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  • Jean Richard

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  • Jean Richard
    Faculté de théologie et de sciences religieuses Université Laval
    Québec

Ce dossier s’adresse aussi bien à ceux et celles qui s’intéressent à la philosophie de la religion qu’aux spécialistes de Paul Tillich. Que la religion doive faire aujourd’hui l’objet d’une réflexion philosophique approfondie, cela semble assez évident. Par contre, il est plus difficile de concevoir ce que doit être une philosophie de la religion. Outre la difficulté plus générale de concilier science et religion, se présente ici le problème des frontières entre les différentes sciences de la religion. Il n’est pas facile, en effet, de déterminer les limites de la philosophie de la religion entre la phénoménologie de la religion, d’une part, et la théologie, d’autre part. La phénoménologie de la religion s’attache aux divers phénomènes religieux pour en dégager les structures essentielles. Comme toute phénoménologie, elle se veut science de l’essence (religieuse) manifestée dans les phénomènes, ce qui la rapproche de la philosophie de la religion. Celle-ci, par ailleurs, présente plusieurs points communs avec la théologie, pour autant qu’elle s’intéresse à la croyance en Dieu, à l’éternité, au problème du mal, au pluralisme religieux, etc. Il s’avère alors opportun de se concentrer, de façon critique, sur un modèle particulier de philosophie de la religion. Celle de Paul Tillich se recommande à plus d’un titre. C’est un théologien philosophe qui hérite de la philosophie classique allemande, tout en se situant au coeur de la révolution politique, culturelle et religieuse allemande qui fait suite à la Première Guerre mondiale. De plus, Tillich porte une attention spéciale à la coordination des sciences humaines (Geisteswissenschaften), philosophiques, historiques et normatives. Il inclut la méthode phénoménologique comme un élément de sa philosophie de la religion et celle-ci se distingue de la théologie, qui est considérée comme science systématique, normative. Autre chose encore, et c’est là-dessus que porte plus particulièrement aujourd’hui la recherche spécialisée sur Tillich. Erdmann Sturm a édité récemment les manuscrits des cours donnés par Tillich, en tant que privat-docent, à l’Université de Berlin, en 1919 et 1920. On y trouve un cours de philosophie de la religion enseigné au semestre d’été 1920. Ce cours nous a semblé particulièrement important, puisqu’il donne accès aux éléments fondamentaux de la pensée religieuse de Tillich au tournant des années 1920, avant sa lecture, en 1922, du Römerbrief de Karl Barth. Il fait l’objet des trois articles centraux de ce dossier, ceux de Perrottet, de Richard et de Petit. 1. Il nous a paru utile, cependant, de prendre notre point de départ plus haut encore, dans un texte de 1919, intitulé « Justification et doute », présenté par Tillich à la Faculté de théologie de Berlin pour y faire connaître sa théologie, en vue d’un poste de privat-docent. Plus encore cependant qu’un simple thème théologique, celui de la justification par la foi, c’est le coeur même de la pensée religieuse de Tillich qui s’exprime là. Le problème central qui l’occupe est le devenir de la religion dans le monde moderne, où toute croyance religieuse est soumise à l’examen de la raison autonome, pour être critiquée, mise en doute ou tout simplement rejetée. Car le doute dont il s’agit va jusque-là : c’est le doute de l’incroyance qui s’attaque aux fondements mêmes de la foi, l’existence de Dieu et la révélation. Ce point crucial de la question religieuse à l’époque moderne constitue également le point de rencontre (de corrélation) de la théologie et de la philosophie. Roland Galibois rappelle ici bien pertinemment ce passage de Tillich, dans une lettre du 5 décembre 1917, adressée du front à Maria Klein : « À force d’approfondir mon idée de la justification, j’en suis venu depuis longtemps au paradoxe de la foi …

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