Recensions

Hans Urs von Balthasar, La théologie de l’histoire. Traduction de l’allemand par R. Givord. Paris, Éditions Parole et Silence, 2003, 132 p.[Notice]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane, Québec

Ce livre est la brillante synthèse d’une oeuvre qui figure au premier plan de la pensée catholique du xxe siècle. En Jésus-Christ, le Logos n’est plus le royaume des idées, des valeurs et des lois qui régissent l’histoire et lui donne un sens. Il est lui-même histoire. Jésus-Christ, étant un vrai homme, la valeur universelle et abstraite des lois fondées dans la nature humaine a participé en lui à son assomption dans l’union avec la personne du Verbe divin. Jésus-Christ, comme centre du monde et de son histoire est la clé d’interprétation non seulement de la création, mais d’une certaine compréhension du mystère de Dieu. Jésus-Christ, en tant qu’il est l’Unique, est le Seigneur de toutes les normes créées dans le royaume des essences et dans l’histoire. Dans cette perspective, la vie du Christ apparaît comme l’accomplissement de l’histoire. Le Christ, par sa vie individuelle, se présente comme la plénitude de l’histoire. Sa vie devient la norme de toute vie historique et par conséquent de toute histoire. Cette fonction normative, l’A. l’aborde sous deux aspects : comme qualité de celui qui est norme, c’est-à-dire Christ, mais aussi comme qualité de ce qui est soumis à la norme du Christ : le chrétien et l’Église, et finalement l’homme et l’histoire dans son ensemble. Le premier chapitre de l’ouvrage aborde le temps du Christ. La réceptivité pour tout ce qui vient du Père est précisément ce qu’est le temps et ce qui fonde la temporalité pour le Fils, dans sa forme d’existence créée. Elle est cette structure foncière de son être, par laquelle il est à chaque instant ouvert pour l’accueil de la mission paternelle. Le rapport de Jésus à « son heure », qui est l’heure du Père, le confirme. Son heure est essentiellement heure qui « vient », qui est là en tant qu’elle vient, et détermine ainsi tout ce qui arrive avant elle et se dirige vers elle. Elle est toujours celle qui vient d’arriver et ne peut être commandée à l’avance d’aucune manière. Pas même par une science, car ce serait là une anticipation qui détruirait l’accueil nu, pur, sans réserve, de ce qui vient du Père. Le deuxième chapitre de l’ouvrage aborde l’histoire dans le Christ. Le temps du Christ est l’expression du fait qu’il renonce à conduire lui-même son existence. Dans l’ensemble comme dans les détails, le Christ veut la laisser devenir un mémorial du Père dans le monde. C’est le Père que sa vie doit faire connaître, non lui-même. Dans le Verbe divin, il n’y a aucune contemplation antérieure à l’action. Il n’y a aucun intervalle entre le donateur et le don. L’accomplissement de la volonté paternelle coïncide parfaitement pour lui, avec la connaissance réelle du Père lui-même, avec l’intuition existentielle de sa vérité. Ainsi donc, il n’obéit pas seulement à l’ordre vertical du Père. Il lui obéit aussi d’une manière horizontale, en accomplissant par amour pour son Père et pour sa gloire jusqu’au moindre iota de la Loi dont il manifeste ainsi l’excellence. Le Fils ne comprend pas sa souveraine soumission à la Loi comme une contrainte, mais il l’éprouve avec la gratitude la plus libre envers le Père dont il reconnaît l’amour dans la Loi. La véritable raison de l’histoire, selon l’A., est l’action du Fils, dont l’originalité unique délivre l’histoire et lui permet de s’épanouir dans une authenticité propre. L’histoire se soumet au Fils et le Fils à l’histoire. L’espace de la liberté divine ouvre l’espace de la liberté humaine. Dans cet espace l’homme peut créer sa propre histoire. Ce n’est pas un espace vide, mais un espace informé, structuré …