Résumés
Résumé
Dans l’ensemble de ses écrits qui traite de la conception et de la naissance du Fils de Dieu, Jacques de Saroug conçoit la virginité perpétuelle de Marie comme un mystère intimement lié à celui du Fils de Dieu qui, pour nous les hommes et pour notre salut, a pris chair de la Vierge. Pour parler de l’Incarnation, Jacques évoque deux modes de la conception de la Parole divine : la conception à travers l’oreille et son passage à travers la porte commune à tous les hommes. Cet article propose de déterminer les enjeux mariologiques et christologiques du concept de la maternité virginale de Marie à travers l’examen de ces deux modes, à la lumière de deux images de Marie : la lettre scellée dans laquelle fut inscrite la Parole divine et la porte fermée de la vision d’Ézéchiel.
Abstract
In his writings on the conception and the birth of the Son of God, Jacob of Sarug perceives Mary’s perpetual virginity as a mystery intimately linked to that of the Son of God. In fact, the Son of God has taken flesh from the Virgin for us men and for our salvation. Jacob presents two ways to describe the Incarnation : the conception of the Word of God through the ear, and his entrance in the world through the common door of all men. This paper intends to identify the Mariological and Christological challenges of Mary’s virginal motherhood, according to Jacob of Sarug. For this purpose, it proposes to review both ways in the light of the two images of Mary : the sealed letter in which the Divine Word was inscribed, and the closed door of Ezekiel’s vision.
Corps de l’article
Il vint au monde par un chemin qui ne peut être foulé, par une route qui ne peut être aplanie, par un passage qui n’a pas de pont, par une porte qui n’est pas ouverte, par une vierge qui n’a pas connu d’union[1].
Depuis le concile d’Éphèse, la fameuse thématique de la maternité divine constitue une maille fondamentale dans les discours mariaux des Pères de l’Église. Après la naissance miraculeuse de son Fils, Marie se trouve désormais dans les deux degrés de la virginité et de la maternité[2], ce qui lui attira les contestations. Jacques de Saroug ne nie pas la difficulté du discours ; dans un mimro « Sur le baptême », il dit explicitement que le fait que le Fils de Dieu soit sorti du sein de Marie sans rompre sa virginité constitue une nouveauté qui n’a jamais eu lieu[3]. Le mystère de la naissance du Fils de Dieu de Marie constitue un paradoxe qui n’est pas moindre que celui de la divinité de son Enfant. Éphrem invite à ne pas mépriser la naissance du Verbe d’une femme, mais à l’exalter d’autant qu’il ne faut pas scruter sa naissance éternelle du Père, mais qu’il faut y croire[4]. Dans plusieurs de ses écrits, Jacques indique que le mystère de Marie forme l’un des mystères supérieurs que l’esprit ne peut sonder :
Comment dessinerais-je une image de celle qui est pleine de beauté[5], avec des couleurs ordinaires, car les mélanger ne suffit pas à le faire ?
L’image de sa beauté est plus noble et plus glorieuse que mes mélanges, et je n’ai pas assez d’audace pour que mon esprit dessine une image de sa forme.
Il nous est plus facile de représenter le soleil, sa lumière et sa chaleur que de décrire l’histoire de Marie dans sa gloire. […]
Elle est vierge et mère, l’épouse d’un homme et restée sans mariage. Comment parlerai-je donc, car elle est insaisissable[6].
Plusieurs études déjà publiées ont mis en relief des aspects de la mariologie de Jacques, à partir de divers enjeux théologiques modernes. Dans un article sur la sainteté de Marie d’après Jacques de Saroug, A. van Roey propose un examen de l’opinion selon laquelle Jacques de Saroug soutenait la doctrine de l’Immaculée Conception, opinion déjà amorcée par J.S. Assemani, seulement à partir de quelques extraits de l’oeuvre de Jacques[7]. Cette supposition fut suivie par plusieurs théologiens et chercheurs, promouvant Jacques comme défenseur de ce dogme[8]. En revanche, A. van Roey considère que, dans la pensée de Jacques, la raison de l’élection de Marie pour être la mère de Dieu est sa sainteté qui consiste dans sa libre coopération à la grâce divine[9]. Ce n’est qu’au moment de l’Annonciation que Marie fut délivrée du péché et de la concupiscence et qu’elle recouvra la filiation adoptive perdue du fait de la transgression d’Adam et Ève[10]. Dans une perspective similaire, S.A. Harvey met en relief l’opinion de Jacques quant à la purification et la sanctification de l’être de Marie, la préparant pour devenir le temple du Fils de Dieu[11].
Toutes ces considérations de la conception de Jacques s’appuient essentiellement sur ses mimrê mariologiques que C. Vona eut le mérite de traduire en italien[12]. Dans l’introduction à cette traduction, il expose la doctrine mariologique de Jacques telle qu’elle se présente dans ces textes, à partir de quatre idées-clés : la maternité de Marie et les multiples titres mariaux[13], la virginité de Marie, la sainteté de Marie et la comparaison entre Ève et Marie[14]. Il précise que la maternité divine est la substance de la mariologie de Jacques[15].
Dans un contexte christologique plutôt polémique, Jacques consacre la virginité perpétuelle de Marie comme un point d’appui pour répondre à ses adversaires : le mystère de la maternité virginale de Marie est intimement lié au mystère du Fils de Dieu qui, pour nous les hommes et pour notre salut, a pris chair de la Vierge. Dans la conception de Jacques, Marie constitue la première demeure dans le chemin[16] du Fils de Dieu, mieux encore la porte par laquelle il est venu visiter le monde. À son époque, la virginité de Marie formait l’un des fondements de l’idéal de la vie chrétienne et surtout ascétique[17].
Dès le début du christianisme, les théologiens étaient constamment confrontés à la question du mode de la conception du Fils de Dieu en Marie. Plusieurs solutions se présentaient, notamment chez les auteurs grecs[18]. Deux possibilités perdurèrent jusqu’au ve siècle : la conceptio per aurem ou la conceptio per uterum. Jacques plaidait sans cesse pour la réalité de la virginité de Marie sans chercher à accentuer excessivement son aspect physique[19]. Dans ses écrits, il exploita ces deux procédés de l’introduction du Fils de Dieu dans le monde, tout en les nuançant afin de préserver la virginité de Marie :
-
la conception de la Parole par son passage dans l’oreille de Marie lors de l’Annonciation ;
-
l’entrée du Fils de Dieu à travers la porte par laquelle les hommes entrent dans le monde sans pour autant l’ouvrir.
Jacques met ces deux modes de l’Incarnation du Fils de Dieu en relation avec deux images de la virginité de Marie, à savoir l’image de la lettre scellée dans laquelle fut inscrite la Parole divine et l’image de la porte fermée de la vision d’Ézéchiel[20]. Il s’est servi d’autres images pour parler de cet aspect, comme l’image du champ qui a rapporté la moisson sans labourage et celle de la vigne vierge qui a donné la grappe sans être taillée[21].
Dans ce qui suit, nous examinerons les propos de Jacques sur Marie dans un contexte polémique, cherchant ainsi à considérer le débat mariologique à travers le prisme des controverses christologiques. Nous le ferons à partir de l’étude des deux procédés mentionnés plus haut, ainsi que des deux images qui leur correspondent, tels que Jacques les développe dans l’ensemble de son oeuvre. De ce fait, outre les mimrê mariologiques incontournables, nous nous intéresserons aux écrits christologiques de Jacques, notamment à son mimro « Sur la foi[22] », dans le but de mettre en évidence la corrélation, dans sa pensée, entre la mariologie et la christologie.
I. La conception par l’oreille
Sur la trace du brigand, il sortit vaillamment, et le chemin le dirigea vers l’oreille d’Ève la Vierge ;
Et puisqu’il est le Verbe, la porte de l’oreille l’accepta, et il fut conçu pour naître corporellement[23].
C’est ainsi que Jacques introduit, dans son mimro « Sur la foi », cette idée de la conception auriculaire du Fils de Dieu dans le sein de Marie qui peut paraître curieuse pour nos contemporains[24] : le Fils de Dieu put entrer à travers l’oreille de Marie du fait qu’il est la Parole. Cependant, cette idée était attestée dans la littérature patristique ancienne[25]. Éphrem et Simon le Potier parlent même des entrailles de l’oreille de Marie[26]. Cette image découle essentiellement de la typologie établie entre Ève et Marie que nous exposerons plus loin. Jacques de Saroug ne se contente pas d’évoquer de passage cette image pour exprimer le mode de l’Incarnation du Fils de Dieu, mais l’insère dans des compositions plus développées.
1. Le son et la parole
Jacques commence sa lettre adressée à Mar Antonin, évêque d’Alep, par un développement sur le parcours de la parole depuis la pensée de son émetteur vers le destinataire, en soulignant la distinction entre le son et la parole : le son s’arrête à l’extérieur du seuil de l’ouïe, explique-t-il, mais la parole pénètre dans l’intellect de celui qui la reçoit, prend corps grâce aux signes des lettres et devient ainsi accessible aux sens[27]. Jacques interprète :
Il y eut Gabriel, le son : il [porta] son essence de l’(état) caché du Père jusqu’à l’oreille de la Vierge ; l’ange salua la jeune fille et (celle-ci) en (l’)entendant reçut le Verbe, grâce au son, et le Verbe (vint) habiter dans la Vierge, mais le son demeura en dehors du seuil de l’oreille. […] Le ventre de la Vierge est rempli de Lui tandis que le sein de Celui qui L’engendre ne s’est pas vidé de Lui[28].
La Parole, l’essence du Père, est portée à l’oreille de Marie sans déserter le sein de son Engendrant. En revanche, le son demeura en dehors du seuil de l’oreille de Marie et se dispersa dans l’espace[29]. Ainsi Jacques de Saroug ne réduit-il aucunement l’élément qui féconda le sein de Marie à la parole de l’archange Gabriel. La voix de l’ange ne peut pas être l’hypostase du Fils qui entra dans le sein de Marie[30]. Jacques met ses auditeurs en garde : une est la voix de l’ange qui resta sur le seuil de l’oreille, et autre est la Parole de Dieu qui entra par l’oreille dans le sein de la Vierge.
Cette dialectique voix-parole paraît également sous la plume de Jacques dans le mimro « Sur la visite de Marie à Élisabeth », où il établit une comparaison entre Jésus et Jean-Baptiste. Il ressort de ses propos que la parole (Jésus) s’installe, complète et silencieuse, dans l’âme sans recours au mariage et à l’accouplement, à la différence de la voix (Jean-Baptiste) qui résulte du mariage de la bouche, des dents et de la langue ; la voix (Jean-Baptiste) précède la parole (Jésus), arrive à la porte de l’oreille, y frappe et y reste ; tandis que la parole pénètre dans l’âme de celui qui la reçoit[31]. Dans le mimro « Sur la décapitation de Jean-Baptiste », Jacques élabore une autre comparaison entre l’éphémérité de la voix, Jean, et l’éternité de la Parole, le Christ, inscrite dans la lettre et dont l’histoire mystérieuse, ܫܪܒܐ, est gardée par les sceaux de la virginité[32]. C’est ainsi que Jacques insiste sur le caractère concret et réel de l’Incarnation. Par ailleurs, il ajoute un élément de comparaison entre la voix et la Parole indicible : Jean-Baptiste est la voix et Jésus est le Verbe ; la voix est un homme et le Verbe est un Dieu[33].
Cette métaphore est évidemment inspirée par le concept de la parole ou du logos, appliqué au Fils de Dieu. Toutefois, la distinction entre le son et la Parole à l’Annonciation et la comparaison entre Jésus et Jean montrent bien que Jacques était conscient de l’enjeu que pourrait supposer cette conception quant à la réalité de l’Incarnation[34]. Dans sa Lettre aux moines de Senoun, Philoxène de Mabboug met également en garde contre l’idée d’une conception simplement intellectuelle. Tout en présentant une description similaire de la conception à travers l’oreille, il souligne le fait que cette conception fut véritablement de l’hypostase du Fils de Dieu et de la chair de Marie :
Aussitôt que l’archange Gabriel eut dit à la Vierge Marie : Salut, pleine de grâce, le Seigneur [soit] avec toi ! En même temps que ce mot de l’ange, le Verbe vint dans la Vierge et entra, lui aussi, en même temps que le mot ou par son intermédiaire, non pas dans l’intellect, qui normalement reçoit les mots et conçoit les paroles, mais (c’est) hypostatiquement, dans le ventre de la Vierge, (que) le Verbe accourut aussitôt, parce qu’ici il ne voulut pas être conçu spirituellement dans l’intellect, comme chez n’importe qui, mais charnellement, dans le ventre où sont normalement formés tous les nourrissons de la nature[35].
2. Le concept de l’obéissance
La conception par l’oreille ne se limite pas à instruire de l’aspect physique de l’entrée de la Parole de Dieu dans le sein de Marie : l’image de l’oreille évoque le concept de l’obéissance à la parole divine, le verbe « écouter » signifiant aussi « obéir ». Évoquer l’écoute et l’obéissance ramène rapidement à l’esprit l’épisode de la tentation où le serpent séduisit Ève par ses paroles, épisode à rattacher à celui de l’Annonciation où Marie accepta le message divin et conçut la Parole de Dieu[36]. La Parole de Dieu serait entrée dans le sein de Marie à travers son oreille afin de corriger ce que l’oreille d’Ève avait corrompu quand elle fut tendue pour recueillir le conseil du serpent[37]. Dans une lettre acéphale, Jacques évoque, en termes de conception et d’enfantement, les conditions par lesquelles l’humanité avait été rendue captive selon les représentations du livre de la Genèse :
Le serpent avait murmuré à l’oreille de la première vierge ; (celle-ci) avait suivi le conseil de l’aspic, et le poison s’était répandu en elle ; elle conçut l’iniquité et enfanta la tromperie. Par le désir, elle fut soumise à la mort et, de là, par une sentence de douleur, l’humanité fut livrée au joug de la captivité jusqu’à devenir poussière au milieu du Schéol[38].
C’est ainsi qu’Ève, par son obéissance à la parole du serpent, conçut l’iniquité. D’une façon similaire, Marie, obéissant à la volonté divine, recueillit le Fils de Dieu dans son sein.
Tout comme l’image de la conception par l’oreille n’est pas le propre de Jacques, le parallélisme entre Ève et Marie fut aussi traité par eux à la lumière de la typologie biblique de saint Paul reliant le Christ à Adam[39] et portant sur la vie apportée par le Christ pour remédier à la mort causée par le premier homme. Marie est désormais dépeinte comme la nouvelle Ève, Ève la vierge[40].
La parenté entre les épisodes de la transgression et de l’Annonciation ne se limite pas à ces deux personnages : à la suite des auteurs syriaques antérieurs, Jacques établit des liens entre le serpent, porteur du message de mensonge et de mort, et Gabriel, porteur du message de vérité et de vie ; entre l’inimitié qui régnait entre Dieu et les hommes à cause de la transgression d’Ève et la réconciliation entre les mondes terrestre et céleste, opérée par l’obéissance de Marie[41] ; entre la précipitation d’Ève et la prudence de Marie[42]. Sur ce dernier point, Jacques ne manque pas de qualifier de « scrutation » les interventions de Marie dans son entretien avec l’ange ; pourtant il ne se lasse pas, dans la grande majorité de ses écrits, de lutter contre les scrutateurs indiscrets. À l’encontre d’Ève qui avait accepté, sans hésitation, les paroles mensongères du serpent, Marie a investigué, recherché, scruté, et finalement gardé silence[43]. Jacques présente cette recherche de Marie d’une manière positive, voire nécessaire puisqu’elle a émané d’un esprit prudent et a conduit les hommes à une meilleure connaissance des vérités et du mystère du Fils de Dieu. Marie a effectivement permis au dessein de Dieu de se réaliser en elle en gardant une attitude d’obéissance à la volonté de Dieu.
Jacques exploite davantage ce parallélisme Ève-Marie dans le mimro « Sur la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu ». À son sens, le serpent insuffla le mensonge dans l’oreille d’Ève tandis que l’ange versa la vie et la vérité dans l’oreille de Marie, et par le fait même, retira le poison du péché de l’oreille d’Ève et la consola[44]. Devant cette grande importance sotériologique accordée à l’événement de l’Annonciation à Marie, serions-nous en mesure de dire que le salut y serait déjà accompli ? Effectivement, dans ce même mimro, Jacques dit que, lors de la discussion de Marie et de l’ange, fut évoquée l’affaire résolue entre les arbres, à savoir la transgression, et la réconciliation entre Dieu et l’homme fut rétablie[45]. Dans sa Lettre sur la foi, Jacques ne situe pas la réconciliation entre Dieu et l’homme dans le dialogue de l’Annonciation, mais plutôt dans le sein de la Vierge, lorsque Dieu s’est apparenté concrètement au genre humain : le Fils de Dieu, en revêtant le corps humain, avait uni en lui la divinité et l’humanité et, par le fait même, avait réconcilié les deux mondes en colère[46].
Cependant, parcourir d’autres écrits de Jacques nous permet de resituer cet événement de l’Annonciation comme étant le début du chemin du Fils de Dieu dans le monde, le commencement du salut de l’humanité[47]. Une précision du Commentaire du Diatessaron attribué à Éphrem circonscrit ainsi l’ensemble du dessein salvifique :
La mort était entrée par l’oreille d’Ève ; c’est pourquoi la vie entra par l’oreille de Marie. C’est par le bois de l’arbre que l’homme avait contracté des dettes ; aussi lorsque le Seigneur vint, c’est par le bois de la croix qu’il les acquitta[48].
Quelquefois, Jacques tend à magnifier le rôle de Marie dans le salut apporté au genre humain, surtout quand il s’agit de propos sur son exaltation. Pourtant il faut toujours lire cette tendance comme étant intimement liée au salut apporté par le Fils qu’elle a conçu. Dans le Fiat de Marie rapporté par Jacques dans le mimro « Sur la visite de Marie à Élisabeth[49] », il est à la fois question de ces deux éléments : le fruit de ses entrailles est celui dont parle le livre de la Genèse[50] ; il est celui qui écrasera la tête du serpent, restituera l’héritage d’Adam, éloignera la mort de la race humaine et relèvera la tête d’Ève. Mais Jacques n’hésite pas, dans ce contexte, à considérer que, par Marie, sera levée la honte d’Ève chez les femmes[51]. Dans un autre mimro, Marie est même représentée comme celle qui rachète Ève ; elle est la fille qui tisse un vêtement de gloire et le donne à son père, Adam, nu entre les arbres, et c’est elle qui porte la paix et réconcilie les deux mondes ou les deux partis qui étaient dans l’inimitié[52]. Ces dernières affirmations sont étonnantes, d’autant que, dans la plus grande part de son oeuvre, Jacques attribue ce rôle au Christ qui rachète le genre humain et qui donne le vêtement de gloire à Adam par le baptême[53].
3. La conception auriculaire, une image symbolique ou une réalité physique ?
Cette question aurait probablement irrité l’esprit de Jacques qui honore les mystères divins et ne tolère aucune tentative de scrutation :
Et voici que l’histoire mystérieuse du Fils est méprisée sur tes lèvres : Comment est-il venu ? Comment est-il né ? Comment est-il mort ?
Voici que tu parles là où il n’y a pas de place pour la parole et l’Emmanuel est rendu limité parce que tu parles[54].
En général, il appert que les Pères de l’Église ne concevaient pas cette image d’une manière littérale. À travers cette représentation, ils cherchaient plutôt à rendre une réalité théologique plus sophistiquée[55]. De leur recherche de la symétrie dans l’élaboration des images typologiques, résulta, entre autres, cette image de la conception de Marie à travers l’oreille en contraste avec l’obéissance d’Ève[56].
L’écoute de la Parole de Dieu qui demeura en Marie se concrétise dans le discours de Jacques par l’image de Marie, la lettre scellée, où l’Incarnation est présentée sous le mode de l’inscription de la Parole divine en elle dans le but de souligner sa maternité virginale.
4. Marie, la lettre scellée où s’inscrivit la Parole divine
À l’instar du Logos grec, le concept de la parole, ܡܠܬܐ, par lequel Jacques qualifie le Fils de Dieu, porte une signification complexe à connotation rationnelle et concrète. La Parole divine s’est concrétisée ; d’une part, elle passa par l’oreille de Marie dans son âme lorsque celle-ci consentit librement à la volonté divine ; d’autre part, la Parole devint visible dans son sein où elle s’incorpora. C’est ainsi que Marie est la lettre où la Parole divine prend chair, similairement à la parole humaine qui prend une consistance matérielle à travers les lettres. Dans un article sur Marie conçue comme une lettre, S. Brock considère que Jacques fut le premier à élaborer cette image, précisément avec ces éléments[57].
En fait, l’image de la lettre dans la littérature syriaque se rencontre dans deux textes primitifs, les Actes de Thomas et les Odes de Salomon, sans pour autant se rapprocher de la figure de Marie représentée par Jacques. Dans les Actes de Thomas, plus précisément dans le chant de la Perle, les parents du Prince chargé de la mission de rechercher la perle, lui envoient une lettre parlante lui rappelant sa tâche[58]. L’ode 23 des Odes de Salomon[59] décrit la pensée du Seigneur descendue du ciel telle une lettre sous forme de tablette écrite par le doigt du Père ; les hommes ne purent s’en emparer ni briser son sceau qui les terrifiait. Bien que le symbolisme de cette lettre mystérieuse de l’ode ne fût pas suffisamment élucidé, on est devant une représentation éventuelle de l’Incarnation[60], du salut de Dieu envoyé sur la terre et dont les mystères ne sont pas accessibles aux hommes. Dans plusieurs mimrê et poèmes anonymes sur Marie, parfois faussement attribués à Éphrem, il est question d’une lettre dans laquelle figure le message envoyé par le Père à Marie et porté par l’Ange Gabriel, d’autant que la salutation de l’ange à la Vierge se présente sous la forme des salutations épistolaires[61].
En revanche, l’image de la lettre employée par Jacques ne s’identifie totalement à aucune de ces considérations puisqu’il applique cette image directement à Marie, la lettre scellée[62].
Dans le mimro de Jacques « Sur la foi », le chemin du Fils du Roi le mène à l’oreille de Marie :
Sur la trace du brigand, il sortit vaillamment, et le chemin le conduisit vers l’oreille d’Ève la Vierge.
Et puisqu’il est le Verbe, la porte de l’oreille l’accueillit, et il fut conçu pour naître corporellement.
Et, comme une lettre pleine de mystères, Marie demeura close saintement par la virginité.
En elle, le Verbe prit chair d’elle mystérieusement, afin que, par la révélation de son incarnation, il visite le monde[63].
Selon l’image de Jacques, la lettre ne renferme pas la Bonne Nouvelle portée par le Fils du Roi, mais c’est Marie elle-même qui est la lettre qui recueillit la Parole de Dieu ; elle est le support où la Parole divine s’inscrivit. Marie est donc cette lettre qui renferme le mystère du Père qui fut révélé au monde, comme le dit bien Jacques dans le mimro « Sur la visite de Marie à Élisabeth ». Il y ajoute : Marie est une lettre scellée puis écrite ; du fait qu’elle était scellée, elle fut mystérieusement écrite, et, sans qu’elle soit déliée, elle fut lue clairement[64]. Cette image est concrètement reprise et explicitée dans le mimro « Sur la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu » où Marie renferme, cette fois-ci, les mystères et les énigmes du Fils[65]. Elle offrit son corps pur telle une feuille propre sur laquelle la Parole s’inscrivit elle-même corporellement[66]. Selon cette métaphore, les mots écrits évoquant les membres du corps du Christ qui permettent à la parole, de caractère invisible, d’être perçue[67]. Dans ce contexte, Jacques s’attarde sur l’aspect sotériologique de l’Incarnation : le mystère du Père porté par Marie est révélé corporellement au monde pour le renouveler[68].
Donc, selon Jacques, Marie, la lettre scellée, ne fut pas descellée quand elle fut lue. Cette image est une expression de la naissance virginale puisque la Parole de Dieu est sortie sans briser le sceau de la virginité de sa mère[69]. Dans son mimro « Sur le Verbe Unique », Jacques identifie le but de l’Incarnation en évoquant les mêmes symboles de l’image de la lettre[70]. La manifestation du Fils de Dieu aux hommes est illustrée par une description détaillée de la façon dont la parole s’extériorise[71] : le coeur envoie la parole à la langue qui, par la voix, l’envoie à l’extérieur des pensées vers l’oreille qui la reçoit. En chemin, la parole reste intègre, et, bien qu’elle repose complètement dans l’esprit de celui qui la reçoit, elle ne cesse d’exister complètement dans l’esprit de son émetteur. Elle est imperceptible et manifeste, portée par la voix, mais inscrutable.
À travers cette description de la parole, Jacques évoque la présence ininterrompue du Fils de Dieu avec le Père : la Parole sort du Père sans le quitter et s’installe dans le sein de Marie ; elle repose complètement dans le sein de sa mère et ne cesse de se trouver complètement dans le sein de son Père[72]. Si Jacques insiste sur le fait que la Parole est cachée tout entière dans le Père et est manifeste tout entière dans le Christ, c’est pour exclure toute possibilité de concevoir un homme visible qu’on puisse séparer de la Parole de Dieu[73]. À ce propos, T. Bou Mansour identifie une coloration antiarienne dans l’image de la parole qui s’inscrit dans la lettre et dans son application christologique : la parole inscrite dans la lettre n’est soumise à aucune modification, et l’histoire mystérieuse, ܫܪܒܐ, de la parole reste cachée[74].
II. La venue au monde à travers la porte de la naissance de tous les hommes
La conception par la voie de l’oreille est la représentation que Jacques donne le plus souvent de la modalité de l’entrée du Fils de Dieu dans le sein de Marie sans le recours à une intervention humaine. La singularité de cette approche de la conception miraculeuse concorde bien avec le mystère qui entoure Marie et son Fils divin, dont Jacques ne se lasse de rappeler l’ineffabilité[75]. De surcroît, le problème de la virginité de Marie ne se pose pas si l’on s’en tient à la représentation de la conception auriculaire.
Jacques offre toutefois une autre représentation : l’entrée du Fils de Dieu dans le monde à travers la porte commune par laquelle tous les êtres humains viennent à la naissance. Cette expression reste imprécise d’autant qu’on ne sait pas clairement s’il s’agit du moment de la conception ou de l’enfantement, de l’entrée du Fils de Dieu dans le sein de Marie ou de sa sortie par la naissance. Dans le mimro « Sur la foi », Jacques explique ainsi :
Sa naissance dépasse (la connaissance) des sages et des orateurs, et bien que son chemin ne soit pas aplani, il l’emprunta pour venir sur la terre.
Lorsqu’il vint dans le monde, il entra par une porte non ouverte ; pour cela sa trace n’est pas connue par les scribes.
Parce qu’il est Dieu, il n’ouvrit pas la porte en sortant par le chemin de la naissance pour venir au monde corporellement.
Dès le début de son chemin, il le dissimula aux sages afin que celui qui cherche à l’examiner, n’y marche pas […].
Il vint dans le chemin qui introduit la race des hommes dans le monde, et il voulut habiter dans toutes les demeures qui s’y trouvent[76].
Ces propos de Jacques se concentrent sur la naissance du Fils de Dieu, sa sortie par la naissance, son entrée dans le monde. Qu’il s’agisse de sortie ne résout pas la question, car cette sortie peut bien être du sein de la Vierge comme elle peut bien être de sa demeure céleste, du sein de son Père vers le monde. En outre, le Fils de Dieu n’ouvrit pas la porte, c’est-à-dire qu’il ne brisa pas les sceaux de la virginité de sa mère afin que son chemin dans la chair ne soit pas révélé aux sages. La porte fermée empêche ces derniers de venir sur ses traces et d’en faire un objet de leurs examens. Jacques rappelle également ce sujet dans ses lettres, notamment dans sa Lettre sur la foi :
(Voici) le début de sa révélation dans la chair, sa naissance d’une Vierge : Il entra dans le monde par une porte fermée quand Il y vint, et le motif pour lequel la porte ne fut pas ouverte quand Il entr(a) dans notre monde, (est) que les sages ne soient pas sur ses traces ; et si toi tu considères le début de sa route, tu ne trouveras pas d’empreinte ; là, les traces sont inconnaissables parce qu’Il n’est pas venu pour être examiné et qu’(Il) n’a pas commencé la route de son Économie pour être poursuivi[77].
Les sages qui poursuivraient le Fils de Dieu pour enquêter sur son origine, se heurteraient donc, dans leurs investigations, à cette porte fermée et se perdraient. Il nous semble que c’est dans cette même perspective que Jacques cite Pr 30,19 dans le mimro « Sur la foi » : « Personne ne connaît le chemin de l’homme dans sa jeunesse, et, dans les jours de son incarnation, le Christ n’est pas scruté[78] », pour insister sur la soustraction du mystère de l’Incarnation à la connaissance des sages[79]. En somme, l’ensemble de ces éléments nous conduit à privilégier le cas de la sortie du sein de Marie, car les sages auraient songé à entamer une telle entreprise, évidemment, après la naissance du Fils de Dieu[80].
Dans les vers où il est question de la sortie (ܢܦܩ), de l’entrée (ܥܠ) ou de la venue (ܐܬܐ) du Fils de Dieu dans la création ou dans le monde (ܥܠܡܐ ; ܒܪܝܬܐ), nous nous trouvons dans des contextes qui considèrent uniquement l’Incarnation en soi, et non pas précisément « entrer dans » ou « sortir du » sein maternel. Ajoutons également que, dans ses lettres adressées aux bienheureux de Mar Bassus, Jacques évoque l’entrée du Fils de Dieu par l’oreille de Marie pour prendre corps d’elle[81]. Toutefois, dans le cours de sa troisième lettre, il en vient à parler de la naissance virginale du Fils de Dieu :
Il naquit d’une seconde naissance, celui qui n’avait pas de commencement pour sa première naissance ; il passa par les (signes) virginaux et les sceaux n’(en) furent pas violés[82].
En outre, dans le mimro « Sur le Verbe Unique », Jacques commente : Marie est la lettre scellée où la Parole de Dieu s’est inscrite sans division, étant entrée dans son sein à travers l’oreille et sortie sans briser les sceaux, c’est-à-dire sans léser sa virginité[83]. Il n’est pas question de porte dans ce contexte, mais les propos sur les sceaux de la virginité suggèrent éventuellement l’enfantement du Christ à travers la voie de la naissance commune à tous les hommes.
Un autre témoignage est singulier dans les écrits de Jacques : le mimro « Sur le miracle de la résurrection de la fille de Jaïre[84] ». Jacques fixe l’axe principal de son commentaire autour de la volonté du Christ quant à l’aboutissement de son chemin : il voulut continuer le chemin qu’il emprunta en direction de la maison du chef de la synagogue, bien que les messagers voulussent l’en dissuader à cause de la mort de la fille. Jacques explique : Jésus-Christ est Dieu miséricordieux, et rien n’empêche la volonté divine de ressusciter un mort ; Jésus était encore au milieu de la route, et il ne fallait pas rebrousser chemin, de peur que l’on ne croie qu’il était faible et impuissant devant la mort, et que l’on ne dise que Dieu s’était engagé dans un chemin sans y aboutir[85]. C’est pour appuyer cette interprétation du chemin droit et irréversible du Fils de Dieu que Jacques évoque la naissance de Jésus en exposant conjointement l’entrée par l’oreille et la sortie par la porte commune de la naissance :
Tous les (foetus) conçus reviennent des seins : celui qui est conçu sort à travers la même porte par laquelle il est entré.
Le foetus revient (sur le chemin) par lequel il est entré dans le sein, car les hommes ne sont pas droits dans leurs voies.
Le Fils de Dieu entra par l’oreille dans le sein de sa mère, et il fit son chemin avec droiture parce qu’il est Dieu[86].
Cette analyse est toutefois une source de malaise : ne serions-nous pas, dans cette enquête, comme ces sages réprouvés par Jacques pour avoir voulu nous mettre à la poursuite du Fils de Dieu ? Il est vraisemblable qu’en évoquant la venue du Fils de Dieu au monde à travers une porte fermée, Jacques se souciait de prouver qu’il gardait la virginité de sa mère en s’incarnant d’elle[87] plutôt que d’identifier ses lieux de passage. La porte ne désignerait donc pas un organe précis, mais la personne de Marie au sens propre.
L’image de Marie, la porte toujours fermée par laquelle le Fils de Dieu est venu au monde corporellement[88], rappelle immédiatement la porte orientale du temple que décrit Ézéchiel dans sa vision :
Il me ramena vers le porche extérieur du sanctuaire, face à l’Orient. Il était fermé. Yahvé me dit : Ce porche sera fermé. On ne l’ouvrira pas, on n’y passera pas, car Yahvé, le Dieu d’Israël, y est passé. Aussi sera-t-il fermé[89].
Le contexte scripturaire de ces versets renvoie à un déplacement effectué par le prophète dans le temple : il décrit son enceinte, les murs, les portes et les cours, et la gloire de Dieu qui entrait dans le sanctuaire. Du fait que la gloire de Dieu est à l’intérieur du sanctuaire, nul besoin que le grand-prêtre y pénètre ; Dieu sera pour toujours présent parmi son peuple et la fermeture de la porte implique que Dieu ne partira plus jamais[90]. Pour parler de la maternité virginale de Marie, Jacques retient l’idée de l’entrée et de la sortie de Dieu par la porte du sanctuaire qui demeure fermée. Puisque la porte désigne Marie, il est donc évident de parler d’une conception virginale de Jésus. Cependant, dans le mimro « Sur la sainte Marie Mère de Dieu toujours vierge », Jacques explique :
La Vierge Marie est la porte fermée de la prophétie, car le Seigneur Christ y entra au monde tout en la laissant fermée. […]
Le sanctuaire dont le prophète vit la porte fermée nous représente la Vierge et la virginité qui ne fut pas déliée.
Le Saint est le Christ, le sanctuaire est Marie et la porte fermée désigne les signes de la virginité conservée en elle[91].
Dans ce mimro, Jacques se retrouve également dans un contexte mariologique polémique où la virginité de Marie est mise en question par la suite de la naissance du Christ[92]. C’est ainsi qu’il fait appel à la vision d’Ézéchiel pour justifier la virginité de Marie du fait que celui qu’elle enfanta est Dieu[93].
Dans d’autres mimrê, l’image de la porte vient appuyer et élucider d’autres considérations théologiques. Dans le mimro « Sur la crucifixion », Jacques commente l’épisode du tombeau vide après la résurrection du Christ qui en est sorti sans rouler la pierre. Dans cette péripétie, la situation est semblable à celle de la naissance : il s’agit d’une sortie miraculeuse qui ne brise pas les sceaux[94]. Jacques donne des explications : Dieu n’est pas obligé d’ouvrir la porte pour sortir, car il lui est facile de traverser les natures muettes[95] ; son chemin est élevé et la condition naturelle ne le contraint pas[96] ; si la porte s’ouvre, ce sera pour une nécessité, sinon elle demeure fermée[97]. Jacques y voit plutôt une merveille, et le propre de la merveille c’est de dépasser l’entendement humain. D’où la confession d’ignorance de Jacques concernant ce mystère qui relève de la puissance divine[98].
Jacques n’était pas le seul à utiliser l’image de la porte pour parler de Marie. À son époque, l’usage des images bibliques de l’Ancien Testament dans les constructions typologiques appliquées aux personnages du Nouveau Testament, spécialement au Christ et à sa mère, relevait de l’interprétation biblique commune. Ce texte d’Ézéchiel a déjà été appliqué à Marie au ive siècle par Augustin d’Hippone dans son sermon sur la Nativité du Christ[99] et par Ambroise de Milan dans sa lettre au pape Sirice à propos de l’hérésie de Jovinien (405), moine qui niait la virginité perpétuelle de Marie[100]. À cette même époque, Jérôme se servit également de témoins bibliques pour argumenter en faveur de la virginité de Marie, y compris celui de la porte fermée : il s’agit du jardin bien clos et de la source scellée du Cantique des cantiques, du sépulcre neuf où est déposé le corps du Christ, des portes closes par lesquelles est entré le Christ ressuscité et du porche oriental du temple par lequel seul le Seigneur est passé[101]. Dans un texte grec attribué à Éphrem, cette image de la porte est évoquée dans un contexte polémique contre Marcion et Mani. L’auteur rappelle les paroles de l’ange en soulignant que le Verbe sera conçu « de Marie », de sa nature, et donc, qu’il aura une nature humaine complète. Marie n’est pas tout simplement la porte par laquelle le Verbe de Dieu passa pour venir dans le monde ; elle est un élément essentiel et nécessaire pour l’Incarnation du Fils de Dieu. Marie a donc enfanté un vrai homme et non une apparence de chair[102].
Conclusion : entre la maternité virginale et le réalisme de l’Incarnation
[…] il est clair que Dieu n’a pas besoin, en sortant, d’ouvrir la porte[103].
[…] (cela est) facile à croire bien que difficile à être expliqué[104].
Dans les propos de Jacques sur Marie, nous remarquons que la question de la maternité virginale de Marie quitte le champ de la controverse mariale directe pour servir plus particulièrement la polémique christologique. Jacques évoque ainsi Marie dans une dialectique double : elle a bel et bien enfanté dans la virginité, car celui qui a pris chair de la sienne est Dieu ; et, du fait que l’homme Jésus qu’elle a enfanté est Dieu, elle est manifestement proclamée Mère de Dieu. Le pivot de tout le mystère marial est donc le mystère du Fils de Dieu devenu homme, la maternité virginale de Marie étant, en même temps, preuve et conséquence de la divinité de son Fils[105]. Dans le mimro « Sur la sainte Marie Mère de Dieu toujours vierge », Jacques l’exprime ainsi :
Ce sont deux thématiques liées l’une à l’autre et celui qui ne croit pas à l’une ne croira pas à l’autre ;
Et s’il ne reconnaît pas que Marie a enfanté Dieu, comment reconnaîtra-t-il sa virginité qui ne fut pas déliée ?
S’il avait cru que le Seigneur qu’elle avait enfanté était le (Fils) unique, il ne serait pas indécis à propos du sceau conservé de sa virginité[106].
Par ailleurs, en dehors de la difficulté de la maternité virginale qui dépasse les normes naturelles, la virginité de Marie pose un défi théologique : la naissance de Jésus sans briser la virginité de sa mère semble mettre en doute la réalité de sa chair, donc de l’Incarnation et de sa nature humaine, ce qui ébranlerait tout le dessein de la rédemption[107]. Pour appuyer le réalisme de l’Incarnation du Fils de Dieu, Jacques explique, dans le mimro « Sur les Mages et sur les saints Innocents », que le corps du Fils incarné est un corps parfait ; il évoque les deux naissances merveilleuses du Fils, de Dieu et de Marie, et précise qu’il sortit du sein de Marie dans un corps pur, une âme raisonnable et un esprit parfait pour renouveler le monde entier par sa naissance[108].
D’ailleurs, Jacques nous livre plusieurs descriptions de l’aspect purement corporel de l’existence humaine du Fils de Dieu : dans son enfance, il fut contenu dans le sein, recueilli dans la mangeoire, porté par les bras, soutenu sur les genoux, égayé par les chants, nourri par le sein, enroulé dans les langes, et plus tard il vint au baptême, fut tenté par Satan, mangea le pain pour sa faim, se reposa de sa fatigue, demanda l’eau pour boire, pria comme le démuni et souffrit les humiliations de sa Passion[109].
Ainsi donc, à travers les images de Marie, la porte toujours fermée et la lettre scellée, lue sans être ouverte, Jacques cherche à souligner la maternité virginale de Marie[110]. En revanche, son insistance sur la venue du Fils de Dieu par la porte qui conduit les hommes au monde implique pratiquement une naissance qui garantit le réalisme de l’Incarnation : personne ne doit croire que la Parole divine est étrangère aux hommes.
Parties annexes
Notes
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[1]
G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae quotquot supersunt, Paris, E Typogr. Reipublicae (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 110), 1937, p. 53 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, trad. fr., Kaslik, Université Saint-Esprit, Parole de l’Orient, 2004, p. 87 [fr.]. Les sources des citations patristiques en français sont mentionnées dans les notes. Dans le cas contraire, il s’agirait de notre traduction. En outre, par souci de simplification, nous n’avons pas retenu les pages des nombreuses références aux oeuvres d’Éphrem et d’Aphraate, sauf pour les citations.
-
[2]
Cf. P. Bedjan, éd., Homiliae selectae Mar-Jacobi Sarugensis, 5 vol., Paris, Leipzig, Harrassowitz, 1905-1910 ; ici vol. II, p. 183 ; vol. III, p. 586 (= HS II/183 ; III/586).
-
[3]
Cf. HS I/153. Cf. également HS III/585. La conception biblique des naissances miraculeuses ne dépassait pas le cadre de la naissance conforme aux lois ordinaires de la nature : Dieu accordait un enfant à un couple stérile. Le cas de la conception de Jésus fut unique. Toutefois, depuis le premier siècle, Marie est reconnue comme étant une vierge qui a conçu de l’Esprit Saint. Ignace d’Antioche († 110) en parle déjà : « Notre Dieu, Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l’économie divine, né de la race de David […] et de l’Esprit Saint » (Ignace d’Antioche, « Lettre aux Éphésiens », XVIII/1, dans T. Camelot, éd., Lettres, Martyre de Polycarpe, Paris, Cerf [coll. « Sources Chrétiennes », 10 bis], 1998, p. 72-75). Dans d’autres écrits où Jacques s’intéresse aux péripéties qui succédèrent à l’Annonciation, il explique que Dieu avait voulu épargner à Marie la honte d’être considérée comme adultère et menteuse en lui donnant Joseph comme un époux chaste et le père de son Fils aux yeux des gens (Mt 13,55 ; Lc 4,22 ; Jn 6,42 ; cf. P. Bedjan, éd., S. Martyrii, qui et Sahdona, quae supersunt omnia, Paris, Leipzig, Harrassowitz, 1902, p. 657-658 [= MS 657-658]).
-
[4]
Cf. Éphrem, Sermo de Domino Nostro, II, dans E. Beck, éd., Des heiligen Ephraem des Syrers Sermo de Domino Nostro, Louvain, Secrétariat du CorpusSCO (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 270), 1966.
-
[5]
C’est-à-dire une image de Marie.
-
[6]
Cf. MS 617-618 ; cf. T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, 2 vol., Kaslik, CEDLUSEK, 1993 et 2000 ; ici, vol. I, p. 81-82.
-
[7]
A. van Roey, « La sainteté de Marie d’après Jacques de Saroug », Ephemerides Theologicae Lovanienses, 31 (1955), p. 46-62. A. van Roey précise pourtant que J.S. Assemani ne s’est pas soucié de fournir les preuves que, dans la pensée de Jacques, le péché originel est exclu de Marie depuis le premier moment de sa conception (ibid., p. 47).
-
[8]
A. van Roey cite C. Passaglia, J.-B. Malou, J.-B. Abbeloos, ainsi que G. Bickell, P.S. Landersdorfer et C. Vona, qui reprennent l’argumentaire de J.S. Assemani avec quelques nuances (ibid., p. 47-49).
-
[9]
Ibid., p. 52.
-
[10]
Ibid., p. 61-62. Cette conception a été également soutenue par M. Jugie (cf. L’Immaculée-Conception dans l’Écriture Sainte et dans la tradition orientale, Rome, Office du Livre Catholique, 1952, p. 153-154).
-
[11]
Cf. S. Harvey, « Interior Decorating : Jacob of Serug on Mary’s Preparation for the Incarnation », dans F. Young, M. Edwards, P. Parvis, éd., Orientalia, Clement, Origen, Athenasius, the Cappadocians, Chrysostom, Leuven, Dudley, Peeters (coll. « Studia Patristica », 41), 2006, p. 23-28.
-
[12]
Cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, Romae, Facultas Theologica Pontificii Athenaei Lateranensis, 1953, 273 p.
-
[13]
Dans un contexte inspiré par les discussions sur le dogme marial de la co-rédemption, J. Puthuparampil expose les différents images et symboles mariaux utilisés par Jacques, qui portent sur le mystère de sa maternité divine, sur l’espérance qu’elle constitue pour l’humanité et sur son rôle dans la réalisation du dessein salvifique (cf. J. Puthuparampil, Mariological Thought of Mar Jacob of Serugh [451-521], Kottayam, St. Ephrem Ecumenical Research Institute [coll. « Mōrān ’Eth’ō », 25], 2005 ; Id., « Mariological Thought of Mar Jacob of Serugh [451-521] », The Harp, 18 [2005], p. 265-278).
-
[14]
Cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 37-111.
-
[15]
Ibid., p. 42. Cf. également A. van Roey, « La sainteté de Marie d’après Jacques de Saroug », p. 50.
-
[16]
Jacques distingue trois demeures dans le chemin, ܐܘܪܚܐ, du Fils de Dieu qui constituent les étapes de son économie dans la chair : « Marie, le baptême et le schéol furent des demeures sur son chemin, […] et, dans les trois demeures, il parcourut la totalité de son chemin » (HS III/593 ; cf. également G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 263) ; Jacques ajoute parfois une demeure : la croix (cf. HS V/437-438). La métaphore du chemin souligne notamment l’aspect sotériologique du parcours qui avait amené le Fils de Dieu à visiter le monde pour réaliser le salut de l’humanité. Sur la métaphore du chemin dans l’oeuvre de Jacques, cf. T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 59-71 ; F. Rilliet, « La métaphore, du chemin dans la sotériologie de Jacques de Saroug », dans E.A. Livingstone, éd., Biblica et Apocrypha, orientalia, ascetica, Leuven, Peeters (coll. « Studia Patristica », 25), 1993, p. 324-331.
-
[17]
À travers les siècles, la considération du mariage et de la virginité a connu des changements. Bien qu’il y eût, dans le judaïsme, des communautés qui préconisaient une vie dans le respect de la virginité, ce n’était pas la règle générale : Marie était quand même mariée ! Quant aux syriaques, ils développaient un esprit ascétique rigoureux qui, en quelque sorte, favorisa l’épanouissement du manichéisme dans leurs régions (cf. R. Murray, « Mary, the Second Eve in the Early Syriac Fathers », Eastern Church Review, 3, 4 [1971], p. 372-373). Toutefois, nous voyons les écrivains syriaques du ive siècle lutter contre les manichéens encratites et les marcionites en s’accordant à estimer le mariage comme l’une des bonnes créations de Dieu : contre les marcionites, Éphrem exaltait la pureté du mariage ; il le décrit comme une vigne et les enfants en sont les fruits (cf. Éphrem, Hymnen de Virginitate v/14, CSCO 223, Louvain, 1962 ; Hymnen de Fide lxv/4, CSCO 154, Louvain, 1955. Cf. également Aphraate, Les Exposés ii, xviii/8, Paris, Cerf [coll. « Sources Chrétiennes », 359], 1989). Pourtant, la consécration à Dieu dans le cadre de la virginité et de la continence gagnait plus d’enthousiasme de leur part : ils ne trouvaient aucune réserve à prôner l’abstinence sexuelle qui leur inspirait un sens de sainteté et de consécration, même dans le cadre du mariage (cf. R. Murray, Symbols of Church and Kingdom. A Study in Early Syriac Tradition, London, Cambridge University Press, 1975, p. 12-13). Bien qu’Éphrem exalte le mariage et l’amour, il finit par décrire l’abstinence sexuelle comme la couronne du mariage (cf. Éphrem, Hymnen contra Haereses xlv/8-9, CSCO 169, Louvain, 1957 ; Hymnen de Nativitate xxviii/3, CSCO 186, Louvain, 1959).
-
[18]
Pour un exposé documenté de la question, cf. N. Constas, Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, Leiden, Brill, 2003, p. 277-279.
-
[19]
Cf. T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 226.
-
[20]
Ez 44,1-3. Dans son étude sur la mariologie de Jacques, C. Vona mentionne l’image de la lettre scellée et développe celle de la porte fermée (cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 44-45, 74-77). Toutefois, il limite ses propos aux mimrê mariologiques dont il offre la traduction.
-
[21]
Cf. MS 667. Pour une liste plus détaillée de métaphores, cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 44-45.
-
[22]
Cf. HS III/585-646.
-
[23]
HS III/591. Cf. également HS II/173 ; G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 60, 65, 108, 119, 138, 258, etc.
-
[24]
L’idée de la conception du Christ par l’oreille de Marie, prise au pied de la lettre, a été souvent détournée sur le mode comique ; ce fut le cas chez C. D’Assoucy (Ovide en belle humeur, Paris, Charles de Sercy, 1650, p. 100), chez Molière (« L’école des femmes », dans Oeuvres de Molière, III, L’école des femmes, Paris, T. Desoer, 1815, p. 26). Cf. également F. Remigereau, « Les enfants faits par l’oreille. Origine et fortune de l’expression », dans Mélanges 1945. Études linguistiques, Paris, Les Belles Lettres, 1947, p. 115-176.
-
[25]
Cf. N. Constas, Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, p. 279-281, pour le développement de cette image dans la littérature patristique grecque ancienne et médiévale. Cf. également p. 294, n. 4, pour une liste de références à son usage par les auteurs latins.
-
[26]
Cf. S. Brock, Bride of Light. Hymns on Mary from the Syriac Churches, Kottayam, Gorgias Press (coll. « Moran Etho », 6), 1994, p. 6, 104 ; A. Louth, The Origins of the Christian Mystical Tradition from Plato to Denys, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 51. Cf. également Éphrem, Hymnen de Virginitate xxiii/5 ; Hymnen de Ecclesia xxxv/18 ; xlix/7-8, CSCO 198, Louvain, 1960.
-
[27]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 22.
-
[28]
Ibid., p. 22-23 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 41 [fr.].
-
[29]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 22. Cf. également p. 262.
-
[30]
Il est rare que Jacques applique le terme « voix » à Jésus (T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 3, n. 8). En fait, dans un contexte qui ne propose pas la présence angélique, Éphrem chante : « Gloire à la Voix qui est devenue corps, au Verbe du Très-Haut qui est devenu chair » (Éphrem, Hymnen de Nativitate iv/143 ; F. Cassingena-Trévedy, trad. fr., Hymnes sur la Nativité, Paris, Cerf [coll. « Sources Chrétiennes », 459], 2001, p. 101). D’autres Pères ont aussi critiqué la considération de la conception par la voix de l’ange (cf. Pseudo-Athanase, Sur l’Annonciation, dans Patrologia graeca, xxviii, col. 927-928, texte probablement du viie siècle, cité par M. Jugie, « Deux homélies patriotiques pseudépigraphes : Saint Athanase sur l’Annonciation ; Saint Modeste de Jérusalem sur la Dormition », Échos d’Orient, 39 (1941), p. 284 ; cf. également N. Constas, Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, p. 304-305).
-
[31]
Cf. MS 680-681. À propos de cette comparaison, C. Vona considère que la conception du Verbe de Dieu par l’oreille est une conception mentale qui, tout en se passant de l’union, exclut toute rupture d’organe (cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 50, 81). Dans ce même mimro, une autre hypostase de la Trinité fut encore portée par la voix, cette fois la voix de Marie. Jacques relate comment, par la voix de salutation de Marie qui entra par l’oreille d’Élisabeth, l’Esprit Saint fut envoyé par le Fils pour reposer sur Élisabeth et sur son foetus. Selon Jacques, ceci constitua le baptême de Jean-Baptiste depuis le sein maternel (cf. MS 674-675).
-
[32]
Cf. HS III/667-668. Dans l’ensemble des dictionnaires et lexiques, le terme ܫܪܒܐ est défini comme signifiant : histoire, récit, discours, sujet, généalogie, etc. (Cf. par exemple J. Payne Smith, A Compendious Syriac dictionary founded upon the Thesaurus Syriacus of R. Payne Smith, Oxford, Clarendon Press, 1902, p. 597 ; C. Brockelmann, Lexicon syriacum, Berlin, Reuther & Reichard, 1895, p. 806 ; L. Costaz, Dictionnaire syriaque-français-anglais, Beyrouth, Librairie orientale, 1963, p. 383). Jacques ne manque pas d’utiliser cette polysémie dans la plupart de ses mimrê, attribuant ce terme à plusieurs sujets. En revanche, lorsque ce terme se rapporte au Fils de Dieu, ces traductions s’avèrent insuffisantes. Jacques décrit le ܫܪܒܐ du Fils de Dieu comme étant difficile, insaisissable et indicible (cf. HS II/180,182 ; iii/582 ; iv/115, etc.), à l’image du mystère du Fils de Dieu. Dans ce sens, Jacques considère que les sceaux de la virginité de Marie ont pu conserver le caractère mystérieux de l’histoire du Fils de Dieu incarné.
-
[33]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 56.
-
[34]
N. Constas signale cet enjeu porté par ce symbolisme de la conception auriculaire et considère qu’il fut à la base de l’abandon ultérieur de cette image (cf. N. Constas, Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, p. 294-295).
-
[35]
A. de Halleux, éd., trad. fr., Philoxène de Mabboug. Lettre aux moines de Senoun, Leuven, Peeters (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 231 [syr.]-232 [fr.]), 1963, p. 46 [syr.], 55-56 [fr.].
-
[36]
Gn 3,1-7 ; Lc 1,26-38. C. Vona fournit un exposé de l’antithèse Ève-Marie selon Jacques, à la lumière des différentes conceptions de plusieurs Pères de l’Église (C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 102-111). Cf. également J. Puthuparampil, « Mariological Thought of Mar Jacob of Serugh (451-521) », The Harp, 18 (2005), p. 272.
-
[37]
Cf. également G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 119, 258.
-
[38]
G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 46 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 78 [fr.].
-
[39]
1 Co 15. Cf. S. Brock, L’oeil de lumière. La vision spirituelle de saint Éphrem, Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 1991, p. 297 ; Id., « Mary in Syriac Tradition », dans A. Stacpoole, éd., Mary’s Place in Christian Dialogue, Slough, St. Paul Publications, 1982, p. 185-187 ; Éphrem, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron ii/2 ; xx/32 ; J.S. Assemani, éd., trad. lat., Opera omnia quae existant Graece, Syriace, Latine (Romae, Ex Typographia Vaticana, 6 vol., 1732-1746), t. II (graece et latine), p. 318-325. Cf. également A. Rousseau, éd., L. Doutreleau, trad. fr., Irénée de Lyon. Contre les hérésies (iii/2), xxii/3-4, Paris, Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 211), 2002, p. 438-445.
-
[40]
Cf. HS III/591 ; MS 628. Il ne faut pas considérer ici la virginité de Marie comme étant ce qui la différencie d’Ève, mais plutôt une identification de Marie avec Ève d’avant la transgression. S. Brock distingue deux manières de voir le contraste entre Marie et Ève : d’une part, la vision statique selon laquelle Marie se tenait dans la position d’Ève avant le péché, et, d’autre part, la vision dynamique selon laquelle Marie part de la situation où la transgression d’Ève a abouti pour rétablir le genre humain dans l’état précédant la chute, à travers l’Incarnation du Fils de Dieu en elle (cf. S. Brock, « Mary in Syriac Tradition », p. 187).
-
[41]
Cf. MS 627-629.
-
[42]
Cf. également HS II/156 ; K. Alwan, éd., trad. fr., Quatre homélies métriques sur la création, Leuven, Peeters (coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 508 [syr.], 509 [fr.]), 1989, p. 50-51 [syr.], 55-56 [fr.] ; C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 78, 108-109. Dans le mimro « Sur la parabole du bon Samaritain », Jacques dépasse ce parallélisme en considérant qu’avec Marie, le temps d’Ève et du premier paradis est révolu. Il évoque le paradis spirituel qui est l’Église où Marie règne sur les femmes à la place d’Ève (HS II/313, 314).
-
[43]
Cf. MS 630.
-
[44]
Cf. MS 627-629. Voir aussi le développement de cette image chez Éphrem (cf. S. Brock, L’oeil de lumière, p. 297, 303 ; HS III/597). Cette même thématique se trouve également dans un hymne dédié à Marie, attribué faussement à Éphrem. La représentation imagée de cet hymne décrit le poison qui passe de l’oreille d’Ève avec un effet meurtrier à travers les générations jusqu’à ce que vînt de Marie l’Enfant qui tua le serpent après avoir nettoyé l’effet de son poison dans l’oreille de sa mère (cf. S. Brock, Bride of Light, p. 92-93, également p. 145).
-
[45]
Cf. MS 626-627. Cf. également S. Brock, Bride of Light, p. 90-91.
-
[46]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 15-16.
-
[47]
Cf. HS II/179. Pour exposer l’importance de cet événement, S. Brock rapporte que le compilateur d’un calendrier syriaque orthodoxe du xviie siècle indique que la liturgie de la fête de l’Annonciation est célébrée, quel que soit le jour où le 25 mars tombe, même si c’était le Vendredi Saint, puisqu’elle est le commencement et la source de toutes les autres fêtes (cf. S. Brock, « Mary in Syriac Tradition », p. 183).
-
[48]
L. Leloir, trad. fr., Éphrem. Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, Paris, Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 121), 1966, xx/32, p. 366-367.
-
[49]
Cf. MS 678-679.
-
[50]
Gn 3,15.
-
[51]
Il nous est difficile de trancher sur ce que Jacques veut dire par la honte ou la peine d’Ève : s’agirait-il des peines de la grossesse et de l’enfantement (Gn 3,16) ou bien, plus généralement, de la honte d’avoir prêté l’oreille aux conseils du serpent et transgressé le commandement de Dieu ? En principe, Jacques considère que Marie, étant purifiée de la malédiction infligée à Ève, ne connut pas ses douleurs (cf. C. Vona, Omelie mariologiche di S. Giacomo di Sarug, p. 52-58). Or, dans le mimro « Sur la sainte Marie Mère de Dieu toujours vierge », Jacques parle des douleurs de l’enfantement de Marie dans un contexte où il cherchait à exprimer qu’elle était pareille à toutes les mères sauf dans la perte de la virginité lors de l’enfantement, pareillement le Fils de Dieu qui ressembla en tout aux hommes excepté le péché (cf. MS 702).
-
[52]
Cf. MS 616, 627, 628-629, 670.
-
[53]
Cf. MS 672 ; HS III/593.
-
[54]
HS II/193.
-
[55]
Cf. S. Brock, Bride of Light, p. 6.
-
[56]
Cf. S. Brock, « Mary in Syriac Tradition », p. 188.
-
[57]
Cf. S. Brock, « Mary as a Letter, and some other Letter Imagery in Syriac Liturgical Texts », Vox Patrum, 26 (2006), p. 89.
-
[58]
« Et ils m’écrivirent une lettre, et chaque Grand y apposa son Nom : <Réveille-toi> et lève-toi de ton sommeil, entends les paroles de notre lettre ; souviens-toi que tu es fils de Rois, vois l’esclavage, qui tu sers, souviens-toi de la perle au sujet de qui tu es parti en Égypte » (J.E. Ménard, « Le Chant de la Perle », Revue des sciences religieuses, 42, 4 [1968], p. 305). Une allusion directe à la lettre du chant de la Perle se trouve dans le mimro de Jacques sur « La parole de Salomon : Vanité des vanités » (HS III/867).
-
[59]
Cf. J. Harris, A. Mingana, éd., trad. ang., The Odes and Psalms of Solomon, 2 vol., Manchester, The University Press, 1916-1920, p. 45-47 ; M. Lattke, Odes of Solomon. A Commentary, Minneapolis, Fortress Press, 2009, p. 324-325.
-
[60]
Cf. J. Harris, A. Mingana, éd., trad. ang., The Odes and Psalms of Solomon, vol. II, p. 335.
-
[61]
Cf. S. Brock, Bride of Light, p. 86, 93, 102, 112, 136. Chez Jacques, cet usage de la lettre se trouve seulement dans le mimro « Sur la Nativité de Notre Sauveur » (cf. MS 727-728).
-
[62]
J. Puthuparampil considère que l’image de la lettre scellée va à l’encontre des deux lettres scellées dans l’AT : celle envoyée par David pour tuer Urie et celles envoyées par Jézabel pour supprimer Naboth (2 S 11,14-15 ; 1 R 21,7-10 ; cf. J. Puthuparampil, « Mariological Thought of Mar Jacob of Serugh [451-521] », p. 271).
-
[63]
HS III/591.
-
[64]
MS 667. Le terme syriaque ܪܡܙܐܝܬ, que nous rendons ici par « mystérieusement », peut éventuellement porter le sens de « symboliquement » ce qui nuira gravement à la réalité de l’Incarnation (cf. également HS III/591 cité plus haut).
-
[65]
Dans sa Lettre à l’archiatre (du grec ἀρχίατρος, est le médecin de l’empereur ou de la famille royale) Mar Kuro, Jacques écrit que la Vierge fut comme une lettre pleine de mystères parce qu’une parole est cachée en elle et elle fut scellée par les signes virginaux (cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 262).
-
[66]
Cf. MS 636.
-
[67]
1 Jn 1,1 ; cf. HS II/173 ; T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 6.
-
[68]
Cf. MS 636-637.
-
[69]
Cf. HS II/183.
-
[70]
Cf. HS II/171-172, 181.
-
[71]
Cf. HS II/169-170.
-
[72]
Cf. HS II/170-171. Cf. également G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 262.
-
[73]
Cf. T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 2-5. Cette présence en deux endroits est aussi le propre de la parole humaine qui sort de l’homme sans le quitter ; elle ne peut pas être divisée en partie puisqu’elle est cachée en entier dans la personne qui parle et dans la voix ou dans le texte écrit.
-
[74]
Cf. HS II/172, 175 ; T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. II, p. 7.
-
[75]
Cf. HS III/585 ; MS 617 ; Le mystère de Marie ne s’exprime que dans l’amour (MS 618). Cf. également T. Bou Mansour, La théologie de Jacques de Saroug, vol. I, p. 81-82.
-
[76]
HS III/584,592.
-
[77]
G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 12 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 26-27 [fr.].
-
[78]
HS III/584.
-
[79]
Cf. C. Rico, « L’énigme aux chemins effacés, Pr 30,18-20 », Revue biblique, 114, 2 (2007), p. 276. Pr 30,19-20 énumère quatre images de parcours pour expliquer finalement le comportement de la femme adultère qui efface les traces de son passage, de peur qu’elle ne soit dénoncée. Ainsi ces parcours resteront-ils cachés une fois parcourus.
-
[80]
B. Sony se base sur des passages de mimrê (cf. HS II/182 ; 649-650 ; MS 695-696) pour expliquer qu’il s’agit de l’entrée et de la sortie du Fils de Dieu par la porte de ceux qui viennent à la naissance, ce qui laisse entendre que Jacques a deux théories de la conception (B. Sony, trad. ar., Tarjamah min al-siryānīyah ila al-ʿarabīyah wa taʿlīq wa dirāsah ʿala mayāmir al-milfān Yaʿqūb al-Sarūǧī [Traduction du syriaque en arabe avec commentaire et étude des mimrê du docteur Jacques de Saroug], vol. 1, Baġdād, Publications du Séminaire patriarcal, 2003, p. 52-54). Cependant, un examen minutieux de l’emploi par Jacques, successivement, des verbes « entrer » et « sortir » risque d’induire en erreur, particulièrement dans le mimro « Sur le Dimanche in Albis et sur l’apôtre Thomas » et le mimro « Sur la sainte Marie Mère de Dieu toujours vierge ». En fait, dans le premier mimro, le verbe « entrer » désigne l’entrée du Christ dans le cénacle sans ouvrir les portes, tandis que le verbe « sortir » désigne sa naissance au monde, bien que Jacques ne le dise pas explicitement, cependant le contexte l’impose (Cf. HS II/650). Tandis que dans le second mimro, Jacques dit bien que le Fils de Dieu est entré par la porte de tous les hommes et il sortit sans briser les signes virginaux (cf. MS 695). Toutefois, ces deux verbes ne viennent pas dans une succession logique puisqu’ils sont intercalés pour expliquer la vision d’Ézéchiel. De plus, Jacques continue en précisant que le Fils de Dieu sortit au monde par la naissance à travers la porte de tous ceux qui naissent, et en entrant, il n’ouvrit pas les portes. Par ailleurs, dans sa Lettre à Mar Julien archidiacre, Jacques parle de la porte des nouveau-nés par laquelle ils entrent dans le monde créé (cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 39). Ceci dit, le verbe « entrer » ne désigne pas nécessairement la conception dans le sein.
-
[81]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 60, 65, 76.
-
[82]
Ibid., p. 77 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 116 [fr.].
-
[83]
Cf. HS II/173-174. Cf. également S. Brock, Bride of Light, p. 57.
-
[84]
Mc 5,21-43.
-
[85]
Cf. HS III/540.
-
[86]
HS III/542-543. Jacques explique le retour des hommes sur leurs pas par le fait qu’ils n’y sont pas droits. Cette considération serait-elle d’ordre moral ou relèverait-elle de la condition imparfaite de l’homme ? Le mimro ne nous le dit pas. En revanche, du fait qu’il est Dieu, le Fils de Dieu fit son chemin avec droiture. Dans la suite du mimro, Jacques s’exclame : si les trajectoires du soleil, des astres, de Gihon ne changent jamais, comment changerait le chemin du Fils de Dieu ? (Cf. HS III/542-543.)
-
[87]
Cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 143.
-
[88]
Dans son mimro « Sur les mystères, les types et les images du Christ », Jacques associe Marie à la toison de Gédéon, la citerne de Bethléem où David n’avait pas bu, la verge d’Aaron, le vase d’Élisée, la vierge de la prophétie d’Isaïe, la pierre qui se détacha sans que main l’eût touchée, la naissance d’Adam de la terre vierge et d’Ève de la côte d’Adam. À ces images s’ajoute celle du porche fermé d’Ézéchiel (cf. HS III/313, 314), qui restera fermé, car Dieu y est passé. Jacques explique qu’il symbolise la Vierge qui était scellée quand elle conçut le Fils de Dieu. Cette identification est mentionnée également dans plusieurs mimrê et lettres (cf. HS V/436 ; MS 694-696 ; 795 ; M. Albert, éd., trad. fr., Homélies contre les Juifs vi, Turnhout, Brepols [coll. « Patrologia Orientalis », 38/1], 1976, p. 168-169 ; G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 12, 138, 249, etc.).
-
[89]
Ez 44,1-2.
-
[90]
Ez 43,4-5 ; Ex 40,35 ; 1 R 8,11 où la présence de la gloire de Dieu empêche l’accès au sanctuaire. Cf. M.A. Lyons, An Introduction to the Study of Ezekiel, London, Bloomsbury, 2015, p. 156-160 ; B. Tidiman, Le Livre d’Ézéchiel, t. II, La Bégude-de-Mazenc, Édifac, 1987, p. 233.
-
[91]
Cf. MS 695.
-
[92]
Cf. N. Constas, Proclus of Constantinople and the Cult of the Virgin in Late Antiquity, p. 276-278.
-
[93]
Cf. MS 695, 696. Cf. également G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 249 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 327 [fr.] : « En effet, une porte fermée, personne ne peut y entrer quand elle est fermée, si ce n’est Dieu seul ».
-
[94]
Dans le Commentaire du Diatessaron, la porte toujours fermée et le tombeau vide sont aussi évoqués ensemble avec l’introduction du Christ dans le cénacle aux portes closes (Jn 20,19 ; cf. Éphrem, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron, xxi/21). En outre, dans ses mimrê, Jacques déploie plusieurs autres figures typologiques de la naissance du Christ sans rompre les sceaux de la virginité de Marie : cf. J.A. Konat, « Christological Insights in Jacob of Serugh’s Typology as Reflected in his Memre », Ephemerides Theologicae Lovanienses, 77, 1 (2001), p. 58, n. 94.
-
[95]
Cf. HS II/605 ; III/585.
-
[96]
HS II/605. Dans ses lettres, Jacques explique que la nature ne doit pas être accusée du fait qu’elle est dépassée par cette naissance virginale prodigieuse, car celui qui est enfanté est Dieu qui est capable de passer à travers les natures closes vu que la route de son économie dans la chair est remplie de merveilles (cf. G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 12, 138).
-
[97]
Cf. HS II/605 : c’est une allusion à la pierre à l’entrée du tombeau du Christ qui ne fut roulée que pour prouver que le Ressuscité n’y est plus. Cependant, dans Jn 20,1, Lc 24,2 et Mc 16,4, la pierre était roulée de devant le tombeau le matin de Pâques ; Marc dit que ce sont les myrophores qui, en chemin, se demandaient qui leur roulerait la pierre. Ce n’est qu’en Matthieu 28,2 que le texte nous dit clairement que l’ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre sur laquelle il s’assit. C’est ce que dit clairement Jacques dans ce mimro ainsi qu’Éphrem qui voit dans le tombeau scellé après la résurrection un témoin de la virginité de Marie (cf. Éphrem, Commentaire de l’Évangile concordant ou Diatessaron xxi/21). Cette variante sera éventuellement celle qui fut retenue par le Diatessaron.
-
[98]
Cf. HS II/650-651 ; III/586.
-
[99]
« Cette porte est certainement une allégorie, sous le voile de laquelle la chasteté virginale de Marie nous est clairement désignée. […] Le Verbe y est entré pour en sortir revêtu de notre propre humanité, à l’exclusion du péché ; et soit en y entrant, soit en sortant, il a laissé cette porte absolument fermée ; car c’est de lui qu’il est écrit : “Ce qu’il ouvre, personne ne le ferme, et ce qu’il ferme, personne ne l’ouvre (Ap 3,17)” » (Augustin, « Sermon I sur la naissance de Jésus-Christ », xxv, dans M. Raulx, dir., Oeuvres complètes, vol. XI, Bar-Le-Duc, Louis Guérin imprimeur, 1872, p. 265-266).
-
[100]
« Quelle est cette porte du sanctuaire, cette porte extérieure qui regarde l’Orient, qui demeure fermée et personne dit le Prophète, ne passera par elle que le seul Dieu d’Israël ? Cette porte n’est-elle pas Marie, par laquelle le Rédempteur est entré dans ce monde ? […] Cette porte est la bienheureuse Marie de laquelle il est écrit : Que le Seigneur passera par elle et qu’elle sera fermée après son enfantement, parce qu’elle a conçu et qu’elle a enfanté en demeurant Vierge » (Ambroise de Milan, « Lettre 42 au pape Sirice », dans P. Duranti de Bonrecueil, trad. fr., Les lettres de S. Ambroise évêque de Milan, Paris, F. Mathey, 1741, p. 463).
-
[101]
Ct 4,12 ; Mt 27,60 ; Jn 20,19 ; Ez 44,1-3. Cf. Jérôme, « xlix. Apologie à Pammachius », dans J. Labourt, éd., trad. fr., Lettres, II, Paris, Les Belles Lettres, 1951, p. 149-150.
-
[102]
Cf. J.S. Assemani, éd., trad. lat., Opera omnia quae existant Graece, Syriace, Latine, t. II, p. 268e-269b. Toutefois, il ne faut pas voir dans l’image de la porte, que Jacques applique à Marie et qui permit le passage du Fils de Dieu dans le monde, un croisement avec la conception de Nestorius qui distingue le Verbe sorti de Marie, de l’homme qui est né d’elle, tel que nous le trouvons dans le Livre d’Héraclide : « “Je ne refuse pas, ai-je dit, un nom à la Vierge Mère du Christ, mais je la proclame vénérable, celle qui a reçu Dieu, de laquelle est sorti le Seigneur de tout”. Tu n’admets pas cela. Comment te laissera-t-on et te croira-t-on, toi qui parais dire ainsi que Dieu est né ? “Humain est celui donc qui (naît) de la bienheureuse vierge Marie” quand bien même tu disputes mille fois contre Athanase » (P. Bedjan, éd., Le livre d’Héraclide de Damas, Leipzig, Harrassowitz, 1910, p. 271-272 [syr.] ; F. Nau, trad. fr., Le livre d’Héraclide de Damas, Paris, Letouzey et Ané, 1910, p. 171-172 [fr.]).
-
[103]
G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 138 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 190 [fr.].
-
[104]
G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 249 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 327 [fr.].
-
[105]
Cf. J. Puthuparampil, « Mariological Thought of Mar Jacob of Serugh (451-521) », p. 270-271.
-
[106]
MS 697. Dans ce même contexte, Jacques écrit dans sa lettre à des prêtres et des archimandrites : « Il est clair que Dieu n’a pas besoin, en sortant, d’ouvrir la porte. À ce sujet, les misérables, ils ne sont pas sûrs que la porte soit demeurée fermée, parce qu’ils ne croient pas que celui qui est sorti par elle soit Dieu. En effet, tout (homme) qui croit qu’il est Dieu, affirme que quand il est venu au monde, il est sorti par une porte fermée qui n’a pas été ouverte » (G. Olinder, éd., Jacobi Sarugensis Epistulae, p. 138 [syr.] ; M. Albert, Les lettres de Jacques de Saroug, p. 190 [fr.]).
-
[107]
Cf. G.D. Dunn, « Mary’s Virginity in Partu and Tertullian’s Anti-Docetism in De Carne Christi Reconsidered », The Journal of Theological Studies, 58 (2007), p. 467 et suiv.
-
[108]
Cf. HS I/129 : ܒܦܓܪܐ ܕܟܝܐ ܘܢܦܫܐ ܡܠܝܠܐ ܘܡܕܥܐ ܫܠܡܐ . ܢܦܩ ܡܢ ܟܪܣܐ ܕܢܚܕܬ̤ ܟܠ ܒܝܠܝܕܘܬܗ. Cet argument se trouve également chez Éphrem dans sa polémique contre Apollinaire (cf. E. Beck, Die Theologie des Hl. Ephraem in seinen Hymnen über den Glauben, Rome, Libreria vaticana, 1949, p. 55), ainsi que chez Philoxène de Mabboug (A. Vaschalde, éd., Tractatus tres de Trinitate et Incarnatione, ii/2, Leuven, Peeters [coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 9], p. 55 : ܗܢܐ ܕܗܘܐ ܒܪܢܫܐ ܡܫܠܡܢܐ ܒܢܦܫܐ ܘܒܦܓܪܐ ܘܒܡܕܥܐ . ܥܠ ܕܠܟܠܗ ܒܪܢܫܐ ܡܢ ܕܪܝܫ ܢܚܕܬ). Bien avant la crise apollinariste, Irénée de Lyon évoque la prise du Fils de Dieu d’une âme humaine lors de son Incarnation, en réponse aux docètes : pour préciser que le Verbe avait pris un corps terrestre, il dit qu’il est devenu ce que nous sommes, c’est-à-dire corps et âme (cf. A. Rousseau, éd., L. Doutreleau, trad. fr., Irénée de Lyon. Contre les hérésies [iii/2], xxii/1, p. 432-433 ; cf. A. Houssiau, La christologie de saint Irénée, Louvain, Publications universitaires, 1955, p. 246-247).
-
[109]
Cf. par exemple HS III/587-588, 624-625. D’ailleurs, dans son mimro « Sur la raison pour laquelle le Christ a attendu trente ans avant de faire des miracles », Jacques explique qu’il fit ainsi afin que le monde croie qu’il devint homme véritablement et pas métaphoriquement, sinon son corps aurait été pris pour une ombre de corps (cf. HS III/333-334).
-
[110]
Cf. HS II/183, 649-650 ; MS 695. Cf. B. Sony, trad. ar., Tarjamah min al-siryānīyah ila al-ʿarabīyah, p. 164.