FR :
La littérature normative, lorsqu’il est question d’étudier les pratiques religieuses passées, est souvent perçue comme limitative pour le chercheur ; en effet, les prescriptions morales contenues dans ce type d’écrits témoignent davantage des attentes du clergé en matière de moeurs et de piété que des pratiques effectives qui avaient cours parmi les fidèles. Au cours des dernières décennies, cette littérature a généralement été exclue du corpus documentaire de nombreux chercheurs qui s’intéressaient à la religion « vécue », afin d’éviter de transposer sur celle-ci une image biaisée, véhiculée par des productions ecclésiastiques. Au Québec, la notion de « réveil religieux », et le débat historiographique qu’elle a suscité au cours des années 1990, fournit un excellent exemple de catégorie, puisque cette notion s’est construite et fortifiée en l’absence d’une riche documentation qui, pourtant, encadrait la pratique que l’on comptabilisait et dont on cherchait à interpréter le sens. Cet article vise à montrer que la littérature normative peut donc s’avérer indispensable pour expliquer les transformations socioreligieuses d’une époque, et que c’est la prise en compte de cette documentation, dans les études historiques récentes, qui a mené à l’éclatement de la catégorie de « réveil religieux ».
EN :
Historians often perceive normative literature as restricting the scholarly study of past religious practices : the moral precepts contained in those writings inform readers about the clergy’s expectations related to piety and morality, but do not tell much about effective practices that prevailed among the faithful. In the last decades, many scholars interested in the religion as experienced by people have excluded normative literature from their documentary corpus, in an attempt to avoid transposing the biased image conveyed by ecclesiastical productions into their research. The concept of “religious revival” and the ensuing historiographical debate in Québec during the 1990s provides a good example of such a problem, this category being created and reinforced without taking into consideration the normative documentation underlying the religious practices historians were trying to explain. This article intends to demonstrate that normative literature may be crucial in explaining past socioreli- gious transformations, and that its use in recent historical studies has even contributed to invalidate the concept of “religious revival.”