Dossier

LiminaireQuelques pistes de réflexion concernant l’innovation religieuse[Notice]

  • André Couture et
  • Dominic LaRochelle

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  • André Couture
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

  • Dominic LaRochelle
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

L’innovation religieuse fait partie du nom même du Centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse (ou CROIR). Par ceux et celles qui animent ce centre à l’Université Laval, cette notion a d’abord été perçue comme une formule générale censée englober toutes les nouvelles formes de religion ou de spiritualité qui ne cessent d’apparaître autant à l’intérieur qu’en marge des grandes traditions religieuses. Elle permet également d’éviter le terme ambigu de secte. Il est vrai par ailleurs que la notion d’innovation religieuse s’utilise dans l’analyse scientifique des phénomènes religieux et mérite en tant que telle qu’on s’y arrête. C’est justement pour mieux circonscrire l’utilisation qui a déjà été faite ou que l’on peut faire de ce concept qu’un certain nombre de chercheurs (professeurs et étudiants) de la Faculté de théologie et de sciences religieuses se sont réunis pour une journée d’étude le 29 octobre 2015. Ce liminaire se propose de présenter un aperçu des données recueillies dans la littérature scientifique concernant la question de l’innovation religieuse. L’objectif poursuivi est simplement d’aider à contextualiser les articles réunis dans le présent dossier. Dès 1968, Dario Sabbatucci critiquait le concept supposément objectif de syncrétisme. Utilisé à l’intérieur de la polémique qui a suivi la Réforme protestante, repris au xixe siècle en sciences des religions (entre autres, par Max Müller et Ernest Renan), ce concept entérine indirectement l’existence d’un certain christianisme authentique, pur d’une pureté primitive, parfait, et par conséquent immuable, ce qui ramène indirectement les autres formes de religions à n’être que des agglomérats de croyances, de rites et d’institutions dénués d’unité. L’histoire, plaide Sabbatucci, n’accorde aucun statut particulier au christianisme, qui, comme les autres religions, est lui aussi soumis aux aléas du temps qui transforme tout. En considérant que le syncrétisme est le sort de toutes les religions, y compris du christianisme, Sabbatucci, qui n’utilise toutefois pas le terme d’innovation, fait prendre conscience que les innovations, les mutations, les métamorphoses apparaissent normalement dans toutes les traditions religieuses du fait même que ces traditions font partie de cultures qui bougent et se modifient chaque jour. On peut dès lors formuler quelques postulats de départ, que l’on retrouvera, en partie du moins, dans un article d’André Couture publié en 1997. Devant un tel constat, une question se pose : peut-on faire de l’innovation un concept opératoire et l’utiliser pour analyser l’évolution des traditions religieuses au fil de l’histoire tout en évitant les lieux communs concernant l’étude de la modernité religieuse ? L’impression des rédacteurs de ce liminaire est que l’innovation religieuse risque d’être une réalité trop générale pour servir en tant que telle d’outil d’analyse. L’innovation, explicitement acceptée ou gommée par la tradition — les deux situations étant également intéressantes —, renvoie plutôt à la condition historique des religions. L’innovation religieuse peut très bien faire partie du nom d’un centre comme le Centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse (CROIR), ou servir de titre accrocheur pour un colloque, mais cela ne suffit probablement pas à transformer cette notion en outil de recherche. S’il est vrai que les religions sont tissées d’innovations au sens large de toute transformation, adaptation, création modifiant la tradition, on peut cependant penser que la recherche a déjà développé divers outils pour rendre compte de cette réalité. Ce sont quelques-uns de ces outils que l’on se propose de présenter maintenant. Il est impossible d’être exhaustif, et l’on n’abordera pas ici par exemple l’immense champ de l’herméneutique, sinon par le biais des théories de la réception. Les outils et auteurs retenus, même si leur présentation sera forcément rapide, devraient permettre de mieux cerner les défis que cache la notion d’innovation …

Parties annexes