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Dans cet ouvrage, Xavier Dijon, jésuite, juriste, longtemps professeur émérite à la Faculté de Droit de l’Université de Namur, choisit de présenter la contribution des grandes traditions religieuses dans la discussion publique au sein des sociétés sécularisées et démocratiques. Il montre qu’un dialogue critique et fructueux entre la raison politique et la conviction religieuse reste possible dans une société plurielle, quand on ne réduit pas la tradition chrétienne à un simple reliquat sécularisé.
Constatant d’abord qu’il existe dans nos sociétés un réel débat politique entre normes démocratiques et tradition religieuses, l’auteur en explore les aspects fondamentaux et montre que ce débat se situe à la jonction du politique et de l’éthique.
Puis, explorant et faisant apparaître clairement ce qui distingue la vision catholique de celle issue de la Réforme, il passe ensuite en revue de façon détaillée les racines bibliques constitutives de l’anthropologie chrétienne, fondée notamment sur l’alliance du Dieu créateur avec l’humanité, sur l’Incarnation rédemptrice effectuée en Jésus-Christ, sur la Trinité et sur l’Eucharistie.
Il fait appel à la raison ouverte à la transcendance pour éclairer des questions situées aux confins de l’éthique, du droit, de la philosophie politique et de la théologie dogmatique : le bien commun, le couple et la famille, le contrat social, les fondamentaux de l’existence personnelle et le corps social versus les corps personnels.
La partie conclusive de l’ouvrage présente l’apport de la religion à la raison publique. Sont d’abord analysés les positions de la raison et de la foi, puis la place de la raison dans la religion, ce qui permet à l’auteur de plaider l’importance de travailler à créer un espace fraternel de dialogue entre croyants et non croyants.
Convaincu que la voix des traditions religieuses mérite d’être mieux entendue dans le débat politique démocratique, Xavier Dijon appelle en renfort la contribution de l’Allemand Jürgen Habermas et du Français Jean-Marc Ferry, deux penseurs laïcs ouverts au discours religieux.
En prenant appui sur les grandes catégories élaborées au sein du christianisme, le jésuite propose une analyse approfondie de la personne humaine et il souligne l’importance de valoriser la fraternité, sans laquelle la liberté et l’égalité restent quelquefois cantonnées à des concepts juridiques abstraits et rationnels qui finissent par réduire le droit et l’éthique à un juridisme étroit.
La démarche de l’auteur se veut à contre-courant d’un certain discours laïc aujourd’hui répandu. Toutefois, elle demeure riche d’enseignement, à condition, encore une fois, d’être prêt à voir dans la pensée religieuse autre chose qu’un discours irrationnel et superstitieux et d’accepter de la prendre en compte dans le débat public.
Dans un monde qui, souvent, se méfie du discours chrétien, quand il ne prononce pas carrément une excommunication politique de la religion — qu’il voudrait plutôt voir confinée à la seule sphère privée — Xavier Dijon réussit brillamment à faire valoir l’apport de la vision chrétienne dans le débat public. Son ouvrage s’adresse à toute personne désireuse de saisir les bases philosophiques d’un dialogue intelligemment articulé entre modernité et tradition religieuse.