Les publications qui traitent de la « radicalité » en politique concentrent généralement leur attention sur la question des formes violentes d’action collective, comme le terrorisme, le fanatisme ou les émeutes urbaines. Dans ce numéro, nous proposons une approche à la fois plus large et plus précise de l’analyse des liens entre « radicalité », « radicalisation » et « action collective ». Plus large parce que la question de la radicalité dépasse largement celle de la violence (même si elle l’englobe), et plus précise parce que nous proposons de partir du sens littéral donné à la « radicalité », à savoir une analyse politique qui s’attaque « à la racine » des problèmes. En effet, dans les systèmes politiques démocratiques, les années 2000 sont marquées par des formes multiples de radicalité, dans les discours et les pratiques politiques. Malgré de nombreuses recherches empiriques, nous n’avons pas pris la pleine mesure de la résurgence de ces radicalités, ni des processus de radicalisation qui les engendrent. La littérature produite en sciences sociales sur le sujet a appréhendé davantage la question de la radicalisation sous deux angles principaux. D’une part, la « radicalisation » est associée, de façon normative ainsi que dans son expression politique, à un nombre limité de « causes », et elle semble s’appliquer avant tout aux mouvements d’extrême gauche, d’extrême droite, d’intégrisme religieux, anarchistes, féministes, et de défense des animaux ; d’autre part, la littérature qualitative sur la radicalisation met avant tout l’accent sur la dimension individuelle de ce processus. Ces deux problématiques poussent à toute une série de réflexions. Tout d’abord, quelles sont les formes actuelles de radicalisation ? Touchent-elles les mêmes types d’acteurs ? Sont-elles les conséquences d’une fermeture des systèmes politiques à certaines revendications ou encore la criminalisation des pratiques militantes ? Les cadres d’analyse qui insistent sur les idées et les comportements sont-ils toujours pertinents, ou faudrait-il s’approcher de la radicalisation par des analyses matérielles ou identitaires ? Assistons-nous à une augmentation du recours à la violence ou à une criminalisation de certaines revendications ? Les formes de radicalisation actuelles doivent-elles être renvoyées à la seule forme violente, ou existe-t-il de nouvelles inventivités militantes ? En quoi les nouveaux médias ou réseaux sociaux nés sur Internet favorisent-ils la diffusion de discours radicaux ou encore la radicalisation ? La radicalité a-t-elle uniquement un sens pour les mouvements dits « extrémistes » ? Existe-t-il du fait de la socialisation d’une nouvelle génération militante depuis une dizaine d’années de nouvelles manières de se radicaliser dans les contextes des sociétés du Nord autant que dans les contextes de celles du Sud ? L’objectif du présent numéro est donc d’explorer les différentes transformations de l’action collective liées à une ou des formes de radicalité ou processus de radicalisation. Notre appel à contribution proposait une réflexion autour des quatre axes suivants : Certains sont-ils au coeur des transformations des systèmes politiques (une base des révolutions de couleurs en Europe de l’Est et en Asie centrale ; soulèvement populaire dans une partie du monde Arabe) ? D’autres jouent-ils un rôle dans la diffusion du conservatisme moral aux États-Unis, au Canada et dans certains pays européens (par exemple les mouvements pro-vie et leur impact sur les mouvements de femmes) ? Quel rôle les acteurs collectifs radicaux et leurs analyses radicales jouent-ils dans la lutte contre les politiques néolibérales ? Quel rôle joue le rapport accusatoire dans l’identification et la désignation de la « radicalité » ? Comment la radicalité est-elle constituée dans le discours politique et social relationnel ? De quelles critiques politiques et sociales ces groupes/réseaux sont-ils porteurs ? Y a-t-il …
PrésentationRadicalités et radicalisations – la fabrication d’une nouvelle « norme » politique ?[Notice]
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Pascale Dufour
Professeure agrégée, Département de science politique, Université de MontréalGraeme Hayes
Chercheur boursier Marie-Curie, Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE)
Université de Rennes 1Sylvie Ollitrault
Chargée de recherche CNRS 1re classe, Centre de recherche sur l’action politique en Europe (CRAPE)
Université de Rennes 1