Les six textes qui font partie de ce dossier sont le fruit des réflexions d’une cohorte de huit étudiants et étudiantes de doctorat en sciences des religions de l’Université Laval sous la direction du professeur André Couture. Ce séminaire se proposait, tout en s’appuyant sur les démarches spécifiques et diversifiées de chacun des participants, de laisser peu à peu émerger un thème commun, une question méthodologique, ou encore une problématique de recherche susceptible de faire l’unanimité. Il s’agissait à la fois d’enraciner chacun des doctorants encore davantage dans sa propre recherche, tout en l’ouvrant à des questions qu’ils ne s’étaient peut-être pas encore posées au moins pas de cette façon-là. C’est donc au cours de ce séminaire qui s’est déroulé en 2002-2003 (dans une démarche conjointe avec l’Université du Québec à Montréal et l’Université Concordia), et après toutes sortes de discussions plus ou moins fructueuses, qu’a fini par s’imposer chez les étudiants de l’Université Laval ce thème de la réception, tel qu’il apparaît dans l’ouvrage décisif de H.R. Jauss, Pour une esthétique de la réception. Le but visé par cette démarche en était un à la fois d’unification et d’approfondissement : faire faire à ces doctorants l’expérience d’un véritable colloque scientifique portant sur un thème spécifique et en même temps amener des chercheurs en herbe à porter un regard nouveau sur des objets de recherche connus. Puisque la réception veut être le thème articulateur des six contributions retenues ici, il importe d’en dire d’abord quelques mots. Ces propos ont servi à introduire les huit travaux présentés en avril 2003 lors du colloque de clôture de ce séminaire. Il paraît utile de les reprendre ici pour préciser l’apport à la recherche de cette théorie de la réception et la situer d’un point de vue théorique. Force est de reconnaître qu’en ce domaine comme en beaucoup d’autres les écoles abondent, et qu’on ne peut simplement évoquer un tel concept sans, par ailleurs, s’astreindre à certains choix. De manière générale, on entend par « réception » une entreprise plurielle de la théorie littéraire allemande mettant l’accent sur la réaction du lecteur plutôt que sur l’auteur et le texte comme on le fait habituellement. Instituée par Hans Robert Jauss (1921-1997) et Wolfgang Iser (1926- ) lors de deux conférences inaugurales à l’Université de Constance, l’« esthétique de la réception » (Rezeptionsästhetik) s’est aussitôt dissociée des autres théories littéraires en récusant l’idée selon laquelle l’acte de lecture serait un acte passif. Bien au contraire, cette théorie postule une participation active du lecteur en fonction de valeurs littéraires (ou conditions d’appropriation) qui évoluent au gré du temps et de l’espace. « À l’activité esthétique de la production émanant de l’auteur, répond une activité esthétique de réception de la part du lecteur. Tout acte de lecture est une création, en conséquence, tout acte de réception est unique. » Il en résulte, pour l’oeuvre, des actualisations ou concrétisations très diverses, selon les significations virtuelles dont elle se trouve chargée par l’acte de lecture. Cette convergence théorique entre les deux auteurs — que partagent aussi, notamment, Manfred Fuhrmann, Rainer Warning, Karlheinz Stierle, Dieter Henrich, Günther Buck, Jürgen Habermas, Peter Szondi et Hans Blumenberg — ne doit pourtant pas nous abuser. En effet, alors qu’Iser préfère les approches interprétatives du New Criticism anglo-saxon et de la théorie narrative, s’inspirant ainsi largement de Roman Ingarden et de la phénoménologie allemande, Jauss se préoccupe plutôt de réintroduire une historicité au sein de la théorie littéraire. Contrairement à Iser, qui s’attarde à la relation individuelle entre le lecteur et le texte (comment le lecteur s’identifie — ou « répond » …
LiminaireAmorce de réflexions autour de la théorie de la réception de H.R. Jauss[Notice]
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Benjamin-Hugo Leblanc
Faculté de théologie et de sciences religieuses
Université Laval, Québec