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L’ouvrage est une collection d’articles offerts à Joël Delobel à l’occasion de sa retraite comme professeur d’études bibliques à la Faculté de théologie de la Katholieke Universiteit de Leuven. Ces articles traitent à des degrés divers des relations entre critique textuelle et exégèse, un sujet cher au professeur Delobel qui a mérité à maintes reprises son attention.
On y retrouve les articles suivants : Barbara Aland, « Kriterien zur Beurteilung kleinerer Papyrusfragmente des Neuen Testaments », p. 1‑13 ; Johan Lust, « Textual Criticism of the Old and New Testaments : Stepbrothers ? », p. 15‑31 ; William Petersen, « The Genesis of the Gospels », p. 33‑65 ; James Keith Elliott, « The Parable of the Two Sons. Text and Exegesis », p. 67‑77 ; Camille Focant, « Un silence qui fait parler (Mc 16,8) », p. 79‑96 ; Tjitze Baarda, « A “Non-Canonical Version” of Luke 7,42B ? The Reading τίνα [αὐτῶν] πλεῖον ἠγάπησεν Ascribed to the Diatessaron », p. 97‑128 ; Christopher M. Tuckett, « Luke 23,43‑44. The “Agony” in the Garden and Luke’s Gospel », p. 131‑144 ; Frans Neirynck, « Luke 24,12. An Anti-Docetic Interpolation ? », p. 145‑158 ; Gilbert Van Belle, Κυρίος or Ἰησοῦς in John 4,1 ? », p. 159‑174 ; Marie-Émile Boismard, « Le prince de ce monde sera jeté en bas. Jn 12,31 », p. 175‑181 ; Reimund Bieringer, « The Spirit’s Guidance into All the Truth. The Text-Critical Problems of John 16,13 », p. 183‑207 ; Christian-Bernard Amphoux, « Les variantes et l’histoire du “décret apostolique”. Actes 15,20.29 ; 21,25 », p. 209‑226 ; Eldon J. Epp, « Text-Critical, Exegetical, and Socio-Cultural Factors affecting the Junia/Junias Variation in Romans 16,7 », p. 227‑291 ; Raymond F. Collins, « The Case of a Wandering Doxology. Rom 16,25‑27 », p. 293‑303 ; Veronica Koperski, « “Mystery of God” or “Testimony of God” in 1 Cor 2,1 », p. 305‑315 ; David C. Parker, « The Development of the Critical Text of the Epistle of James. From Lachmann to The Editio Critica Maior », p. 317‑330 ; Jan Lambrecht, « Rev 13,9‑10 and Exhortation in the Apocalypse », p. 331‑347 ; J. Neville Birdsall, « Irenaeus and the Number of the Beast. Revelation 13,18 », p. 349‑359 ; Joseph Verheyden, « Assessing Gospel Quotations in Justin Martyr », p. 361‑377.
Les articles de William Petersen et d’Eldon Epp méritent à notre avis une attention particulière du fait qu’ils traitent des principes et du futur de la critique textuelle du Nouveau Testament. L’article de Petersen, « The Genesis of the Gospels », rappelle que le texte des évangiles imprimé dans les éditions courantes du Nouveau Testament grec représente un état du texte postérieur aux années 180. Petersen démontre que toute tentative pour reconstruire un texte antérieur à l’aide des témoignages fournis par Clément d’Alexandrie, Théophile d’Antioche, Irénée, Tatien, Justin Martyr, Papyrus Egerton no 2, Ignace d’Antioche, 1 Clément et Didachè se heurte à d’importantes difficultés. Ainsi, l’harmonisation des passages des différents évangiles est monnaie courante dans ces documents qui intègrent aussi fréquemment des témoignages extra-canoniques et comptent de nombreuses variantes absentes de la tradition manuscrite ou peu attestées ailleurs. Enfin, l’ordre des éléments y est souvent différent de celui des évangiles canoniques. Pour compliquer encore plus les choses, Petersen montre que plus on recule dans le temps, moins on trouve de citations directes des évangiles et moins il semble y avoir d’intérêt pour les paroles de Jésus de même que pour des éléments biographiques. Par exemple, si la lettre de Clément aux Corinthiens compte six citations ou allusions explicites aux évangiles, on y trouve en comparaison 135 citations ou allusions à la Septante. De plus, cette lettre n’identifie spécifiquement aucun des quatre évangiles ni ne fait allusion à un évangile écrit. La Didachè constitue un autre exemple de ce phénomène. En effet, si Did. 1,3‑6 énumère des paroles qui se trouvent également dans le Sermon sur la Montagne de Matthieu 5‑7, l’ordre de ces paroles ne correspond pas à celui des évangiles selon Matthieu ou selon Luc. On y trouve aussi au moins une parole dont l’origine est inconnue. Enfin, ces paroles ne sont jamais explicitement attribuées à Jésus. Compte tenu de ces phénomènes dans la littérature chrétienne du iie siècle, Petersen questionne certaines prétentions à reconstituer les « autographes » des évangiles et même le verbatim des paroles de Jésus : « To be brutally frank, we know next to nothing about the shape of the “autograph” gospels ; indeed, it is questionable if one can even speak of such a “thing”. This leads to the inescapable conclusion that the text in our critical editions today is actually a text which dates from no earlier than 180 c.e., at the earliest » (p. 62).
Bien plus que de simplement traiter de la variante Junia/Junias en Rm 16,7 comme pourrait le laisser entendre le titre « Text-Critical, Exegetical, and Socio-Cultural Factors affecting the Junia/ Junias Variation in Romans 16,7 », l’article de Eldon Epp discute de l’évolution récente de la critique textuelle du Nouveau Testament longtemps exclusivement conçue comme la recherche du « texte original ». Cette discipline est devenue plus exégétique, plus théologique et plus herméneutique, plus consciente aussi de ses faiblesses méthodologiques et des aspects idéologiques de certaines décisions textuelles. La variante Junia/Junias en Rm 16,7 illustre d’ailleurs cette dernière facette de la discipline. En effet, alors que le nom « Junia » était un nom de femme assez répandu dans l’Antiquité gréco-romaine, plusieurs éditeurs, lexicologistes et commentateurs du Nouveau Testament grec du xxe siècle se sont obstinés à en faire un nom masculin à l’encontre de tous les usages anciens. En effet, Paul décernait à ladite Junia le titre d’apôtre. Même si cette perspective était reconnue par Jean Chrysostome à la fin du ive siècle [In ep. ad Romanos 31.2 (PG 60:669‑670)] et semble ne pas avoir causé problème aux éditeurs des siècles suivants, les éditions du Nouveau Testament grec masculinisent le nom à partir de 1927 (Nestle 13e éd.). Les commentateurs et éditeurs justifient cette décision par l’invraisemblance qu’une femme ait pu être apôtre. Ce n’est qu’avec la 4e impression de la 27e édition du Novum Testamentum Graece Nestle-Aland et de la 3e impression de la 4e édition du Greek New Testament des United Bible Societies que Junia est redevenue une femme en Rm 16,7.
Plusieurs autres articles constituent des contributions pertinentes non seulement sur le plan de la critique textuelle du Nouveau Testament, mais aussi de l’exégèse de certains passages pour lesquels le choix du texte influence grandement l’interprétation. Le volume comporte un index onomastique.