Gérard Siegwalt est l’auteur d’une oeuvre considérable. Mentionnons seulement les dix volumes de sa grande Dogmatique pour la catholicité évangélique, et les cinq volumes de ses Écrits théologiques. Dans ce nouvel ouvrage, il entreprend une rétrospective de son oeuvre et de sa vie de théologien. Dans la Préface, Siegwalt indique bien le sens de cette rétrospective : « […] ce qui suit n’est pas une autobiographie. C’est plutôt de l’ordre du compte rendu, non certes d’une vie, mais de ce qui a guidé cette vie » (p. 10). En somme, il ne s’agit pas d’un simple compte rendu, d’un simple résumé de l’oeuvre, ni d’un simple récit de vie. Je dirais volontiers qu’il s’agit des deux en même temps : comment l’oeuvre a surgi de la vie. Ce qui a guidé cette vie et cette oeuvre, c’est son inspiration. Voilà, il me semble, ce que Siegwalt a voulu nous montrer dans cette rétrospective : quelles sont les convictions profondes qui sont à la base, à la source de l’oeuvre. On voit par là comment l’oeuvre s’enracine dans le terreau d’une vie, ce qui fait voir la profondeur de la pensée. Mais en même temps, cela situe la pensée et l’oeuvre dans le contexte d’une vie particulière, et laisse deviner ses limites. Cette analyse rétrospective de l’oeuvre d’une vie se fait en trois étapes. Il y a d’abord les influences qui inspiraient et guidaient la pensée, ce que Siegwalt appelle ici les « tenants ». Puis les convictions théologiques qui en découlent, les « aboutissants », lesquelles se divisent à leur tour en « aboutissants sur le plan de la pensée » et en « aboutissants pratiques ». Les premières influences sont venues des théologiens en place. Les deux figures de Karl Barth et de Rudolf Bultmann étaient dominantes au temps des études théologiques de Siegwalt. Ni l’un ni l’autre ne pouvait cependant le satisfaire : Barth à cause de son « positivisme de la révélation », Bultmann à cause de son insistance univoque sur l’historicité existentielle humaine, à l’exclusion de la nature. Le principal guide théologique de Siegwalt sera donc Paul Tillich en raison de sa méthode de corrélation qui unissait la situation humaine et la révélation divine. Dès le début, Siegwalt indique la problématique, le questionnement qui le stimule, qui allait aboutir à sa thèse de doctorat : « Voici le sujet qui allait plus que m’occuper, m’empoigner pendant plusieurs années : Nature et histoire » (p. 39). Et il précise immédiatement, comme dans un sous-titre : « Leur réalité et leur vérité, c’est-à-dire leur réalité empirique et leur vérité théologique » (ibid.). Concernant la réalité empirique, Siegwalt note la différence entre « la nature (la terre) et le cosmos (l’univers) » (p. 56). Quant à l’histoire, c’est le lieu propre de l’humain, de l’action humaine. Déjà là se dessine la polarité de l’universel (le cosmique) et du particulier (l’historique). L’histoire humaine n’est qu’une faible partie de l’univers et pourtant c’est dans l’humain que l’univers en arrive à son accomplissement, à la conscience de soi. Quant à la vérité théologique, c’est-à-dire à l’éclairage biblique de cette polarité (nature et histoire), Siegwalt signale et insiste sur une double alliance : « Tout cela m’a préparé à réfléchir sur deux alliances qui se retrouvent dans le récit de la Genèse : l’alliance universelle de Dieu avec Noé, l’alliance spéciale, particulière avec Abraham » (p. 63). Siegwalt déplore alors qu’on ait oublié l’alliance noachique à son époque : « De la première il n’était guère question dans la théologie de l’époque » (ibid.). Et pour cause, car …
Rétrospective d’un théologien : Gérard Siegwalt[Notice]
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Jean Richard
Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec