Résumés
Résumé
Cet article examine l’indemnisation des forces de l’ordre par les organisateurs d’événements musicaux, en particulier de festivals, en France. La gestion de l’ordre public y est marquée par la prééminence de l’État, ainsi que de la police nationale et la gendarmerie. L’indemnisation des services de ces dernières témoigne du pouvoir discrétionnaire du préfet, représentant de l’État, dans l’établissement (ou non) de la facturation, laquelle fait l’objet de fortes résistances de la part des organisateurs de festivals. En variant les dispositifs de sécurité ainsi que les montants de l’indemnisation, les préfets influent sur les relations entre forces de l’ordre et administrés. Dans le cas de l’indemnisation des forces de l’ordre par les organisateurs d’événements musicaux, sur qui s’exerce ce pouvoir discrétionnaire, et avec quels effets ? Et que révèle la mise en oeuvre de « droits », mais aussi de « passe-droits » par l’autorité préfectorale au sujet des relations entre État, police et société ? Une enquête qualitative, combinant entretiens, observations et sources documentaires variées, permet de répondre à ces questions. L’examen du recours différencié à l’indemnisation des forces de l’ordre par les préfets témoigne de la centralité des caractéristiques des territoires concernés, ainsi que des représentations préfectorales des événements musicaux et de leurs publics, prises en compte dans la définition du dispositif de sûreté. De surcroît, la définition des territoires professionnels et du monopole de l’État dans l’exercice de la violence légitime freine la concertation entre organisateurs et préfets sur la mise en oeuvre des dispositifs de sûreté.
Mots-clés :
- police,
- gendarmerie,
- indemnisation,
- préfet,
- pouvoir discrétionnaire,
- sûreté,
- festivals
Abstract
This paper examines the way military and civilian police bill their services to musical event organisers, particularly festivals, in France. In this country, the State holds a preeminent position in the managing of public order, with military and civilian police. The compensation of their services testifies to the discretionary power of the prefect, who represents the State, in establishing the invoice (or avoiding to). By varying the number of police forces and the amount of the compensation, prefects influence the relationship between law enforcement and the people they serve. This billing is strongly opposed by festival organisers. In the case of the billing of police services during music events, on who is this discretionary power used and with what effects? And what does the strict implementation of the billing, or on the contrary, the allocation of special favours by the prefects reveal of the relationships between the State, the police and society? These questions are answered by drawing on qualitative material, combining interviews, ethnographic data and diverse documentary sources. The analysis of the differential use of the billing sheds light on the role that the territories’ characteristics, as well as the prefectural representations of musical events and their audiences play in the definition of the security measures. In addition, the way professional territories are defined and the State’s monopoly in the exercise of legitimate violence hinders dialogue between organizers and prefects on the implementation of security measures.
Keywords:
- police,
- billing,
- prefect,
- discretionary power,
- safety,
- festivals,
- music
Parties annexes
Bibliographie
- Amoore, Louise. 2013. The Politics of Possibility: Risk and security beyond probability. Durham, Duke University Press.
- Blanes, Judith. 2018. « Christophe Castaner : "L’État veut créer les conditions de l’émergence d’une filière de la sécurité privée plus forte" », AEF info, dépêche n° 597901, 18 décembre.
- Bonnet, François. 2012. « Contrôler des populations par l’espace ? Prévention situationnelle et vidéosurveillance dans les gares et les centres commerciaux », Politix, 97, 1 : 25-46.
- Bourdieu, Pierre. 1990. « Droit et passe-droit. Le champ des pouvoirs territoriaux et la mise en oeuvre des règlements », Actes de la recherche en sciences sociales, 81, 1 : 86-96.
- Campbell, Elaine. 1999. « Towards a Sociological Theory of Discretion », International Journal of the Sociology of Law, 27 : 79-101.
- Cornevin, Christophe. 2009. « Quand policiers et gendarmes facturent leurs services », Le Figaro. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/11/30/01016-20091130ARTFIG00055-quand-policiers-et-gendarmes-facturent-leurs-services-.php. Page consultée le 3 février 2020.
- Dubois Vincent. 2010. La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère. 3e édition. Paris, Économica.
- Dubois, Vincent, avec Clément Bastien, Audrey Freyermuth et Kévin Matz. 2012. Le politique, l’artiste et le gestionnaire. (Re)configurations locales et (dé)politisation de la culture. Broissieux, Éditions du Croquant.
- Ethis, Emmanuel, Jean-Louis Fabiani et Damien Malinas. 2008. Avignon ou le public participant. Une sociologie du spectateur réinventé. Montpellier, L’Entretemps.
- Hadfield, Phil (dir.). 2009. Nightlife and Crime. Social Order and Governance in International Perspective. Oxford, Oxford University Press.
- Jobard, Fabien et Jacques de Maillard. 2015. Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes. Paris, Armand Colin.
- Jones, Trevor et Tim Newburn. 1998. Private Security and Public Policing. Oxford, Clarendon Press.
- Lascoumes, Pierre et Jean-Pierre Le Bourhis. 1996. « Des "passe-droits" aux passes du droit. La mise en oeuvre sociojuridique de l’action publique », Droit et société, 32, 1 : 51-73.
- Lavaine, Mickaël. 2018. « Contrat et police : la facturation des activités des forces de l’ordre à des personnes privées », L’actualité juridique, droit administratif, 39 : 2226.
- Lipsky, Michael. 1980. Street Level Bureaucracy: Dilemmas of the Individual in Public Services. New York, The Russell Sage Foundation.
- Maillard, Jacques de, Mathieu Zagrodzki, Valerian Benazeth et Floriane Zaslavsky. 2015. « Des acteurs en quête de légitimité dans la production de l’ordre public urbain. L’exemple des inspecteurs de sécurité de la Ville de Paris », Déviance et société, 39, 3 : 295-319.
- Ministère de l’Intérieur. 2018. Guide des bonnes pratiques de sécurisation d’un événement de voie publique. Paris, Ministère de l’Intérieur.
- Négrier, Emmanuel, Aurélien Djakouane et Marie Jourda. 2010. Les publics des festivals. Paris, Michel de Maule.
- Picaud, Myrtille. 2017. Mettre la ville en musique (Paris-Berlin). Quand territoires musicaux, urbains et professionnels évoluent de concert. Thèse de sociologie, Paris, EHESS.
- Picaud, Myrtille. 2019. « Analyser ensemble autonomie professionnelle et autonomie d’un sous-champ. Les transformations de la programmation musicale », Biens symboliques/Symbolic goods, 4. https://www.biens-symboliques.net/332?lang=fr. Page consultée le 3 mars 2020.
- Pourtau, Lionel. 2005. « Les interactions entre raves et législations censées les contrôler », Déviance et Société, 29, 2 : 127-139.
- SMA (Syndicat des musiques actuelles). 2019a. « Festivals, indépendance et diversité », Paris, Syndicat des musiques actuelles.
- SMA. 2019b. « Sûreté des festivals : coûts exorbitants, iniquité... : le ras-le-bol des organisateurs ». Communiqué de presse, Paris, Syndicat des musiques actuelles.
- Spire, Alexis. 2008. Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l’immigration. Paris, Raisons d’agir.
- Thourot, Alice et Jean-Michel Fauvergue. 2018. D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale. Rapport de la mission parlementaire. Ministère de l’Intérieur, Paris.
- Tissot, Sylvie. 2007. L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique. Paris, Seuil.
- Van Liempt, Ilse et Irina Van Aalst. 2012. « Urban surveillance and the struggle between safe and exciting nightlife districts », Surveillance & Society, 9, 3 : 280-292.
- Walker, Étienne. 2017. « De la discipline au travail électoral ? Gouverner l’espace-temps récréatif nocturne à Rennes », Culture & Conflits, 1-2, 105-106 : 123-143.
- Wilson, James Q. 1973. Varieties of Police Behavior. Cambridge, Harvard University Press.
- Worms, Jean-Pierre. 1966. « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, 8, 3 : 249-275.