Recensions

Michel Weber, Petite philosophie de l’Art Royal. Analyse de l’alchimie franc-maçonne. Louvain-la-Neuve, Les Éditions Chromatika, 2015, 310 p.[Notice]

  • Roland Cazalis

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  • Roland Cazalis
    Université de Namur

La monographie, comme l’indique son titre, est une analyse philosophique de l’Art Royal. L’essai est organisé en quatre chapitres. Le premier pose les conditions de possibilité de cette analyse, puis l’analyse est déployée dans les trois autres chapitres consacrés à l’alchimie, la franc-maçonnerie et la psychologie analytique jungienne respectivement. Le chapitre premier « Philosophie pratique et gnose » pose l’approche et la méthode. La lecture philosophique de ces thématiques se justifie d’après l’auteur, car rien ne peut être étranger à cette pratique socratique en vertu même de sa nature pratique et spirituelle, sachant dès l’abord que l’analyse ne saurait aboutir à un résultat clair, distinct et définitif. À partir de là, l’auteur parachève sa méthodologie en faisant appel à trois autres outils que sont une théorie du symbolisme empruntée à Whitehead, sa familiarité avec l’oeuvre de Jung et finalement une grille de lecture (p. 16). Avec Whitehead est rappelé l’importance culturelle du symbole en vertu de son rôle de vicariat dans le devenir soi et le devenir commun. La mise en place des outils se poursuit en revisitant une préoccupation whiteheadienne, à savoir la nécessité du symbolisme à travers ses oeuvres, en particulier Symbolism (1927) et se termine en rappelant au passage la différence entre concept et symbole. L’auteur présente Jung, le « maçon sans tablier » (p. 70), comme le personnage clé de son dialogue philosophique (p. 56), et souligne la connexion à distance entre Whitehead et Jung par la médiation de Christina Morgan (1897-1967) à la fois par son apport dans le cadre de la psychologie jungienne et comme catalyseur de l’imagination créatrice de Whitehead (p. 65). Quant à la grille de lecture, elle précise la méthode qui vise à contraster l’infrastructure, la superstructure, le système initiatique et le type d’humanisme dans les trois disciplines en lice à l’aide d’outils qui sont précisés (p. 76). Le chapitre deuxième « Alchimie » commence par rappeler que cette antique pratique liée à la spiritualité de la technique métallurgique est devenue doublement ésotérique au cours de l’histoire lors du passage d’un cosmos organique à l’univers mécanique. Puis l’auteur entre dans le vif du sujet par l’analyse de l’infrastructure par le biais de la fontaine mercurielle et les différents symboles de cette allégorie et ses lectures, dont la lecture séphirotique. L’analyse superstructurelle décrit le processus du Grand Oeuvre en ses différentes phases depuis l’oeuvre au noir (melanosis en grec, nigredo en latin) jusqu’à l’oeuvre au rouge (iosis, rubredo). Par la suite, l’auteur aborde plus spécifiquement le travail de l’adepte et rappelle le double aspect de l’art alchimique, poïesis et praxis (p. 123) si l’on veut utiliser le vocabulaire aristotélicien. Autrement dit, son objet apparent est un faire voué à l’obtention de l’or pur et l’élixir de jouvence, alors que son objet réel est la transmutation de soi, ou l’individuation dirait Jung. En d’autres termes : Le chapitre troisième « Franc-Maçonnerie » pose une première définition opératoire de cette tradition comme « association initiatique qui cherche à élever l’homme spirituellement et à contribuer ainsi au perfectionnement de l’humanité » (p. 132). À cet objectif, il faut associer la pratique de symboles dans un certain lieu et à un certain moment. Afin de démontrer la filiation de l’alchimie et la franc-maçonnerie, l’auteur dresse un bref historique du développement de ces confréries de bâtisseurs ; la fédération de la première Grande Loge en 1717 marquant l’essor de la franc-maçonnerie dans sa diversité. La thèse de l’auteur est que les trois étapes historiques de l’évolution de cette organisation sont : la maçonnerie opérative qui plonge ses racines dans un passé ancien est …