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Sobriété versus kitsch ?

La sobriété telle qu’elle apparaît dans l’imaginaire dominant à l’heure actuelle pourrait se résumer ainsi : « bois, peinture blanche et triples vitrages[1] ». Encapsulée dans ces images qui nous sont données à voir au quotidien, la sobriété que l’on nous vend se doit d’être « pratique », « utilitaire », « neutre », et surtout propre, soit « zéro émission nette ». Telle une fantasmagorie[2], elle est associée à des images de « liberté », de « légèreté », voire de « pureté », auxquelles on peut accoler bien souvent un certain hygiénisme (Guien, 2021). Or, comme le rappelle la philosophe Jeanne Guien dans son ouvrage Le consumérisme à travers ses objets (2021), la même rhétorique a été utilisée lorsque les produits jetables – résidus de surproduction des industries issues de la Seconde Guerre mondiale – ont été introduits dans notre quotidien. « Légèreté », « liberté » et « désencombrement » constituaient déjà à l’époque le coeur du message que les publicitaires destinaient aux classes moyennes supérieures.

Ainsi, il semble que la sobriété que l’on nous vend aujourd’hui participe de cette écologie des riches dont parle le sociologue Jean-Baptiste Comby, qui « tend à taire les coûts et fondements matériels des solutions techniques et infrastructurelles qu’elle célèbre » (2015 : 23). Pour reprendre la thèse développée par le philosophe Aurélien Berlan dans son ouvrage Terre et Liberté (2021), il semble que ce soit une sobriété délivrée des contraintes de l’existence que l’on célèbre actuellement. Car dans les faits, les environnements sobres et épurés, tels qu’on peut en voir dans ces nouveaux bâtiments modernes qui servent parfois de lieux de représentation aux discours écologistes, par exemple, supposent tout un travail de maintenance et d’entretien invisible[3]. C’est en les rangeant, en triant, en les désencombrant, et aujourd’hui en recyclant[4], qu’ils restent « aérés » au quotidien, exempts de toutes les traces de l’empreinte matérielle considérable de nos modes de vie occidentaux. Pourtant, par rapport à l’innovation, la maintenance et l’entretien sont bien souvent le parent pauvre de ces bâtiments « verts » (Russell et Vinsel, 2018). De plus, pour incarner cette nouvelle sobriété verte, il a souvent fallu faire table rase du passé, plutôt que de préserver l’existant, en bricolant avec les infrastructures et les pratiques « déjà là[5] ».

Par ailleurs, bien souvent au sein de ces discours sur la sobriété, on omet de s’attaquer à la privatisation du monde « sans » nuisances qui se déroule sous nos yeux, devenant accessible à quelques-uns seulement. En effet, les espaces « sans » encombrements dans le système de surproduction qui est le nôtre se font de plus en plus rares. Le capitalisme dépasse cette contradiction en privatisant et en rendant marchand ce qui auparavant était accessible à tous et toutes : des espaces de calme, une nourriture peu transformée, etc. On paiera aujourd’hui, par exemple, un prix plus élevé notre café dans un espace « sans écran » dans lequel il sera plus facile d’avoir une attention soutenue sur sa lecture. Évidemment, l’environnement étant plus propice dans ces espaces à l’esthétique épurée, « la bonne gestion vertueuse » sera plus aisée, éloignée de ces sollicitations permanentes nécessaires au fonctionnement du système capitaliste. Et alors que se développent ces « nouvelles marchandises » permettant le luxe de vivre « sans », la morale libérale couronne ces « bonnes pratiques gestionnaires » de « nobles » tout en favorisant le style de vie[6] des dominants. Cela s’illustre notamment par la valorisation de pratiques de consommation de marchandises qui se définissent non pas par ce qu’elles sont mais par les promesses d’évitement des « nuisances » qu’elles sont susceptibles de garantir (Fourrier, 2023). Pour reprendre l’expression de la philosophe Estelle Ferrarese, dans son ouvrage Le marché de la vertu : cette sobriété-marchandise comporte une dimension obscurcie et « continue à enfouir la réalité des rapports sociaux sous une épaisse couche de promesse de bonheur » (Ferrarese, 2023 : 67).

Dans un article critiquant la mode des habitats « sobres », la sociologue Nadine Roudil dénonce l’instrumentalisation des discours écologiques, qui sont porteurs d’une « dimension prescriptive en termes de modes d’habiter » et présument, de fait, « un défaut de compétence à savoir habiter » (Roudil, 2014 : 103). Cette volonté d’« infléchir les modes de vie », pour reprendre les termes de la sociologue, afin qu’ils soient standardisés, conformes et uniformes, n’est pas sans rappeler l’apparition d’un courant féministe nommé le taylorisme chez soi[7], qui avait émergé au début du xxe siècle pour faire la promotion d’une gestion efficace et rationnelle du foyer, et de certaines pratiques d’organisation de celui-ci par l’usage de robots ménagers[8]. Technique et marchandise semblent donc les réponses apportées par notre monde social à l’avènement d’une société qui vise l’optimisation en toute chose et qui porte aujourd’hui le nom de « sobriété » (s’apparentant à une sobriété que nous avons qualifiée de gestionnaire). Celle-ci s’illustre en général lorsque la morale libérale rencontre un seul et même critère : celui d’efficience et d’efficacité.

En effet, la sobriété, qu’elle soit énergétique, numérique ou esthétique, est envisagée sous le prisme de la technique, à laquelle on délègue le soin de limiter nos pratiques de consommation et d’organiser nos espaces de vie : des capteurs électroniques sont insérés dans les robinets, la domotique nous promet une régulation de la température et de la circulation d’air dans nos foyers, et des logiciels nous empêchent d’avoir notre attention captée par des publicités intempestives sur internet. La sobriété se « gère » alors de manière hétéronome, elle est déléguée à des machines ou à d’autres êtres humains, ce qui d’une certaine manière lui fait perdre sa dimension morale, celle de la vertu associée à un acte/un comportement modéré. En effet, si les émotions, la pollution, la consommation se mesurent sur une échelle d’équivalence (Ferrarese, 2018), la seule « vertu » qu’il nous reste se résume alors à la « bonne gestion » de nos vies.

À l’encontre de cette représentation de la sobriété comme espace « épuré » et « technicisé » faisant de nos habitats des « garages humains » homogènes servant à « entreposer » la « force de travail » durant la nuit et dans lesquels s’entassent des marchandises (Illich, 2005 [1984] : 758), nous tenterons de défendre l’idée qu’il y a, dans l’esthétique kitsch, des traces de ce que l’on pourrait qualifier de sobriété en acte, plus émancipatrice car plus propice aux expressions des singularités. Cette sobriété en acte s’exprime par exemple dans le réusage, la réhabilitation, voire le détournement de certains lieux ou d’objets qualifiés de kitsch. Affirmer cela revient à contester la thèse défendue par Lipovetsky et Serroy dans leur ouvrage paru récemment, Le nouvel âge du kitsch. Essai sur la civilisation du « trop » (2023), selon laquelle la sobriété s’oppose au kitsch. Selon nous, ces deux termes ne sont pas forcément incompatibles. Nous soutiendrons même l’idée que l’esthétique kitsch peut, à certaines conditions, participer à la préservation du monde, tout en luttant contre les injonctions à l’austérité. Cette réflexion nous permettra de discuter ce qu’on entend souvent par « superflu » actuellement.

Réfléchir à l’esthétique est une manière de rappeler que ce qui se joue aujourd’hui dans les débats sur la sobriété ne consiste pas seulement à défendre la nature, mais aussi à défendre une vie qui vaille la peine d’être vécue, c’est-à-dire une sobriété émancipatrice ancrée dans ce que André Gorz nommait culture du quotidien : un « ensemble des savoirs intuitifs, des savoirs vernaculaires […], des habitudes, des normes et des conduites allant de soi, grâce auxquels les individus peuvent interpréter, comprendre et assumer leur insertion dans le monde qui les entoure » (Gorz, 2020 : 120). Comme l’ont depuis longtemps affirmé les penseurs de l’écologie politique, contre une écologie qui serait l’apanage des experts-techniciens, la dimension symbolique reste importante puisque la politique ne peut se réaliser sans un « accès au commun » qui lui-même repose sur un « partage du sensible » :

Les artisans, dit Platon, ne peuvent s’occuper des choses communes parce qu’ils n’ont pas le temps de se consacrer à autre chose que leur travail. Ils ne peuvent pas être ailleurs parce que le travail n’attend pas. Le partage du sensible fait voir qui peut avoir part au commun en fonction de ce qu’il fait, du temps et de l’espace dans lesquels cette activité s’exerce.

Rancière, 2000 : 12

Ainsi, l’esthétique d’un lieu peut provoquer des formes d’inclusion et d’exclusion qui vont avoir un impact sur la participation à la vie commune. Il s’agit alors de se questionner sur les représentations en ces termes, associés à l’écologie : les maisons de développement durable, les centres d’écologie, etc. Ces lieux sont-ils propices à la création d’une participation de tous à la vie « commune », à l’avènement de cette « écologie politique » ? Ou, au contraire, ne refléteraient-ils pas l’avènement d’une forme de sobriété que nous avons qualifiée de gestionnaire ?

Plus, donc, qu’une provocation, ou qu’un énième oxymore qui s’apparenterait à une novlangue mortifère, accoler le terme de sobriété à celui de kitsch est un moyen de nous inviter à réfléchir sur la définition du « superflu » qui est en jeu à l’heure de la crise écologique. Notre article visera à explorer ce qu’est le kitsch ainsi que les représentations qui lui sont associées afin de faire valoir son potentiel émancipateur pour faire advenir une écologie conviviale (1974).

Pour ce faire, une première partie sera consacrée à définir le kitsch en tant que phénomène social. Une deuxième partie s’attardera à explorer cette esthétique kitsch, telle qu’elle se donne à voir dans des lieux comme les marchés aux puces, les braderies, les ventes de garage, mais aussi dans une pratique comme celle de la réparation. Nous en soulignerons le potentiel subversif vis-à-vis de l’ordre existant. Cette exploration prendra appui principalement sur la littérature, mais également sur notre expérience personnelle, puisque nous arpentons de tels lieux depuis longtemps. Nous soutenons néanmoins que la construction de notre objet de recherche, en sciences sociales, est toujours liée aux positions que nous occupons à l’intérieur de différents champs et au croisement de différentes formes d’expérience et de subjectivation (Mercieca et Mercieca, 2013 ; Bourdieu et Wacquant, 1992). Une telle démarche de recherche s’inscrit dans la foulée de travaux appartenant à la tradition post-qualitative et à la géographie phénoménologique, qui cherchent notamment à rendre compte des paysages affectifs dans lesquels nous menons nos vies (Ash et Simpson, 2016 ; Bissell, 2013 ; Wylie, 2005). Par ailleurs, effectuer un tel exercice nous a permis de travailler notre « flair sémiologique », selon l’expression de Barthes, qu’Umberto Eco définit comme

cette capacité que chacun de nous devrait avoir de saisir du sens là où on serait tenté de ne voir que des faits, d’identifier des messages là où on serait incité à ne voir que des gestes, de subodorer des signes là où il serait plus commode de ne reconnaître que des choses

Eco, 1985 : 12-13

Qu’est-ce que le kitsch ?

Plus qu’un courant artistique, ou une esthétique, le kitsch s’apparente à un phénomène social qui, selon les différentes analyses dont il a fait l’objet, émerge au cours de la seconde partie du xixe siècle et au sein du milieu du marché de l’art à Munich (Lipovetsky et Serroy, 2023). Issu de la modernité, il est donc lié à la culture de masse et aux procédés techniques de reproduction (Faure, 1992). Très vite, lorsqu’on explore la littérature sur le kitsch, on se rend compte que c’est une esthétique difficile à définir, car elle est traversée par des contradictions, esthétiques, temporelles, voire économiques : le beau et la laideur, le moderne et le désuet, l’utile et l’inutile, le bon marché et le petit luxe. La caractéristique du kitsch est qu’il nous apparaît toujours comme décalé, il « vise toujours un peu à côté, il remplace le pur par l’impur, même quand il décrit la pureté » (Wahl et Moles, 1969 : 118). Or si, comme l’écrit l’anthropologue Mary Douglas (2001 : 24), « l’impur » se rattache à ce qui n’est pas à sa place, le propre du kitsch serait de faire littéralement « désordre », en incarnant la valorisation de ce qui a peu de valeur. Comme l’indique Abraham Moles, ingénieur et auteur d’un ouvrage important sur le kitsch, « [l]’objet est toujours à la fois bien et mal venu : “bien” au niveau de la réalisation soignée et finie, “mal” en ce sens que la conception est toujours largement distordue [9] » (Wahl et Moles, 1969 : 118).

Ainsi, plus qu’une caractéristique objective présente dans l’objet, le kitsch est très rapidement associé à un trait de caractère, à un comportement : « Le kitsch est une dimension de l’objet dans ses rapports avec l’être » (Wahl et Moles, 1969 : 105). Il viendrait, de ce fait, qualifier le « sujet » plus que l’« objet ». Le personnage kitsch est souvent dépeint dans les écrits de manière péjorative. Il représente celui qui en fait trop de façon maladroite. Il est exagération, saturation, pacotille et incarnerait un « sentimentalisme facile » (Genin, 2010 : 34). Il est associé à la figure du « parvenu » – à celui qui serait réduit à n’être « jamais des nôtres » et ne serait « pas mieux que nous », faisant de lui un être à mépriser (Genin, 2010 : 34).

Une histoire de goût et de distinction

Notre exploration de la littérature nous amène à constater que le kitsch n’a pas de réelle substance, qu’il échappe « comme un lutin à toute définition » (Adorno, 1974 : 317). Néanmoins, on remarque très vite qu’il est bien souvent employé pour parler du « mauvais goût ». Comme l’indique Norbert Élias, non sans jugement : « le concept de “kitsch” n’est rien d’autre qu’une expression de cette tension entre le goût raffiné et développé des spécialistes et le goût peu développé, incertain, de la société de masse » (2014 : 285). Le kitsch serait ainsi associé à l’apparition du « capitalisme » et à la montée en puissance de la « bourgeoisie » (Elias, 2014 : 281). Le propre du kitsch est de remettre en question l’authenticité de l’objet (Olalquiaga, 2013). L’esthétique kitsch, c’est l’inauthentique, c’est le « faux », le « mensonge », la « copie du grand art » : le kitsch, c’est « le mal dans le système des valeurs de l’art », car il ferait perdre à ce dernier toute dimension morale, en visant « le beau et non le bon » (Broch, 2001 : 33). Pour l’écrivain Milan Kundera, le propre du kitsch est d’être conventionnel. Il s’adresse au plus grand nombre et serait de ce fait l’instrument parfait du totalitarisme (Kundera, 1987 : 324)[10].

On perçoit ainsi qu’il a été défini de manière très négative, voire méprisante : il serait « la masse », le « faux », « l’immoral », le « conforme ». Le sociologue Pierre Bourdieu a montré que nos goûts que nous considérons être les plus intimes, les plus singuliers sont en fait issus d’une certaine socialisation primaire ou secondaire. En effet, le terme kitsch est employé différemment selon la position que l’on occupe dans l’espace social. À travers l’usage de ce terme peut transparaître mépris de classe : de l’aristocratie envers le bourgeois et du bourgeois envers les classes plus populaires[11] (Bourdieu, 1979). Qualifier une chose de kitsch est donc un marqueur de classe, en soi[12] : « Le goût classe, et classe celui qui classe : les sujets sociaux se distinguent par les distinctions qu’ils opèrent, entre le beau et le laid, le distingué et le vulgaire, et où s’exprime ou se traduit leur position dans les classements objectifs » (Bourdieu, 1979 : VI). Il désigne pour une certaine classe dominante le plus petit que soi, qui est largement visible dans la littérature sur le kitsch. Il est donc probable que si j’ignore l’existence du terme, j’appartienne à une classe populaire ; que si je mets à distance ces objets par gêne, je sois un petit-bourgeois ; et enfin, que si je les méprise complètement, j’appartienne à la bourgeoisie, voire à l’aristocratie :

There has always been on one side the minority of the powerful – and therefore the cultivated – and on the other the great mass of the exploited and poor – and therefore the ignorant. Formal culture has always belonged to the first, while the last have had to content themselves with folk or rudimentary culture, or kitsch.

Greenberg, 1939 : 38

En plus de cette distinction relative à la classe sociale, il semble qu’il se joue aussi dans l’usage du mot « kitsch » deux autres phénomènes : 1] le mépris occidental vis-à-vis d’autres cultures – orientales par exemple – qui sont parfois perçues comme kitsch, en raison de l’usage de dorures ou de couleurs vives dans les costumes traditionnels[13] ; 2] une distinction dans le genre où l’on associe aux femmes un caractère « naturellement » plus kitsch qu’aux hommes. Comme l’indique la philosophe Maya Ombasic en parlant de son parcours au sein de cette discipline fortement masculine : « Personne ne m’avait dit [que] les femmes n’étaient pas destinées à la philosophie. Je l’ai appris à la dure en raison des nombreux signes du langage implicite : ma coquetterie et mon amour pour les vêtements colorés n’avaient pas de place dans le domaine de la pensée où la neutralité et l’objectivité vont de pair avec la sobriété et la simplicité masculine » (Ombasic, 2023 : 7). Certaines caractéristiques associées au genre féminin étant intrinsèquement plus kitsch, elles apparaissent alors pour le monde de la rationalité instrumentale de « moins bonne qualité ». Le kitsch est donc le « goût » de celui ou de celle qui serait inférieur socialement de par sa classe sociale, son genre ou de par ses pratiques culturelles liées à ses origines ethniques.

Au-delà de ce rapport à cet Autre qui appartiendrait à une autre catégorie sociale, un autre genre ou une autre culture, il se peut aussi que nous considérions intimement que certaines parties de notre personnalité soient kitsch. Cette partie de nous-même nous gêne parfois, car elle n’appartient pas « aux idées dominantes de la classe dominante », pour reprendre la formule de Marx et Engels, citée dans un article de Bernard Lahire intitulé « Distinctions culturelles et lutte de soi contre soi : détester la part populaire de soi » (2005). Lahire indique que ce rapport de valorisation/dévalorisation peut se jouer à l’intérieur d’un même individu. Ainsi, il se peut que je tourne en dérision la part « populaire de moi » en désignant la chose comme kitsch. Par l’usage de ce terme, j’affirme subtilement que la chose me plaît mais qu’il n’est pas convenable de l’aimer (car les normes qui définissent le « beau » ne la valorisent pas).

La récupération et le réemploi sont-ils kitsch ?

« Rien ne peut être pire que l’art de seconde main et encore plus lorsque l’on associe deux catégories d’artisans, le créateur et l’imitateur, dont l’esprit est totalement différent. »

Robert William Edis (1881), cité dans Olalquiaga (1998 : 40)

Mépris de classe, infériorisation des goûts d’une autre culture ou d’un autre genre, cela ne semble pas anodin lorsque l’on s’attarde à la dimension étymologique du terme kitsch. À la fois la copie, imitation au sein de laquelle l’art est transformé en marchandise, il incarne aussi le rebut, les « objets » déqualifiés-requalifiés, voire les objet-déchets encore présents dans l’espace social, qui apparaissent indignes. En effet, si le kitsch a pu être appréhendé comme simple objet « bâclé » – comme récupération, voire copie médiocre d’oeuvres d’art, il désignerait aussi en allemand – du fait de sa proximité avec le verbe kitschen – l’acte de « ramasser des boues dans la rue » (Genin, 2010 : 10). Abraham Moles indique aussi qu’il a été associé à l’idée de « faire de nouveaux meubles avec des vieux » (1971 : 75). Le kitsch en lui-même semble donc être traversé par une dialectique particulière incarnée par les deux sens que l’on peut donner au terme « récupération » : récupérer le grand Art pour faire des objets considérés comme médiocres (sens relatif à la figure de l’imitateur), et récupérer des déchets pour en faire des objets esthétiques du quotidien (l’artisan chiffonnier ou l’artisane chiffonnière). Et c’est dans cette dialectique que le kitsch nous apparaît intéressant à explorer, car dans les deux cas, il y a une négation de la pureté : prendre le noble pour en faire du médiocre, et prendre ce qui a été considéré comme médiocre pour en faire du noble. S’esquisse alors dans ce « jeu » une sobriété en termes de consommation traversée par une esthétique kitsch. Cette esthétique impose aussi une forme d’attention aux objets en tant que tels, qui me semble propre à favoriser un rapport au monde plus sobre.

L’attention aux objets

L’idée de récupération associée au kitsch nous permet ainsi de faire le lien entre cette esthétique et l’univers de la « seconde main », celui des bazars, des braderies, des réderies[14], des vide-greniers, des « ventes de garage » qui se déroulent régulièrement sur des places publiques en France, sur un coin de trottoir[15] ou encore dans le sous-sol des églises au Québec. Au sein de ces lieux d’échange où les objets passent de main en main, l’esthétique kitsch est omniprésente. D’ailleurs, l’une des plus grandes braderies d’Europe, celle de la ville de Lille en France, est qualifiée de Braderie kitsch.

En ces lieux où « la théâtralisation de l’encombrement prend corps dans l’affluence du marché » (Debary et Tellier, 2004 : 117), il n’est plus possible de tourner les yeux devant ces traces d’objets déchus issus de la surproduction. Le monde a été, et dans ses espaces, nous pouvons encore le sentir en observant ces étals, « trop » pleins. L’oeil qui s’y promène doit prêter une certaine attention pour dégoter, au milieu de ce désordre, l’objet ou le matériau qui conviendra. De même, bien souvent, le toucher et même l’ouïe restent essentiels à la détermination du matériau convoité : est-ce du cristal, du verre, de la porcelaine, de la laine, du synthétique, du plastique ? Sans étiquetage, il faut discuter, sentir, être alerte. Nous avons ici affaire à une tout autre forme de marchandise que celle qui s’est répandue au sein de l’économie capitaliste, et qui a été standardisée par la bureaucratie. Il faut alors s’intéresser aux objets eux-mêmes, tenter d’entrer en « résonance » avec eux, ce qui prend du temps et limite les possibilités de consommation[16] (Rosa, 2018). Ainsi, la caractéristique de l’objet-déchet est justement qu’il ne comporte pas toujours d’étiquetage, il requiert un savoir-faire[17] pour être requalifié même s’il subira parfois un détournement de ses usages passés. Comme l’indique l’anthropologue Virginie Milliot à partir de l’observation du Marché aux puces de Saint-Ouen (ville adjacente à Paris) : « L’écologie sensible du marché aux puces trouve ses coordonnées entre ces différentes clefs de l’expérience qu’elle recouvre : la flânerie, la découverte d’objets singuliers, la conversation avec des inconnus », car

dénicher les objets dans le bazar – socialement organisé – des puces est une action à rebours de l’acte d’achat d’objets standardisés […]. Le chineur fait apparaître un objet qui n’est pas directement accessible, disponible et le récrée en lui donnant de la valeur en référence à d’autres cadres[18].

Milliot, 2016 : 941

Et dans ce travail de requalification, il faut être capable d’avoir l’esprit ludique, présent dans le kitsch, mais aussi d’accepter les quelques imperfections parfois grossières de certains objets.

Alors que, comme le dit Byung-Chul Han (2022), « les choses passent de plus en plus au second plan de notre attention » et que « leur hyperinflation actuelle […] débouche sur leur multiplication explosive, [et] renvoie précisément à l’indifférence croissante à leur égard[, n]otre obsession ne porte plus sur les choses, mais sur les informations et les données », chiffrées, mesurées, calculées ainsi que sur les symboles qui leur sont associés : « recyclable », « vert », nous portant parfois à l’indifférence même à l’égard de l’objet, la matière. Or, l’esthétique kitsch par la réparation invite à redévelopper cette attention. (Han, 2022 : 5)

Transmettre de main à main : le kitsch et le souvenir

La littérature sur les ventes de seconde main au sein de ces marchés reste relativement mince. Comme l’écrivait déjà l’historienne de la consommation Susan Strasser, ce sont des lieux qui intéressent peu l’économie conventionnelle : « Because conventional economics generally treats trash and other forms of pollution as “externalities,” it ignores most of the topics for a social and cultural history of trash ; ragmen, quilts, and garage sales have at best a minor place in the economics literature. » (Strasser, 2000 : 18) Mais dans ces lieux d’échange, ce ne sont pas seulement les acheteurs qui redonnent de la valeur à ce qui n’en a plus du point de vue capitaliste. La sociologue Gretchen Herrmann, dans ses travaux sur les ventes de garage, montre ainsi que les vendeurs sont là bien souvent pour que leurs objets aillent dans une « bonne maison » et ne cherchent donc pas, dans ce face à face de l’échange, une maximisation de la valeur :

Many participants, both shoppers and sellers, are drawn to garage sale exchange because the goods for sale are imbued with personal histories and something of the seller is passed along, whether it is a generalized sense that someone has used an item or that a particular seller passes along specific story.

Herrmann, 2015 : 177

L’autrice cite notamment une jeune femme de trente ans qui indique : « J’aime voir les gens capables d’apprécier ce que je n’appréciais plus » (2015 : 117 ; je traduis). Ainsi, loin d’être le lieu où s’effacerait la négativité du monde comme à Disneyland (Arrault, 2010 : 200)[19], le kitsch nous permettrait de vivre avec une certaine « temporalité » qui nous a quelque peu été retirée par l’univers du jetable. Car, si le kitsch est pacotille, il n’est pas de celle que l’on jette si facilement. L’esthétique nous invite finalement à bricoler en quelque sorte avec le toc, elle fait avec ce qui a été pour redonner au « cheap » une forme d’« aura », par une sorte de rafistolage esthétique. Dans les cartons ouverts que l’on retrouve en ces lieux au petit matin, on peut tomber autant sur des antiquités que sur ces objets-souvenirs parfaitement kitsch que sont le porte-clés, la boule de neige, le presse-papiers[20], qui peuvent s’apparenter à un surplus inutile, mais feront pourtant le bonheur des chineuses et des chineurs.

Walter Benjamin entrevoyait dans le kitsch un moyen d’accéder aux rêves et donc au passé (Deslauriers, 2021) bien qu’il regrettât la disparition de l’aura des oeuvres d’art à l’époque de la reproductibilité technique. Dans son texte « Kitsch onirique », il soutient ainsi que le kitsch « est le dernier masque du banal, que nous revêtons dans le rêve et la conversation, pour nous incorporer la force du monde disparu des objets » (Benjamin, 2000). Il apparaît donc comme espoir dans « ce monde disparu des objets ». Dans ces lieux de réemploi[21] qui nous intéressent, la « trace mémorielle », pour reprendre le terme employé par Walter Moser dans un article important (2007), peut être réactivée : l’objet a le potentiel d’ouvrir une discussion sur ses usages passés. Ainsi, même si le kitsch est une esthétique issue du monde industriel et de la standardisation, l’objet en ces lieux par cette passation de main à main, celui que l’on refuse de jeter, peut, nous semble-t-il, recouvrir une forme d’« aura » qui le fera perdurer.

Certaines autrices vont même jusqu’à parler de « patrimoine kitsch », à propos par exemple des « intérieurs kitsch », répertoriés notamment par Dubuc et Arsenault dans Kitsch QC (2021). En feuilletant cet ouvrage, on peut voir que les collectionneurs ou responsables de ces espaces ont dû soigneusement récupérer et agencer les objets kitsch pour que l’harmonie du « trop » puisse faire effet. Certes, ces objets sont les vestiges d’une culture qui fut et reste encore destructrice sur le plan écologique, mais il nous faut l’assumer, en prenant acte de celle-ci en l’affrontant sensoriellement et non en l’effaçant. Et c’est par l’entremise de ces actes, de passation, de réemploi et de réhabilitation, qu’il nous semble possible de revendiquer l’existence d’une sobriété kitsch. Parler de « patrimoine kitsch » est donc en ce sens déjà assumer une partie de notre histoire.

Masquer, rafistoler, imiter

(Re)donner une aura à ces objets-déchets ne se joue pas seulement dans ces lieux d’échange. Semblable opération est aussi au coeur des pratiques de réparation qui vont souvent de pair avec l’esthétique kitsch. C’est le cas par exemple de ce travail qui consiste à offrir une seconde vie à des vêtements usagés en camouflant la « tache » qui les affecte à l’aide d’une broderie, ou en masquant un trou à l’aide d’une pièce de tissu, ou encore à dissimuler une détérioration sur un meuble avec de la peinture, du papier, etc. Le « maquillage » obtenu rend certes l’objet impur, il perdra son authenticité, il sera sans doute surchargé par les différents patchs qui lui seront apposés, mais ces derniers lui permettront de durer dans le temps. L’esthétique « surchargée » apparaît ici comme la condition de survie de l’objet. Dans ce geste de réhabilitation par la surcharge (de matériaux, de couleurs, de motifs), on « fait avec » l’existant hérité du passé plutôt que de donner l’illusion qu’il est possible de faire « sans » lui dans le confort de ce que le philosophe Byung-Chul Han nomme la « culture du lisse » (2022 : 25) et de la neutralité objective qui repose sur le seul critère d’efficacité (comme nous considérons que cela se traduit dans la sobriété gestionnaire). Ce rafistolage qui nuira peut-être à l’« authenticité de l’objet » incarne pour nous ce que nous appelons sobriété en acte. « L’ère du faux » à laquelle participe le kitsch, pour reprendre les termes de Lipovetsky et Serroy (2023 : 410), ne serait-elle pas en matière esthétique un mal nécessaire ? Certes, les matériaux synthétiques qu’on trouve parfois dans l’esthétique kitsch, tels que le plastique, sont éminemment destructeurs pour l’environnement, mais cela suffit-il à disqualifier cette esthétique ? Premièrement, le plastique, matériau de l’imitation, est largement utilisé dans tout un tas d’objets qui ne sont pas nécessairement kitsch. Deuxièmement, le « faux » n’implique pas forcément le plastique. Il est possible de faire un faux marbre par exemple en bois ou en brique. Ainsi, du point de vue strictement écologique, l’imitation qui est présente dans le kitsch ne nécessite pas forcément l’usage de produits toxiques pour l’environnement.

Ainsi, de notre point de vue le kitsch n’apparaît pas comme une « stérilisation du subversif » (Moles et Wahl, 1969 : 105) ou comme confort intellectuel (Dorfles, 1978 : 27) dans lequel les masses se complairaient (Greenberg, 1939 : 40) mais bien au contraire comme mouvement créatif, comme capacité culturelle permettant le « soin » envers les autres – et ajoutons ici les choses –, qui lui est éminemment subversif (Ferrarese, 2018 : 21) – le fameux soin aux objets dont parlait l’historienne Susan Strasser qui a été progressivement dévalorisé au profit du jetable (Strasser, 2000 : 118). La sobriété à travers un kitsch ne serait alors pas vécue comme « restriction » mais comme « trouvaille » et transmission, appelant ainsi à un futur distinct qui ne soit pas pure répétition[22]. Comme l’indiquent Debary et Tellier : « Objets […] de peu de vie. D’encore trop de vie pour être congédiés de tout avenir et envoyés aux poubelles sans réutilisation. Le presque-plus-rien est l’occasion de quelque chose. » (2004 : 119) Au même titre donc que le maquillage, le kitsch de la récupération cache effectivement, mais sans nier, car il nous montre en quelque sorte ce qu’il est en train de cacher. De ce fait, il persiste alors au sein de cette esthétique une forme de vulnérabilité assumée qui, plus qu’une faiblesse, s’avère être une force pour résister à la « culture du jetable », à l’habitude néolibérale d’évacuer de notre vie les choses, les personnes et les relations qui ne sont pas (ou plus) désirables, « productives » ou rentables (Spade, 2020 : 126). C’est en ce sens aussi que l’on peut soutenir l’idée selon laquelle le kitsch suppose une forme de sobriété.

Le superflu, le surplus et le kitsch

Alors que la sobriété est souvent définie comme étant « une démarche de réduction des consommations superflues » (ADEME, 2019) et que le kitsch porte en lui la trace d’une « inutilité proclamée » (Faure, 1992 : 126), il apparaît très paradoxal de mettre ces deux termes côte à côte. Néanmoins, dès lors que l’on prend un peu de recul à l’égard du dégoût typiquement bourgeois pour le kitsch, cette esthétique nous paraît finalement bien plus prometteuse en termes de sobriété que les démarches actuelles qui, telles que les approches dominantes de l’économie circulaire, prétendent vouloir éliminer le superflu et le déchet. Bien entendu, il faut dénoncer la surproduction de déchets générée par l’économie capitaliste. Cependant, le refus de toute forme de déchet constitue un déni de vie. Comme l’indique le sociologue Baptiste Monsaingeon, « un organisme qui ne produit plus de déchets est un organisme mort » (2017 : 24). Marguerite Duras, dans La vie matérielle, le disait également à sa manière : « J’ai jeté, et j’ai regretté. On regrette toujours d’avoir jeté à un certain moment de la vie. Mais si on ne jette pas, si on ne se sépare pas, si on veut garder le temps, on peut passer sa vie à ranger, à archiver la vie. » (1987 : 51) Les bazars où règne l’esthétique kitsch que nous venons d’évoquer offrent cette possibilité de léguer, de se séparer de certaines choses, sans que ces dernières atterrissent forcément à la poubelle. Ainsi, plus sûrement que les beaux graphiques nous promettant pour demain une économie parfaitement circulaire, de tels lieux luttent de fait contre ce que Monsaingeon a nommé le « poubellocène » (2017 : 13). Cette période a participé historiquement, rappelons-le, à éliminer la figure du chiffonnier des villes occidentales – les chiffons étant devenus trop souillés pour être réutilisés, car ils avaient été mélangés à d’autres ordures au sein d’un seul et même réceptacle : la poubelle. Et ce, à condition qu’il n’implique pas le rachat au sein de la sphère capitaliste (ce que les économistes appellent les effets rebonds indirects.

Il faut rappeler en outre que les catégories sociales qui portent aujourd’hui le discours de la sobriété gestionnaire et font profession de foi d’éliminer le « superflu » ont généralement une empreinte écologique bien plus importante que celles des catégories sociales friandes du kitsch (Oxfam, 2020 ; Chancel et al., 2022 ; Parrique, 2022). Nous devons donc nous poser la question : le superflu de qui doit être éliminé ? Quelle forme prend-il ? Est-il celui qui consiste à électroniser nos modes de vie sous l’argument « d’économie d’énergie[23] » ? Ou est-ce celui qui vise directement les objets considérés comme kitsch, comme un superflu devant absolument être éliminé ? Derrière cette volonté de « rationnaliser » le superflu présente dans les discours écologiques de l’heure se joue une valorisation/dévalorisation de pratiques et de formes esthétiques.

Conclusion

À l’heure actuelle, il ne manque pas de documentaires écologistes où l’on s’attaque à la pollution des papiers des cadeaux de Noël ou des ballons des fêtes d’anniversaire, qui semble constituer ce surplus esthétique (kitsch) qu’il conviendrait d’éliminer. La définition de ce dernier, le superflu, semble avoir été tacitement définie, par la classe dominante, sans qu’il y ait de réel débat sur la question. Or, il serait important d’interroger ce que l’on met derrière cette appellation. En la matière, les choix esthétiques nous apparaissent comme des éléments signifiants, ils informent sur les pratiques valorisées au sein de la société : Qui sera inclus ? Qui sera exclus ? La figure de l’ingénieur ou celle du bricoleur (Lévi-Strauss, 1962 : 27) ? La figure du « gestionnaire » ou celle du travailleur ? Les pratiques prévues et calibrées par des « experts » ou celles qui sont « déjà là », plus vernaculaires ?

Nous dirons ainsi comme Hermann Broch « qu’il y a un mauvais kitsch, et du bon, et même du génial » (2001 [1955] : 36) et ce « génial » nous l’apparentons à toute l’esthétique du réemploi, qui devrait être valorisé et qui n’atteint pas encore assez l’attention des lieux de pouvoir, et reste malheureusement marginalisé par rapport au recyclage par exemple qui a capté toute l’attention médiatique ces dernières années, porté entre autres par les discours sur l’économie circulaire, qui restent très technicistes (Calisto Friant, Vermeulen et Salomone, 2020 : 11). Or, le réemploi, par rapport au recyclage qui, lui, est dépendant d’un processus industriel, demande un certain « savoir-faire » artisanal à même de saisir la singularité de ce qui est à réparer, à réutiliser (l’objet-déchet). Il peut impliquer des formes de « surcharge » de couleurs, de motifs pour réhabiliter l’objet et lui éviter la poubelle. Ainsi, le kitsch en tant qu’esthétique associée à la réparation devrait à notre sens être considéré comme un élément de la sobriété et non comme ce qui lui est opposé.

Enfin, pour revenir à l’éthos de la personne kitsch sur un plan existentiel, Broch indique que le kitsch serait associé au romantisme, ou plutôt « à une attitude d’esprit que nous reconnaissons comme romantique » (Broch, 2001 : 16). Si l’auteur ne va pas plus loin, il convient de se demander quelle serait donc cette attitude d’esprit romantique ? Serait-elle définie, comme le suggère Michael Löwy (2014), par ceux et celles qui refusent le « désenchantement du monde » où toute magie, religion, poésie serait écrasée par la rationalité instrumentale ?