Recensions

Paolo C. Biondi, Aristotle. Posterior Analytics II.19. Introduction, Greek Text, Translation and Commentary. Accompanied by a Critical Analysis. Québec, Les Presses de l’Université Laval (coll. « Zêtêsis »), 2004, xii-309 p.[Notice]

  • Martin Achard

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  • Martin Achard
    King’s College London, United Kingdom

Le chapitre II 19 des Seconds Analytiques, qui traite de l’origine du savoir et de l’acquisition des principes de la science, représente l’une des pièces maîtresses du corpus aristotélicien, de même que l’un des textes-clés de l’histoire de l’épistémologie. Dans ce qui constitue, pour une part, la version remaniée d’une thèse de doctorat soutenue en 1999 à l’Université Laval, Paolo C. Biondi nous en propose une nouvelle traduction anglaise accompagnée, en regard, du texte grec établi par W.D. Ross (p. 14-19), et suivie d’un commentaire (p. 21-65), d’une longue « analyse critique » (p. 69-261), et d’un appendice portant sur « la causalité de l’acte de noêsis » (p. 263-277). La traduction est, dans l’ensemble, fidèle et soignée, et l’auteur justifie et nuance pertinemment ses principaux choix. Par exemple, considérant que « the term habit has other connotations in contemporary English that may cause confusion » (p. 29), il choisit de rendre le mot ἕξις, qui apparaît six fois en II 19, par « state », mais observe avec raison que « habit has the advantage of better manifesting the developmental character of cognitive life since a habit is nothing other than a capacity’s developed ability to act » (ibid.). Quant au terme νοῦς, qui est utilisé cinq fois dans le développement final des Seconds Analytiques, et que plusieurs commentateurs récents choisissent de traduire simplement par « intellection », Biondi préfère maintenir la traduction, plus traditionnelle, par « intuition » ou « intuitive knowledge », arguant notamment du fait, qui paraît irréfragable, qu’appeler « intellection » le phénomène désigné en 100b5-17 par le terme νοῦς « tells us nothing more than that it is an activity of the intellect, whereas calling it an intuition or an act of intuition opens the door to specifying the nature of this activity in contradistinction to the rational-discursive operation of the intellect » (p. 11). À d’autres endroits, toutefois, l’auteur est capable de faire preuve d’originalité, comme l’illustre, dans le développement des lignes 99b34-100a9, son heureuse traduction du syntagme γίνεσθαι λόγον (100a2) par « an order is generated », ce qui donne, dans le contexte de la phrase : « After many […] persistent perceptions have been generated (in the soul(, another difference arises such that for some animals an order is generated from the persistence of such (perceptions( ; for others, this does not (occur( » (p. 17 ; nous soulignons). Cette traduction de λόγος par « order », plutôt que par « notion » ou « concept », « is an attempt to reconcile two points : first, the affirmation that experience is composed of many memories ; and secondly, the fact that λόγος refers to the intellect » (p. 39). En fait, selon Biondi, par cet emploi du terme λόγος, Aristote entendrait signifier qu’à un certain moment du processus qui, partant de la perception sensible, culmine dans l’acquisition des principes de la science, « sense cognition acquires a certain order and level of organization […] due to the presence and influence of the intellect on sense » (ibid.). On touche ici à la thèse centrale de l’ouvrage, selon laquelle, contrairement à ce que pourrait suggérer une lecture empiriste d’Aristote, « perception, in the case of humans at least, is already from the start intellectual or intelligible, or at least potentially so » (p. 35), et selon laquelle, partant, l’intellect accompagnerait naturellement, en bon aristotélisme, les opérations du sens. De fait, cette thèse — qui ne rencontre sans doute pas, à l’heure actuelle, l’aval d’une majorité de commentateurs — paraît trouver un étai solide dans la …