Recensions

Jean-Marc Vercruysse, dir., La Tour de Babel. Arras, Artois Presses Université (coll. « Graphè », 21), 2012, 216 p.[Notice]

  • Gaëlle Brunelot

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  • Gaëlle Brunelot
    Université Laval, Québec

Le thème de la Tour de Babel, maintes fois abordé dans des recherches antérieures, est ici revisité à partir d’une perspective littéraire. Le directeur de cette publication, Jean-Marc Vercruysse, est responsable de l’UFR Lettres et Arts au Pôle d’Arras et s’est spécialisé dans l’exégèse patristique, ainsi que dans l’intertextualité biblique. Tout en reconnaissant d’emblée la portée théologique de ce mythe, il soutient que ce récit n’a cessé d’imprégner d’autres champs culturels tels que la politique, l’art et la littérature. Ces quelques versets bibliques ont donc traversé les âges en revêtant des tonalités singulières au gré des différentes époques qu’ils représentaient. De la Tour il ne reste que des vestiges, que les explorateurs de sens s’ingénient à tirer des limbes de l’oubli. Elle resurgit alors dans la mémoire des hommes — enveloppée d’un halo de brume onirique — et incite le voyageur égaré à gravir son chantier à jamais inachevé. Catherine Vialle ouvre cette étude littéraire en présentant le récit de la Tour de Babel tel qu’on le trouve dans la Bible. Elle replace d’abord cette péricope dans son contexte, soit après l’épisode du déluge (Gn 6-9) et avant celui du repeuplement de la terre par les trois fils de Noé (Gn 9,18-19). Elle met ensuite en évidence la structure en chiasme du passage et son axe central qu’est l’apparition de Dieu. La première partie s’articule autour de la construction de Babel qui se réalise sous le règne de l’unité ; tandis que la seconde traite de la confusion des langues et de la dispersion des hommes sur la surface du globe. Le récit se structure autour d’une opposition marquée entre le début et la fin de cette péricope, sous l’effet de la sentence divine qui provoque un retournement de la situation. De là émergent une série de couples dichotomiques qui vont accompagner les pérégrinations de ce mythe à travers les âges et les cultures : unité/dispersion, chantier/ruine, orgueil/humilité, etc. Corin Braga plonge plus loin dans le passé : elle se concentre sur le contexte d’émergence de ce mythe et en propose une interprétation à partir d’une relecture des thèmes religieux suméro-babyloniens. Elle rappelle qu’au temps d’Abraham (iie millénaire av. J.-C.), les proto-juifs en provenance d’Arabie se sont rendus vers la Mésopotamie, l’Asie et l’Égypte, avant de s’installer dans la terre de Canaan. Durant ce long périple ils ont été confrontés aux influences des Babyloniens et des Assyriens. Le contact avec les populations autochtones a donc introduit, au sein du corpus biblique, des bribes de croyances étrangères qui n’ont pas toujours été préservées dans leur état initial. Si la Ziggourat des Mésopotamiens, sorte de pyramide à niveaux, est une réplique de la montagne cosmique originelle et peut être assimilée à l’échelle de Jacob en tant que passage entre la terre et le ciel (Gn 28,11-19), la Tour de Babel, qui en est directement issue, est au contraire le lieu de l’avilissement des hommes et celui de l’orgueil. Cette perception syncrétique de la religion judaïque ne rend pas la Bible incohérente. Soumise à de nombreuses influences, celle-ci n’en conserve pas moins « un élément d’originalité irréductible », pour reprendre l’expression de Corin Braga (p. 25). L’un des éléments originaux qui se dégage de la religion judaïque est justement la dimension du châtiment divin qui jalonne la Genèse depuis l’épisode de la transgression de l’interdit par Adam et Ève dans le jardin d’Éden (Gn 3), et qui réapparaît dans la péricope de la Tour de Babel. Yoav Lévy met l’accent sur ce thème en se basant sur une source littéraire rabbinique ancienne : le Midrash Berechit Rabba (p. 45). Ce commentaire, …

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