Chercheur éminent, penseur prolifique, président du Conseil de l’Éthique Publicitaire (CEP) en France et par ailleurs fondateur de la revue Hermès sur la communication politique, le théoricien des médias Dominique Wolton a aussi publié en 2017 un livre dialogué avec le pape François, intitulé Politique et société, aux Éditions de l’Observatoire. Auparavant, Dominique Wolton avait fait paraître une vingtaine de livres, pour la plupart théoriques, et un nombre incalculable d’articles, suivis de cet autoportrait intellectuel — véritable bilan sous forme d’entretiens supervisés par Arnaud Benedetti — intitulé Communiquer c’est vivre, qui fera l’objet de la note critique qui suit. Ces deux chercheurs ont longtemps travaillé conjointement au CNRS, à Paris. Subdivisé en neuf chapitres suivant une certaine chronologie, Communiquer c’est vivre aurait très bien pu s’intituler « Initiation à l’œuvre de Dominique Wolton », puisque c’est le premier portrait complet qui lui soit consacré sous la forme d’un livre qui couvre systématiquement l’ensemble de sa production écrite. Dans sa longue introduction (bellement sous-titrée « La promesse de l’autre »), Arnaud Benedetti présente d’emblée Dominique Wolton comme un chercheur interdisciplinaire et polyvalent qui s’intéresse entre autres à la philosophie et aux sciences sociales, mais aussi aux systèmes de croyances : « […] sociologue, par formation ; anthropologue, par goût ; philosophe malgré lui » (p. 18). Pour conclure son introduction bienveillante, Arnaud Benedetti explique comment Dominique Wolton s’oppose à une vision sartrienne empreinte de cynisme pour adopter une attitude plus généreuse et en assumant sa foi chrétienne : « Wolton voit dans l’autre un prochain évangélique, une invitation au travail sur soi pour comprendre, accepter et s’ouvrir à l’épreuve de l’altérité » (p. 30). Afin de se définir et se situer intellectuellement dans la section dialoguée qui suit, Dominique Wolton affirme s’écarter du marxisme pour justifier sa foi, en empruntant au cardinal Jean-Marie Lustiger (1926-2007) une expression ample, « le choix de Dieu » (p. 60). D’emblée, Dominique Wolton se définira ainsi : « Je suis spiritualiste, idéaliste et si j’adhère, finalement, au message chrétien et catholique, c’est aussi parce que j’y vois un mobile puissant de révolte et d’émancipation » (p. 60). De sa naissance au Cameroun et de son enfance sur le continent africain, Dominique Wolton conservera cette interrogation constante sur l’identité collective, lui qui s’est déraciné de ses années d’enfance pour « migrer » vers la région parisienne à la fin des années 1950 (p. 37). En bon sociologue, il analyse réflexivement ses années de formation et ses influences de jeunesse, plongées dans la culture de masse qu’il défendra toujours contre toutes les formes d’élitisme et de fatalisme ; rétrospectivement, il réaffirmera la capacité de l’individu de pouvoir douter, critiquer, ou de rejeter les messages dont il se dissocierait : « Il n’y a pas de déterminisme. Il y a des dominations, des inégalités, mais les individus et les sociétés peuvent bouger, s’émanciper. En sciences sociales, je suis plus intéressé par la marge de manœuvre que de chercher à montrer que tout est pouvoir et domination » (p. 49). Au fil de ses influences assumées, Dominique Wolton rendra hommage aux nombreux penseurs qu’il a pu côtoyer et qui auront influencé sa formation et sa pensée : il saluera d’emblée son directeur de thèse, Alain Touraine (p. 61), mais il reconnaît également sa dette envers un philosophe marxiste comme Henri Lefebvre (1901-1991) (p. 53), qui présida son jury de thèse, sans oublier Georges Friedmann (1902-1977) : « L’apport de Friedmann est de ce point de vue important car il introduit dans ma démarche une vision plus philosophique, plus eschatologique de l’homme dans l’histoire » (p. 68). Tout …
Les résistances à l’interdisciplinarité dans le monde académique : le théoricien Dominique Wolton face au système universitaire en France[Notice]
…plus d’informations
Yves Laberge
Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté - Centre ÉRE, Université du Québec à Montréal
* La présente note critique sera à propos du livre suivant : Dominique Wolton [avec Arnaud Benedetti], Communiquer c’est vivre. Entretiens avec Arnaud Benedetti, Paris, Cherche Midi (coll. « Documents »), 2016, 342 p.