Résumés
Résumé
Cet article se propose de réfléchir sur comment l’expérience migratoire transforme les configurations et les fonctions des familles à partir de deux études réalisées dans la région de Naples (Italie). La première regarde les femmes des pays de l’Europe centre-orientale qui s’emploient comme badanti (assistantes de vie) ou collaboratrici domestiche (femmes de ménage) ; leurs migrations remettent en question les ajustements existant entre appartenance de genre et rapports familiaux dans les sociétés d’origine et d’arrivée. La deuxième étude considère le processus de stabilisation de jeunes étrangers ou d’origine étrangère qui arrivent par suite d’un regroupement familial ; leurs parcours remettent en question la manière à travers laquelle les liens familiaux sont incorporés dans des configurations migratoires mondialisées.
Abstract
On the basis of two studies conducted in the area of Naples, Italy, this paper discusses how the migration experience transforms family configurations and functions. The first study concerns women from east central European countries who work as badanti (personal caregivers) or collaboratrici domestiche (cleaning women); their migrations raise questions about how homeland gender roles and family relationships are adjusted in the host country. The second study investigates the stabilization process of young foreigners, or young people of foreign origin, who arrive as a result of a family reunification; their experiences suggest we need to rethink the role ascribed to family ties in global migration models.
Corps de l’article
L’expérience migratoire transforme les configurations et les fonctions des familles. Dans la vie quotidienne, au-delà de la distance qui les sépare, les migrants et les non-migrants recomposent leurs devoirs, leurs engagements, leurs dettes morales et économiques ; les uns et les autres redéfinissent leurs obligations dérivées des liens de parenté, ce qui occasionne des solidarités ou des conflits inédits. L’analyse de ce processus, qui s’accommode des actions de tous les sujets impliqués dans la situation migratoire, nécessite une déconstruction tant d’une vision andro-centrée que d’une vision adulto-centrée. En effet, malgré une attention plus grande portée aux femmes et aux jeunes, l’analyse des migrations continue à s’articuler autour d’un biais masculin qui regarde le phénomène à travers le choix opéré par les adultes. Ces bases référentielles agissent dans l’élaboration d’une perspective interprétative linéaire et évolutionniste qui voile le caractère relationnel et synchronique des migrations (Levitt, Glick Schiller, 2004 ; Caratino, Morokvasic, 2005 ; Donato, Gabaccia, Holdaway, Manalansan Pessar, 2006). Nous interrogerons ces problématiques à partir de deux études ethnographiques réalisées dans la région de Naples. La première regarde les femmes des pays de l’Europe centre-orientale qui s’emploient comme badanti (assistantes de vie) ou collaboratrici domestiche (femmes de ménage) ; leurs migrations remettent en question les ajustements existant entre appartenance de genre et rapports familiaux dans les sociétés d’origine et d’arrivée (Miranda 2008). La deuxième étude considère le processus de stabilisation de jeunes étrangers ou d’origine étrangère qui arrivent par suite d’un regroupement familial ; leurs parcours remettent en question la manière à travers laquelle les liens familiaux sont incorporés dans des configurations migratoires mondialisées (Miranda, sous presse)[1].
L’Italie et le « modèle migratoire méditerranéen »
En 1996, l’Italie dépasse officiellement le million d’immigrés. Le franchissement de ce seuil a eu un effet symbolique sur l’opinion publique et politique : les Italiens commencent à s’identifier à un pays d’immigration. Alors qu’on avait estimé que la péninsule ne représentait qu’un lieu de passage pour les migrants qui, en réponse à la fermeture des frontières des pays de « vieille » immigration, s’étaient momentanément détournés de leurs destinations habituelles, le phénomène immigratoire s’est rapidement montré stable. En 1991, l’Italie comptait à peine 648 935 étrangers ; en 2009, ils sont plus de 4 millions et demi. En interrogeant le rôle joué par l’immigration dans le contexte national italien, les chercheurs ont repéré des caractéristiques communes avec l’Espagne, la Grèce et le Portugal, qui ont permis de configurer un « modèle migratoire méditerranéen ». Outre la coexistence de l’immigration avec l’émigration, ils ont remarqué des convergences historiques, économiques, sociales, démographiques et culturelles. Les économies de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce et du Portugal ont été marquées par le même régime foncier, et la vie politique par l’expérience du fascisme qui a conduit à un certain immobilisme social et culturel, et actuellement dans ces pays se manifeste un important changement démographique caractérisé par la chute du taux de natalité et la montée du taux de vieillissement de la population à la base de nouveaux flux migratoires (Pugliese, 1996).
En Italie, la présence étrangère, diversifiée par pays de provenance[2], s’est désormais enracinée dans les contextes politique, démographique et économique. Selon le dernier recensement italien, la main-d’oeuvre étrangère est essentielle pour le fonctionnement de l’économie : les immigrés ont un taux d’occupation supérieur à celui des nationaux, et leur arrivée répond à une demande générée par l’économie informelle, notamment des secteurs non qualifiés (agriculture, tourisme et care). Malgré l’importance du phénomène, depuis 1998, la politique d’immigration italienne est régie par la loi Turco-Napolitano et une ferme résolution de maîtriser les flux migratoires. La législation affiche la volonté de respecter la « diversité culturelle » ; elle donne une large place au concept d’intégration, cette dernière étant vue comme « interaction positive » entre l’immigré et la réalité dans laquelle il vit, et elle offre la possibilité aux étrangers de « constituer des associations sur la base de la nationalité, des croyances religieuses et des intérêts culturels » afin de favoriser leur participation à la vie italienne[3] (Zincone, 2001). En réalité, cette « volonté d’ouverture vers le monde des immigrés » croise, à l’arrière plan, des procédures fortement discriminatoires.
Tout d’abord, il faut remarquer que l’acquisition des droits fondamentaux est liée à l’obtention de la nationalité et que le processus de naturalisation est très difficile étant donné que le droit est régi par le jus sanguini. Cette situation législative a des conséquences importantes notamment pour les jeunes : en 2007, environ 475 000 mineurs résidant en Italie n’avaient pas la nationalité italienne ; parmi eux, 64 000 étaient nés en Italie de parents étrangers. Par ailleurs, les politiques d’admission se déclinent différemment selon la nationalité et le sexe des immigrés. Chaque année, le Président du Conseil établit un quota d’étrangers qui peuvent officiellement être admis en Italie. En vérité, ce mécanisme représente le seul moyen dont disposent les migrants déjà présents en Italie pour parvenir à régulariser leur statut. D’autre part, malgré la finalité sécuritaire affichée en Italie, notamment depuis la loi Bossi-Fini (2001), l’État a procédé à deux régularisations (en 2002 et en 2009)[4] afin de favoriser la légalisation du statut des immigrées employées comme badanti ou collaboratrici domestiche. Cette « exception » s’insère dans une logique étayée par la valorisation du type d’activité assuré par les immigrées.
En effet, en Italie, depuis les années 1990, on a constaté une augmentation de la présence de la main-d’oeuvre féminine étrangère dans des niches économiques caractérisées par une forte division sexuée du travail. Les migrantes assurent de plus en plus l’assistance à domicile des personnes âgées : officiellement, environ 500 000 étrangers (dont 80 % sont des femmes) s’occupent des personnes âgées. La demande dans ce secteur, provenant également des familles appartenant à la petite et à la moyenne bourgeoisie, est la conséquence du vieillissement de la population[5] et de l’absence de politiques sociales pertinentes. Les immigrées arrivent donc dans une société où les relations connaissent une forte évolution, notamment pour ce qui se rapporte à la valeur attribuée à la cohabitation intergénérationnelle, et plus précisément à celle entre les parents âgés et leurs enfants. Avec l’avancement en âge, les parents (devenus plus ou moins dépendants) ont posé des problèmes inattendus qui ont provoqué une crise de la transmission des solidarités intergénérationnelles dans les familles italiennes.
À leur arrivée, les étrangères vivent un processus d’adéquation à la culture italienne dont les implications symboliques et matérielles sont imbriquées dans le cycle de vie des familles autochtones. Les immigrées qui assurent l’assistance à des personnes âgées, généralement malades et habitant seules, décrivent cette situation comme étant difficile à vivre. L’étrangère, souvent, après une brève période d’apprentissage sous les ordres d’une femme de la famille[6], reste la seule gestionnaire de la situation et, bien qu’elle ne fasse pas partie de la famille, on lui demande de se comporter comme toute femme autochtone au foyer. Elle a la charge complète de l’entretien de la maison ainsi que de la santé de la personne dont elle prend soin ; elle doit organiser le temps de travail en fonction de son degré d’autonomie et assurer plusieurs tâches en même temps, parmi lesquelles le fait de lui « tenir compagnie ». Ces migrations soulignent le caractère inédit de la division internationale de la sphère reproductive à l’échelle mondiale : elles s’articulent autour du transfert des capacités affectives, relationnelles, émotives et sexuelles des femmes non seulement des pays du « Sud » vers les pays du « Nord » (Ehrenreich, Hochshild, 2002), mais également des pays de l’Est vers les pays de l’Ouest. Comme le montre le cas des femmes des pays de l’Europe centre-orientale, ces mobilités occupent une place centrale dans la réorganisation du système de parenté italien. Selon les données de l’INPS[7], 268 000 immigrés (en réalité des immigrées) proviennent d’Ukraine, de Roumanie, de Moldavie et de Pologne, et assistent les personnes âgées italiennes.
Les migrations féminines et la réorganisation des rapports intergénérationnels
Les migrantes de l’Europe centre-orientale que nous avons interviewées sont insérées dans des champs migratoires qui se sont constitués au cours des années 1990, à la suite de la chute du mur de Berlin. Cet événement est raconté comme étant le pivot d’un nouvel horizon culturel qui a déterminé le choix de partir. Dans la situation socioéconomique déterminée par la fin du système soviétique, l’immigration féminine est en effet apparue comme une possibilité pour améliorer les conditions personnelles et familiales. Le chômage personnel, combiné avec celui des autres membres de la famille, notamment des hommes, avait altéré les formes de solidarités existant entre générations ascendante, descendante et collatérale. Néanmoins, le choix individuel de partir s’insère dans un processus plus ample, relié au phénomène de la globalisation de la chaîne du care (Ehrenreich, Hochshild Russel, 2002). Les femmes qui arrivent en Italie sont de ce fait représentatives des flux migratoires contemporains : scolarisées à un niveau supérieur, avec la mobilité elles vivent une forte déqualification et une instabilité professionnelles[8]. La crise économique et politique à leur lieu de départ s’est combinée avec les changements démographiques et familiaux de leur lieu d’arrivée, ce qui a déterminé une augmentation de la demande d’une main-d’oeuvre féminine notamment pour l’assistance aux personnes âgées. En général, ces migrantes arrivent « seules » en Italie et, tant les célibataires que les femmes mariées, elles s’emploient à temps complet comme « badanti » auprès des familles autochtones dans l’objectif de réduire leurs dépenses et de concentrer leurs efforts sur l’épargne. La mobilité de ces femmes incorpore la valeur économique différentielle attribuée aux femmes : toutes les interviewées confirmèrent la réticence des familles italiennes à employer des hommes dans leur domicile et la résistance de ces derniers à travailler dans les secteurs domestiques.
Ici (en Italie), il est facile de trouver du travail pour les femmes, mais il est difficile de trouver du travail pour les hommes, parce qu’on peut trouver un travail que comme domestique. Les hommes ne sont pas accueillis facilement dans une maison comme une femme.
Julenta, Polonaise
Quand mon mari a été ici (en Italie), je lui ai « trouvé » un grand-père à Milan, dans une ville à côté de Milan. On le payait bien. Mais lui, il m’a dit : « Moi à côté d’un grand-père ? Mais jamais de ça ! » Entretemps, moi, depuis un an et demi j’étais à côté d’une vieille qui était paralysée. Je devais la soulever et je dormais dans le lit avec elle. Elle avait la maladie d’Alzheimer, elle ne comprenait rien. Moi, j’ai fait des sacrifices, j’ai beaucoup souffert. Et toi, tu ne veux pas le faire ?
Nadia, Ukrainienne
La recherche d’une meilleure condition financière à travers l’émigration détermine une réorganisation des rapports familiaux : les immigrées, jeunes et moins jeunes, doivent apprendre à réordonner leurs relations avec leurs parents à partir de leur nouvelle position. Dans ce contexte, la maternité peut devenir une dimension problématique qui ne remet pas en cause le degré d’identification avec cette dimension, mais plutôt les formes et les modalités avec lesquelles elle peut se vivre. L’expérience maternelle et la présence sur le marché du travail s’organisent dans un espace supranational et, dans la plupart des cas, les migrantes gardent leurs responsabilités familiales, apprenant à gérer la distance physique et affective. Avec les migrations, les manières de concilier les responsabilités familiales et professionnelles changent : l’échelle spatiale se dilate et les liens s’agencent autour des temporalités différentes. Toutefois, notamment les femmes qui partent en laissant leurs enfants petits ou adolescents soulignent leur difficulté quotidienne à construire un lien qui ne passe que par la sphère économique. Vivre la « maternité à distance » (Parrenas Salazar, 2001) peut créer des souffrances, surtout quand le séjour à l’étranger se prolonge.
Tout a changé là-bas. Les enfants ont grandi, ma petite fille ne m’a pas reconnue quand je suis rentrée la dernière fois. Ça a été difficile. Tu arrives, après trois ans, c’est trop, n’est-ce pas ? Les enfants grandissent, tout change, ils s’habituent à d’autres personnes… C’est vraiment difficile. Parce que le temps que tu passes sans les enfants, ils grandissent, tandis que toi, tu restes avec l’idée de comment tu les as laissés. Je suis loin, je souffre, j’ai une grande nostalgie, mais je suis contente parce que je peux les aider, parce que je peux les aider avec l’argent.
Lada, Ukrainienne
De nombreuses migrantes s’appuient sur leur rôle économique pour légitimer l’éloignement de leurs enfants. La migration est en effet accompagnée de nouvelles formes d’obligation et d’échange économiques : en confiant leurs enfants à leur mère (ou, plus rarement, à leurs soeurs), il se crée des solidarités inédites entre les femmes qui restent et celles qui partent. Malgré l’éloignement, la plupart des migrantes organisent leur vie en Italie autour de constants échanges avec leurs pays d’origine. Les contacts avec les autres membres de la famille sont fréquents, grâce aux appels téléphoniques parfois quotidiens ; ces formes de communication sont doublées par l’envoi régulier d’argent et de biens de consommation. En effet, bien que les projets migratoires prennent une forme différente selon l’âge des parents et des enfants, ces femmes assument fréquemment la responsabilité économique de ceux qui restent au pays d’origine et leurs remises peuvent être différemment utilisées. L’argent envoyé peut avoir une fonction « intégrative », c’est-à-dire qu’il sert pour les dépenses quotidiennes des personnes qui restent ; il peut avoir une fonction « ostentatoire » lorsqu’il est destiné à la sphère de la consommation ; il peut revêtir une fonction de « compensation » lorsqu’il aide à pallier les carences de l’État, notamment en matière d’école[9] et de soins aux personnes âgées ; il peut encore fonctionner comme épargne et/ou investissement, notamment lorsqu’il est destiné à l’achat ou à la construction d’une maison. L’argent envoyé par les migrantes est donc différemment intégré dans l’économie familiale, à partir de la manière dont les sujets sont inclus dans le monde du travail. En tout cas, sa gestion reste exclusivement féminine, et ce sont les femmes émigrées qui décident comment et à qui confier ou distribuer leurs épargnes. Cette gestion féminine s’articule sur la crainte des migrantes que leurs époux puissent dissiper leur argent. En effet, même si elles n’ont pas vécu directement la situation, de nombreuses interviewées relatent le même récit : des amies, des connaissances ou des parentes ont confié l’argent gagné avec peine aux époux qui ont tout dépensé pendant leur absence en compagnie d’une autre femme.
Ces récits soulignent les tensions qui traversent les relations entre ceux qui restent et ceux qui partent, notamment lorsque les femmes vivent les migrations sur le principe de la circulation, c’est-à-dire qu’elles opèrent des séjours brefs et répétitifs à l’étranger, sans l’intention de s’y installer (Rudolph, Morokvasic, 1996). Les pratiques et les représentations des immigrées des pays de l’Europe centrale et orientale signalent que le pendularisme peut se configurer comme une stratégie calculée et consciente, comme un mouvement programmé reliant pôles économiques et affectifs afin de les disposer dans un espace élargi (Miranda, 1996). Par exemple, les migrantes, notamment celles qui sont mariées et ont des enfants, rentrent habituellement dans leur pays d’origine en se faisant remplacer par une amie ou un membre de la famille pendant leur absence du lieu de travail.
Ma mère tous les trois mois rentre à la maison. Elle vient, elle reste deux-trois mois et puis elle repart. Elle travaille nuit et jour et elle n’a pas de dépenses. Elle fait comme ça parce qu’elle ne veut pas laisser la famille seule à la maison.
Monica, Polonaise
La plupart de ces immigrées élaborent leur appartenance à un champ migratoire à partir de divers ancrages. Les retours à l’occasion des festivités, des vacances et des fêtes familiales expriment l’importance conférée aux liens intergénérationnels à l’origine de la construction de familles transnationales. Ainsi, l’absence et la présence des femmes ne s’excluent pas, mais elles se combinent sous une forme de « co-présence à intermittence » (Morokvasic, sous presse), dans le sens où sédentarité et mouvement alternent tout en se combinant dans les expériences quotidiennes. Les pratiques de ces migrantes montrent ainsi que le sens conféré aux migrations engendrées par la nécessité économique ne s’épuise pas dans cette logique et que, d’une manière générale, la mobilité questionne la place accordée à la sphère reproductive dans l’élaboration des configurations transnationales[10].
Les liens générationnels à l’épreuve du regroupement familial
Le regroupement familial est un moment crucial dans la vie des familles migrantes. Les formes qu’il peut assumer découlent tant du type de lien que les membres de la famille ont été capables de garder à travers la distance (Bonizzoni, 2007) que du contexte socioéconomique et juridique du pays d’arrivée (Colombo, 2007). De ce fait, il se constitue comme une phase adaptative d’un plus long processus, marqué par la séparation, l’arrivée et la stabilisation. Se retrouver ensemble, dans la vie quotidienne, implique une restructuration des temps familiaux, un ajustement de la relation du couple parental, entre celui-ci et les enfants et leur redéfinition, en termes de contenus et de valeurs, à l’intérieur du système de parentèle. Le regroupement familial est en effet généralement accompagné par un double changement pour les jeunes : la séparation d’avec les membres de la famille qui restent au pays d’origine et qui, très souvent, ont représenté un lien fondamental pendant l’absence des géniteurs, et la réunification avec ceux-ci qui, partis à l’étranger, sont devenus des « étrangers ».
Comme l’analyse de la « maternité transnationale » l’a montré, malgré l’absence d’interaction quotidienne entre les membres d’une même famille, les liens affectifs, alimentés par la circulation d’informations et d’argent, peuvent devenir des principes régulateurs des champs migratoires. Toutefois, leur configuration est impliquée dans des changements importants. En effet, le départ de la mère, du père ou des deux parents détermine une adaptation des relations familiales aux niveaux affectif et économique qui se dessine à travers de nouvelles formes de cohabitation intergénérationnelle. Celles-ci sont traversées par des solidarités mais aussi par des tensions, d’autant plus que le soutien affectif offert par les parents restés dans le pays d’origine n’exclut pas la rétribution pour le « service » rendu aux géniteurs qui sont partis.
Quand je vivais en Chine, je vivais avec ma mère et ma grand-mère, la maman de ma maman. Moi, je l’aime beaucoup cette grand-mère, je l’aime beaucoup. Vraiment beaucoup. Tandis que les parents de mon père, je ne les aime pas. Ils sont trop intéressés par l’argent. Cette chose, je l’ai sue après, quand je suis venu en Italie. Parce que, en Chine, je mangeais chez la maîtresse, c’est-à-dire que je faisais mes devoirs chez elle, et alors il fallait payer. Mes parents payaient. Moi, je pensais que c’était pour la maîtresse. Et bien non ! Ils payaient cent euros, quarante euros de plus parce que je vivais avec eux.
Zhibin, Chinois
De nombreux jeunes interviewés signalent leur souffrance lors de la séparation de leurs parents tout en rappelant qu’elle recouvre un sens différent selon que c’est la mère ou le père qui est parti. En effet, comme le souligne Parrenas (2008), les migrations intègrent une logique de genre ; ainsi, tandis que les mères élaborent leur maternité en termes transnationaux, les pères souvent ne reformulent pas la paternité en fonction des besoins déterminés par la distance spatiale qui qualifie la vie de la famille transnationale. Par ailleurs, au cours des entretiens, ces jeunes soulignent que leur vie a été également marquée par la séparation d’avec les autres membres de la fratrie. Les formes d’éloignement entre frères et soeurs contribuent à rendre variable et changeante la configuration des familles transnationales, mais très peu d’études explorent cette dimension dont le sens varie selon l’âge des enfants, les différentes phases du processus migratoire et du cycle de vie du groupe domestique[11]. Nous pouvons estimer que la séparation des membres d’une même fratrie a des conséquences dans la sphère relationnelle des jeunes d’autant plus que lors du regroupement familial ils se retrouvent dans de nouvelles configurations familiales qui sont accompagnées par différentes formes de cohabitation (Ambrosini, 2008). En Italie, la forme de cohabitation la plus usuelle réunit les parents avec leurs enfants ; guidée par l’idée d’« être ensemble », elle exprime le désir qu’ont les générations de poursuivre un projet commun.
Je suis arrivé en Italie parce que je voulais rester avec ma mère. Juste pour rester avec ma mère, pour ne pas rester séparés. Je suis arrivé quand j’avais treize ans, et ma mère était ici depuis trois ans. Mon père aussi était parti, et je suis resté seul. Alors, ma mère m’a demandé si je voulais venir ou bien rester seul. C’est moi qui l’ai voulu. Sinon, je serais resté seul. C’est le seul motif.
Vitale, Ukrainien
Néanmoins, cette configuration, composée par les membres appartenant à une même famille nucléaire, reste fluide ; elle dépend du cycle de vie familial (notamment de l’âge des enfants) et, pendant des périodes plus ou moins longues, elle peut s’élargir à d’autres membres de la parenté. Une autre forme de cohabitation consiste dans le regroupement familial opéré par des mères qui, parfois, ont épousé un Italien. Cette configuration est accompagnée de comportements affectifs inédits manifestés par la création d’une figure paternelle transnationale, inexistante dans la société locale. Par ailleurs, des enfants majeurs, qui ont terminé leur cycle d’études dans leur pays d’origine, peuvent rejoindre les parents isolés (mère ou père), et, pour finir, on peut signaler des formes de résidence avec des étrangers des mêmes origines ou au sein de familles italiennes. Cette dernière configuration est expérimentée notamment par des femmes qui travaillent à temps complet : étant donné que la cohabitation avec leur propre famille est impraticable, certaines arrivent à un accord avec les employeurs pour se loger avec un enfant.
Ces formes de cohabitation montrent la forte adaptabilité des relations familiales en situation migratoire. Leurs morphologies sont multiples et réversibles tant pour ce qui concerne la cohabitation entre les parents et les enfants que celle entre les ascendants et les collatéraux ; elles s’adaptent aux cycles de vie et aux phases migratoires de la famille nucléaire et élargie ; leurs configurations varient selon les apports économiques des uns et des autres et selon les modalités des rapports affectifs unissant les sujets. À l’intérieur de ces situations migratoires, les migrants « inventent » de nouvelles formes familiales, ils s’accommodent des possibilités qu’ils rencontrent et ils s’adaptent aux contextes d’autant plus que le regroupement familial, officiel ou non, ne conduit pas toujours à la cohabitation intergénérationnelle. La réunion à l’étranger des membres d’une même famille ne constitue pas nécessairement l’étape finale d’un processus linéaire. Les regroupements des parents, des parents et de leurs enfants, ou encore de tous les frères et soeurs peuvent être dissociés ou différés dans le temps, et les phases de séparation, plus ou moins longues, peuvent alterner avec des phases de cohabitation.
En Chine, mon frère a vécu avec le frère de mon père. Nous ne vivions pas ensemble parce que moi, je vivais avec mon oncle, le frère de ma mère. Mais moi, je suis née en Italie, à Rome. Mon père m’a raconté qu’à l’âge d’un an ils m’ont envoyée chez ma tante qui avait deux autres filles, qui actuellement sont en Italie. En Chine, je suis allée à l’école maternelle, je suis restée trois ans et puis je suis revenue en Italie, à Naples. Ma soeur est restée avec mon oncle en Chine.
Zu Siao, Chinoise
Ces dynamiques remettent en question la logique interprétative classique des migrations qui considère la réunion à l’étranger des membres de la famille nucléaire comme l’indicateur de leur volonté de s’y établir définitivement. En regardant le phénomène à travers la double perspective diachronique et synchronique, le regroupement familial se manifeste comme un processus, résultat d’un constant ajustement des logiques individuelle et familiale inséré dans un contexte plus ample, déterminé par les politiques migratoires et les contraintes économiques. À ce propos, il faut considérer l’usage que, dans certains cas, en font les migrants. Il arrive qu’une fois régularisée leur position juridique, les parents opèrent un regroupement familial « formel », dans le sens où les enfants continuent à vivre dans le pays d’origine. Cette tactique permet aux jeunes d’obtenir le permis de séjour italien et ainsi de faciliter les contacts entre les parents et les enfants. Face aux mesures toujours plus restrictives prises par les États, les migrants agissent, apprennent à manipuler les règles, à se débrouiller avec les dispositifs de contrôle et à saisir les occasions offertes par ces systèmes mêmes (Berthomière, Hily, 2006).
Je suis venu en Italie la première fois en 2003, j’étais jeune, j’avais onze ans. Je suis arrivé avec toute ma famille, on a passé des vacances et je suis reparti. Après, je suis revenu deux ans après, mais pas pour y rester, juste pour renouveler le permis de séjour.
Romeo, Sri-Lankais
Ces parcours migratoires s’expliquent également en raison des études. De nombreux jeunes interviewés, notamment en provenance de Chine et du Sri-Lanka, ont fréquenté l’école et souvent terminé leurs études primaires et/ou secondaires dans leur pays d’origine avant de s’installer définitivement en Italie, parfois avec l’objectif de poursuivre leur scolarité dans un pays anglophone.
J’ai fréquenté l’école pendant onze ans, j’ai eu mon examen et je suis venu en Italie avec ma maman et ma petite soeur. Mon idée était de ne pas rester ici, mais de partir en Angleterre ou aux États-Unis. Parce que je connaissais l’italien très mal et l’anglais très bien. J’ai essayé de m’inscrire en Angleterre, mais ça a été difficile parce que je ne fais pas partie de la Communauté européenne et que les taxes scolaires sont trop élevées.
Roméo, Sri-Lankais
L’internationalisation des systèmes de formation produit une mobilité spécifique des jeunes – forme de « pendularisme scolaire » ou de double cursus scolaire – qui incorpore de vieux schémas migratoires. Les jeunes suivent les solidarités offertes par la parentèle tout en créant de nouvelles pratiques, englobées dans une représentation élargie de l’espace qui permet de poursuivre un projet migratoire qui dépasse les contextes nationaux limités entre les pays d’origine et de départ[12].
Mes parents sont éparpillés un peu partout. J’ai un oncle, le frère de ma mère, qui est en Roumanie, un autre au Brésil et deux qui sont en Chine. Mon père, il a trois soeurs : une en Espagne et deux en Chine. Puis, j’ai des cousins qui sont aussi éparpillés, même en Italie. Un cousin et une cousine sont à San Remo (ville du nord de l’Italie), un autre en Sicile. Un autre, il vient juste de repartir en Chine.
Alessandro, Chinois
L’expérience migratoire des jeunes interviewés se situe dans un contexte mondialisé où le regroupement familial ne signifie pas nécessairement stabilisation au lieu d’arrivée, au niveau tant individuel que familial. D’autant plus que ces jeunes, souvent, continuent à poursuivre d’autres opportunités scolaires et économiques. En prolongeant les parcours migratoires familiaux, ils ne se placent pas dans l’alternative du retour ni de la stabilisation définitive : d’autres horizons peuvent toujours s’ouvrir. Ces jeunes procèdent tout au long des routes migratoires ouvertes par les parents et, en se déplaçant en tant que membres d’un réseau familial, ils élaborent une identité plurilocalisée qui interroge le sens véhiculé par la dimension transnationale dans les familles immigrées. Le maintien des relations avec la famille restée au lieu de départ est en général une tâche qui revient aux ascendants ; néanmoins, l’action des descendants reformule cet échange symbolique et économique à travers le temps et l’espace. Les pratiques et les représentations des jeunes sont guidées par une sorte de « coprésence contextualisée », c’est-à-dire dire qu’ils apprennent à adapter et à redéfinir les éléments en provenance de mondes socioculturels différents et qu’ils en opèrent une recomposition et une combinaison constantes (Levitt et Glick Schiller, 2004). Néanmoins, ce processus d’incorporation simultanée des règles, des valeurs et des pratiques qu’ils produisent en regardant les contextes tant d’origine que d’arrivée est contextualisé, car ils apprennent à utiliser ces règles, ces valeurs et ces pratiques selon les situations sociales et culturelles, les groupes sociaux et les plans d’actions.
L’analyse de ces deux situations migratoires montre que la perspective transnationale contribue à renouveler les réflexions théoriques et méthodologiques sur le phénomène des migrations à différents niveaux. Elle peut constituer la base pour saisir la variabilité des mouvements de population et, de ce fait, permettre de repenser les modèles interprétatifs qui présentent les migrations comme un mouvement unilinéaire et évolutif. Par ailleurs, elle offre le cadre spatiotemporel nécessaire pour adopter une « approche relationnelle » qui, grâce à sa double logique synchronique et diachronique, touche tous les sujets impliqués dans les situations migratoires, les interactions et les interdépendances, ainsi que les ruptures et les continuités qui se produisent entre et à travers les générations. Cette approche qui tend à examiner tant les femmes que les hommes, tant les adultes que les enfants, tant les migrants que les non-migrants incite à prendre en compte les liens existant entre les formes de transnationalisme, les rapports sociaux de sexe et les dynamiques intergénérationnelles. Par ailleurs, le fait de tenir compte du rôle joué par la sphère reproductive, cette « approche relationnelle » intègre « l’économie du non-économique » (Sayad, 1999) dans les analyses des migrations et pose la question de la multiplicité des imbrications et des articulations dérivées de la société migrante et sédentaire et entre groupes de migrantes.
La situation vécue par les immigrés des pays de l’Europe centre-orientale, jeunes et moins jeunes, signale que les trajectoires migratoires féminines ne peuvent pas être envisagées dans les mêmes termes que les trajectoires masculines : la « disponibilité migratoire » des femmes suppose une accommodation entre sphères productive et reproductive, et une réaccommodation entre sphères reproductives éloignées. Les migrations féminines sont fortement marquées par le cycle de vie familial et elles sont insérées dans un système qui incorpore les principes de la hiérarchisation des rapports sociaux de sexes et qui s’agence sur des dispositifs dérivés de la ségrégation et de la division sexuée du travail. C’est en manipulant ces facteurs que les migrantes deviennent des agents de changement. Considérer la manière à travers laquelle les migrantes les combinent permet de saisir les continuités et les ruptures qui dérivent de leurs parcours, et de surmonter une vision essentialiste des migrantes qui souvent de-contextualise leur place dans les situations familiale, économique et politique, tant dans les sociétés de départ que dans les sociétés d’arrivée[13].
L’analyse des parcours des jeunes étrangers ou d’origine étrangère qui arrivent en Italie dans le cadre du regroupement familial montre que divers profils migratoires se superposent et que le processus de stabilisation familial n’est pas linéaire. L’expérience de ces jeunes confirme que leur incorporation (Portes, Min, 1993 ; Itzinghon, Giorguli-Saucedo, 2005) façonne des formes de transnationalismes qui ne sont pas fixes. Les morphologies migratoires ne prennent jamais un aspect définitif, et le mouvement rend difficile l’application d’un modèle explicatif articulé sur l’idée d’une progressive succession des générations qui porterait à la dilution de l’héritage culturel et social d’origine. En regardant ce phénomène à partir du point de vue des générations, la question du transnationalisme n’est donc pas de comprendre s’il est destiné à se diluer avec le temps, mais de savoir comment les appartenances générationnelles s’alimentent réciproquement (Levitt, de Wind, Vervotec, 2003). L’analyse des phénomènes migratoires grâce à une vision synchronique des actions, des valeurs et des représentations qui unissent et séparent les différentes générations porte à observer les tensions qui existent entre le local et le global, ainsi que les parcours individuels, familiaux et collectifs. Elle donne ainsi un sens à des faits qui peuvent se présenter au regard des chercheurs comme étant incompatibles (par exemple la coexistence de la stabilisation et du pendularisme).
D’une manière plus générale, ce type d’analyse nécessite cependant la déconstruction de l’association entre la « famille conjugale », définie par l’union socialement reconnue d’un homme et d’une femme vivant avec leurs enfants (Héritier-Augé, 1991), et l’agencement des champs migratoires. Si nous considérons la condition familiale transnationale comme étant un processus qui met constamment en relation mobilité et immobilité, son étude nous invite à tenir compte du fait que les liens qui unissent ceux qui se considèrent ou sont considérés comme étant des parents se situe à l’intérieur d’un ensemble plus large qui établit les règles de filiation, de mariage et de résidence. Pour expliquer les différentes déclinaisons que la famille transnationale peut assumer dans son élaboration processuelle adaptative, il faut saisir les réinterprétations, les réadaptations et les resignifications que les sujets opèrent avec ces règles. Ces processus en oeuvre dans les familles transnationales remettent en question nos catégories interprétatives eurocentriques et ils nous invitent à nous distancier d’une vision qui considère la famille nucléaire, avec une résidence néolocale, comme étant la référence et/ou le modèle auxquels les migrants et les migrantes aspirent.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Les deux cas présentés dans le présent article exposent une partie des résultats d’une série de recherches que nous avons réalisées dans le contexte napolitain depuis 2001. Au cours de nos enquêtes, effectuées notamment auprès de migrants en provenance de Chine, des pays de l’Europe centre-orientale et du Maghreb, nous avons analysé les dynamiques culturelles qui accompagnent la rencontre entre migrants et non migrants et les imbrications qui se créent en situation migratoire entre les sphères économique et culturelle. Cette question nous a amené à approfondir le rôle joué par les rapports sociaux de sexe et de générations auprès des femmes et des jeunes étrangers qui vivent dans la région de Naples. Lors de nos terrains, nous avons utilisé une approche qualitative basée sur l’observation – notamment des relations qui se nouent entre migrants et non migrants et entre les différents groupes de migrants – ainsi que des entretiens non-directifs. Pour ce qui concerne les entretiens avec des jeunes étrangers skrilankais, ukrainiens et chinois résidant à Naples, ils ont été réalisés entre 2007 et 2009 dans le cadre d’une recherche nationale (Adolescenti figli di migranti in Italia : valori, identificazioni, consumi, progetti futuri. Ipotesi teoriche a confronto sui percorsi di integrazione/esclusione delle nuove seconde generazioni, Milan, Naples, Padoue et Gênes, Programme de Recherche Inter-Univerisitaire, sous la direction de E. Colombo).
-
[2]
Le premier groupe en nombre présent en Italie est constitué par les Roumains, suivis par les Albanais, les Marocains, les Chinois, les Ukrainiens et les Philippins.
-
[3]
La loi prévoit que ces associations participent aux programmes d’intervention sur le territoire et aux organes consultatifs au niveau national et régional. Mais l’avis des immigrés est limité, étant donné qu’il est d’ordre purement consultatif.
-
[4]
Les autres régularisations qui ont permis aux immigrés de légaliser leur présence en 1986 (105 000 personnes régularisées), en 1990 (222 000 personnes régularisées) ; en 1995 (246 000 personnes régularisées) et en 1998 (217 000 personnes régularisées) n’étaient pas destinées à ces catégories de travail.
-
[5]
L’ISTAT (Institut statistique national) prévoit qu’en 2051 presque une personne sur trois sera âgée de plus de 65 ans.
-
[6]
Il faut souligner que ce sont les femmes autochtones qui initient les femmes étrangères, dans le quotidien, à la connaissance du monde domestique napolitain à l’intérieur d’un échange fortement inégal et ethnicisé (Miranda, 2003).
-
[7]
Institut national de prévoyance sociale.
-
[8]
En plus, notamment les femmes plus âgées soulignent avec force qu’elles étaient des travailleuses salariées et qualifiées.
-
[9]
C’est notamment le cas des immigrées qui partent pour assurer les études de leurs propres enfants. Le départ de nombreuses femmes est un remède contre le désengagement de l’État dans ce secteur car, si la politique scolaire dans les pays d’origine s’est transformée, l’instruction demeure encore au centre des stratégies familiales.
-
[10]
Par ailleurs, avec le temps, nous assistons à un processus de stabilisation en Italie qui interroge les théories classiques explicatives des migrations : les immigrées qui envisagent de rester ne le font pas parce qu’elles ont acquis un statut économique supérieur à celui du départ, mais parce qu’elles sont mariées ou elles vivent une relation amoureuse avec un autochtone. La sphère affective transforme le projet migratoire à travers la construction d’un ancrage aussi important que celui du départ qui redessine les liens entre les générations disloqués dans l’espace.
-
[11]
Par exemple, souvent les parents chinois envoient leurs enfants séparément au pays d’origine pour qu’ils apprennent la langue, mais il se peut également que frères et soeurs vivent séparément en Italie ou en Chine.
-
[12]
Par exemples, de jeunes sri-lankais sont arrivés en Italie avec l’objectif de poursuivre leurs études en Grande-Bretagne mais face aux difficultés liées au permis de séjours, aux frais élevés des études et la non reconnaissance de leurs diplômes, ils restent en Italie. Des enfants chinois sont régulièrement envoyés en Chine pour qu’ils apprennent la langue et la culture.
-
[13]
Les études réalisées sur ces bases ont prouvé que les immigrées ont contribué à transformer la position des femmes tant au lieu de départ que d’arrivée et que les projets migratoires sont guidés par une la multitude de dimensions qui dépendent tant de la logique économique que des structures familiales, des liens de parenté et des valeurs culturelles.
Bibliographie
- AMBROSINI, Maurizio. 2008. Separate e ricongiunte : famiglie migranti e legami transnazionali. http://www.caritas.it/Documents/0/3002.pdf.
- BERTHOMIÈRE, William et Marie-Antoinette HILY. 2006. « Décrire les migrations internationales. Les expériences de la co-présence », Revue européennes des migrations internationales, 22, 2 : 67-82.
- BOCCAGNI, Paolo. 2007. « Come si misura il transnazionalismo degli immigrati ? Dalle teorie alla traduzione empirica : una rassegna metodologica », Mondi Migranti, 2 : 109-128.
- BONIZZONI, Paola. 2007. « Famiglie transnazionali e ricongiunte : per un approfondimento delle famiglie migranti », Mondi Migranti, 2 : 91-108.
- CATARINO, Christine et Mirjana MOROKVASIC. 2005. « Femmes, genre, migration et mobilité », Revue européenne des migrations internationales, 1 : 7-27.
- COLOMBO, Enzo. 2007. « Molto più che stranieri, molto più che italiani. Modi diversi di guardare ai destini dei figli di immigrati in un contesto di crescente globalizzazione », Mondi Migranti, 1 : 63-85.
- DONATO, Katharine M., Donna GABACCIA, Jennifer HOLDAWAY, Martin MANALANSAN et Patricia R. PESSAR. 2006. « A Glass Half Full ? Gender Migration Studies », International Migration Review, 40, 1 : 3-26.
- EHRENREICH, Barbara et Arlie HOCHSHILD RUSSEL (dir.).2002. Global Woman. Nannies, Maids, and Sex Workers in the new Economy. Cornell University Press.
- GLICK SCHILLER, Nina, Linda BASCH et Christina BLANC-SZANTON. 1999. « Transnationalisms : A New Analytic Framework for Understanding Migration », dans Steven ROBIN et Vertovec COHEN (dir.). Migrations Diasporas and transnationalism. The International Library of Studies and Migration.
- GUARNIZO, Luis Eduardo. 2007. « Aspetti economici del vivere transnazionale » Mondi Migranti, 2 : 7-41.
- GUARNIZO, Luis Eduardo et Michael Peter SMITH. 1998. « The locations of Transnationalism », dans Luis Eduardo GUARNIZZO et Michael Peter SMITH (dir.). « Transnationalism Form Below » Comparative Urban and Community Research. Transaction Publishers, New Brunswick and London, 6 : 3-34.
- HÉRITIER-AUGÉ, Françoise. 1991. « Famille », dans Pierre BONTÉ et Michelle IZARD (dir.). Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie. PUF, Paris : 272-274.
- ITZINGHON, José et Silvia GIORGULI-SAUCEDO. 2005. « Incorporation, Transnationalism, and Gender : Immigrant Incorporation and Transnational Participation as Gendered Processes », International Migration Review, 39,152 : 893-920.
- LEVITT, Peggy, Josh DE WIND et Steven VERVOTEC. 2003. « International Perspectives on Transnational Migration : An Introduction », International Migration Review. 38, 3 : 565-575.
- LEVITT, Peggy et Nina GLICK SCHILLER. 2004. « Conceptualizing Simultaneity : A Transnational Social Field perspective on Society », International Migration Review. 38, 3 : 1002-1039.
- MIRANDA, Adelina. 1996. Migrants et non-migrants d’une commune italienne. L’Harmattan.
- MIRANDA, Adelina. 2008. Migrare al femminile. Dinamiche culturali e appartenenza di genere in situazioni migratorie. McGraw-Hill, Milan.
- MIRANDA, Adelina. (sous presse) « Legami intergenerazionali e appartenenze transnazionali dei giovani migranti », dans Antonella SPANO (dir.). Le seconde generazioni a Napoli. Franco Angeli, Milan.
- MOROKVASIC, Mirjana. (sous presse) « Donne, migrazione e empowerment », dans Adelina MIRANDA et Amalia SIGNORELLI. Pensare e ripensare le migrazioni. Sellerio.
- PARRENAS SALAZA, Rhacel. 2001. Servants of Globalization. Women, Immigration and Domestic Work. Stanford University Press, Stanford.
- PARRENAS SALAZA, Rhacel. 2008. « Transnational Fathering : Gendered Conflicts, Distant Disciplining and Emotional Gaps », Journal of Ethnic and Migration Studies. 34, 7, septembre : 1057-1072.
- OLWING FOG, Karen. 2004. « Transnational Socio-cultural Systems and Ethnographic Research : Views from an Extended Field Site », International Migration Review. 38, 3 : 787-811.
- PORTES, Alejandro et Min ZHOU. 1993. « The New Second Generation : Segmented Assimilation and its Variants », Annals of the American Academy of Political and Social Science. 530 : 74-96.
- PUGLIESE, Enrico. 1996. « Il modello migratorio mediterraneo dell’immigrazione » Inchiesta. 133.
- REYNERI, Emilio. 1979. La datena migratoria. Il Mulino, Bologne.
- RUDOLPH, Hedwing et Mirjana MOROKVASIC. 1996. Migrants. Les nouvelles mobilités en Europe. Paris, L’Harmattan.
- SAYAD, Abdelmalek. 1999. La double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré. Seuil, Paris.
- VERVOTEC, Steven. 2004. « Migrant Transnationalism and Modes of Transformation », International Migration Review. 38, 3 : 970-1001.
- WALDINGER, Roger. 2006. « Transnationalisme des immigrants et présence du passé », Revue européenne des migrations internationales. 22, 2 : 23-41.
- ZINCONE, Giovanna (dir.). 2001. Secondo rapporto sull’integrazione degli immigrati in Italia. Il Mulino, Bologne.