Résumés
Résumé
Un débat est présentement en cours sur l’opportunité ou non d’établir des liens entre l’éthique et les neurosciences. À première vue, cette proposition remet en question une conception traditionnelle de l’éthique qui se distingue des sciences empiriques. Elle semble, entre autres, suggérer une façon déterministe et réductionniste de voir l’éthique. Nous soutenons dans cet article que, contrairement à ce que laissent entendre certaines critiques, les neurosciences peuvent être pertinentes pour l’éthique. Cinq arguments contre l’apport des neurosciences en éthique sont présentés et discutés (déterminisme, paralogisme naturaliste, dualisme, réductionnisme et hégémonie de l’objectivité). Nous soutenons que ces arguments n’impliquent pas l’impossibilité d’intégrer les neurosciences en éthique, sinon qu’ils suggèrent des façons plus nuancées de le faire. Suivant cette discussion, nous présentons une approche neurophilosophique émergentiste et interdisciplinaire qui se distingue de la « neurophilosophie de l’éthique » proposée par Patricia Churchland. Nous enchaînons ensuite avec la présentation d’un secteur de recherche en neurosciences (neurosciences du raisonnement moral et des émotions morales) qui illustrent l’intérêt de l’approche proposée. L’article conclut en présentant quelques commentaires critiques.
Abstract
Debates are taking place on the opportunity or not of establishing links between ethics and neuroscience. At first glance, this proposition jeopardizes a traditional conception of ethics that distinguishes it clearly from the empirical sciences. Taking this step seems to involve a deterministic and reductionist view of ethics. We argue in this article that, contrary to the views of some critics, neuroscience can be useful for ethics. Five arguments against integrating neurosciences in ethics are presented (determinism, naturalistic fallacy, dualism, reductionism and the hegemony of objectivity). We claim that these arguments do not imply the impossibility of the integration of neuroscience in ethics but constitute rather important qualifications that must be taken into account. Our next step is to present an emergentist and interdisciplinary neurophilosophical approach, which we distinguish from the neurophilosophy of ethics proposed by Patricia Churchland. We go on with the presentation of a research sector in neurosciences (neuroscience of moral reasoning and moral emotions) that illustrates the interest of the proposed neurophilosophical approach. The article concludes with critical remarks.