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Depuis la publication du Code révisé de droit canonique de l’Église latine (1983), le canon 517 § 2, qui prévoit la participation de certaines personnes non revêtues du caractère sacerdotal à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse, a fait l’objet de nombreuses interprétations. Plusieurs études en droit canonique y ont été consacrées, mais, jusqu’ici, on ne disposait pas d’une étude déterminante s’attachant à présenter une évaluation théologique de cette innovation législative. C’est ce défi que veut relever François Moog dans cet ouvrage. Après en avoir présenté les interprétations de quelques théologiens francophones (Chauvet, Sesboüé, Routhier, Legrand, Tillard), l’A. s’engage dans l’exégèse du canon 517 § 2 en suivant les indications du législateur en matière d’interprétation des textes législatifs. Cela le conduit à présenter trois parcours : une lecture du canon dans son contexte immédiat en tentant d’en éclairer le sens à partir des lieux parallèles, de la finalité et des circonstances de la loi. Cette première démarche est suivie d’une histoire de la rédaction de ce canon et de la présentation de ses sources authentiques. Ce premier chapitre s’achève par une analyse du canon, ce qui va conduire l’A., dans le chapitre II, à en dégager les éléments à partir des termes stables et variables qui composèrent ce canon à diverses étapes de sa rédaction. Ces composantes se ramènent à trois : la pénurie de prêtre, la modération de la charge pastorale et la participation à l’exercice de cette charge pastorale.
C’est cette notion de participation, qui figure dans le titre de l’ouvrage, qui organise ensuite le reste de l’ouvrage. Puisque le Code de droit canonique doit traduire l’ecclésiologie de Vatican II et se référer au Concile comme à sa source, l’auteur examine d’abord le sens à accorder à la notion de participation dans les enseignements du concile Vatican II. Le relevé systématique des occurrences le conduit à identifier quatre champs où se retrouve le terme, dont deux principaux : la participation à la liturgie et la participation à la vie et à la mission de l’Église. Considérant Vatican II comme l’aboutissement des mouvements de renouveau du xxe siècle, l’A. examine ensuite le développement de la notion de participation dans ces deux domaines : la participation active des fidèles à la liturgie depuis le motu proprio Tra le sollecitudini (1903) (en trois chapitres : de Pie X à Pie XI, sous le pontificat de Pie XII et depuis Vatican II) et le développement de la notion de participation active des laïcs à l’apostolat de la hiérarchie (ici encore, en trois chapitres : son usage par Pie XI, la réserve de Pie XII qui lui préfère la notion de collaboration et son réinvestissement à Vatican II).
C’est en s’adossant à ces parcours bien conduits que l’A. en arrive à dégager la notion de participation impliquée dans le canon 517 § 2 et à offrir, en quatrième partie, une évaluation théologique de ce canon. L’auteur interroge alors dans une perspective ecclésiologique quelques éléments de ce canon : la pénurie de prêtres qui demeure difficile à évaluer et qui conduit à des solutions inadaptées et la centralité de la notion de participation. Cela conduit l’auteur à situer ce canon dans une perspective ecclésiologique. Suivant que l’on adopte une ecclésiologie christologique ou pneumatologique, une ecclésiologie qui met en avant le peuple de Dieu — où tous participent et quelques-uns président — ou le ministère — dont des fonctions sont éventuellement délégués à des laïcs dans le cas de pénurie de prêtres —, on arrive à des compréhensions différentes de ce canon. Suivant notre auteur, c’est la communauté chrétienne ou le peuple de Dieu, absents dans ce canon 517 § 2, qui, repris dans une autre perspective ecclésiologique, pourraient conduire à un renouveau de la conception de la charge pastorale par le curé.
L’ensemble est conduit avec rigueur et grande cohérence. La construction est très claire et la systématique de l’ouvrage bien réfléchie. L’ouvrage se lit bien et est abordable par tout chrétien cultivé. Ce point de vue théologique sur la prescription du droit est éclairant et aidera au discernement nécessaire dans la situation actuelle. En abordant cette question, l’A. a fait oeuvre utile et cet ouvrage sera sans doute apprécié dans les divers diocèses. Il ouvre une piste de réflexion intéressante, celle de la requalification des communautés chrétiennes, plutôt que l’expédient de la substitution du ministre ordonné, dans le cas de pénurie de prêtres.