Recensions

Philippe Meirieu, Le pédagogue et les droits de l’enfant : histoire d’un malentendu ? Éditions du Tricorne & Association suisse des amis du Dr Korczak, 2002, 46 p.[Notice]

  • Étienne Haché

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  • Étienne Haché
    Tours

Les travaux de Philippe Meirieu, philosophe et spécialiste des questions d’éducation, constituent aujourd’hui des références incontournables. La preuve nous en est encore fournie avec ce tout petit livre dans lequel il nous convie à faire le point sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Formulée pour la première fois en septembre 1924, puis redéfinie en novembre 1959, pour finalement être adoptée trente ans plus tard, soit le 20 novembre 1989, par l’Assemblée générale des Nations Unies, cette Convention, constituée de 54 articles, est le fruit d’une longue histoire que l’on peut certes inscrire dans la filiation de Montaigne et de Rousseau, mais qui remonte en réalité au début des années 1920, à l’initiative d’un certain « Janusz Korczak qui réclama pour la première fois à la Société des Nations une “Charte pour la protection des enfants” » (p. 5). À l’origine, Meirieu rappelle que ladite Convention se voulait, conformément aux voeux exprimés par Korczak lui-même, un plaidoyer en faveur de « la spécificité de l’enfance » face au « réductionnisme » de l’époque (p. 8-12). Mais, au-delà de ce souci de reconnaissance et du respect de l’enfant comme un être radicalement autre, « irréductible à la vision d’un adulte en miniature », la déclaration des droits de l’enfant est aussi un texte qui remet en cause le modèle traditionnel de l’hégémonie de l’adulte sur l’enfant, ceci en vertu du fait que ce dernier est, au même titre que l’adulte, « un être de raison » — bien qu’à un degré différent —, donc aussi radicalement même. Est-ce à dire pour autant, aux yeux de ses rédacteurs, que l’adulte doive « abdiquer de ses prérogatives spécifiques » ? Non, répond Meirieu. Seulement, en concevant l’acte pédagogique comme « rencontre » de l’inattendu et « résistance » de l’enfant, il se doit de quitter « le registre du troc pour celui de la promesse ». Admettre comme vecteur de l’éducation cette double règle d’insurrection, c’est, dit-il, loin de la fatalité de l’abstention et de la démission, le meilleur moyen d’éviter de confondre action (praxis) et fabrication (poiêsis), et ainsi « transmettre sans conformer ». Car, de rappeler Meirieu, « nous ne pouvons fabriquer personne […] sauf à nous vouer et à vouer l’autre au malheur » : Pygmalion, Pinocchio, le Golem et le docteur Frankenstein sont à ses yeux de belles illustrations de cette rêverie tirée du roman et des films de science-fiction (p. 7, 12-23). Qu’à cela ne tienne, le mouvement pédagogique initié par J. Korczak, et qui trouvera son expression à travers le texte de la Convention internationale des droits de l’enfant, tant par les questions qu’il soulève et les polémiques qu’il ne cesse d’engendrer, « est loin de faire l’unanimité » (p. 7). Poursuivant son analyse, P. Meirieu souligne que les objections qui lui sont adressées peuvent être formulées de la manière suivante : « […] le seul véritable droit de l’enfant est le droit […] à recevoir une éducation que seuls des adultes […] peuvent lui donner » (p. 23). On entend bien, à la lumière de cette affirmation, qu’aux yeux de ses critiques la Convention jouerait sur deux plans qui sont en réalité diamétralement opposés : d’une part elle stipule « la nécessité de protéger l’enfant » (Préambule de la Convention), d’autre part elle insiste sur son « droit à la liberté d’expression » (articles 13-1 et 14-1). En somme, à leurs yeux, les droits de l’enfant auraient ouvert la porte à « l’univers de “l’enfant-roi” » et conduit à la démission des adultes face à « l’exigence éducative …

Parties annexes