Comme le suggère le titre de son ouvrage, R. McInerny cherche en quelque sorte à faire la réhabilitation de Pie XII. Le difficile pontificat du pape Pacelli fait l’objet de plusieurs discussions depuis de nombreuses années. Le premier ouvrage critiquant le silence de Pie XII durant la guerre est la pièce de théâtre de l’auteur allemand Rolf Hochhuth, Le vicaire, écrite en 1959 et publiée en 1963. Récemment, nous avons eu droit à une nouvelle vague de critiques, soutenues indirectement par une certaine presse à sensation. Par exemple, Annie Lacroix-Riz a publié un ouvrage intitulé Le Vatican, l’Europe et le Reich (1996), et John Cornwell a publié Hitler’s Pope : the secret history of Pius XII (1999). C’est un peu en réaction à ce dernier ouvrage que l’auteur propose sa biographie de Pie XII. L’approche de McInerny, auteur d’une centaine de livres de philosophie et de fiction, est fort pertinente, il s’intéresse de manière privilégiée à la carrière diplomatique d’Eugenio Pacelli. On n’a qu’à lire la table des matières pour s’en convaincre : le chapitre deux est consacré à sa carrière diplomatique, le chapitre trois à carrière comme Secrétaire d’État et le chapitre quatre à son activité en tant que Pape durant la guerre. À l’intérieur de ces trois chapitres majeurs du livre, l’auteur recense, de manière assez exhaustive, l’ensemble des activités de nature diplomatique exécutées par E. Pacelli. Il en ressort une constatation déterminante pour la compréhension du pontificat de Pie XII : celui-ci, tout au long de ses années d’ordination de 1899 à 1958, a abordé les temps difficiles qui furent les siens à l’intérieur du cadre politico-juridique des relations Église-État. En d’autres mots, le pape Pacelli a traité les problèmes de l’Europe comme un diplomate, et c’est à l’intérieur de cette dialectique qu’il faudrait chercher les clés pour comprendre son pontificat. Dans le chapitre deux, on apprend ainsi que dès les premières années de sa prêtrise, en 1901 à l’âge de 25 ans, E. Pacelli est nommé assistant de recherche à la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires. En 1911, il est fait assistant-secrétaire à la même Congrégation, puis en 1914, il en devient le secrétaire du très influent cardinal Gaspari. En 1920, dans la toute jeune République de Weimar, il est nommé le premier nonce apostolique d’Allemagne. Sous ses hospices, l’Église signera le concordat de Bavière (1924) et celui de la Prusse (1929). Le chapitre trois fait le bilan de ses activités au sein de la Secrétairerie d’État où il fut nommé Secrétaire en 1930. Avec Pacelli à la tête de la Secrétairerie, le Saint-Siège a poursuivi son activité concordataire, signant des ententes avec Baden (1932), l’Autriche (1933), le Reich d’Hitler (1933) et la Yougoslavie (1935). Dans le chapitre quatre, l’auteur montre comment les activités du pontificat de Pie XII se déploient à l’intérieur de ce cadre politico-juridique mis en place depuis la Première Guerre mondiale. McInerny relate ainsi que le premier acte de Pie XII a été sa lettre destinée aux chefs d’État pour annoncer son élection et pour les inviter à rechercher une solution pacifique aux conflits européens. Il relate les activités de la diplomatie vaticane en Roumanie, en Slovaquie, en Hongrie et en Turquie pour sauver les Juifs. Les nonces défendent ces derniers en faisant valoir soit les concordats, soit le droit naturel des êtres humains. McInerny relate encore comment, à travers les canaux de la diplomatie et grâce aux droits de l’État du Vatican, le Saint-Siège aide économiquement et abrite les ressortissants juifs. Tout au long de sa démonstration, l’auteur multiplie les détails et montre un Pie XII qui, loin d’être silencieux …
Ralph McInerny, The Defamation of Pius XII. South Bend, Indiana, St. Augustine’s Press, 2001, xii-211 p.[Notice]
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Pierre C. Noël
Katholieke Universiteit Leuven