Résumés
Résumé
Cet article examine le rôle des cinq « demeures » (ou « puissances intellectuelles » ou « propriétés mentales ») du Royaume de la Lumière dans le récit de l’Évangile vivant de Mani selon le codex copte des Synaxeis. Loin d’être dispensées de prendre part à la guerre (comme c’est le cas d’après la notice de Théodore bar Koni sur la doctrine de Mani), ces cinq puissances peuvent être considérées, dans le récit de Mani, comme contribuant activement non seulement à la génération de chaque puissance divine nouvellement appelée à l’existence, mais aussi à la lutte proprement dite contre les forces des Ténèbres, assurant ainsi leur défaite finale.
Abstract
This article explores the role of the five “abodes” (or “intellectual powers” or “mental properties”) of the Light Realm in the narrative of Mani’s Living Gospel according to the Coptic Synaxeis codex. Far from being spared in the war effort (as it appears from Theodore bar Koni’s report on Mani’s doctrine), these five powers can be seen in Mani’s narrative to be active contributors not only to the generation of each divine persona newly called into being but also in the actual fight against the forces of Darkness, securing their final defeat.
Corps de l’article
Remarques préliminaires
Cette modeste contribution porte sur une pentade ou un groupe de « cinq » — des êtres très particuliers, des entités en apparence abstraite — et sur leurs activités menées plus ou moins à la dérobée. La liste courte de leurs appellations, canonisée dans le mythe de Mani, n’a pas été inventée par celui-ci mais dérive plutôt, selon toute évidence, d’une certaine tradition gnostique, pour laquelle la source la plus ancienne dont nous disposions figure dans le complexe littéraire constitué par la Lettre d’Eugnoste (NH III, 3 ; V, 1) et la Sophia de Jésus-Christ (NH III, 4 ; BG 3), ainsi que dans certains comptes rendus des hérésiologues. Étant donné que les noms de tous les cinq désignent, en langage ordinaire, des aspects variés (ou variables) de l’activité intellectuelle, le choix des équivalents pour réaliser une bonne traduction en langue moderne a toujours été quelque chose de difficile, qui ne peut guère faire l’unanimité. Dans l’édition du texte d’Eugnoste (doublement représenté à Nag Hammadi) par les soins d’Anne Pasquier[1], les cinq portent les noms suivants :
« Intellect » |
— pour le νοῦς |
« Pensée » |
— pour l’ἔννοια |
« Délibération » |
— pour l’ἐνθύμησις |
« Réflexion » |
— pour la φρόνησις |
« Discours intérieur » |
— pour le λογισμός |
Il ne fait pas de doute que cette pentade a connu une fortune spectaculaire dans l’histoire des religions, car on la retrouve fort employée, notamment chez les manichéens, selon un usage qui remonte à Mani lui-même. Or, il convient de préciser que, règle générale, dans des textes rédigés ou transmis en une langue proche de celle de Mani (comme l’araméen ou le syriaque), les cinq sont désignés non pas comme « puissances », mais comme šekinah (pl. šekinata), terme hébraïque ou araméen servant à désigner la « demeure » ou la « présence » de Dieu. La dimension quasi spatiale que les cinq assument ainsi est d’une certaine manière perpétuée dans leur catégorie d’« éons », ainsi qu’on le lit dans le manuscrit copte que je citerai ci-dessous.
Étant donné le caractère international de la religion manichéenne et de sa littérature ancienne, l’emploi manichéen de cette pentade nous laisse envisager un bon nombre d’équivalents français différents (ainsi qu’anglais[2], allemands, etc.). C’est ainsi qu’on trouve les cinq énumérés comme « Intelligence, Raison, Pensée, Réflexion, Volonté » dans l’ouvrage classique de Franz Cumont[3], ou encore comme « Intelligence, Science, Pensée, Réflexion, Conscience » dans le livre de Michel Tardieu[4]. Ces traductions françaises prenaient traditionnellement comme point de départ les termes syriaques (hawna’, madd‘a’, re‘yana’, maḥšabta’, tar‘yta’)[5]. Si on veut plutôt rendre compte de la série des termes en grec et en copte, on choisirait un autre ordre, par exemple : Intellect, Pensée, Science, Délibération/Intention, Réflexion.
Mais plus on s’éloigne du monde occidental (vers les textes manichéens en langues araméenne ou iranienne, pour ne pas parler du chinois), plus la confusion devient embarrassante ; en outre, on rencontrerait encore plus de difficulté si on voulait toujours accorder ces traductions avec les significations des termes en question en copte. Pour éviter ce piège, je me propose ici d’employer les termes grecs, que je considère comme relativement neutres et instructifs, pour traduire les termes coptes, qui sont pour la plupart des mots autochtones. Dans la forme du dialecte employé pour la copie des codices manichéens coptes (dialecte L4), on trouve les équivalents suivants :
nous |
— pour νοῦς |
me(e)ue |
— pour ἔννοια |
sbō |
— pour φρόνησις |
sačne |
— pour ἐνθύμησις |
makmek |
— pour λογισμός |
Ces correspondances s’avèrent constantes à travers tous les codices coptes dans lesquels les cinq font leur apparition.
En ce qui concerne la source que j’exploite ici, il s’agit d’un manuscrit copte qui fait partie des sept codices manichéens de Medinet Madi, celui qu’on appelle le « codex des synaxeis[6] ». Pour être plus précis, les synaxeis, dans le sens de leçons ou lectures utilisées dans le cadre des assemblées cultuelles, ne remplissent qu’un peu plus de la moitié du manuscrit, mais ce sont les parties les plus significatives. Ce codex n’a pas encore été publié.
L’importance de ce codex pour les études manichéennes est capitale. Malgré son mauvais état de préservation, il nous donne, pour la première fois, une bonne idée de ce qu’était le contenu, chapitre par chapitre, de l’Évangile vivant, principal écrit dans le dossier de Mani écrivain et texte le plus important du « Canon » manichéen.
Le contexte liturgique (ou le lieu d’utilisation ou Sitz im Leben) de ces « Synaxeis » est d’ailleurs bien reflété dans le fait que le fameux Livre des Psaumes manichéen copte[7] contient dans sa première partie (non publiée) sous la rubrique « [Psaumes des] Synax[eis] » (le troisième regroupement de ce livre liturgique très volumineux) deux psaumes qui réservent une strophe à chacun des vingt-deux chapitres de l’Évangile vivant[8].
I. Le 1er Discours de l’Évangile vivant
Si l’on suit l’ordre des chapitres de l’Évangile vivant, on rencontre les cinq « demeures » déjà dans le premier chapitre. Or, les deux premiers chapitres de cet écrit ne contiennent aucun « récit » (au sens narratif), ils sont purement descriptifs. Le premier, assez long, donne la description du Royaume de la Lumière ; le second, plus bref, celle du Royaume des Ténèbres. La deuxième synaxis appartenant à ce premier discours, d’après ce qu’on peut lire de ce texte très lacuneux, présente essentiellement une description du Père de la Grandeur, « sa propre excellence, sa propre splendeur, sa propre pureté, sa propre magnificence, … sa fermeté et sa grandeur, pour laquelle il n’y a pas de mesure. Qui pourra même énoncer son excellence, sa pureté, son étincellement, sa brillance, sa magnificence … (?) Car il est incommensurable (?) Il est une âme vivante de lumière, soutenant toutes les âmes de lumière », etc. (p. *9). Plus loin, à la même page et s’étendant sur toute la page suivante (page plus lacuneuse encore), on trouve des traces évidentes d’au moins trois des cinq « demeures[9] » du Père (ἐνθύμησις, φρόνησις, νοῦς), chacune avec quelques attributs descriptifs, dans ce qui était certainement une description de ces cinq entités figurant individuellement en ordre ascendant. On ne peut que regretter l’état pitoyable du papyrus qui, en meilleure condition, nous fournirait probablement certains détails du caractère individuel de chacune de ces cinq puissances.
Dans le même discours mais à l’occasion de la quatrième synaxis, les cinq réapparaissent (sous leurs seuls noms) encore une fois parmi les vingt-deux entités nommées dans un hymne (ou plutôt une litanie) qui énumère les entités maîtresses (ou directrices ou dominantes) de l’univers lumineux, dans des formules répétitives de ce type : « le grand untel, maître de tous les tels ». Ici, les cinq apparaissent en ordre descendant : on commence par le νοῦς et on finit par le λογισμός.
II. Le 3e Discours de l’Évangile vivant
Le récit de ce qu’on appelle le « mythe cosmologique » de Mani, dans le sens propre de la narration des événements, commence au troisième discours de l’Évangile vivant, dont le contenu se trouve réparti, dans ce codex, sur cinq synaxeis, et c’est ici qu’on voit apparaître les cinq « demeures » d’abord, peu après le début de la première synaxis appartenant à ce discours, en action dans une chaîne d’événements.
Au moment où les habitants du Royaume de la Lumière s’aperçoivent des mauvaises intentions et de la malice des puissances des ténèbres, c’est d’abord le Père de la Grandeur qui voit tout à l’avance et qui révèle son pronostic (προγνωσία) aux éons du λογισμός. Avec ce renseignement, il déclenche la diffusion de la mauvaise nouvelle à travers le Royaume de la Lumière, d’une station à l’autre dans une chaîne de transmission[10] ponctuée ou jalonnée par les cinq demeures, ici en ordre ascendant (p. *36 du manuscrit) : « Lorsque les éons du λογισμός eurent la perception » (on a toujours le verbe αἰσθάνεσθαι) « le Conseil des éons du λογισμός se remua. La perception monta aux éons de l’ἐνθύμησις. L’ἐνθύμησις se remua … (lacune) … Les éons de la φρόνησις se remuèrent … (lacune) … Les éons de l’ἔννοια … », etc. (Le dernier niveau, celui du νοῦς, est perdu dans les lacunes.)
Encore dans le même chapitre, trois pages plus loin, on peut lire quelque chose de ce qui est la première mesure pour réagir à l’attaque du Mal, c’est-à-dire, la génération d’un être féminin, de toute évidence celui qu’on appelle la « Mère de la Vie », en ces termes (p. *39) :
Par l’intermédiaire de l’esprit de son Grand Conseil, par l’intermédiaire des cinq éons de sa gloire, des chambres de son honneur qui appartiennent à sa grandeur et des douze chambres de son … (lacune) …, il (scil. le Père) produisit une puissance à partir des éons de son glorieux λογισμός … (lacune) … [et transféra celle-ci] aux éons de son ἐνθύμησις … Aussitôt qu’elle eut été renforcée dans les éons de l’ἐνθύμησις, il l’illumina dans les éons de sa grande φρόνησις et puis il l’illumina par les éons de son [ἔννοια …] (et) … par les éons de son νοῦς. Aussitôt qu’elle [… (lacune) …] dans les éons de son νοῦς, elle devint forte et grande […] … et elle se perfectionna sur sa[11] grandeur.
Ce genre de processus qu’on lit dans le récit de la génération de la Mère, avec ces étapes de perfectionnement graduel, jalonné par les cinq « demeures », semble servir de modèle à la génération d’autres personnages divins : on rencontrera plus tard à peu près le même procédé, au moins à deux reprises, dans les quatrième et sixième discours de l’Évangile. Et de telles générations se trouvent toujours complétées par une grande jubilation de la part de tous les éons, à cause de la nouvelle réalisation.
Les pages restantes (de plus en plus lacuneuses) de cette longue synaxis semblent traiter de la génération du guerrier principal, l’Homme Primordial, et de son armement. D’autres préparatifs pour la guerre contre les Ténèbres font l’objet des deux synaxeis qui suivent, notamment l’évocation de la compagne de l’Homme primordial, sa « soeur » et « bien-aimée » (2e synaxis), ainsi que l’encouragement qu’on lui adresse et la louange de ses mérites (3e synaxis)[12].
Finalement, en lisant la 4e synaxis, on se retrouve en pleine guerre entre les forces de la Lumière et celles des Ténèbres. Entre plusieurs lacunes, on peut y lire, entre autres, ces restes de mots : « les éons de φρόνησις … […] … les éons de l’ἐνθύμησις de la même façon. [Et encore, les éons du] λογισμός ont lutté dans des batailles nombreuses » (p. *67). Malgré l’état regrettable du manuscrit, il ne fait pas de doute qu’on est ici en face d’une mention des cinq « demeures » en ordre descendant, ce qui semble être l’ordre approprié pour la lutte. Peu avant le passage cité, on supposera une mention pareille des mérites guerriers attribués aux deux premières « demeures », νοῦς et ἔννοια.
À la page qui suit dans le manuscrit, tout au début de la p. *68, on lit encore ceci :
… et aussi les éons appartenant à son λογισμός et les éons de son ἔννοια. Par leur intermédiaire il [subjugua ? captura ?] les mondes des Ténèbres et les archontes qui s’y trouvent … (lacune) … les éons de sa φρόνησις … [firent telle-et-telle manoeuvre] pour puiser (ou : vider ?) les mondes de la fumée et les archontes qui s’y trouvent. Il commença à lever son ἐνθύμησις au-dessus de ces eaux et avança / poussa son ἐνθύμησις pour qu’elle humilie [ces choses] dans ces mondes qui appartiennent aux eaux à cet endroit-là. Après quoi il [(fit telle-et-telle chose)] aux Ténèbres … et il s’élança de la profondeur [et avança (?)] son νοῦς aux mondes des …
Les lacunes du manuscrit s’avèrent bien sûr très frustrantes, mais on discerne suffisamment d’éléments dans ces débris pour comprendre que les cinq « demeures » (en tant que forces inspirant la crainte) exercent des fonctions importantes dans la stratégie du grand général qu’est l’Homme Primordial. Et elles se trouvent ici individualisées, chacune avec la spécification de son ennemi particulier, au point que le récit, sans doute, ne respecte pas pour une fois leur ordre canonique (ni descendant ni ascendant) : leur séquence semble plutôt se régler sur une mise en ordre occasionnelle, déterminée par l’ennemi en question.
III. Le 6e Discours de l’Évangile vivant
En fonction de la lisibilité limitée du manuscrit, il convient de ne mentionner qu’une autre attestation de la mise en scène des cinq « demeures ». Au sixième discours de l’Évangile vivant on a probablement affaire à la génération de l’Ambassadeur (ou Troisième Messager), dans le cadre de ce qu’on appelle traditionnellement « la 3e création » (ou « le 3e appel »). Comme dans le cas de la génération de la Mère de la Vie, le Père agit par l’intermédiaire de ces cinq demeures pour munir l’Ambassadeur de ses capacités divines (p. *98) :
Le riche Père [se mit à l’oeuvre] et lança une puissance [invincible (?)] à partir de son λογισμός (et) au moyen de son grand [esprit ? conseil ?],
-
il la compléta par son ἐνθύμησις,
-
il l’instruisit par sa φρόνησις,
-
il la perçut par son ἔννοια,
-
il la reconnut par son νοῦς.
Par la suite, le Père continua à lui procurer des forces spéciales (en tant que vêtements) à partir de sa propre image (εἰκών), chose importante sans doute pour assurer la beauté exceptionnelle et séduisante de l’Ambassadeur.
Remarques en guise de conclusion
Si les exemples cités ne sont pas suffisamment explicites pour mettre en valeur un rôle particulier pour chacune des cinq « demeures », ils démontrent néanmoins leur participation sans faille à l’action, à la fois comme un « collectif » de cinq entités, et pour chacune prise individuellement. Une telle construction narrative, dans laquelle on ne manque pas d’insérer les cinq en bon ordre à chacune des étapes importantes du récit, me semble assez remarquable. Elle doit avoir un sens et servir à la réalisation d’un intérêt particulier de l’écrit qui les atteste.
Le but principal de la mise en scène des cinq « demeures » me paraît s’imposer d’une manière assez simple et plutôt évidente : la participation et la contribution de chacune de ces cinq entités, qui sont aussi les puissances spirituelles de la divinité, servent à assurer le caractère strictement divin de toute nouvelle création (ou de toute nouvelle personnification d’une émanation divine). Cela vaut également pour leur rôle de combattants actifs et décisifs dans la gestion de la guerre : la description de toute action réalisée à travers les cinq « demeures » du Père (ou grâce à leur médiation) sert à souligner que c’est toujours le Père même qui agit. Autrement dit, elle sert à réaliser le fameux énoncé de la bouche du Père de la Grandeur concernant l’initiative de la bataille primordiale : « J’irai moi-même ».
Mais la question se pose de nouveau : s’il ira lui-même au combat, à qui veut-il épargner la peine ? Si l’on se fie à notre seule source explicite pour comprendre les implications de cette situation dramatique, le résumé de Théodore bar Konai, ce serait pour épargner l’effort de la guerre d’abord à ceux qui sont vaguement désignés comme « mes éons » (ou « mes mondes ») — parce qu’ils ont été créés pour vivre en paix — mais qui, tout de suite après, dans le même énoncé, sont qualifiés comme étant justement les cinq « demeures[13] ». Ce détail a toujours été pris au sérieux par les auteurs de présentations générales du manichéisme[14]. Or, une telle précision au sujet des bonnes intentions du Père est difficile à réconcilier avec les activités des cinq, leur forte implication dans tout ce qui se passera ensuite, leur rôle de représentation du Père lui-même dans la lutte, selon le récit de notre texte. Même si ce n’est probablement pas l’Évangile vivant de Mani dont Théodore rend compte du contenu, on a l’impression qu’une interprétation quelque peu erronée semble s’être glissée dans le résumé qu’il donne, que ce soit par une mécompréhension de sa source ou par un malencontreux accident[15]. Pour préciser l’objet du geste de dévouement et d’amitié du Père de la Grandeur, on pensera plutôt à ses véritables « compagnons », ceux qui l’entourent, créés pour lui tenir éternellement compagnie et orner son trône : les douze éons et les éons des éons.
Parties annexes
Notes
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[1]
Anne Pasquier, Eugnoste. Lettre sur le Dieu transcendant (NH III, 3 et V, 1), Québec, PUL ; Louvain, Paris, Peeters (coll. « Bibliothèque copte de Nag Hammadi », section « Textes », 26), 2000, par exemple, p. 47 (NH III 78 : 6-9) ou p. 77 (NH V 8 : 2-6).
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[2]
Après la traduction des Kephalaia manichéens par Iain Gardner (The Kephalaia of the Teacher, Leiden, Brill [coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », 37], 1995), les équivalents anglais de plus en plus courants pour traduire les sources coptes sont : Mind, Thought, Insight, Counsel, Consideration (employés aussi par Timothy Pettipiece, Pentadic Redaction in the Manichaean Kephalaia, Leiden, Boston, Brill [coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », 66] 2009, p. 15 et passim) ; ils ne sont pas identiques aux termes employés par ceux qui envisagent un spectre plus international (ou basé sur l’araméen), comme c’était le cas, par exemple, pour Abraham V.W. Jackson (Researches in Manichaeism, New York, Columbia University Press [coll. « Columbia University Indo-Iranian Series », 13], 1932, p. 223) ; ou Samuel N.C. Lieu (Manichaeism in the Later Roman Empire and Medieval China, 2nd edition revised and expanded, Tübingen, Mohr [coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament », erste Reihe, 63], 1992, p. 12).
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[3]
Cf. Franz Cumont, Recherches sur le Manichéisme, I, La cosmologie manichéenne d’après Théodore Bar Khôni, Bruxelles, Lamertin, 1908, p. 8 sq.
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[4]
Michel Tardieu, Le Manichéisme, Paris, PUF (coll. « Que sais-je ? », 1 940), 1981, p. 95, ainsi que le tableau, p. 107.
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[5]
C’est la série des termes syriaque attestée par Théodore bar Konai et traditionnellement mise en équivalence avec les séries grecques et coptes (cf. Lieu, Manichaeism in the Later Roman Empire and Medieval China, p. 14 ; Eugenia Smagina, « The Manichaean Cosmological Myth as a “Re-Written Bible” », dans J.A. van den Berg, A. Kotzé, T. Nicklas, M. Scopello, éd., ‘In Search of Truth’. Augustine, Manichaeism and Other Gnosticism. Studies for Johannes van Oort at Sixty, Leiden, Boston, Brill [coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », 74], 2011, p. 210). Aussi longtemps que le témoignage de Théodore reste notre source principale pour l’ordre canonique de la série syriaque, il n’y a pas de garantie que chacun de ces termes individuellement traduit en fait ce qui lui correspond dans les autres langues. En ce qui regarde les maigres sources originales manichéennes en langue syriaque (édition complète par Nils Arne Pedersen et John Møller Larsen, Manichaean Texts in Syriac [coll. « Corpus Fontium Manichaeorum - Series Syriaca », 1], Turnhout, Brepols, 2013), on est, pour l’instant, loin d’une attestation de la série ; il faut déjà être content de retrouver deux de ces mots (maḥšabta’, p. 62, et re‘yana’, p. 72), quoiqu’en usage quelconque, non technique, grâce au manuscrit berlinois récemment découvert.
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[6]
Les folios de ce codex appartiennent à deux collections différentes ; la plus grande partie se trouve dans la Chester Beatty Library, Dublin, enregistrée comme PCBM 5, et un petit lot des 31 folios, dans les Staatliche Museen, Berlin, sous le numéro d’inventaire P. 15995. Je m’occupe présentement de la préparation de leur édition.
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[7]
À ce jour, seulement la deuxième partie (c’est-à-dire, à peu près la deuxième moitié) de ce codex a été publiée par Charles Robert Cecil Allberry, A Manichaean Psalm-Book, Part II, with a contribution by Hugo Ibscher (coll. « Manichaean Manuscripts in the Chester Beatty Collection », 2), Stuttgart, W. Kohlhammer, 1938.
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[8]
L’édition est présentement préparée par les soins de Siegfried Richter, à paraître dans la Series coptica du Corpus Fontium Manichaeorum chez Brepols. Les deux psaumes en question portent les numéros 41 et 42 ; ils se trouvent sur les pages 93-103 du codex copte. On en trouve les incipits (sous le titre synax) dans l’Index Psalmorum dans Allberry, A Manichaean Psalm-Book, p. 229.
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[9]
Elles sont catégorisées comme « éons » selon la manière dont s’exprime ce manuscrit, donc des entités avec une dimension quasi spatiale (comme parfois ailleurs où on parle des différents « mondes »). Ces « cinq éons » sont néanmoins nettement distincts des « douze éons » et des « éons des éons » qui constituent la population générale du Royaume de la Lumière. On trouvera une brève discussion du statut des cinq, ainsi que la liste de leurs noms en syriaque, grec, latin et copte, dans T. Pettipiece, Pentadic Redaction in the Manichaean Kephalaia, p. 15 et 36 sq. (en particulier, dans la n. 54).
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[10]
Une chaîne de transmission de la mauvaise nouvelle à travers cinq stations (cinq « mondes »), donc formellement assez semblable à celle de notre texte, se trouve aussi dans le rapport que donne le Fihrist d’an-Nadim du mythe manichéen (cf. Gustav Flügel, Mani, seine Lehre und seine Schriften, Leipzig, F.A. Brockhaus, 1862, p. 87). Dans ce cas, il n’est pas question du pronostic du Père, la chaîne aboutit plutôt à son information.
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[11]
Référent masculin, donc la grandeur du Père.
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[12]
C’est par celle-ci que l’« âme » militante de l’Homme Primordial (son adjoint principal ou aide de camp) est personnifiée, au lieu des cinq fils qu’on trouve dans les autres sources coptes (Kephalaia et Livre de Psaumes).
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[13]
Texte syriaque édité par Addai Scher (Theodorus Bar Kōnī, Liber Scholiorum, II, Louvain, Imprimerie orientaliste L. Durbecq [coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 69, « Scriptores Syri », 26], 1912, p. 313), traduit par Robert Hespel et René Draguet (Theodore bar Koni. Livre des Scolies [recension de Séert], II, Mimrè VI-XI, Louvain, Peeters [coll. « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium », 432, « Scriptores Syri », 188], 1982, p. 234) : « De ces mondes des cinq Gloires je n’en enverrai pas à la guerre, car c’est pour l[a] paix et le salut qu’elles ont été créées par moi, mais de moi-même j’irai et ferai ce combat ». À noter que le réflexif est exprimé en syriaque, comme d’habitude, par nafša, litt. « au moyen de mon âme », c’est-à-dire « moi-même en personne ». Mais si on souhaitait retenir le sens littéral du syriaque (« au moyen de mon âme »), on arriverait à quelque chose de contradictoire mais néanmoins d’assez intéressant, parce que ce sont justement ces « cinq Gloires » qui constituent l’âme du Père !
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[14]
Cf., par exemple, Hans Jakob Polotsky, « Manichäismus », dans G. Wissowa, éd., Paulys Real-Encyclopädie der klassischen Altertumswissenschaft, Supplement Bd. 6, Stuttgart, J.B. Metzler, 1935, col. 251 ; ou Samuel N.C. Lieu, Manichaeism in the Later Roman Empire and Medieval China, p. 14.
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[15]
Ou encore, faudrait-il le mettre sur le compte d’une rédaction peu soigneuse ? Cf. la valorisation critique du résumé du mythe manichéen par Théodore bar Konai, dans Tardieu (Le Manichéisme, p. 95) : « Bien que rédigé à la diable et émaillé de fautes de copistes, ce texte reste aujourd’hui encore le témoin le plus complet de l’exposé du mythe manichéen tel que Mani l’avait conçu et écrit. »