les textes bibliques sont lus en groupe ou en communauté. D’autres ouvrages récents sont à considérer également pour l’approfondissement de ce sujet : Esau McCaulley, Reading While Black : African American Biblical Interpretation as an Exercise in Hope, Illinois, InterVarsity Press, 2020 ; Angela N. Parker, Lisa Sharon Harper, If God Still Breathes, Why Can’t I ? Black Lives Matter and Biblical Authority, Michigan, Eerdmans, 2021 ; Gabby Cudjoe-Wilkes, Andrew Wilkes, Psalms for Black Lives : Reflections for the Work of Liberation, Nashville, Upper Room Books, 2022.
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[65]
Par exemple, la règle d’or en Mt 7,12 ou les fruits de l’Esprit Saint en Ga 5,22.