Recensions

Éric Fuchs, L’éthique chrétienne. Du Nouveau Testament aux défis contemporains. Genève, Éditions Labor et Fides (coll. « Le Champ Éthique », 40), 2003, 151 p.[Notice]

  • Guy Jobin

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  • Guy Jobin
    Université Laval, Québec

L’ouvrage du professeur Fuchs doit être vu comme un point d’orgue dans la réflexion qu’il mène depuis plusieurs années en éthique théologique. Son oeuvre incarne le souci de penser les conditions de possibilité de l’inscription de la tradition morale chrétienne dans les sociétés contemporaines, marquées au coin du pluralisme et de la sécularisation. Ayant rédigé quelques ouvrages sur l’apport de la tradition protestante, il nous convie maintenant à une lecture de textes néotestamentaires faite selon le fil rouge de sa réflexion éthique. L’orientation herméneutique est indiquée dès le début de l’ouvrage : l’auteur cherche à rendre la diversité des interprétations éthiques néotestamentaires de l’événement que constituent la vie, la mort et la résurrection du Christ. Loin de « réduire [l’éthique néotestamentaire] sous quelque synthèse artificielle » (p. 12), Éric Fuchs insiste sur le fait que « le Nouveau Testament [ci-après NT] ne peut être ramené à une seule interprétation de l’oeuvre et de la personne de Jésus, pas plus qu’à une unique compréhension de la metanoia et de ses conséquences […] » (p. 111). C’est dire que les postures morales recelées dans le NT doivent être abordées sous le sceau de la diversité. Prenant appui sur des travaux d’exégètes et de sociologues du NT, É. Fuchs établit la diversité des « modèles éthiques » à partir des interrogations des communautés croyantes perçues au travers du texte. Les quelques modèles identifiés et décrits par l’auteur sont des modèles de l’auto-compréhension que les premières communautés chrétiennes ont de leur rapport avec leur monde ambiant. Toute herméneutique, toute lecture a ses présupposés. Ceux d’É. Fuchs sont explicites et dûment énoncés. Selon lui, les questions qui se posaient aux premières communautés chrétiennes sont, somme toute, les mêmes que celles des chrétiens actuels : « […] que peut signifier la Loi de Dieu donnée à Israël pour des chrétiens, et comment se situer face aux expressions si riches et impressionnantes de la culture ? » (p. 121). La transposition de ces questions dans le contexte actuel est à faire, du moins pour la première puisqu’il ne s’agit pas ici nécessairement de la Loi de Dieu comme telle, mais bien de la tradition chrétienne, de cet inlassable effort d’interprétation située et contextuelle des intuitions profondes qui animent le christianisme. Bref, c’est la pertinence même du christianisme pour notre temps qui est en cause. Le pari de Fuchs est alors de visiter des textes néotestamentaires pour en exprimer les modèles éthiques opératoires. Il ne s’agit pas alors d’une exégèse au sens strict, mais bien d’une lecture contextuelle de textes à partir d’une préoccupation de notre temps. En ce sens, et du point de vue de l’éthique théologique, cette posture herméneutique est tout à fait légitime. C’est pourquoi ce n’est pas tant sur la conformité ou non avec l’exégèse contemporaine que nous porterons ici un jugement que sur la méthodologie à l’oeuvre dans cette proposition d’une éthique chrétienne contemporaine. L’ouvrage est constitué de trois parties d’ampleur variée. La première partie (p. 15 à 114) est constituée par les relectures de textes néotestamentaires. Ce n’est pas tout le NT qui est examiné. L’ordre de présentation choisi par l’auteur suit, à quelques exceptions près, celui de la séquence chronologique de rédaction des textes retenus : les épîtres pauliniennes (1 Th, Ga, 1 et 2 Co, Rm), des évangiles (Mt, Lc, Mc, Jn et la tradition johannique), les textes deutéro-pauliniens (Ep, 1 Tm, Tt), l’épître de Jacques et, enfin, la première lettre de Pierre. Sont laissées de côté la lettre aux Hébreux, l’Apocalypse, les épîtres à Jude et à Philémon, la deuxième lettre de Pierre. Chaque bloc de textes retenus est …

Parties annexes