L’art religieux de la tradition chrétienne a connu diverses manifestations selon les lieux et les époques, et ce merveilleux livre d’art rend compte admirablement de cette étonnante diversité culturelle, au sein de ce que fut l’empire byzantin. Mais alors qu’on aborde généralement les différentes étapes de l’art occidental depuis la Renaissance, marquée par la généralisation de la perspective, on néglige beaucoup trop rapidement l’art médiéval dans les recherches en esthétique et dans l’édition française. Cet ouvrage étoffé contribue à rendre justice à cette importante période artistique assez méconnue. En réalité, Rayonnement de Byzance est beaucoup plus qu’un beau livre d’art ; il touche à la fois l’histoire religieuse, l’esthétique, l’architecture, les mouvements des idées et les conflits idéologiques. Il permet de comprendre comment certains empires réussirent à dominer d’autres nations, uniquement grâce à la puissance de leur culture et au talent de leurs artistes. L’ouvrage se subdivise en deux parties principales, que nous décrirons successivement. La première moitié a été entièrement rédigée par l’historienne de l’art Tania Velmans, et porte principalement sur la peinture murale, les fresques et les mosaïques datant de l’empire byzantin. Son texte méticuleux nous permet de saisir comment des événements religieux (des conciles, des hérésies) ou politiques (les invasions, les changements de régime) ayant eu lieu à diverses périodes du Moyen Âge ont contribué à déterminer l’évolution esthétique et les vagues successives dans l’art byzantin. Le rayonnement de Byzance s’est étendu au-delà des frontières immédiates de la Turquie, touchant entre autres les Balkans, la Russie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Arménie, certaines parties de l’Italie (et pas seulement le Nord), la Syrie et quelques pays africains comme l’Égypte, la Nubie et l’Éthiopie. Cette production artistique et culturelle s’est élaborée à partir du vie siècle pour se terminer abruptement en 1453, date de la destruction de Constantinople par les Turcs. Malgré l’anéantissement de ses plus beaux monuments par de fréquentes invasions barbares, Constantinople a pu préserver quelques églises aux coupoles géantes, des monastères, des oeuvres d’art, des palais. Même les croisés faisant irruption dans les lieux consacrés de cet immense empire éprouvaient un mélange d’effroi et de fascination devant cette incomparable perfection esthétique qui caractérisait l’art byzantin, comme le démontrent certaines descriptions d’époque citées par les auteurs. En outre, une carte détaillée de l’Europe médiévale délimite éloquemment la vaste zone d’influence de cet empire de plusieurs siècles (p. 308-309). L’avènement de l’islam autour du viie siècle signifie le début de la destruction des édifices chrétiens en Terre Sainte mais aussi en Géorgie orientale. L’empire est fragilisé et la cohabitation religieuse devient conflictuelle : « Après la conquête arabe, les chrétiens partageaient l’église avec les musulmans, hostiles aux images religieuses à figures anthropomorphes. […] Malgré la relative tolérance des Arabes, dont témoignent certains textes, la disparition quasi totale des édifices chrétiens de Syrie, d’Égypte et de Palestine permet d’en douter » (p. 21). Pour les historiens, le problème de la préservation des oeuvres devient crucial pour tout ce qui touche l’art médiéval, car la destruction massive d’oeuvres importantes du Christianisme nous empêche de mesurer toute l’ampleur de sa présence et de son influence. Dans le même ordre d’idées, le troisième chapitre évoque avec beaucoup de détails et de soins ce phénomène souvent cité de « la crise iconoclaste », située entre 726 et 843, mais suivie de plusieurs « rechutes ». Cette doctrine voulant interdire les images religieuses fait suite à plusieurs conciles (celui d’Elvira au ive siècle ; le concile de Quinisexte en 692), qui interdisaient « la représentation du Christ sous la forme d’un quelconque symbole animal (poisson, agneau, etc.) afin de débarrasser le christianisme …
Tania Velmans, Vojislav Korač et Marica Šuput, Rayonnement de Byzance. Saint-Léger-Vauban, Éditions du Zodiaque ; Paris, Desclée de Brouwer (coll. « Les grandes saisons de l’art chrétien », 2), 1999, 536 p.[Notice]
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Yves Laberge
Université Laval, Québec