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Publié quelques années après la mort de l’auteur, ce livre est une thèse de doctorat en philosophie soutenue en 1962 à l’Université du Mirail à Toulouse. Il est paru après la mort de l’auteur, en 1980 à l’initiative d’un groupe d’amis, dont certains membres de son jury. Il fut réédité en 1988 aux Éditions universitaires du Sud (p. 19). C’est pour cette raison que la présente édition est dite corrigée et enrichie. Le livre est précédé à la fois d’un avant-propos, d’une préface et d’un liminaire. Il est suivi d’un double appendice parlant de la relation entre le silence et la parole ainsi qu’entre la prière et l’inexprimable.
En sept chapitres, l’auteur établit de façon profonde la relation entre le silence et la parole, la métaphysique, l’existence, le néant, la transcendance, le dialogue et avec la vie spirituelle. Cet exposé est nourri des lumières d’auteurs comme G. Marcel, Lavelle, Antoine de Saint-Exupéry, Bergson, Thomas d’Aquin, Jaspers, Maxime Chastaing, Plotin, Max Picard et bien d’autres. Rassam a fait siennes les pensées de l’Aquinate et incarné celles de Lavelle. Il se réfère abondamment à ce dernier.
L’auteur facilite la compréhension de son ouvrage à ses lecteurs. Ainsi, on trouve au début de chaque chapitre un sommaire relatant succinctement le contenu de tout le chapitre. En un langage limpide et simple, l’auteur aide ses lecteurs à comprendre le silence et ses exigences et les amène à en être les pratiquants. Il ne cesse d’en démontrer les bienfaits, aussi bien que pour la vie intérieure personnelle que dans la cohésion d’une société humaine terrestre et des êtres spirituels habitant l’au-delà.
Le silence est le fondement de tout ordre. Un homme privé du silence est complètement nu. Il s’adonne à une cohorte de désordres et un tintamarre de vacarmes et de dissonances le détruisant sans cesse. L’auteur veut l’âme de qui veut s’adonner à la pratique du silence. Pour ce faire, il lui fait découvrir les vertus aussi bien humaines que spirituelles aptes à l’aider dans la réussite de la pratique et l’exercice de la grande vertu du silence.
L’homme qui pratique le silence est discret, simple, humble, voire même taciturne, malgré l’aspect péjoratif dont ce qualificatif a été revêtu. Bref, cet homme est aimé de Dieu et parvient facilement à dialoguer avec Lui. Le silence est un préalable indispensable pour la réussite de la vie de prière. Bref, il est le chemin vers Dieu, d’après le sous-titre sur la couverture de cet ouvrage.
L’auteur se réfère aussi bien aux philosophes qu’aux auteurs mystiques ayant mené une vie de contemplation et de dialogue avec le Transcendant. Peut-on prendre ce livre pour un traité de spiritualité ou de philosophie ? Cela pique la curiosité du lecteur. On ne peut s’en étonner, car un des maîtres à penser de l’auteur est un mystique-philosophe, réputé dans la vie aussi bien spirituelle que spéculative.
La posture du philosophe, recommande l’auteur, réside dans cet effort d’attention recueillie qui correspond au silence primordial de tous les étants (p. 20). En effet, le silence nous réfère à la réalité même des choses de ce monde, à leur présence dans leur étonnante et rayonnante diversité. En ce sens, on peut parler d’expérience métaphysique, qui est attention à l’existence des choses, comme un acte spirituel qui est un acte de silence dans la mesure même où, et seulement ainsi, elle est reconnaissance du primat de l’être sur la pensée. Le silence n’est donc pas seulement propédeutique à la démarche philosophique, il lui est intrinsèque et il rend légitime l’authenticité de ses développements les plus conceptuels (p. 20).
Véritable éloge de la vertu de silence, le livre se recommande lui-même à la lecture. Même s’il ne donne pas d’indications effectives pour la pratique du silence, le lecteur parvient à en découvrir les bienfaits et à avoir soif de devenir l’homme du silence. Le manque de ces indications pratiques en constitue le point faible.