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Dans la collection des « Études du Proche-Orient chrétien » (ÉPOC), cet ouvrage présente, en deux tomes, une étude de l’anthropologie de Jacques de Saroug à partir de son Hexaméron et de quatre Mêmrê (homélies métriques) édités, traduits et commentés dans le second tome. Ces quatre textes ont déjà été publiés par Alwan en 1989 dans la prestigieuse collection « Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium » (v. 508-509). Toutefois, cette nouvelle édition a le bénéfice de livrer la version arabe littérale d’Athanasius de la première homélie métrique dans laquelle l’auteur supplée aux lacunes du manuscrit endommagé renfermant ce premier Mêmrô. Plus d’informations sur l’ensemble des homélies sont fournies dans cette nouvelle publication, notamment un commentaire théologique et anthropologique.
L’intérêt premier de cette publication est qu’elle porte sur un thème assez peu étudié chez Jacques, évêque de Baṭnān de Saroug près d’Édesse, célèbre poète syriaque des 5e-6e siècles, vénéré par les traditions syro-orthodoxes et syro-catholiques bien que son appartenance au miaphysisme fut prouvée au cours du siècle dernier. Sa conception de l’anthropologie à une époque charnière de l’histoire de l’Église syriaque est importante d’autant que les chroniques nous apprennent que la formation qu’il reçut à l’École des Perses était puisée aux oeuvres des Pères grecs ainsi qu’à l’héritage précieux d’Éphrem. Cette double formation de Jacques est susceptible de nous informer sur les rapports et influences de ces deux univers de pensée.
Le premier tome comprend trois parties. Une introduction générale étoffée constitue la première partie qui traite de l’auteur et de son oeuvre suivie d’une étude littéraire et d’une présentation des traditions manuscrites. Une deuxième partie examine les critères d’authenticité des textes selon des indices de critique externe et interne. Ces critères peuvent être appliqués dans toute l’oeuvre de Jacques, comme le constate l’auteur, pour identifier tout texte poétique anonyme ou attribué à Jacques. Une dernière partie intitulée « Commentaire théologique et anthropologique » offre une analyse de cinq chapitres de Jacques de Saroug sur l’homme sur le plan théologico-anthropologique. L’auteur expose la conception sarougienne de l’homme « comme créature privilégiée de Dieu et sa relation avec son entourage » (p. 247). Les cinq chapitres qui présentent les propositions anthropologiques relevées par Alwan sont intitulés respectivement : « L’homme le “microcosme” » ; « L’homme, l’image et la ressemblance de Dieu » ; « L’homme, le mortel et l’immortel avant le péché » ; « Le péché de la “maison d’Adam” » ; « Amour et grâce dans le plan salvifique ». Cette partie souligne finalement quelques sources et influences de Jacques de Saroug. Un index des noms d’auteurs termine ce premier tome.
Le deuxième tome fournit une édition des quatre homélies sur la création qui sont : 1) Mêmrô sur Dieu dit : « Venez faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » et sur la naissance du Christ ; 2) Mêmrô sur : Adam a-t-il été créé mortel ou immortel ? ; 3) Mêmrô sur la sortie d’Adam du Paradis ; 4) Mêmrô sur l’agencement d’Adam. Le texte arabe d’Athanasius précède la première homélie. Les notes critiques de bas de page renvoyant à des variantes des textes ou à différentes références sont abondantes. Chacune des quatre homélies est présentée en syriaque avant d’être traduite en français et est suivie d’un plan détaillé. Dans sa traduction française, Alwan est resté le plus près possible du texte d’origine sans pour autant réussir à conserver le rythme et la mesure dodécasyllabique des mètres sarougiens, d’une part, ni à offrir un texte français élégant, d’autre part. Toutefois, une telle traduction reste satisfaisante d’autant qu’elle s’avère utile aux lecteurs non familiers du syriaque puisqu’elle procure une approche plus authentique de l’art imagé de son écriture. Des index rigoureux des mots syriaques, des mots grecs et des thèmes clôturent ce deuxième tome.
La pertinence de cette étude est évidente. Alwan a le mérite d’avoir d’abord essayé de résoudre le problème de l’authenticité des textes poétiques en suggérant des critères originaux et ensuite d’avoir avancé des thèses anthropologiques sur la pensée sarougienne en référence aux sources de sa pensée, tout spécialement la tradition « asiatico-antiochienne ».
Cette monographie constitue un apport sûr en matière de patrologie syriaque. Relevant d’un travail scientifique critique, elle ne s’adresse pas directement à un large public, mais plutôt à la communauté de recherche en patristique syriaque. S’intéresser à l’anthropologie d’un auteur syriaque miaphysite né à la période du concile de Chalcédoine fournit principalement les matériaux de base de sa conception de l’homme, voire du Fils de Dieu devenu homme à la plénitude des temps. D’ailleurs, la théologie syriaque repose sur la christologie. Dans ce sens, cette étude minutieuse longtemps attendue de Khalil Alwan incite les chercheurs à une meilleure assimilation de la christologie de Jacques qui représente un visage de premier plan du tableau de la théologie miaphysite et de l’histoire religieuse de la Syrie-Mésopotamie.