Recensions

Martha Bush Ashton-Sikora, A. Harindranath, A. Purushothaman, Robert P. Sikora, The Royal Temple Theater of Krishnattam. New Delhi, D.K. Printworld Ltd. (coll. « New Vistas in Indian Performing Arts », 13), 2015, 46 ill. et xix-298 p.[Notice]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

Ce magnifique livre porte sur une forme de théâtre rituel (avec danse et mime) spécifique à la tradition du temple en l’honneur de Kr̥ṣṇa de Guruvayur au Kerala (Inde du Sud). Il s’agit d’un temple dont l’entrée est toujours strictement réservée aux hindous et qui pose par conséquent aux chercheurs occidentaux des difficultés supplémentaires s’ils n’ont pas la chance de bénéficier de la complicité de spécialistes hindous. Cet ouvrage est la seconde édition revue et augmentée d’un livre d’abord paru en 1993 grâce aux soins de Martha Bush Ashton-Sikora, alors professeure au Département d’art dramatique et de théâtre de l’Université de Californie à Berkeley. Elle avait publié en 1977 un livre sur le yakṣagāna, une forme de théâtre rural combinant chant, dialogue et danse, typique de certains districts du sud du Karnataka, qu’elle avait étudiée avec le maître Gopala Rao. C’était dans le but de mieux comprendre cette forme de théâtre que Mme Ashton-Sikora s’était aventurée plus au sud dans un temple de Arattupuzha (district de Trichur, Kerala), où, le 6 mai 1970, la troupe rattachée au temple de Guruvayur donnait un spectacle public. Il s’agissait justement de cette forme de théâtre qu’on appelle Kr̥ṣṇāṭṭam ou Kr̥ṣṇanāṭṭam. S’ensuivront une série de rencontres qui permettront à cette spécialiste du théâtre de l’Inde de voir elle-même un certain nombre de spectacles donnés à l’extérieur du temple, d’obtenir la permission d’être présente à certaines séances de formation des danseurs, de rassembler de l’information sur l’histoire de ce théâtre, et finalement, à partir de 1980, d’entrer elle-même dans le temple avec l’assentiment de l’administration du temple de Guruvayur. Le livre débute par un très utile survol de ce parcours de recherche (Chapter 1, « My Introduction to Krishnattam », p. 1-20). Les quatre chapitres suivants tentent de reconstituer l’histoire de cette forme de théâtre. Le chapitre 2 (« The Time of the Zamorins [1962-1955] », p. 21-39) fait le point sur ce que l’on sait du passé de ce théâtre, entre autres ses rapports énigmatiques avec la Kr̥ṣṇagīti, un texte sanskrit qui ne parle pas directement de théâtre et qui est attribué à un certain Manaveda devenu en 1655 Zamorin, c’est-à-dire souverain du royaume de Calicut en Inde du Sud ; sur le support dont cette troupe de danseurs semble avoir toujours bénéficié de la part des Zamorins ; sur certaines légendes entre autres au sujet d’un arbre élengi (Mimusops elengi) sous lequel Manaveda se serait trouvé lorsqu’il eut une vision de Kr̥ṣṇa et qui aurait fourni le bois d’une image de Kr̥ṣṇa vénérée par cette troupe de danseurs ; et finalement sur les liens de cette danse avec le Kalaripayat, un art martial typique du Kerala. Il semble que le financement de cette troupe, qui a compté jusqu’à une cinquantaine de membres, ait toujours été assuré par les Zamorins, malgré les périodes plus difficiles qu’a connues ce royaume à l’époque coloniale. Les années 1955-1961 marquèrent un tournant dans la gestion de cette troupe. C’est à partir de cette date que celle-ci se rapprocha du temple de Guruvayur, qui relevait de la famille royale, et que M.K. Raja fut d’abord chargé de sa gestion. Déjà sous son leadership, la troupe trouva de nouvelles sources de financement et commença entre autres à exécuter des représentations à l’extérieur de l’enceinte du temple (« The Time of Transition [1955-61] », p. 40-43). En 1961, la troupe ne comptait plus que quinze membres et il a fallu que A.C.G. Raja prenne les choses en mains pour qu’elle retrouve vie et connaisse enfin du succès. Tout le chapitre 4 (« The Time at the …