Dossier publié sous la direction de Claude Lafleur

LiminaireÉtapes et modes d’un enseignement philosophique au XIIIe siècle : introduire, commenter, examiner[Notice]

  • Claude Lafleur

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  • Claude Lafleur
    Faculté de philosophie et Institut d’études anciennes
    Université Laval, Québec

Au xiiie siècle, les garçons qui entreprenaient leurs études universitaires à Paris — alors principal centre culturel de tout l’Occident — le faisaient, vers l’âge de quatorze ans, en fréquentant, pour une période d’environ six ans et suivant leur nation, une des écoles de la « Faculté des arts » (« Facultas artium »), une faculté en passe de devenir ou déjà devenue, selon le moment considéré, une « Faculté de philosophie ». Plus précisément, une « Faculté d’Aristote », étant donné la place prépondérante occupée par les oeuvres du Stagirite dans ce programme scolaire. Une « Faculté de logique » aussi, car, pendant de nombreuses décennies, les traités qui composent ce que nous appelons maintenant l’« Organon » d’Aristote, à peine concurrencés par les Institutions grammaticales de Priscien, volaient de loin la vedette dans cet ensemble, d’après, entre autres, le témoignage de plusieurs documents reflétant la pratique enseignante de l’époque. Mais il faut nuancer. Tout comme la conférence universitaire inaugurale prononcée par un maître de la Faculté des arts devait être un « Éloge de la philosophie » (une « Commendatio philosophiae »), la première leçon suivie par le jeune universitaire prenait normalement la forme d’une « division des sciences » précédée d’une apologie de la discipline philosophique, ce que, d’un mot, on appelait souvent une « Philosophia », c’est-à-dire une « Introduction à la philosophie », elle-même prologue, le plus fréquemment, à la lecture de l’Isagoge de Porphyre, un petit traité fort célèbre depuis des siècles, servant à son tour il est vrai de préambule à l’étude des Catégories d’Aristote, enfin considérées quant à elles comme le début de la série des écrits aristotéliciens sur la logique. Quoi qu’il en soit, « introduire », sous ce mode, était la première étape de cet enseignement universitaire. Autre nuance nécessaire. Certaines matières liées à l’antique schème des arts libéraux (le quatuor des disciplines mathématiques et, parmi le trio langagier, la rhétorique ainsi qu’un opuscule grammatical de Donat), aux références philosophiques du Haut Moyen Âge (le Timée de Platon, la Consolation de la Philosophie de Boèce) ou à une partie en émergence du corpus aristotélicien (l’éthique) se sont vu réserver des plages horaires minimales, seuls les cours relatifs à ces sujets étant permis les jours fériés. Cette dernière discipline — l’éthique — a vraisemblablement dû être promue au rang de cours ordinaire avant le milieu du xiiie siècle, comme le suggèrent les quelques commentaires préservés sur les livres I-III alors (seuls vraiment) connus (des X livres) de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote. Avec les exégèses — majoritaires — sur la logique et la grammaire, ces exégèses scolaires sur la morale aristotélicienne formaient la trame même du discours magistral. « Commenter » marquait donc la seconde étape et le second mode de ce cheminement universitaire. Plusieurs années plus tard, une fois suivis les cours requis et remplies les autres exigences académiques, l’étudiant devait se soumettre à un examen oral portant sur l’éventail des matières abordées. « Examiner » les connaissances disciplinaires et les habiletés dialectiques constituait ainsi la troisième étape et l’ultime mode du cursus des études à la Faculté des arts. Il ne restait plus alors au candidat couronné de succès qu’à promettre d’exercer une régence de deux ans — où en tant que maître il aurait à utiliser immédiatement connaissances et habiletés acquises — pour se voir accorder la « licence d’enseigner » (« licentia docendi »). Cette esquisse cavalière de la formation philosophique dispensée à Faculté des arts de Paris permet de mieux caractériser la nature et d’entrevoir l’apport de chacune des trois contributions que contient …

Parties annexes