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Le vivant est peu obéissant[1]

Introduction

Depuis quelques années, on assiste à un véritable paradoxe : le jardinage collectif urbain se développe en lien avec le « manger sain » alors que les potentialités agronomiques des sols urbains ou périurbains sont encore largement inconnues. La localisation des jardins suscite des interrogations en termes de risques sanitaires puisque nombre d’entre eux ont été (et sont encore) implantés sur des délaissés urbains, des friches industrielles ou le long d’infrastructures routières ou ferroviaires (Douay et al., 2008; Schwartz et al., 2013). Ce sont enfin les pratiques des jardiniers qui modifient la qualité des sols avec l’usage d’intrants (amendements, fertilisants, pesticides). Avec la publication de nouvelles valeurs guides (notamment pour le plomb en 2014[2]), certains sols de jardins urbains et périurbains deviennent problématiques, sachant que la présence de nombreux autres polluants métalliques (mercure, arsenic, cadmium, etc.) et organiques (hydrocarbures, pesticides, etc.) est également à questionner.

Ainsi, ces jardins collectifs peuvent, dans certains cas, présenter un risque sanitaire du fait de la contamination du sol. Lorsque la pollution est avérée, les principales voies d’exposition sont l’ingestion de terre par les usagers des jardins (jardiniers, enfants, consommateurs) et la consommation des fruits et légumes cultivés. D’autres risques potentiels sont liés au contact cutané avec le sol, à l’inhalation de poussières, à la qualité de l’eau d’arrosage (risque bactériologique ou toxicologique) et à celle de l’air principalement pour les jardins jouxtant les infrastructures de transport.

À Paris, la contamination des sols de jardins collectifs est une question portée aujourd’hui par les collectivités, les chercheurs[3] et parfois par les jardiniers eux-mêmes (Grenet et al., 2016; Mandon, 2014). Si une fédération de jardins collectifs relativise le problème arguant du fait qu’« il n’existe pas en Ile-de-France un endroit qui ne soit pas pollué », une autre association de jardiniers précise « qu’il n’y a pas une réunion publique où la question n’est pas posée »[4]. On assiste à l’émergence de débats et de controverses publics entourant les risques liés au jardinage collectif urbain.

En l’absence de valeurs réglementaires françaises pour définir qu’un sol est pollué, ces controverses portent alors notamment sur les procédures à suivre lors de la création de jardins collectifs dans un milieu urbain qui demeure peu documenté. Pour les uns, on cultive dans les jardins collectifs des « produits sains et savoureux », pour les autres, c’est une question compliquée qui nécessite des mesures de précaution, car les végétaux cultivés en ville peuvent être pollués. Or, ce sont les experts techniques des villes qui, en lien avec des experts académiques, contribuent à définir les modes d’évaluation et de gestion des sols contaminés — domaine qui reste peu investi, ou alors ponctuellement, par le monde associatif.

Faiblement informé ou produit dans des espaces techniques plutôt confinés, le lien entre la contamination environnementale des lieux de vie que sont les jardins collectifs et la santé humaine s’avère difficile à établir. Cette incertitude sur les formes d’expertise disponibles interroge non seulement la création, mais aussi la pérennité des jardins collectifs existants puisque s’y joue un enjeu important : celui de décider de la capacité des sols urbains (et périurbains) à accueillir (ou non) des cultures potagères.

Par le biais du jardinage amateur, c’est donc la question de la qualité des sols urbains qui entre en politique (Roux, 2002; Borraz, 2008; Hassenteufel, 2010). Or cette entrée se fait selon des modalités propres et une certaine représentation de la science (Latour, 1989), qu’il s’agira de spécifier. Ce questionnement doit nous permettre de rendre intelligibles les choix de société qui sous-tendent les différentes expertises en présence.

Pour rendre compte du processus d’entrée en politique des sols urbains, nous analyserons deux documents d’expertise, le protocole parisien et le guide-outil de Toronto. Cette approche par l’expertise a été peu adoptée par les sciences sociales qui s’intéressent aux jardins collectifs, puisque les travaux existants portent davantage sur les formes de sociabilité (Dubost, 1997; Caggiano, 2010) ou sur l’inscription des jardins dans l’espace public (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2013; Baudry, Scapino et Rémy, 2014).

Pour mener à bien cette recherche sur le cas parisien, nous avons mené des entretiens semi-directifs (107)[5] auprès de l’ensemble des acteurs concernés (responsables de différents services de la ville, experts d’organismes de santé et de l’environnement, scientifiques, jardiniers appartenant à 13 jardins différents) afin de cerner leur appréhension des risques associés aux sols contaminés. En outre, de nombreuses visites informelles dans des jardins collectifs urbains nous ont permis de saisir plus directement les discours et les pratiques des jardiniers. En dépassant le seul point de vue des représentants hiérarchiques, il s’agissait d’interroger in situ les différentes perceptions de la contamination des sols par les jardiniers. Compte tenu de la richesse du rapport que ces acteurs entretiennent avec la contamination des sols[6], nous ne pourrons l’aborder que par le biais de l’expertise et cela, principalement, en seconde partie.

Sur un sujet aussi complexe, la notion de « science impliquée » telle que la définit Léo Coutellec (2015) peut nous aider à réfléchir à la question de l’expertise liée aux jardins collectifs urbains[7]. En effet, selon cet auteur, « la science est d’autant plus pertinente qu’elle est capable de satisfaire trois conditions : […] reconnaître son caractère significativement pluraliste; défendre son impartialité impliquée sans en faire une revendication d’autonomie et de neutralité; assumer et expliciter la façon dont les valeurs interviennent au cours des différentes étapes de la démarche scientifique » (p.43). Ce sont des critères que nous mettrons à l’épreuve des deux guides méthodologiques pour étudier la façon dont ils orientent le jardinage collectif — et dans une moindre mesure « l’agriculture urbaine ». Nous mobiliserons également la notion de démocratie technique (Callon, Lascoumes et Barthe, 2001) ainsi que l’analyse des relations entre experts et profanes telle qu’elle a été conceptualisée par Brian Wynne (1999).

Pour cela, il nous faut d’abord décrire l’objectif affiché par la mairie de Paris en matière de jardins collectifs (et plus largement « d’agriculture urbaine ») et la façon dont les services de la Direction des espaces verts et de l’environnement (DEVE) sont mobilisés pour répondre à cette commande (partie 1). Sera décrit ensuite le protocole mis en oeuvre par la Ville de Paris pour prendre en compte le degré de contamination des sols dans le cadre d’un aménagement de jardin collectif, protocole qui sera mis en perspective avec un équivalent canadien — le guide-outil de Toronto[8] —, car celui-ci est souvent cité comme exemple par l’ingénierie de projet en France. Cette seconde partie consistera donc à mettre en discussion les deux guides afin d’expliciter leurs différences en termes d’évaluation et de gestion des risques. Pour ce faire, à l’aide de la notion de « science impliquée » nous caractériserons les formes d’expertise qu’ils véhiculent sur la question des cultures en ville. Quatre dimensions seront particulièrement retenues, à savoir, leurs rapports respectifs : à la connaissance et à l’incertitude, au temps, au public et aux choix de sociétés.

I. La philosophie d’action de la Ville de Paris concernant le jardinage collectif urbain

Les premiers projets parisiens de jardins collectifs datent du milieu des années 1990. La Ville de Paris compte aujourd’hui 104 jardins partagés[9] et 2 jardins familiaux dont 85 adhèrent à la « charte main verte » pour répondre au besoin identifié des Parisiens de « nature en ville ».

Selon notre enquête, c’est la « compétition » avec les grandes villes d’outre-Atlantique (comme New York) qui fit rêver les élus parisiens bien plus que le modèle du jardin ouvrier[10] jugé peu esthétique. L’objectif affiché de ces initiatives est la création de lien social par le biais d’une activité de jardinage, comme l’exprime cet élu d’arrondissement : « Loisir et convivialité. J’hésite aussi entre jardinage et retour à la nature. Pour moi c’est aussi le lieu où les gens retrouvent le temps, le rythme des saisons. » Environ deux tiers des jardins sont situés sur le domaine de la ville, le reste appartient à des propriétaires variés, essentiellement des bailleurs sociaux ou le Réseau ferré de France. Des enquêtes récentes ont montré qu’il existe toute une gamme de modalités de gouvernance dans ce type de jardins qu’il serait illusoire de tenter de résumer en quelques lignes, la dynamique spatiale et sociale qui s’y produit n’étant guère prévisible[11].

Une version plus prosaïque de la création initiale de ces jardins est décrite par un autre responsable de la Ville de Paris qui rappelle qu’ils s’inscrivent aussi dans les contraintes d’aménagement de la Ville. Celle-ci doit gérer des friches dans l’intervalle de temps séparant la vente d’un terrain et le début effectif des travaux d’un projet. L’installation, approuvée par la collectivité, de jardins collectifs urbains est alors une solution d’occupation transitoire de ces surfaces, ce qui n’empêche que la Ville se préoccupe de la qualité des sols, comme le précise ce responsable :

Entre le moment où Paris se rendait propriétaire d’un terrain et où les travaux d’aménagement de ces terrains étaient décidés et engagés, il y avait un temps en général de trois à cinq ans. Si on laissait en friche ce terrain, il pouvait faire l’objet d’occupations indésirables qui pouvaient le souiller davantage. On ne parlait pas à l’époque encore des Roms, mais on avait quand même déjà des squats. Alors c’était plutôt des squats d’artistes ou des squats de gens qui étaient dans la création donc on a commencé à autoriser l’occupation temporaire de ces emprises au bénéfice d’associations. Ce n’était pas sans poser souci parce que la plupart du temps ces terrains-là étaient quand même des friches industrielles surtout dans l’Est parisien, des activités artisanales passées de type traitement des métaux ou production de peintures, c’était le plus souvent quand même des terrains un peu chargés. Donc fallait-il les dépolluer au préalable ? Ou fallait-il s’assurer de l’usage qu’en feraient ceux qui allaient cultiver ces terrains ?[12]

Dès le début de ces opérations d’aménagement, la question de la qualité du sol est donc posée.

Pourtant, suivant le conseil d’ingénieurs en agronomie ou en urbanisme, la mairie de Paris lance un programme de 100 ha de toits et de murs végétalisés dont un tiers devrait être consacré à « l’agriculture urbaine », soit 33 ha[13]. Des luttes de définitions et des controverses apparaissent alors sur la caractérisation du sol urbain et de ses potentialités en matière de cultures. Sans entrer dans les vifs débats qui dépassent de loin l’objet de cet article, sur la définition du « jardinage urbain » versus « l’agriculture urbaine » (Erwein et al., 2014; Grenet et al., 2016; Consalès, 2016), précisons simplement que ces luttes définitionnelles divisent le monde de la recherche et celui de l’ingénierie de projet. Les promoteurs de « l’agriculture urbaine » adoptent la vision très englobante qui suit : « Il n’existe pas “une” agriculture urbaine, mais “des” agricultures urbaines. L’emploi du pluriel s’avère ici incontournable dès lors que l’on tente de caractériser ce mouvement […]. De quelques mètres carrés sur un balcon à la récupération de friches, du jardin partagé aux terrasses ou façades d’immeubles, la Ville offre, en pleine ou en hors-sol, un terrain de jeu immense où le moindre interstice peut parfois se relever propice à l’implantation d’un potager. »[14] Précisons également que les projets « d’agricultures urbaines », surtout « high tech » comme les cultures dans des conteneurs, sont portés par un mode de culture intensive qui contraste avec la volonté de « retour à la terre », de partage et de lien social qu’expriment les jardiniers amateurs. Par-delà les choix de société qu’ils impliquent en termes d’agriculture, les débats entre ces différents experts portent principalement à la fois sur la qualité (agronomique et physico-chimique) des sols urbains et sur leur potentialité à accueillir (ou non) des cultures alimentaires. Autrement dit, certains décident en amont d’un usage (la production alimentaire) sans connaître la qualité réelle des sols, alors que d’autres cherchent d’abord à mieux connaître ces sols urbains et périurbains avant de décider de leur usage (alimentaire, ornemental, bâti, etc.). Ce qui est en jeu c’est donc la façon de définir les risques associés au milieu urbain. Sur ce point, l’analyse des deux guides techniques de Paris et Toronto éclaire les enjeux associés à ce processus.

Sur le plan organisationnel, les services techniques de la Ville de Paris impliqués par la mise en culture des sols urbains sont regroupés au sein de l’Agence d’Écologie urbaine (AEU) de la (DEVE). Deux pôles appartenant à deux divisions distinctes sont concernés par le développement, d’une part, des jardins collectifs et, de l’autre, des projets innovants d’« agriculture urbaine ».

Le premier pôle fait partie de la division « mobilisation du territoire ». Sa mission consiste à mobiliser le territoire parisien en faveur de la végétalisation participative en pilotant le programme des jardins partagés. Les jardins partagés jouent un rôle social indéniable pour les citadins (lutte contre l’isolement, pédagogie envers les plus jeunes, lieu de rencontres avec les personnes handicapées, etc.) comme l’ont montré des recherches anciennes et plus récentes (Dubost, op. cit.; Canavese, op. cit.). La consommation des végétaux cultivés dans ces jardins est modérée. La pratique du jardinage ornemental est l’un des moyens possibles pour s’adonner au plaisir recherché du jardinage en préservant la santé des populations. En revanche, une partie seulement des jardins familiaux (très présents en Ile-de-France) peut permettre à une famille (de 4 personnes) de se nourrir en fruits et légumes. Ces jardins ont donc besoin d’être mieux analysés et suivis dans le temps au regard des risques encourus.

Le pôle « agriculture urbaine » doit quant à lui répondre à plusieurs objectifs : participer au recensement du potentiel cultivable, identifier les porteurs de projets, se mettre à jour des dernières innovations, étudier la faisabilité des projets sur les bâtiments tout en les harmonisant avec les plans environnementaux de la Ville de Paris et, enfin, maîtriser les incidences environnementales de ce type de projets. En la matière, plusieurs expérimentations sont d’ailleurs en cours, dont trois fermes urbaines à vocation alimentaire ainsi qu’une ferme dédiée à l’éducation environnementale. En outre, l’agriculture urbaine parisienne ne concerne pas seulement des sols en place (recouverts en général avec une couche de « terre végétale » — voir plus loin), mais aussi des projets menés ou envisagés en sous-sol, en conteneurs, en intérieur ou encore sur les toits. Le public cible de ce pôle est radicalement différent de celui du « jardinage amateur urbain » puisque sont principalement visés les mondes de l’entreprise et de l’ingénierie de projet : les premières souhaitant se doter d’une image verte pour conquérir de nouveaux marchés, les secondes cherchant à diffuser leurs conceptions agronomiques, paysagistes ou urbanistiques.

La prise en compte de tous ces éléments influe sur l’appréhension des risques sanitaires liés au milieu urbain par le monde composite qui gravite autour des activités de jardinage urbain (experts techniques, gestionnaires, jardiniers amateurs, fédérations de jardiniers, aménageurs, élus). En effet, contrairement à une idée répandue auprès du monde des jardiniers amateurs, de la recherche et des médias, les rôles et les missions de ces différents acteurs de la ville sont bien distincts et non interchangeables. Mais sur cette question des risques sanitaires, un autre acteur technique intervient plus directement. Il s’agit de la division « Impacts Santé-Environnement » et de son pôle « Pollution des sols et installations classées » dont l’un des objectifs est de sécuriser le jardinage urbain, mais aussi d’accompagner les nouveaux projets « d’agriculture urbaine » en raison des risques sanitaires encourus par les consommateurs. De plus, ce pôle technique de la Ville de Paris est inséré dans un réseau plus large d’acteurs qui travaillent en étroite collaboration avec les services de l’État (ARS, DRIEE, INVS) et le BRGM. Par cette insertion, ces services de la Ville partagent ainsi une culture des risques sanitaires qui, fondée sur le principe de précaution, donne une orientation spécifique à leurs activités.

Force est de rappeler que Paris hérite d’un lourd passé industriel comme le rappellent les listes relatives aux sites et sols pollués. En effet, la ville compte environ 8 000 sites répertoriés dans la base Basias[15] (qui n’est pas exhaustive) et 10 dans la base BASOL[16]. Les créations de jardins urbains ou de fermes urbaines posent donc la question des précautions à prendre pour développer ce type de projets sur un sol urbain dont on sait qu’il peut être multicontaminé par différents polluants ou familles de polluants. C’est la raison pour laquelle ce pôle a porté et construit un modèle d’expertise pour accompagner la création de projets de jardinage à Paris.

II. « Ne pas cultiver dans le sol en place » versus « Favoriser le jardinage urbain » : deux modèles d’expertise pour jardiner en ville

En l’absence de valeurs réglementaires adaptées à la question de la contamination des sols destinés au jardinage urbain, certaines collectivités ont décidé d’élaborer leur propre stratégie basée sur l’état des connaissances scientifiques (en évolution permanente et donc susceptible de modifier les choix pris en un instant donné) et sur des orientations liées à la santé. Tout particulièrement en Amérique du Nord (États-Unis, Canada), des lignes directrices ont été produites pour mettre en oeuvre l’agriculture et le jardinage sur des sols urbains. Le cas de la Ville de Toronto (City of Toronto, 2011) est certainement l’exemple le plus remarquable en la matière. En France, les services techniques de la Ville de Paris ont également mis au point un guide méthodologique pour la création des jardins partagés.

Les deux documents étudiés — protocole de la Ville de Paris et l’outil d’aide à la décision de la Ville de Toronto — ne sont pas comparables terme à terme puisque le guide-outil détaille toutes les procédures, y compris les plus techniques (échantillonnage, etc.), alors que le protocole parisien n’expose que les grandes étapes de la démarche. Les deux approches répondent toutefois au même objectif : encadrer le jardinage urbain tout en gérant les risques potentiels associés dans un contexte où la qualité des sols est une préoccupation majeure. En revanche, les manières d’y répondre diffèrent fortement d’une situation à l’autre. Nous allons donc analyser ces deux formes d’expertise à travers les hypothèses de travail, les intentions et les valeurs qui les constituent en gardant à l’esprit que « les connaissances scientifiques ne sont pas neutres, elles sont porteuses d’un certain nombre de déterminations qui peuvent devenir des normes pour l’action. C’est de notre responsabilité collective de les expliciter » (Coutellec, op. cit. : 53).

2.1 Cultiver ou non dans le sol urbain : quelles hypothèses de travail et quel rapport à l’incertitude ?

L’une des grandes différences entre les Villes de Toronto et Paris est que la première autorise la culture dans le sol existant alors que la seconde l’interdit. Cette position parisienne s’explique par l’absence de valeurs réglementaires françaises pour établir qu’un sol est contaminé et par l’application du principe de précaution puisque le sol parisien, du fait de son histoire industrielle et urbaine, se révèle généralement contaminé.

Dans ce contexte, l’approche de la Ville de Paris est de supprimer de facto tout risque potentiel associé à une éventuelle pollution des sols, en s’affranchissant des pratiques des jardiniers. La Ville de Toronto propose, quant à elle, des recommandations fondées sur un niveau de risque acceptable qui est établi en comparant des analyses de sol avec des valeurs-guides préalablement construites[17] pour le jardinage urbain.

Les valeurs ou les seuils pris comme références apparaissent ajustables selon les intentions et les valeurs que portent les experts, ce qui souligne la nécessité d’en débattre collectivement. Les services techniques de la Ville de Paris se montrent, quant à eux, plus précautionneux que ceux de Toronto, révélant en cela des rapports très différents entre santé et environnement.

Les hypothèses de travail et le rapport à l’incertitude diffèrent ainsi radicalement dans les deux situations. Ainsi à Toronto, on fabrique ou on ajuste les normes à rebours de façon à permettre la culture sur un milieu urbain qui peut être contaminé; ce faisant, on restreint l’incertitude en réduisant l’objet de connaissance. En revanche à Paris, on reconnaît l’incertitude, ce qui conduit à la prudence en initiant de nouvelles recherches sur la qualité du sol urbain tout en approfondissant les mesures sur les sols et les végétaux cultivés en ville. La reconnaissance de l’incertitude est alors constitutive de la démarche experte, celle-ci possède une vertu heuristique, car elle favorise un approfondissement des recherches et une ouverture sur d’autres hypothèses. Par exemple, dans le cas du plomb qui est très fréquent en milieu urbain, la question est de savoir si sa présence relève de la pollution d’origine routière ou des épandages de boues de station d’épuration. Interrogation qui, à son tour, soulève le problème de la qualité de certaines terres maraîchères qui sont rapportées dans l’espace urbain parisien pour confectionner les espaces verts (Canolle, 2016). Ce temps accordé ou non à la recherche permet alors de préciser ce que l’on ne sait pas encore avant de passer à des conseils en termes d’aménagement.

2.2 Quelle échelle temporelle pour connaître l’historique du sol urbain ?

Le sol a cette particularité de réactualiser des pollutions très anciennes. Une fois confronté à une contamination du sol, le passé devrait donc orienter le présent et l’avenir.

Rappelons qu’au XIXe siècle pour se débarrasser des déchets, l’ingénierie positiviste parisienne a choisi de polluer deux compartiments : le sous-sol et le maraîchage[18]. Ce sont les conséquences de ces choix scientifiques et politiques dont héritent aujourd’hui les services municipaux parisiens pour encadrer et réguler les nouveaux usages qui voudraient faire du sol urbain, un sol nourricier.

Certes, dans les deux cas étudiés, l’approche s’appuie sur un diagnostic systématique préalable fondé sur une visite et une étude documentaire de l’histoire du site — à partir des documents disponibles dans les archives des villes. L’expertise développée localement à partir d’une histoire de l’urbanisation permet sur la base de ce diagnostic de classer les sites selon une suspicion de pollution. Ce classement entraîne, dans les deux cas, une décision sur l’opportunité d’analyser ou non les sols. Une différence notable apparaît entre les deux guides puisqu’à Paris, cette analyse peut conduire à l’abandon du site, ce qui n’est jamais le cas à Toronto. Or, tout en étant déterminant, le diagnostic historique est soumis à deux contraintes fortes : d’une part, cette approche ne peut être menée que dans le cas d’une bonne connaissance de l’évolution de l’occupation des sols des villes, laissant cependant ouverte la question de savoir « jusqu’où faut-il remonter dans le temps ? »[19]; d’autre part, des études récentes (Cheppe et al., 2013; Lefebvre, 2015) montrent la grande variabilité des méthodologies utilisées par les bureaux d’étude pour mener les évaluations de risques, tout en soulignant une absence fréquente de diagnostic historique sur les projets de jardinage urbain. Pourtant, des études historiques et documentaires complètes sont indispensables pour orienter la nature des substances à analyser et le plan d’échantillonnage des sols et des végétaux.

2.3 Risques pris en compte ou risques ignorés

Dans une situation d’incertitudes comme celle-ci, se pose la question des méthodes, modèles et valeurs de référence qui vont permettre de mesurer la présence des contaminants dans des sols réputés complexes et hétérogènes ainsi que leurs effets sur les végétaux cultivés. Les valeurs prises comme références dans les deux guides traduisent alors la philosophie d’action des différents experts : « agir en précaution » versus « cultiver en milieu urbain en toute circonstance », comme l’illustre les différences entre les valeurs prises comme références dans les deux cas. Ainsi, le tableau ci-dessous illustre, à titre d’exemple pour deux métaux (cadmium, zinc), les valeurs utilisées à Paris pour caractériser la contamination des sols et à Toronto pour orienter la gestion des sols.

Tableau 1

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Ce tableau révèle que les références à des valeurs seuils varient d’un pays à l’autre alors qu’on aurait pu envisager l’existence d’un consensus scientifique face à un polluant ou à une pratique — ce qui montre bien l’importance d’étudier le contexte d’élaboration de ces différentes valeurs. À Paris, le seuil utilisé pour le cadmium est issu des données des sols agricoles. Un dépassement des valeurs indiquées devrait donc normalement entraîner une évaluation des risques pour ce métal. Ce qui signifie que nous sommes en présence de valeurs indicatives liées à une distribution des concentrations dans les sols agricoles de la région. Pour Toronto, les valeurs indicatives ne poursuivent pas le même objectif et participent d’une approche plus gestionnaire, les services de la Ville ayant adapté les documents existants en proposant des valeurs indicatives spécifiques. D’où de fortes différences entre les seuils concernant le cadmium et le zinc comme le montre le tableau.

De nombreuses recherches ont prouvé que les légumes cultivés dans les jardins collectifs urbains pouvaient être pollués (Jean-Soro et al., 2015), mais les élus se montrent parfois réticents à la diffusion publique des résultats de recherches démontrant la contamination de végétaux cultivés en ville. En Ile-de-France, un gradient de contamination (Pb, Zn, HAP) est mis en évidence entre les sols parisiens (apport de terre végétale lors de l’aménagement correspondant aux teneurs agricoles habituelles locales) et les sites de petite couronne pour lesquels le niveau de contamination est soit localisé par rapport à une source de pollution (bord de route), soit généralisé en lien avec l’histoire des sites (épandage, reconstitution de sol). Dans ces derniers cas, la contamination peut concerner d’autres éléments (cadmium, cuivre, mercure, arsenic) (Branchu et al., 2016)[21].

À noter cependant que, contrairement au guide de Toronto, le protocole parisien n’aborde pas directement la proximité des sources de pollutions atmosphériques que sont les routes, alors même qu’elles peuvent induire une pollution du sol et du végétal. Toutefois, la possibilité d’instaurer des distances de sécurité pour éloigner les jardins des infrastructures routières est aujourd’hui en discussion.

Face à ces problèmes, une association parisienne de jardins partagés envisage une autre forme de hiérarchisation des risques qui vise à comparer la qualité des légumes de jardins à celle des végétaux us de l’agriculture conventionnelle (Baudelet, 2015). Mais l’exposition aux risques diffère dans les deux cas : certains jardiniers qui consomment beaucoup de fruits et légumes de leur jardin peuvent présenter un risque plus élevé de contamination, car leur source d’approvisionnement en légumes est insuffisamment variée; de plus, il existe d’autres voies d’exposition associées aux jardins comme l’inhalation ou l’ingestion de poussières contaminées qui ne sont pas prises en compte lorsque l’on se focalise uniquement sur la consommation des produits cultivés; enfin, il manque des données actualisées sur l’impact des pesticides sur les végétaux cultivés par les jardiniers amateurs.

Signalons, pour finir, que certains jardiniers amateurs sont en train de s’emparer de ces questions de contaminations des sols. Ainsi, à titre anecdotique, lors des restitutions des résultats d’analyse réalisés par les géochimistes de notre équipe, un jardinier est arrivé à la réunion avec un rapport du BRGM sur les sols pollués qu’il avait déniché sur Internet.

2.4 L’apport de « terres saines » : une question d’aménagement complexe

La Ville de Paris met en avant les questions de traçabilité des terres d’apport. Forte de son expérience de la gestion des espaces verts et du jardinage urbain, l’AEU met l’accent sur la gestion de ces terres qui doivent répondre à un cahier des charges portant notamment sur leur provenance. Avant acceptation, les terres d’apport sont contrôlées par le laboratoire d’agronomie de la Ville de Paris sur la base de leur fertilité. L’AEU développe aujourd’hui ces analyses en cherchant à améliorer la recherche de métaux et envisage à terme de mesurer également les pesticides. Parallèlement, les terres excavées qui sont considérées comme polluées devront être orientées vers une filière adaptée de gestion des déchets. Même si le contrôle de ces transferts de terre est parfois difficile à réaliser au quotidien, la volonté de l’AEU est d’améliorer cette traçabilité en étant plus stricte sur la réception des terres qui ne correspondent pas toujours à un usage jardinier — ce que signalent également les jardiniers. Pour sa part, Toronto ne précise pas l’origine et la qualité de ces terres d’apport qui doivent juste être « propres ».

D’autres pratiques sont également à surveiller dans les jardins. C’est par exemple le recours à du compost réalisé à partir de déchets urbains dans le cadre de circuits courts labellisés « ville durable » ou « économie circulaire ». Or, des analyses ont montré que ces composts urbains pouvaient être contaminés, remettant en question l’idée qu’ils puent permettre de cultiver sainement. Dans un contexte de forte médiatisation promouvant les cultures alimentaires en ville, les services municipaux concernés doivent donc sans cesse anticiper dans leurs activités de gestion et de régulation, les éventuelles conséquences sanitaires découlant de la qualité des terres et des apports utilisés. Travail qui s’avère d’autant plus complexe que ces services ne disposent encore que de peu d’éléments tangibles pour prévenir les « effets boomerang » (Beck, 2001) — même si des études sont en cours.

2.5 Quelle gestion des risques ? Le comportement des jardiniers est-il prévisible et pérenne ?

La lecture comparée des deux guides montre que la gestion des risques est internalisée dans le cas français et pour partie déléguée dans le cas canadien. Dans le premier cas, la Ville de Paris s’affranchit des pratiques des jardiniers — lesquelles peuvent diminuer ou augmenter les risques. La Ville prend ses responsabilités par des mesures de précaution sans présager du comportement des usagers. Dans le second cas, une partie des recommandations de Toronto s’appuie sur les pratiques et comportements des jardiniers. Ces recommandations nécessitent un niveau d’information et de sensibilisation important et la question du respect de ces recommandations à court, moyen et long termes se pose[22]. Toronto encourage la pratique d’intrants permettant d’augmenter la dilution des polluants, la concentration en matière organique et le pH, mais sans l’encadrer, ce qui soulève deux principaux problèmes : celui de la précision et du respect de ces recommandations, et celui du partage de ces informations par l’ensemble des usagers d’un jardin collectif. L’expérience de jardins contaminés en Ile-de-France montre en effet que l’information ne s’y diffuse pas uniformément et que certaines personnes restent mal informées, en particulier les nouveaux arrivants (Canavese, 2015). Enfin, les recommandations adressées aux jardiniers ne sont pas toujours respectées. Ainsi, notre enquête montre que dans tous les jardins étudiés, seuls quelques jardiniers respectaient les consignes d’interdictions de cultiver ou de consommer des légumes. En outre, ces consignes d’experts n’étaient suivies que sur une courte période ou seulement par crainte d’être expulsés des jardins. Raisons pour lesquelles la Ville a été contrainte de fermer certains jardins pollués qui présentaient des risques sanitaires sur le long terme pour les consommateurs.

2.6 Vers quels choix de société ?

L’urgence[23] de développer des projets d’agriculture ou de jardinage urbains conduit à éviter de poser publiquement deux questions clés : est-il pertinent de cultiver des végétaux potagers en milieu urbain et périurbain ? Compte tenu des risques sanitaires potentiels, doit-on développer des cultures à vocation alimentaire en intra-urbain, à 50 km ou à 100 km des grandes métropoles ?

Ces questions s’avèrent d’autant plus d’actualité que portées par des intérêts hétérogènes, les projets se multiplient, créant des situations problématiques[24] dans lesquelles le processus de qualification des sols s’avère central. On relève ainsi une tension entre, d’une part, une logique d’ingénierie portée par des intérêts économiques et politiques qui tend à court-circuiter la réflexion sur les connaissances produites ou à produire, et, d’autre part, une logique experte, dont les décisions sont rendues plus ou moins discutables en ciblant les valeurs et les intentions qui les sous-tendent. S’ouvre alors un espace critique où les décisions de qualification des sols commencent à être discutées, ce qui soulève des enjeux à la fois éthiques et déontologiques sur « l’intégrité scientifique lorsque l’espérance que porte la science se confond ou se dilue dans un jeu de séduction avec ses effets d’annonce pour capter des crédits ou des postes » (Coutellec, op. cit. : 54).

Aussi bien à Paris qu’à Toronto, les outils de communication mentionnés dans les deux guides posent problème. Tous les gestionnaires de jardins évoquent la difficulté de mener à bien une communication sur le long terme : la Ville de Paris distribue bien des fiches de synthèse historique pour informer les jardiniers sur le passé des sites, mais elles ne sont souvent distribuées qu’au bureau des associations. Comment dès lors informer les jardiniers qui communiquent peu avec le bureau ou qui ne lisent pas ces fiches ? Se pose également la question de la transmission des informations dans le temps et donc de la mémoire du risque sur les sites concernés. À ce propos, nos travaux de recherche ont montré des exemples originaux d’échanges avec des jardiniers autour de la question de la contamination des sols, notamment lors des restitutions de nos résultats d’analyses (Rémy et al., 2015). Il en ressort qu’au-delà d’une simple campagne de communication, ce type d’échange permet de construire un dialogue avec les jardiniers en répondant aux questions qu’ils se posent sur la qualité du sol de leur jardin.

Le jardinage urbain est en effet un terrain propice pour entrer en « démocratie technique» (Callon, op. cit.), car certaines personnes souhaitant s’adonner à cette activité sont prêtes à discuter avec les experts pour la recherche commune de solutions. À titre d’exemple, une étude menée à Nantes dans le cadre d’une thèse permet à une chercheuse en sciences biotechniques d’intervenir sur une parcelle d’un jardin familial contaminé au plomb qu’elle cultive avec des jardiniers amateurs, en analysant systématiquement les légumes cultivés en laboratoire. La présence régulière de cette chercheuse (devenue jardinière) permet des échanges non seulement constructifs avec les jardiniers, mais aussi des apprentissages croisés sur les risques et les pratiques de jardinage, ouvrant ainsi la possibilité d’un suivi collectif sur le long terme (Canavese et al., 2015).

Conclusion

Au terme de ce travail, nous sommes désormais en mesure de mettre en évidence ce qui distingue ces différentes formes de savoirs dans lesquels se mêlent étroitement science et technique, distinction qui ne peut se faire qu’en questionnant les pratiques des experts lorsqu’ils deviennent des acteurs de l’aménagement urbain. D’une façon générale, on remarque que les services techniques de la Ville de Paris se montrent ainsi plus précautionneux que ceux de Toronto; ces deux villes paraissent donc entretenir des rapports différents à l’incertitude.

Mais, l’analyse des deux guides permet de nous faire plus précis. Elle révèle les intentions et les valeurs spécifiques qui les façonnent : au projet de jardinage à développer a priori et en toute circonstance (modèle Toronto) s’oppose l’interdiction de cultiver dans le milieu urbain (modèle parisien) qui ne peut recevoir telles quelles des cultures à vocation alimentaire. Dans la très grande majorité des cas, un apport de terres est nécessaire, ce qui soulève la question de la traçabilité de ces terres d’apport que les experts cherchent à améliorer pour éviter que d’autres pollutions soient importées dans l’intra-urbain. Quoi qu’il en soit, il s’agit de projets à instruire, au cas par cas, afin de définir a posteriori l’usage le plus approprié selon les opérations envisagées.

Ces deux approches et les pratiques associées reposent également sur des cultures épistémiques différentes : pour l’expertise favorable au jardinage urbain ou à « l’agriculture urbaine » (portée par une forme d’agronomie) le sol est d’emblée considéré comme un support de culture que l’on cherchera à amender pour favoriser la production — et dans le cas présent pour tenter de contenir les polluants avec l’idée de « maîtriser et contrôler » le vivant. Pour sa part, l’expertise sur les risques liés au milieu urbain (comme celle des services techniques parisiens plutôt orientés vers les sciences du sol et la géochimie) cherche d’abord à caractériser ce sol urbain et périurbain avant de décider de son usage en rappelant l’extrême hétérogénéité et variabilité du sol, et l’importance des contaminations urbaines qu’il a pu subir au cours du temps.

Aussi, la question du temps apparaît-elle cruciale dans l’affaire qui nous occupe. Comme on l’a vu, toute la difficulté est de prendre en compte cet héritage sur le temps long dans les projets d’ingénierie ou d’aménagement urbain. Sans bien connaître l’histoire de la ville de la Toronto, on peut faire l’hypothèse que celle-ci diffère de celle d’une ville comme Paris en termes de passé urbain, d’industrialisation et de rapports à l’agriculture environnante, ce qui a façonné différemment la nature de son sol. De surcroît, les services techniques de la Ville de Paris travaillent en lien avec un réseau d’acteurs liés à la santé pour qualifier les risques liés aux usages dans les jardins collectifs urbains. Sur le plan cognitif et organisationnel, ces guides ne sont donc pas transposables de manière systématique d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre.

Enfin, pour le citadin, l’expérience de l’exposition au risque se réalise par la pratique du jardinage urbain qui constitue la seule « prise »[25] dont il dispose pour s’emparer de la question du sol. Raison de plus pour donner aux habitants-jardiniers les moyens de se positionner le plus objectivement possible sur la qualité du sol urbain[26] et ses dangers potentiels afin qu’ils décident, en toute connaissance de cause, de poursuivre ou d’abandonner ce type de jardinage. Finalement, l’analyse des guides experts met en lumière deux formes de décision soutenues par deux rapports différents au public. La première forme renvoie à une décision prise au sein d’un groupe restreint uniquement composé d’experts (qui décident seuls des risques à faire courir à d’autres), sur le modèle de « l’instruction publique » (Callon, Lascoumes et Barthe, op. cit.). La seconde forme repose, quant à elle, sur une décision fondée sur le principe de précaution dans un processus qui prend en compte la spécificité des jardins urbains, mais implique également un travail de concertation et d’expérimentation collective (Dewey, 2010) avec leurs usagers. Dans le premier cas, le public n’est pas formé aux questions relatives à la qualité des sols et aux risques de contamination des végétaux puisque cette information n’est pas diffusée. Dans le second cas, on observe les prémisses d’une forme de démocratie technique autour des sols urbains puisque certains jardiniers rencontrent et échangent avec des experts de ces sols. Confrontés à des contaminations avérées, les jardiniers souhaitent, par ces discussions sur les pratiques, avant tout remédier aux pollutions actuelles pour permettre aux générations futures de cultiver ces sols dans de meilleures conditions. Portant une forme d’intérêt général, ces différentes prises de parole participent ainsi à la mise en politique de la qualité des sols urbains.