Recensions

Lakshmi Kapani, The Philosophical Concept of Saṃskāra. Delhi, Motilal Banarsidass, 2013, 224 p.[Notice]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

Ce livre s’adresse en particulier à un public anglophone qui n’a malheureusement pas encore eu accès à la magistrale étude parue en français en deux tomes (en tout, 600 p.) il y a déjà une vingtaine d’années : La notion de saṃskāra dans l’Inde brahmanique et bouddhique (Paris, De Boccard Édition-Diffusion, 1992 et 1993), sauf à travers le long résumé en anglais (p. 5-41) qui l’introduit. Relativement bref, ce nouveau livre est le condensé (« the quintessence », p. xix) d’un ouvrage qui n’est pas prêt d’être dépassé. Le plan adopté dans ce livre suit de près le premier exposé de la recherche faite en 1992-1993. Le chapitre I (« The Philosophy of Sacrificial Act », p. 1-7) discute du vocabulaire qui sert à exprimer la construction de la personne de Prajāpati et celle du sacrifiant, en particulier dans les Brāhmaṇa, soit les verbes saṃk̥r ou abhisaṃk̥r, et introduit à la compréhension du terme de saṃskāra. Le chapitre II (« Representation of Hindu Life-Cycle », p. 9-31) aborde la question des saṃskāra en tant que rites de la vie ou rites de perfectionnement ; ces rites sont parfois avec moins de bonheur appelés des « sacrements » comme dans la tradition chrétienne, même si la réalité est nettement différente. Le chapitre III (« The Buddhist Attitude Towards Saṃskāras », p. 33-70) traite longuement de l’utilisation de ce même terme en contexte bouddhique. Les saṃskāra n’y désignent plus une activité rituelle, mais des formations mentales ou des compositions associées à l’impermanence. Le court chapitre IV (« Saṃskāra in Vaiśeṣika Thought : Mechanics and Psychology », p. 71-83) réserve des surprises : on y constate que le terme saṃskāra s’utilise autant dans le domaine physique (temps et espace) que psychologique. Il sert à lier des phénomènes hétérogènes en posant un chaînon intermédiaire, peu importe qu’il s’agisse du monde matériel ou du monde psychique. Les saṃskāra paraissent être essentiellement des « factors of mediation and continuity » (p. 80). Les théories du langage sont l’objet du chapitre V (« Role of Saṃskāras in Theories of Language », p. 85-90). Les saṃskāra, soutient Mme Kapani, jouent le rôle de mémoire intermédiaire. Ils servent à passer des phonèmes aux mots, ou des mots à la phrase. « Just as there is a persistency of a luminous impression on the retina, similarly there is a sonorous impression on the ear. Thus a psychological type of the explanation (the fact of taking recourse in the concept of saṃskāra) allows to fill the gap between articulation of sound and its comprehension ; between phonetics and semantics » (p. 86). Le chapitre VI (« The Advaita Vedānta Theory of Saṃskāras », p. 91-129) montre que l’Advaitavedānta maintient la perspective rituelle, tout en y ajoutant une conception des saṃskāra apparemment héritée du bouddhisme. Les saṃskāra prennent alors le sens de traces (vāsanā), de résidus karmiques, et établissent une continuité entre le passé d’un individu et ses actes présents et futurs. Le chapitre VII (« The Bhāva/Saṃskāra Theory in the Sāṃkhya Kārikās », p. 131-146) touche la philosophie sāṃkhya, où l’utilisation de ce terme peut soit se rapprocher du Vaiśeṣika soit prendre celui de prédispositions. Le chapitre VIII (« Ambivalence of Saṃskāras in the Yoga Sūtras of Patañjali », p. 147-166) est particulièrement original. D’abord perçus comme l’héritage d’un passé asservissant, les saṃskāra y apparaissent également comme des facteurs de libération puisqu’ils peuvent servir à remodeler le psychisme de l’adepte et à le conduire jusqu’à la pleine autonomie spirituelle. Le livre se termine par un bilan des questions philologiques …