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Le traité 5 (V, 9) — traditionnellement intitulé Sur l’Intelligence, les idées et l’être — est, chronologiquement, le premier écrit dans lequel Plotin s’attache à décrire la nature de l’Intellect. Alexandrine Schniewind nous en offre ici une nouvelle traduction française, accompagnée, dans le style habituel de la collection « Les écrits de Plotin » aux Éditions du Cerf, d’une introduction visant à mettre en relief la structure et les thèmes du traité, de même que d’un long commentaire, ayant pour but d’exposer en détail le propos de Plotin. Dans l’introduction, l’A. situe bien le traité 5 dans l’oeuvre du philosophe. Comme elle l’observe avec raison, le traité est, parmi les premiers écrits de Plotin, étroitement lié au traité 7 (V, 4), dans la mesure où il propose une analyse de l’Intellect déjà constitué, alors que le traité 7 cherche, quant à lui, à esquisser des réponses à diverses questions liées à « l’origine de la multiplicité de l’Intellect » (p. 15). Elle montre également que « la particularité du traité » réside dans « la manière dont Plotin assimile (ou mélange) les différentes approches [principalement platoniciennes et péripatéticiennes] de l’intellect » (p. 25) ; et elle en dégage clairement les trois thèses principales, selon lesquelles « a) l’Intellect est séparé ; b) l’Intellect est les êtres réels ; [et] c) tout est être intellectuel » (p. 27). L’introduction s’achève par un utile et intéressant développement sur la transmission de la théorie plotinienne dans le monde arabe. L’auteur y rappelle entre autres, ce qui illustre bien l’influence qu’a pu exercer Plotin, que le Traité sur la science divine (Rissala fi al-’ilm al-ilahi), un texte attribué dans le titre à Farabi, « présente la noétique plotinienne en se fondant sur une grande partie de la cinquième Ennéade », et « contient d’importantes paraphrases du traité 5 » (p. 40), plus précisément des chapitres 1, 2, 3, 6, 7, 10, 11 et 13. La nouvelle traduction du texte proposée par Schniewind est à la fois précise et élégante. Et lorsque l’auteur choisit, en huit endroits, d’apporter des modifications aux éditions d’Henry-Schwyzer, elle le fait pour des raisons tout à fait valables. Quant au commentaire, il remplit dans l’ensemble son office, qui est de faciliter la compréhension du traité. Dans cette dernière partie, les développements sur les trois types d’hommes (p. 90-97), et sur la place des arts et des objets d’art dans l’intelligible (p. 190-198), nous ont paru spécialement dignes d’intérêt. Signalons au passage que le style sans afféterie de l’auteur facilite grandement l’élucidation et la reconstruction de la pensée, souvent tortueuse, de Plotin. On ne peut que louer un tel style, réglé par des considérations purement scientifiques. C’est donc favorablement qu’on accueillera ce livre, qui constitue une bonne contribution aux études plotiniennes.