Résumés
Résumé
Cet article revient sur l’expression « nouveaux publics étudiants », popularisée dans le contexte français à la suite de la seconde massification scolaire (1985-1995) pour caractériser l’apparition d’une population étudiante moins dotée à la fois socialement et scolairement. Or, cette expression est utilisée depuis plusieurs décennies maintenant pour évoquer ces publics inscrits à l’université française, sans pour autant être remise en question. À travers une recherche articulant les recensions de cette notion dans la presse, les discours institutionnels, la littérature grise et les travaux scientifiques, avec des analyses sur plusieurs bases de données (enquête Conditions de vie de l’OVE, bases Admission Post-Bac 2016 et Parcoursup 2019), nous montrons tout d’abord que l’expression est fréquemment utilisée, notamment en période de réformes, pour désigner les étudiant·es non titulaires d’un baccalauréat général. Dans un second temps, le recours aux données permet de mettre en évidence une augmentation importante des effectifs étudiants depuis le début des années 2010, conséquence de l’accroissement du nombre de bachelier·es professionnel·les conjugué au boom démographique du début des années 2000 : il paraît alors pertinent de parler de troisième massification scolaire. Ces étudiant·es s’inscrivent par ailleurs davantage dans les licences de sciences, par rapport à celles de lettres et sciences humaines. L’analyse des caractéristiques sociales et scolaires des publics permet de montrer que cette augmentation des néo-entrant·es dans l’enseignement supérieur ne s’accompagne pas d’une plus grande diversité sociale. En revanche, la comparaison de la répartition des publics étudiants au sein des universités franciliennes en 2016 et en 2019 met en évidence une segmentation scolaire accrue entre les établissements de premier cycle, laquelle creuse les inégalités déjà présentes dans l’enseignement supérieur.
Mots-clés :
- démographie,
- nouveaux publics étudiants,
- massification,
- filières de l’enseignement supérieur,
- établissements
Abstract
This article looks into the expression “New student population” which became popular in France further to the second school expansion wave (1985-1995) to designate a new student category less endowed with social and educational resources. However, this expression has been used heedlessly over the past decades to refer to such a public among French university goers. After surveying the use of this notion in the press and institutional narratives as well as in scientific literature, together with analysing multiple databases (data from OVE’s Conditions de vie survey, 2016 post-secondary admission databases and Parcoursup 2019), this article yields three main findings. First, the expression “New student population” is frequently used during reform periods and describes students without a general secondary education degree. Second, the data evidences the significant increase in the student population since the early 2010’s resulting from the greater number of students with a vocational degree on the one hand and the demographic boom of the early 2000’s on the other hand. In this perspective, we can relevantly speak about a third school massification wave. Third, these bachelor students now more often register in the Faculty of Science and less in the Faculty of Arts and Humanities when it used to be the opposite. Finally, an analysis of students’ social characteristics by university in the Ile-de-France area shows that the greater number of freshers does not correlate with improved social diversity. On the contrary, comparing the distribution of these students in 2016 and in 2019 highlights a deeper educational segregation between Ile-de-France establishments therefore worsening existing inequalities in higher education.
Keywords:
- demographics,
- new student population,
- non-traditional students,
- school expansion,
- sectors of higher education,
- institutions
Parties annexes
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