Résumés
Résumé
Dans cet article, il s’agit de montrer que la sobriété est une valeur qui se donne l’apparence d’être subversive, alternative ou révolutionnaire, mais ne l’est pas. Elle est devenue une sorte d’évidence sans incidence sur les modifications réelles de nos pratiques. Pourquoi ? La sobriété a en effet une valeur critique traditionnelle contre le capitalisme. Chez Marx, elle est réellement incisive, mais en un sens qui la détourne de notre usage critique contemporain. On peut alors faire la différence entre une sobriété quantitative, qui poursuit la logique économique capitaliste, et la sobriété qualitative, qui porte en elle des espoirs de changement radical de vie. Toutefois, nous verrons que, chez Marcuse, l’emploi de la sobriété pour critiquer notre mode de vie économique réclame toujours de distinguer nos vrais et faux besoins. Bien que le critère de la libération de l’individu soit maintenu en apparence, la sobriété finit par le sacrifier. Critiquer notre monde au nom de la sobriété consiste alors à décrire le capitalisme comme une simple répression de nos besoins déterminés. Une telle critique laisse indemne la véritable nuisibilité d’un tel mode de vie collectif, en maintenant l’évidence de sa nécessité. Ainsi, la sobriété poursuit par sa critique seulement apparente la tradition d’une réduction économique de nos vies.
Mots-clés :
- Sobriété,
- aliénation,
- besoins,
- philosophie critique,
- capitalisme,
- répression
Abstract
The aim of this article is to show that sobriety is a value that gives itself the appearance of being subversive, alternative or revolutionary, but is not. It has become a kind of self-evident truth, with no impact on real changes in our practices. Why is this? Sobriety has a traditional critical value against capitalism. In Marx, it is truly incisive, but in a sense that distracts it from our contemporary critical use. We can distinguish between quantitative sobriety, which pursues capitalist economic logic, and qualitative sobriety, which holds out the hope of a radical change in life. However, Marcuse's use of sobriety to criticize our economic way of life still requires us to distinguish between true and false needs. Although the criterion of individual liberation is apparently maintained, sobriety ends up sacrificing it. To criticize our world in the name of sobriety is then to describe capitalism as a simple repression of our determined needs. Such a critique leaves untouched the true harmfulness of such a collective way of life, while maintaining the evidence of its necessity. In this way, sobriety's only apparent critique continues the tradition of an economic reduction of our lives.
Keywords:
- Sobriety,
- alienation,
- needs,
- critical philosophy,
- capitalism,
- repression
Parties annexes
Bibliographie
- Foucault, Michel. 1994. La volonté de savoir. Paris, Gallimard.
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